Festival des Utopiales à Nantes.
RENCONTRE AVEC CÉLINE GUIVARCH
Le bouleversement climatique est le plus grand défi auquel l'humanité a jamais été confrontée. Ils et elles sont de plus en plus nombreux et nombreuses à se rassembler pour le relever, comme en témoigne Céline Guivarch, ingénieure, directrice de recherches et co-autrice du dernier volet du rapport du GIEC. Rencontre avec celle qui modélise l'impact du changement climatique
Avec : Céline Guivarch
Modération : Raphaël Granier de Cassagnac
Pour la première fois depuis des mois, j'essayai d'ouvrir mon hublot. Il résista quelques minutes, grippé par la rouille. Mais finalement, l'air frais s'engouffra dans ma cellule en même temps que les bruits nouveaux qui m'avaient enchanté une heure et demie plus tôt et m'angoissaient maintenant. Je passais les épaules et la tête dans l'ouverture, bientôt rejoint par Kyra, qui dut coller son corps nu contre le mien, nu également, pour espérer voir ce qui se déroulait à l'extérieur.
Mais, s'ils ont oublié beaucoup de choses, ils en ont réappris tant d'autres. Les textes disent qu'avant l'holocauste, les hommes ne savaient individuellement rien faire pour assurer leur propre survie, qui relevait d'une charge communautaire. Ils ne savaient ni chasser, ni cultiver la terre, ni élever des animaux, ni fabriquer leurs vêtements, ni se soigner, ni produire de l'énergie : tout cela était assuré par d'autres, par la collectivité, voire par des machines.
Au crépuscule de mon existence je ressens l'absolue nécessité de coucher sur ces pages ma version des faits qui se déroulèrent de 1869 à 1870 et qui inspirèrent si profondément mon maître et néanmoins rival en écriture. Jules Verne. Quand j'en aurait terminé, j'enfermerai ce cahier dans la malle où je conserve les carnets que mes trois compagnons rédigèrent à l'époque, avec les photographies que nous fîmes alors, et les croquis que nous réalisâmes depuis. Si vous lisez ces documents, vous découvrirez l'incroyable aventure que nous vécûmes ensemble. Jules Verne, Julie Servadac, Nadar et moi-même. Une année formidable passée à naviguer dans les airs en compagnie des hommes les plus éclairés de ce temps.
L'humanité d'alors, bien qu'extrêmement riche et puissante, ne semblait pas se soucier de son avenir à long terme. A moins qu'elle n'ait eu une confiance aveugle en sa capacité à résister à toutes les menaces, qu'elles soient naturelles ou artificielles.
Immédiatement, j'essayais de lui parler. Sans succès. J'ouvris le capot pectoral. Son niveau d'énergie était au plus bas. Il était en veille. Seuls ses sens fonctionnaient. Son œil noir était comme un gouffre insondable s'abîmant quelque part dans le Processeur.
C'était une des marques de fabrique d'Eternity : dans son souci de préserver l'espèce humaine, et contrairement aux sociétés concurrentes, elle concevait des objets prévus pour durer, le plus longtemps possible.
Comment pourrait-il en être autrement, s'interrogent les deux derniers, partageant le même effarement.
En me réveillant ce jour-là, je sentis que l’aube nous avait apporté l’impossible.
Il s'est extasié à plusieurs reprises devant ces trésors pour lui perdus : des oiseaux, des crocodiles, un banc de dauphins, la forêt luxuriante, quelques ruines humaines, à peine visibles.
Salim, il faut que vous sachiez que chez nous, c'est Caïn [une I.A.] qui décide de qui se reproduit avec qui, pour fabriquer les Éternautes les plus performants possibles, et préserver la diversité de l'espèce.
Nous n’avons jamais rien fait d’autre que proposer notre vision des choses. Vous y avez adhéré au-delà de toutes nos attentes et je pense évidemment que cela était juste. Mais plutôt que vénérer l’idée, vous avez préféré adorer son prétendu auteur. Là est votre erreur. L’erreur fréquente d’une époque dans laquelle les apparences comptent plus que la réalité.