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Critiques de René Sieffert (14)
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Le Sac à charbon

Lorsqu’on aime les haikus, lire Bashô est un incontournable. Poète japonais du XVIIe siècle, Bashô a consacré sa vie à cette poésie fugace et concise du quotidien. A la recherche de la simplicité, il parle du temps qui passe et de la beauté des choses humbles qui nous entourent et qu’on ne voit plus. Son regard de poète donne une autre dimension aux choses du quotidien



« Sur le séchoir de bambou

Le pongée couleur de thé

Roulé par le vent »



Dans « le sac à charbon », on découvre des haikus mais également des hokku et des renku. Trois jeunes poètes, disciples de Bashô, Rigyû, Yaba et Ransetsu, mêlent leur voix à celle du maitre et nous offrent des regards différents sur les mêmes thèmes. Comme, par exemple, un coucou.

Bashô écrit :

« Cachées par les arbres

Les cueilleuses de thé auront

Ouï le coucou »

Tandis que Rigyû écrit :

« Le coucou chante

Et chante tandis que le vent

Tourne à la pluie »



Les poèmes sont présentés sur la page de droite tandis que celle de gauche propose des explications et nous éclaire sur la civilisation japonaise et sur le bouddhisme qui a eu une influence sur l’œuvre de Bashô.

« Mince comme un fils

Environ le premier jour

La lune du soir. » (Rigyû)



L’humour aussi est présent

« Sur le dos d’un moine un manteau

De pluie voilà qui est cocasse. « (Kikaku)



Il y a deux lectures pour ce recueil : soit une lecture complète en lisant les commentaires, soit une lecture limitée à la forme poétique pour se laisser bercer par le rythme. Chaque lecteur trouvera celle qui lui convient le mieux.

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De cent poètes un poème

Une belle découverte venue du Pays du Soleil Levant !



De cent poètes un poème (Hyakunin isshu) est un recueil de tankas (littéralement Chants courts en japonais) écrits entre le VIII ème et le XII ème siècle, compilés par un homme de lettres, un certain Fujiwara Teika (1163-1241), qui les avait regroupés en réponse à une commande que lui avait faite un dignitaire désireux d’en orner les shoji (panneaux en bois coulissants constitués de papier translucide) de sa riche demeure à Kyôto.



Encore très prisés aujourd’hui dans la culture japonaise, au même titre que les haïkus, à l’écriture codifiée (ils sont composés de 31 syllabes en forme 5-7-5-7-7 sur cinq vers), les tankas étaient au VIII ème siècle souvent écrits dans le cadre de concours de poésie organisés par la Cour et la noblesse. Les auteur(e)s des poèmes réunis dans ce recueil ont pour la plupart une charge, un titre de distinction.



Considérée comme la forme la plus raffinée de la poésie japonaise, les tankas ne comportent pas de rimes et doivent, par le seul jeu des syllabes, sonner agréablement à l’oreille. À l’origine, on ne lisait les tankas qu’en les fredonnant, en les chantant.



« Quand le jour se lève

La nuit ne tardera guère

J’ai beau le savoir

La lueur du point du jour

Ne m’en est pas moins odieuse »



(Fujiwara no Michinobu no Ason)



Pour la petite histoire, devenus très populaires au fil des siècles, les tankas furent imprimés sur des cartes à jouer et restèrent jusqu’à aujourd’hui, un jeu pratiqué par tous les Japonais, petits et grands. Les karuta (ainsi nommées les cartes du jeu), invitent les joueurs à retrouver l’autre moitié d’un tanka sur une carte mêlée à toutes les autres. On ne s’étonnera pas du très grand attachement des Japonais à la poésie et à sa tradition.



Cela a été une agréable surprise de lire De cent poètes un poème. Les tankas, dans leur style concis, plein d’allusions et de symboles, placés chacun en vis-à-vis d’une magnifique calligraphie de Sôryû Uésugi, la traduction et les notices précieuses de René Sieffert, tout dans ce recueil se complète à merveille pour souligner la beauté des thèmes présents dans les tankas : les saisons, l’amour (et ses peines), le souvenir, la nature et le voyage.



« Voilà bien longtemps

Que le bruit de la cascade

S’est interrompu

Seul son renom jusqu’à nous

A suivi le cours du temps »



(Le Grand Conseiller Kintô)



Il est étonnant que les tankas et leur tradition ne connaissent pas chez nous le même intérêt, le même engouement que les haïkus. La très belle édition De cent poètes un poème rétablit un peu ce manque. Espérons qu’il soit suivi d’autres livres capables de nous émouvoir, de nous ouvrir un peu plus à cette poésie intemporelle, venue du beau Soleil Levant.



