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Citations de Rainer Maria Rilke (1483)


Le cri.

Le cri de l’oiseau, comme il nous saisit…
Un cri, n’importe quel, une fois fait.
Mais les enfants qui s’amusent dehors
poussent des cris déjà loin du vrai cri.

Crient le hasard. Dans les interstices
de cet espace-ci du monde (où le cri préservé
de l’oiseau passe ainsi que les hommes en rêve)
ils enfoncent les coins de leurs piailleries.

Hélas! où-sommes-nous? Toujours encor plus libres,
tels des cerfs-volants arrachés de leur fil,
nous nous ruons à mi-hauteur, frangés de boue,

déchirés par le vent. -Ordonne les crieurs,
toi, dieu du Chant! qu’ils se réveillent en bruissant,
tel le courant porteur de la tête et de la lyre.
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Il n’est que dans l’espace…

Il n’est que dans l’espace où l’on célèbre, que la plainte
peut marcher, la nymphe de la source pleurée,
veillant afin que ce qui de nous se condense
sur le même rocher demeure transparent

qui porte les autels et les portiques.
Vois, sur ses épaules tranquilles naître
l’aube de sa conscience d’être
la plus jeune parmi les sœurs dans l’âme.

Le bonheur sait et le désir avoue, —
la plainte seule apprend encore ; ses mains de jeune fille
comptent des nuits durant l’ancien désastre.

Mais tout à coup, d’un geste oblique et inexpert,
elle tient pourtant une constellation de notre voix
dans le ciel que son haleine ne trouble pas.
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Devance tous les adieux…

Devance tous les adieux, comme s’ils étaient
derrière toi, ainsi que l’hiver qui justement s’éloigne.
Car parmi les hivers il en est un si long
qu’en hivernant ton cœur aura surmonté tout.

Sois toujours mort en Eurydice — en chantant de plus en plus, monte,
remonte en célébrant dans le rapport pur.
Ici, parmi ceux qui s’en vont, sois, dans l’empire des fuites,
sois un verre qui vibre et qui dans son chant déjà s’est brisé.

Sois — et connais en même temps la condition du non-être,
l’infinie profondeur de ta vibration intime,
c’est qu’en une seule fois tu l’accomplisses toute.

Aux réserves dépensées et aux couvantes, aux muettes
réserves de la nature, à ses sommes ineffables,
ajoute-toi en jubilant, — et détruis le nombre.
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Dansez l’orange…

Retenez-le — ah, ce goût ! — qui s’échappe.
— Sourde musique : un murmure en cadence, —
Jeunes filles, vous, chaudes, jeunes filles, muettes,
du fruit éprouvé exécutez la danse !

Dansez l’orange. Qui peut oublier
comme de sa douceur se défendait le fruit,
en soi-même fondant. Vous l’avez possédé,
en vous exquisément vous l’avez converti.

Dansez l’orange. Ce pays plus chaud,
projetez-le : qu’elle rayonne, mûre,
dans l’air natal. Dévoilez, embrasées,

tous ses parfums, pour créer le rapport
avec l’écorce pure et rebelle,
avec le suc dont l’heureuse ruisselle.
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Comme un verre de Venise…

Comme un verre de Venise
sait en naissant ce gris
et la clarté indécise
dont il sera épris,

ainsi tes tendres mains
avaient rêvé d’avance
d’être la lente balance
de nos moments trop pleins.



Corne d’abondance.

Ô belle corne, d’où
penchée vers notre attente ?
Qui n’êtes qu’une pente
en calice, déversez-vous !

Des fleurs, des fleurs, des fleurs,
qui, en tombant font un lit
aux bondissantes rondeurs
de tant de fruits accomplis !

Et tout cela sans fin
nous attaque et s’élance,
pour punir l’insuffisance
de notre coeur déjà plein.

Ô corne trop vaste, quel
miracle par vous se donne !
Ô cor de chasse, qui sonne
des choses, au souffle du ciel !


Recueil : Les vergers.
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C’est le paysage longtemps…

C’est le paysage longtemps, c’est une cloche,
c’est du soir la délivrance si pure -;
mais tout cela en nous prépare l’approche
d’une nouvelle, d’une tendre figure …

Ainsi nous vivons dans un embarras très étrange
entre l’arc lointain et la trop pénétrante flèche :
entre le monde trop vague pour saisir l’ange
et Celle qui, par trop de présence, l’empêche.



C’est qu’il nous faut consentir…

C’est qu’il nous faut consentir
à toutes les forces extrêmes ;
l’audace est notre problème
malgré le grand repentir.

Et puis, il arrive souvent
que ce qu’on affronte, change :
le calme devient ouragan,
l’abîme le moule d’un ange.

Ne craignons pas le détour.
Il faut que les Orgues grondent,
pour que la musique abonde
de toutes les notes de l’amour.


Recueil : Vergers.
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Il suffit que, sur un balcon…

Il suffit que, sur un balcon
ou dans l’encadrement d’une fenêtre,
une femme hésite …, pour être
celle que nous perdons
en l’ayant vue apparaître.

Et si elle lève les bras
pour nouer ses cheveux, tendre vase :
combien notre perte par là
gagne soudain d’emphase
et notre malheur d’éclat !



Tu me proposes, fenêtre étrange, d’attendre…

Tu me proposes, fenêtre étrange, d’attendre ;
déjà presque bouge ton rideau beige.
Devrais-je, ô fenêtre, à ton invite me rendre ?
Ou me défendre, fenêtre ? Qui attendrais-je ?

Ne suis-je intact, avec cette vie qui écoute,
avec ce coeur tout plein que la perte complète ?
Avec cette route qui passe devant, et le doute
que tu puisses donner ce trop dont le rêve m’arrête ?


