N’ayant jamais lu les enquêtes du détective privé Heredia, j’ai profité du Mois Espagnol pour le sortir de mes étagères où il prenait la poussière depuis trop longtemps.
Comme j’avais envie de révolte, de rébellion, j’ai commencé par le dernier tome, le septième. Oui, que voulez-vous, je suis une rebelle !
Directement, ça a matché avec Heredia le bourru, détective privé qui enquête à la vitesse d’un Maigret, qui fume comme un dragon, boit comme un gosier en pente et ne lâche jamais rien dans ses enquêtes, un peu à la Montalbano…
Sauf qu’avec Montalbano, on a de l’humour et de la bonne bouffe. Notre Heredia est moins épicurien que le commissaire sicilien et son univers est bien plus sombre. La carte postale du Chili ne donne pas envie d’aller y arpenter les rues des villes (sorry, hein, Rachel !) et si avec Montalbano, tout se termine bien, on sent bien que dans l’univers d’Heredia, on risque que les méchants gagnent.
L’affaire ? Un avocat, ami d’Heredia, exécuté dans son bureau d’un côté. De l’autre, une grosse société minière pollueuse qu’il fout en l’air la nature, la santé des habitants d’un petit village et dont personne n’écoute les plaintes, les craintes.
C’est David armé d’une branchounette contre Super Goliath qui possède la puissance de feu d’un croiseur et des flingues de concours. De plus, pour ces puissantes sociétés pleines de fric et qui veulent encore en faire plus, c’est facile avec les habitants : soit elle les corrompt (au Nord, c’était les corons), soit elle menace.
Bref, que tu le veilles ou non, la société gagne. Pas possible que t’en réchappes, ils rappent tout (♫) et personne au bled n’a envie de chanter ♫ Intimidez-moi ♪ (sur l’air de déshabillez-moi) même si certains luttent et résistent, prouvant qu’ils existent.
L’univers dans lequel Heredia évolue est noir, sombre, la ville change, ses petits bistrots disparaissent, le progrès est en marche et notre détective se ferait traiter d’Hamish car il n’a pas de smartphone, même pas un bête portable et est aussi habile avec un PC qu’un cochon de sa queue. Il enquête à l’ancienne et j’ai aimé ça.
Heredia, c’est aussi un homme qui ne sait pas se décider, qui a peur de se mettre en ménage avec Doris, la commissaire de police. Il a connu des histoires d’amour et toutes se sont terminées et il a peur du changement, notre détective bourru qui possède néanmoins un grand cœur.
L’écriture de Ramón Díaz-Eterovic est un plaisir à lire et ses personnages ont une réelle dimension, de la profondeur, du réalisme. Si tout le monde parle avec son chat, jamais nous n’avons eu la chance que nos félins nous réponde, comme le fait Simenon, le chat de Heredia. Il est plein de philosophie, cet animal gourmand et dodu.
Sur le final, j’ai eu peur que l’auteur ne me réserve un coup de pute et il a osé le faire, copiant Elizabeth George et me plongeant dans un désarroi total. Là, j’ai regretté amèrement d’avoir commencé par le dernier roman et j’ai maudit l’auteur d’avoir osé…
C’est sur la pointe des pieds que j’ai quitté le détective bourru qui se faisait consoler par son chat, les laissant seuls avec leur discussion, leur peine, leur grand vide. Sans cela, je serais allée fouiller les bouquineries à la recherche d’une autre enquête de Heredia, mais là, pas le courage, pas l’envie.
Un excellent roman noir où Heredia le détective prend son temps, remontant les pistes une à une, une critique sociale et environnementale du Chili, dénonçant entre autre la corruption du système judiciaire et, entre autre, de la toute puissance des sociétés minières qui salopent partout, mais ne veulent pas se salir les mains…
Sans le coup de pute de l’auteur, c’était 4 Sherlock assurés… Pauvre Heredia, ton père littéraire devait t’en vouloir…. Heureusement qu’il te reste Simenon.
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