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Le Dit des Heiké

Votre frère aîné (ou tout membre plus âgé que vous de votre famille) a-t-il un jour essayé de former votre culture général ? Si oui, vous êtes probablement passé par quelques moments pénibles, mais au final avec un peu de chance vous vous sentez redevable.



C’est à peu près ce qui m’est arrivé avec ce livre-là. Le ‘Heike monogatari’ ou ‘Dit des Heike’ est la traduction rigoureuse et méthodique d’une chronique japonaise médiévale, racontant la deuxième phase de l’affrontement entre les clans Taïra et Minamoto.



Petit précis d’histoire japonaise. Au XIIème siècle, l’empereur n’est qu’une marionnette. Tous les pouvoirs sont entre les mains des nobles du clan Fujiwara. Mais la tension grandit entre ces derniers et les samouraïs, dont ils essayent de limiter la montée en puissance. Les deux principaux clans de samouraïs, les Taïra et les Minamoto, décident donc de s’unir pour contrer les Fujiwara. C’est la guerre de Hogen, qui possède sa propre chronique. Mais une fois arrivés au pouvoir, Taïra et Minamoto se disputent. Nouvelle guerre, nouvelle chronique : le ‘Heiji monogatari’. A l’issu, les Taïra sont victorieux et s’emparent du pouvoir; les Minamotos sont vaincus, leur chef doit se faire seppuku, ses enfants sont exilés en province. Le ‘dit des Heike’ raconte la vengeance de ceux-ci contre les Taïra.



Autant le dire tout de suite, c’est une lecture plutôt ardue. Un monde très différent du nôtre, régi par des codes et une logique propre. Léger détail qui n’aide pas, chaque personnage historique – et il y en a beaucoup – est appelé indifféremment par son nom, son titre de noblesse ou sa fonction à la cours. Se rappeler que Taira no Shigemori est aussi seigneur de Komatsu et ministre du Centre prend déjà un certain temps ; faire la même gymnastique avec une trentaine d’autres ça devient carrément compliqué ! Si vous ne pouvez pas compter sur la mémoire photographique de votre grand-frère, faites-vous une fiche.



Mais si vous persistez dans vos efforts, vous vous offrirez une splendide plongée au cœur du Japon médiéval, sans influence ni pollution d’aucune sorte. Vous découvrirez une noblesse raffinée, qui fait des parties de ping-pong avec ses flèches pendant les batailles, et pour qui descendre de son char à bœuf par l’avant est le début de la grossièreté. Un monde de complot, d’intrigues et de passions, à comparer à notre propre Moyen-âge.



Il faudra par contre de l’imagination pour réussir à tracer une filiation avec les modernes mangas ; mais quand on regarde les successions de rebondissements et le côté roman-fleuve, on discerne une certaine influence. Certains de ses personnages furent également une grande source d’inspiration.
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De cent poètes un poème

Des cailloux ou des joyaux dans cette rivière poétique de 100 pièces.

Si les images conventionnelles du haut Moyen-Age ne nous touchent plus toujours, les accents passionnés qui se dégagent de certaines formules ou de certains vers sont encore bien actuels.

Un recueil dans lequel on peut piocher à tout instant et dans lequel on trouve à rêver...
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Le dit de Hôgen, le dit de Heiji : Cycle épique ..

Quelle chance de pouvoir allier deux passions en un seul ouvrage : Histoire et Littérature ! Les siècles ont passé, et les personnages nous semblent pourtant toujours bien vivants. Ce qu’aujourd’hui le cinéma fait avec de grands moments d’Histoire, le dit de Hogen et de Heiji le faisait déjà avec tout autant de rythme ! Minamoto et Taira n’auront plus de secrets pour vous !

