Payot - Marque Page - René Sieffert - Journal
Ce jour de printemps
à la lumière sereine
du soleil pérenne
pourquoi donc impatientes
les fleurs se dispersent-elles
Ki no Tomonori
33- Cette composition chante la dispersion des fleurs de cerisier. Le thème de la précarité des fleurs de cerisier que la moindre pluie, le plus léger souffle de vent suffisent à disperser, est présent à travers toute la littérature classique; en prose comme en vers, il symbolise l'universelle impermanence de toute chose, et singulièrement de la vie de I'homme.
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Un homme digne de porter l'arc et les flèches doit savoir, dans les moindres occasions, prononcer des paroles dont on se souvienne le moment venu ! Or voici ce que disait Saïto Bettô chaque fois qu'il rencontrait Kanémitsu : « Quand, la soixantaine passée, il me faudra affronter les combats, je saurai me rajeunir en teignant mes tempes et ma barbe. La raison en est que, s'il serait pueril de vouloir disputer le pas aux jeunes gens pour se trouver au premier rang, il n'en serait pas moins mortifiant de se voir dédaigner parce qu'on est un vieux guerrier ! ».
« Pourquoi ne laves-tu que tes oreilles ? demanda-t-il ! – Parce que j’ai entendu une histoire funeste, je me lave les oreilles, dit Kyokû. – Quelle histoire ? demanda l’autre. – J’ai été par trois fois mandé par l’Empereur, qui voulait de moi faire le maître des Neuf Provinces ! Quelle nouvelle pouvait être pire pour moi ? » dit-il, et lors voici que le paysan : « Lorsqu’un sage fuit le monde, il fait ainsi que l’arbre Kaïshô. Comme cet arbre se dresse sur la pente abrupte d’un val profond, il n‘est de chemin pour y aller d’en bas, ni de moyen de l’atteindre d’en haut. De sorte que l’on ne peut en faire une poutre pour quelque monument. Si tu prétendais fuir le monde, c’est au plus profond des montagnes qu’il fallait te retirer. Qu’est-ce à dire ? Fuir le monde en un lieu où demeurent bœufs et chevaux ? C’est encore s’attacher à la gloire ! Et dans ce cas, si je faisais boire à mon bœuf l’eau dont tu te laves les oreilles, ce serait le souiller ! » dit le paysan, et il emmena son bœuf, dit-on.
[Le Dit de Heiji]
Jadis un chef de guerre qui quittait la capitale pour aller détruire des ennemis de l'Empereur, devait observer trois préceptes : du moment qu'il recevait le sabre de commandement, oublier sa maison ; quand il quittait sa maison, oublier femme et enfants ; et sur le champ de bataille quand il combattait l'ennemi, s'oublier soi-même.
La fleur qui semblait
dans la paix épanouie
les années passant
est pareille désormais
à la lune à son couchant
Une parole vite échappée appelle malheur. Ne point surveiller ses paroles est la voie de la ruine !
Ce monde où vieux ni jeune n'est assuré de son sort, non plus ne dure qu'étincelle jaillie de la pierre à feu. Un homme vécût-il vieux, il est rare qu'il passe soixante-dix ou quatre-vingts années. Et de tout ce temps, celui de sa pleine force ne dure qu'une vingtaine d'années à peine. En ce monde de rêve et d'illusion, pourquoi vivrais-je ne fût-ce qu'un instant avec une femme qui déplairait ? Et si je persistais à vouloir celle qui me plaît, c'est à mon père que je devrais désobéir. Ceci m'aura amené à la connaissance ! Soit donc, je vais répudier ce monde de misère et m'engager sur la voie de la vérité !
Sur une maison prospère, pensions et rangs s'accumulent, mais quand un arbre fructifie deux fois l'an, c'est toujours au détriment de ses racines.
Messire Nobuyori qui jusque-là affichait des airs avantageux, dès qu'il eut entendu le cri de guerre, changea de couleurs et devint vert autant que feuilles d'herbes, et quand il descendit l'escalier du sud, ses genoux tremblaient tant qu'il faillit tomber.
Fleurs du cerisier
Par les ondées du printemps
Déjà délavées
Par mes pensées inutiles
Mes charmes le sont aussi
Ono no Komachi