Recueil : Les fenêtres.
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Pays, arrêté à mi-chemin…

Pays, arrêté à mi-chemin
entre la terre et les cieux,
aux voix d’eau et d’airain,
doux et dur, jeune et vieux,

comme une offrande levée
vers d’accueillantes mains :
beau pays achevé,
chaud comme le pain !



Voici encor de l’heure qui s’argente…

Voici encor de l’heure qui s’argente,
mêlé au doux soir, le pur métal
et qui ajoute à la beauté lente
les lents retours d’un calme musical.

L’ancienne terre se reprend et change :
un astre pur survit à nos travaux.
Les bruits épars, quittant le jour, se rangent
et rentrent tous dans la voix des eaux.


Recueil : Les quatrains valaisans.
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Comme tel qui parle de sa mère…

Comme tel qui parle de sa mère
lui ressemble en parlant,
ce pays ardent se désaltère
en se souvenant infiniment.

Tant que les épaules des collines
rentrent sous le geste commençant
de ce pur espace qui les rend
à l’étonnement des origines.



Contrée ancienne, aux tours qui insistent…

Contrée ancienne, aux tours qui insistent
tant que les carillons se souviennent -,
aux regards qui, sans être tristes,
tristement montrent leurs ombres anciennes.

Vignes où tant de forces s’épuisent
lorsqu’un soleil terrible les dore …
Et, au loin, ces espaces qui luisent
comme des avenirs qu’on ignore.



Recueil : Les quatrains valaisans.
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L’aurai-je exprimé, avant de m’en aller…

L’aurai-je exprimé, avant de m’en aller,
ce coeur qui, tourmenté, consent à être ?
Étonnement sans fin, qui fus mon maître,
jusqu’à la fin t’aurai-je imité ?

Mais tout surpasse comme un jour d’été
le tendre geste qui trop tard admire ;
dans nos paroles écloses, qui respire
le pur parfum d’identité ?

Et cette belle qui s’en va, comment
la ferait-on passer par une image ?
Son doux ruban flottant vit davantage
que cette ligne qui s’éprend.



Le dormeur.

Laissez-moi dormir, encore… C’est la trêve
pendant de longs combats promise au dormeur ;
je guette dans mon coeur la lune qui se lève,
bientôt il ne fera plus si sombre dans mon coeur.

Ô mort provisoire, douceur qui nous achève,
mesure de mes cimes, très juste profondeur,
limbes de tout mon sang, et innocence des sèves,
dans toi, à sa racine, ma peur même n’est pas peur.

Mon doux seigneur Sommeil, ne faites pas que je rêve,
et mêlez en moi mes ris avec mes pleurs ;
laissez-moi diffus, pour que l’interne Ève
ne sorte de mon flanc en son hostile ardeur.



Reste tranquille, si soudain…

Reste tranquille, si soudain
l’Ange à ta table se décide ;
efface doucement les quelques rides
que fait la nappe sous ton pain.

Tu offriras ta rude nourriture
pour qu’il en goûte à son tour,
et qu’il soulève à sa lèvre pure
un simple verre de tous les jours.

Ingénuement, en ouvrier céleste,
il prête à tout une calme attention ;
il mange bien en imitant ton geste,
pour bien bâtir à ta maison.


Recueil : Tendres impôts à la France.
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Confessez-vous à vous-même : mourriez-vous s'il vous était défendu d'écrire?
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Ah ! l’effet d’une petite lune ! Jours où tout est clair autour de nous, à peine esquissé dans l’air lumineux et cependant distinct. Les objets les plus proches ont des tonalités lointaines, sont reculés, montrés seulement de loin, non pas livrés ; et tout ce qui est en rapport avec l’étendue – le fleuve, les ponts, les longues rues et les places qui se dépensent – a pris cette étendue derrière soi, et est peint sur elle comme sur un tissu soyeux. Il n’est pas possible de dire ce que peut être alors une voiture d’un vert lumineux, sur le Pont-Neuf, ou ce rouge si vif qu’on ne pourrait pas l’étouffer, ou même simplement cette affiche, sur le mur mitoyen d’un groupe de maisons gris-perle.
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Mais ici, mes chers amis, ici, je suis protégé de vous. Il faut avoir une carte spéciale pour pénétrer dans cette salle. J'ai déjà cette avance sur vous. Je marche dans les rues avec crainte, on l'imagine, mais pour finir je me retrouve devant une porte vitrée, je l'ouvre comme si j'étais chez moi, à la porte suivante je présente ma carte (exactement comme vous me montrez vos objets, avec cette seule différence que l'on me comprend, et que l'on sait ce que je veux), et puis je suis au milieu de ces livres, je vous ai échappé, comme si j'étais mort, je suis assis et je lis un poète.
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car sentir ,c'est pour nous ,se volatiliser;hélas!
notre souffle nous respire:aspire en nous et nous exhale;
flamme après flamme il s'en va ,le fumet de nous même ,
et chaque fois plus affaibli. Alors quelqu'un
peut bien nous dire:Oui tu pénètres mon sang
et cette chambre,le printemps sont tous emplis de toi...
Mais à quoi bon? Il n'a pas le pouvoir
oh de nous retenir:nous nous épuisons en lui
et pour lui. Mais eux,ceux qui sont beaux,
ah!qui donc les retient!L'apparence sans cesse,
de leur visages s’ôte et s'en va;ainsi que s'est évaporée la rosée
de l'herbe matinale,de nous s'enlève ce qui est "nous",
comme fuit la chaleur d'un plat brûlant.O sourire,où,
vers où?regard levé! s'est une onde nouvelle,chaleureuse,
et qui s'en va du coeur , et qui va s'éloignant ...
Malheur à moi ! Ce que ,nous somme , c'est cela pourtant.
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