Le lecteur pourra peut-être se perdre dans les intrigues politiques qui concernent les clans et la famille impériale : il devra alors certainement se documenter un peu sur le statut d’empereur et celui des empereurs retirés et accompagner sa lecture de notes pour profiter au maximum de l’Histoire. Un petit plan de la ville Heian-kyô (ancienne Kyoto) aisément trouvable sur internet vous facilitera également la tâche ;)
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Histoire de Benkei

Dans l'imaginaire de la société japonaise, il n'est pas de personnage plus populaire que Minamoto no Yoshitsune (1159-1189), le jeune héros du Dit des Heike. Ce récit épique raconte le conflit, qui pendant une vingtaine d'années opposa les deux chefs de clan guerriers des Heike et Minamoto. Musashibo Benkei est le compagnon inséparable de Minamoto. Il est doté d'une force peu commune, d'une science et d'une dialectique redoutable. La truculence de ce guerrier et son impudente mauvaise foi sont au service de la bonne cause. Sa popularité en fait une des personnage principal du théâtre Nô.



Si vous aimez les contes avec un langage suranné, des hauts faits invraisemblables et l'histoire du Japon, ce court récit est pour vous. Très détaillé sur les mœurs et les coutumes du japon féodal, il permet aussi de visualiser très concrètement les costumes, bâtiments et autres éléments de cette époque. Un moment de lecture rafraichissant.
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Le dit de Heichû : Heichû monogatari

Comme le précise René Sieffert, traducteur et préfacier du texte, le dit de Heichû est presque un roman : "un chaînon manquant dans l'histoire de la genèse du récit romanesque". En effet ce n'est pas vraiment un roman (il n’y a pas de continuité narrative), mais une suite de textes qui peuvent se lire indépendamment, et au sein desquels sont insérées des poésies.

Le texte, daté du X° siècle, relate les aventures amoureuses de Heichû, lieutenant de garde, de son vrai nom Taïra no Sadafumi, véritable séducteur, qui essaie - il ne réussit pas toujours, loin de là ! - suite en général à l'envoi d'un poème, au moins, de rencontrer... la femme qu'il a "repéré".



Les chapitres sont plus ou moins courts, d'une demi-page à sept pour le plus long ; la structure est assez répétitive (une description assez rapide installant la situation, suivi d’une correspondance, sous forme de poèmes ; puis une conclusion).



Un passage pour exemple :

« Ah que vienne le soir, impatiemment je l’attends ! » lui écrivait-il, et comme en réponse elle lui faisait savoir que ce soir-là des gens qui étaient de veille seraient plus nombreux que d’ordinaire, et que donc « pour la nuit la garde de la barrière était renforcée », l’homme :

A la barrière

d’Ausaka si l’on renforce

la garde de nuit

quand le jour sera tombé

que puis-je donc espérer

Et la femme en retour :

La nuit malgré tout

fût la garde renforcée

je suis confiante

quand elle sommeillera

vous saurez passer j’espère

...



Si certains des textes sont trop courts pour donner un réel plaisir, il est plaisant de lire ce qui ressemble parfois à des joutes poétiques (bien que certaines tournures poétiques m'ont été difficiles à comprendre…)

Ces nouvelles constituent un jalon essentiel de l’histoire de la littéraire japonaise.
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Le dit de Hôgen, le dit de Heiji : Cycle épique ..

Le dit de Hogen et le dit de Heiji sont deux textes japonais du XIIIème siècle. Ils relatent des évènements survenus au XIIème siècle : la révolte de Hogen et la rébellion de Heiji. Deux textes fondamentaux du Japon notamment pour connaitre les pratiques des samouraïs. On y découvre des protagonistes ambitieux et rivaux au sein de quatre grandes familles : la famille impériale qui règne, les Fujiwara leurs conseillers et les Minamoto et les Taira, deux familles guerrières. Les tensions et ambitions vont entraîner deux révoltes fratricides qui entraineront la chute des uns et le succès des autres.



Quelle chance d'avoir cet ouvrage traduit en français ! René Sieffert nous permet ainsi de plonger aux sources de l'histoire japonaise dans un ouvrage qui ravira les amateurs de samouraïs. Ces épisodes de la guerre entre Taira et Minamoto ont marqué l'histoire du Japon mais aussi des arts puisque de nombreux artistes se sont inspirés de ces écrits pour les traduire en peintures et estampes.

L'introduction est très bien faite et permet de comprendre le contexte et les personnages. C'est assez difficile d'assimiler l'ensemble de ces informations et je conseille de noter dans un tableau/marque page les personnages des deux camps. Le récit est prenant et on suit la lutte de ces familles, souvent tragique, entraînant la mort de frères, fils, sœurs, etc... J'ai été marqué par la notion d'honneur des personnages et surtout de cette pratique à décapiter les ennemis ou alliés pour conserver les têtes, je pensais que cela se faisait plus tardivement. Marqué aussi par les pratiques guerrières et notamment le fait de se présenter avant le combat qui m'a rappelé dans une certaine mesure les textes de Homère.



Enfin je recommande cet ouvrage, passez outre le style ancien et vous aurez une belle découverte ! Je continue avec le troisième tome le dit de Heiké !
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La littérature japonaise

Livre érudit qui embrasse l'histoire de la littérature japonaise sous toutes ses formes (poésie, chant, théâtre, journal, conte, chronique, roman...) du VIIIème siècle jusqu'à la fin des années 60, de Nara à Tokyo, de l'influence chinoise à l'influence occidentale en passant par de longues périodes de repli sur soi.
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Les religions du Japon

Un livre essentiel pour comprendre les religions japonaises. René Sieffert compte parmi les grands spécialistes de la culture japonaise.
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Le dit des Heiké : Cycle épique des Taïra et des ..

Suite et fin des aventures entre les Taïra et les Minamoto. Dans les ouvrages précédents, les Minamoto ont presque tous été exterminés et ne sont plus que 3 enfants exilés. Le pouvoir est dans les mains de Kiyomori, grand ministre qui impose la politique, les alliances, les mariages y comprit de la famille impériale. Dans un contexte de fin du monde pour les habitants puisque plus rien ne va entre abus de la classe dominante, signes de la nature et grands affrontements. A la mort de Kiyomori, Kyoto se déchire et les intrigues politiques se révèlent. C'est finalement Minamoto no Yoritomo qui en sort vainqueur et va pouvoir faire entrer le Japon dans une nouvelle ère en devenant Shogun.



Un livre qui compte parmi les sources anciennes et les textes fondateurs du Japon. Si le dit de Hogen et de Heiji était court et fluide, ici c'est l'inverse. La moitié du livre correspond à l'ascension de Kiyomori et au placement de ses familiers aux postes importants. La lecture est compliquée, les personnages ne sont nommés que par leurs grades et, même avec une fiche récapitulative des noms et fonctions on est très vite perdu devant la quantité de personnages. C'est dommage car on a du mal à savoir de qui on parle. De plus le début du roman est rempli de retour et comparaison avec d'autres pays et d'autres évènements qui ne sont pas faciles à recontextualiser. Toutefois au bout de la moitié de l'ouvrage, les conflits débutent et l'histoire se fait beaucoup plus fluide et sans retour en arrière. La lecture est beaucoup plus entrainante et intéressante et on se rend bien compte de la richesse de l'ouvrage et de ce monde sans cesse perturbé par les choix des hommes. On assiste à des trahisons, complots, luttes fratricides et autre qui contribuent à faire de ce livre une histoire épique.



Je le recommande aux amateurs du Japon féodal, un gros livre mais indispensable !
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Le dit de Heichû : Heichû monogatari

Le dit de Heishû nous raconte l'histoire de Heichû, un noble qui gravite dans l'entourage élargi de la cour impériale. Ecrit au Xe siècle, ce texte préfigure les premiers romans Japonais comme le dit de Genji. Ici, à travers de court poèmes, les aventures aventures amoureuses de Heichû nous sont racontées. Coureur de jupons, notre héros est souvent éconduit par les femmes, mais il ne se décourage pas pour autant et revient toujours à la charge...



Ce livre n'est pas vraiment un roman car il manque de liant entre les aventures du héros. La lecture n'est pas aisée du fait de la composition de l'ouvrage où s'entremêlent les échanges de poèmes entre Heishû et ses dames. Les histoires, parfois coquassent, sont courtes (deux pages en général) et s'enchaînent (40 au total). Elle sont trop courtes pour avoir un grand intérêt. Finalement l'intérêt de ce livre réside surtout dans son ancienneté, écrit il y a plus de 1000 ans.



Clairement pas un indispensable sauf pour les amoureux de poésie.
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De cent poètes un poème

De cent poètes un poème, ou, car le titre japonais originel est fréquemment utilisé même de par chez nous, le Hyakunin isshu (ou Ogura hyakunin isshu, mais la forme abrégée est plus fréquente), est une anthologie de la poésie japonaise classique très particulière. On s’accorde généralement pour dire qu’elle a été compilée, vers 1235, par Fujiwara no Teika, le plus grand poète de l’époque de Kamakura, également le compilateur de la grande anthologie officielle d’alors, le Shin kokin wakashû (« nouveau recueil de poèmes japonais d’hier et d’aujourd’hui »). Le Hyakunin isshu relève davantage de la compilation privée… mais a connu une postérité des plus étonnante.







En effet, ces cent poèmes de cent poètes japonais, dont certains remontent à l’anthologie originelle du Man.yôshû, tandis que d’autres sont contemporains de Teika lui-même, mais la majorité renvoient à l’époque de Heian (un tiers environ de ces cent poètes appartiennent au clan Fujiawara, comme Teika lui-même, si à son époque cette très abondante famille ne gouverne plus le Japon depuis pas mal de temps déjà), ces cent poèmes donc ont bientôt orné des cartes (dont vous pouvez voir des exemples datant de Meiji ici, mais il y en aurait d'autres ; Teika lui-même semblait avoir procédé ainsi, dans un but décoratif), et la compilation poétique est finalement devenue… un jeu, également appelé Hyakunin isshu, toujours pratiqué de nos jours, et qui repose sur la mémoire et la vitesse.







Ces cent poèmes sont des tanka, donc des poèmes courts au rythme impair, composés de cinq vers, d’abord trois de cinq, sept et cinq syllabes, puis deux de sept syllabes chacun, pour un totale de 31 syllabes. Chaque poème est coupé en deux, un « tercet » et un « distique » ; quelqu’un lit le « tercet », et les joueurs, qui ont les cent cartes de « distiques » sous les yeux, étalées sur un tatami ou une table, doivent identifier la carte portant les deux vers qui complètent le poème. Le jeu du Hyakunin isshu est à l’origine associé aux festivités de la nouvelle année, mais il en existe des compétitions, y compris à l’échelle nationale, et on en trouve donc souvent des clubs dans les lycées, etc. Beaucoup de Japonais, même adultes, sont encore capables de réciter sans l’ombre d’une hésitation certains au moins des cent poèmes compilés par Teika, pour avoir joué en leur temps au Hyakunin isshu, envisagé comme un amusant outil pédagogique.







Ceci étant, savoir reconnaître un poème ne signifie pas nécessairement le comprendre. Ces tanka remontent souvent à mille ans de cela, voire davantage, et sont associés à une aristocratie de cour dont la culture n’a pour ainsi dire pas grand-chose à voir avec le Japon contemporain. En outre, leur compilation, semble-t-il donc par Teika, complique encore un peu la donne, car la poésie de Kamakura, qu’il incarne, prisait par-dessus tout la subtilité, l’allusion, le yûgen (profondeur mystique, ou mystérieuse), autant de notions très hermétiques pour un lecteur contemporain – c’est vrai pour un Japonais, alors pour un Français…







En fait, ce goût de la subtilité et de l’allusion a eu un effet pervers : une sorte d’affectation qui, en dépit de la mise en avant du yûgen, notion primordiale mais dont les contours peuvent paraître un peu flous, en fait plus ou moins une casuistique, une sorte d’affectation donc qui ne s’éloigne parfois guère de l’exercice de style. Gaston Renondeau le mentionnait dans son Anthologie de la poésie japonaise classique, mais c’est un trait souvent souligné chez d’autres auteurs, traducteurs et commentateurs également. On attend en effet du bon poème qu’il fasse référence à d’autres plus anciens (la citation est bienvenue, l’idée de plagiat ne fait pas vraiment sens, même si c’est la variation qui est encouragée, et l'allusion plutôt que la référence explicite), et qu’il comprenne des « jeux de mots », outre l’emploi de termes et d’images connotés pour désigner la saison, etc.







Tous ces poèmes ne brillent d’ailleurs pas par la spontanéité et la sincérité des sentiments, et c’est peu dire : nombre d’entre eux ont été composés dans le cadre des uta awase, compétitions poétiques officielles, auxquelles l’empereur lui-même prenait régulièrement part ; un juge ou un jury tranchait (on dispose de nombreux commentaires de Teika exerçant cet office, d’ailleurs), disant qui, de l’équipe « de gauche » ou « de droite » l’avait emporté, et pourquoi – en fonction de ces mêmes critères, la subtilité, l’allusion, le yûgen.







La traduction française n’arrange à vrai dire pas notre affaire. Il en existe plusieurs, au moins quatre, et il se trouve en fait que j’en avais déjà lu (et relu) une, dans Mille Ans de littérature japonaise, par Ryôji Nakamura et René de Ceccatty (qui avaient eu recours à des alexandrins, sauf erreur) ; celle-ci est due à l’incontournable René Sieffert – et je vous renvoie à ce que je disais concernant le rendu archaïsant dans ma récente chronique des Notes de l’ermitage de Kamo no Chômei. Ici, pour le coup, la langue est assurément élégante (et plus pertinente, je suppose, que la précédente traduction mentionnée – en fait, des différentes traductions françaises, c’est sans doute de loin la meilleure), mais aussi vraiment très, très contournée – ce qui contribue à rendre plus hermétiques encore des poèmes qui l’étaient déjà à la base…







Et, à vrai dire, les brefs commentaires, également dus à René Sieffert, qui accompagnent chaque poème, sont certes bienvenus (indispensables, même), mais pas toujours si éclairants que cela. Surtout, ai-je l’impression, ils soulignent souvent le caractère convenu de tel « jeu de mots » (matsu qui signifie à la fois « le pin » et « attendre », etc.), telle allusion à tel poème classique, les manches qui sont mouillées, j’en passe et des meilleures (?). L’impression de l’exercice de style en est souvent renforcée, qui ne contribue guère à l’appréciation des poèmes pour eux-mêmes.







Pour autant, ce n’est pas une lecture désagréable – d’autant que c’est un très, très beau livre. Sur un papier très épais (façon Canson), chacun de ces cent poèmes est traité sur une double page : sur celle de gauche, en haut, nous trouvons le poème en français (c’est là mon seul petit regret : j’aurais apprécié d’avoir également le texte japonais, en kanji et kana – j’ai cru comprendre que c’était le cas dans une autre édition de cette même traduction, pourtant), en bas quelques (brefs) commentaires de René Sieffert ; et sur celle de droite, nous avons une calligraphie en noir et blanc (mais avec le cachet de l’artiste en rouge), due à Sôryû Uésugi, et qui constitue d’une certaine manière elle-même un commentaire, en associant, de manière générale, deux caractères (si j’ai bien compris – je ne pige rien à la calligraphie…), qui répondent au poème, et dont la traduction française à son tour, en principe sous la forme de phrases nominales, figure en bas de page.







En fait, cette calligraphie produit, j’imagine, un effet similaire à celui des poèmes, sur votre ignare de serviteur : c’est beau – je n’y comprends rien, mais c’est beau…







Ceci étant, dans mon approche un peu timide et perplexe de la poésie japonaise, De cent poètes un poème n’est certes pas la lecture la plus convaincante et enthousiasmante – loin de là. Il me faudra peut-être y revenir, avec davantage de bagage… Mais il est bien trop tard pour le jeu – pas grave ! Déjà que j’ai du mal à retenir ces [scrogneugneu] de kanji…
Lien : http://nebalestuncon.over-bl..
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Histoire de Benkei

Comme son titre l'indique, cet ouvrage nous raconte les aventures de Benkei, personnage extravagant de la littérature japonaise. Tantôt représenté comme un géant, tantôt comme un ogre, il est surtout connu pour sa rencontre avec Yoshitsuné no Minamoto et leur affrontement sur le pont de la 5ème avenue de Kyoto. Ici on découvre Benkei, de sa naissance extraordinaire jusqu'à ses premières aventures avec Yoshitsuné et son envie de vengeance contre les Taïra, responsables de l'élimination de la quasi totalité de la famille de Yoshitsuné, comme raconté dans le dit des Heiké.



Ce livre s'inscrit dans la lignée de ceux traduit par René Sieffert et est une suite parfaite au dit des Heiké. L'histoire de Benkei est un texte écrit entre le XIVème et le XVIème siècle, redécouvert en 1992 sous le titre de Benkei monogatari (les monogatari sont des récits épiques et de batailles du japon féodal). Le texte est trop court pour être un indispensable contrairement au dit de Heiji ou de Heiké. Toutefois ce personnage a tellement marqué le Japon que c'est plaisant d'avoir une de ses histoires (car il en existe plusieurs) traduite en français. Un grand merci à René Sieffert à titre posthume.

Toutefois c'est dommage que nous ne puissions avoir accès en français à l'autre ouvrage phare de la vie de Benkei, le Gikeiki ou "chronique de Yoshitsuné" ou a d'autres monogatari plus importants (comme le dit des frères Soga par exemple, que font les éditeurs français !).



A recommander à tous les amateurs de la littérature japonaise, vous y découvrirez un personnage téméraire et insolent mais surtout haut en couleurs !
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