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Citations de Robert M. Pirsig (66)


Démolir une usine, se révolter contre un gouvernement, refuser de réparer une moto, c'est s'attaquer aux effets et non aux causes. Et tant qu'on ne s'attaquera qu'aux effets, rien ne changera vraiment. Le vrai système, c'est notre système de pensée, c'est la rationalité elle-même. Qu'on détruise une usine en laissant debout le système de pensée qui l'a produite, celui-ci reconstruira une nouvelle usine. Qu'une révolution détruise un gouvernement en laissant intacts les modes de pensée qui lui ont donné naissance, on les retrouvera dans le gouvernement suivant. On parle beaucoup de système, mais on ne sait pas de quoi on parle.
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Elle est partout, maintenant, la solitude, plus intense dans les grandes villes côtières de l'Est et de l'Ouest, où les gens sont entassés les uns sur les autres. On pourrait s'imaginer que les habitants de l'Idaho, du Montana, du dakota, où la population est si dispersée, souffriraient de la solitude plus que personne. Je n'en ai pas eu l'impression.
La distance matérielle qui sépare les individus n'a rien à voir avec la solitude. C'est la distance psychique qui compte. Dans le Montana ou dans l'Idaho, les distances matérielles sont immenses, mais les gens sont proches en esprit. Ici, c'est l'inverse.
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Reparlons un peu du couteau de Phèdre. Chacun de nous, comme lui, manie ce couteau, pour diviser le monde en éléments et rebâtir une structure. A chaque instant, nous éprouvons des millions de sensations diverses, dont nous sommes plus ou moins conscients/ des collines brûlées, le bruit du moteur, les vibrations de la machine; chaque rocher, chaque plante, les barrières, les détritus au bord de la route. Nous percevons tout cela, mais nous n'en prenons pas vraiment conscience, sauf si nous avons à réagir à une sollicitation inhabituelle. Nous ne pouvons prendre conscience de tout ce qui est, notre esprit serait surchargé de détails inutiles, cela rendrait toute pensée impossible. Nous devons trier parmi nos perceptions, et le résultat de ce tri que nous appelons "conscience" n'est jamais identique à nos perceptions: parce que en triant nous modifions le réel.Nous prélevons une poignée de sable dans le paysage infini qui nous entoure - et nous la baptisons: monde. C'est sur ce monde que nous appliquons le processus de discrimination. Nous divisons le sable en petits tas: l'ici et l'ailleurs, le blanc et le noir - l'hier et l'aujourd'hui.
Notre poignée de sable semble uniforme - mais plus nous la regardons, plus elle apparaît diverse. Chaque grain est différent des autres.
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Les voyages à moto vous font voir les choses d'une façon totalement différente. En voiture, on est enfermé. Parce qu'on y est habitué, on ne se rend plus compte qu'à travers les vitres on ne voit pas mieux le paysage qu'à la télé. On n'est plus que le témoin passif d'un spectacle ennuyeux, figé.

En moto, plus d'écran. Un contact direct avec les choses. On fait partie du spectacle, au lieu d'être un simple spectateur. Le ruban de béton, qui se déroule en sifflant à dix centimètres sous vos pieds, c'est vraiment un ruban de béton. Son image reste floue, mais à tout moment on peut le toucher du talon, tout reste accessible à la conscience immédiate.
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Je me sens heureux d'être arrivé ici- et un peu triste en même temps. Parfois, mieux vaut voyager, qu'arriver.
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Ce qui me paraît important, c'est le Chautauqua, voilà le seul mot que j'ai trouvé pour exprimer ce que j'ai en tête. On appelait Chautauqua, autrefois, les spectacles ambulants présentés sous une tente, d'un bout à l'autre de l'Amérique, de cette Amérique où nous vivons. C'étaient des causeries populaires à l'ancienne mode, conçues pour édifier et divertir, pour élever l'esprit par la culture. Aujourd'hui, la radio, le cinéma et la télévision ont supplanté le chautauqua. Il me semble que ce n'est pas vraiment un progrès. Mais peut-être le courant de la conscience va-t-il plus vite, à l'échelle de la nation? Dans le chautauqua qui commence ici, je ne veux pas ouvrir de nouvelles voies à la conscience, mais simplement creuser un peu davantage les anciens chenaux, comblés par des débris de pensées poussiéreuses et de platitudes indéfiniment répétées. "Quoi de neuf ? ", voilà une question éternelle, toujours intéressante, toujours enrichissante ! Mais si l'on en reste là, il n'en résulte qu'un étalage de trivialités à la mode, le tout-venant de demain. J'aime mieux cette autre question : "Qu'est-ce qui est mieux ? " - question qui va en profondeur et qui permet d'atteindre la mer. Il y a dans l'histoire de l'humanité des époques où les chemins de la pensée ont été tracés si fort qu'aucun changement n'était possible et que rien de neuf n'arrivait jamais. Le "mieux" était alors affaire de dogme. Ce n'est plus le cas. De nos jours, le courant de la conscience collective semble déborder, perdre sa direction originelle, inonder les terres basses, séparer et isoler les hautes terres - sans autre finalité que l'accomplissement stérile de son propre élan. C'est ce chenal qu'il convient aujourd'hui de creuser.

(P20)
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[L]'histoire de la science n'est qu'une suite d'explications, toujours renouvelées et modifiées, de faits anciens et immuables. La longévité d'une explication ne s'explique pas. Certaines vérités scientifiques semblent durer des siècles, d'autres moins d'une année. La vérité scientifique n'est pas un dogme valable pour l'éternité – mais une entité temporelle et qu'on peut étudier comme n'importe quel phénomène.
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Dans la littérature zen, mais aussi dans les récits de toutes les grandes religions, on trouve des voyageurs parcourant ainsi les montagnes. L'allégorie est facile entre la montagne et l'obstacle spirituel que tout âme doit franchir pour atteindre le but de sa quête. Comme ceux que nous laissons derrière nous, dans la vallée, la plupart des gens demeurent toute leur vie au pied des montagnes de l'esprit, sans chercher à les gravir. Ils se contentent d'écouter le récit de ceux qui les ont vaincues; ils évitent ainsi les difficultés de l'ascension. D'autres partent dans la montagne, accompagnés de guides expérimentés et qui connaissent les voies les meilleures, les moins dangereuses. D'autres encore, sans expérience, et se méfiant des guides, s'efforcent de trouver des itinéraires inédits; bien peu y parviennent. Mais, parfois, certains d'entre eux, touchés par la grâce, à force de volonté et de hasards heureux, parviennent au but. Une fois arrivés, ils se rendent compte, plus facilement que tous les autres, que le nombre de voies n'est pas limité. Il y a autant de chemins que de voyageurs.
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À l'école, on apprend à imiter. Pour avoir de bonnes notes, il faut imiter le professeur. À l'université, le procédé est un peu plus subtil : on est censé imiter le professeur, tout en le persuadant qu'on ne l'imite pas, mais qu'on a saisi la quintessence de son enseignement. En procédant ainsi, on est sûr d'avoir la meilleure note, tandis que l'originalité peut vous faire stagner en queue de classe. Tout le système de notes défavorise la recherche originale.
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Un jour, pendant un cours de philosophie, comme un professeur démontrait allègrement, pour la cinquantième fois, la nature illusoire du monde, Phèdre leva la main pour lui demander, d'un ton calme, si les bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki étaient, elles aussi, illusoires. Le professeur, avec un léger sourire, lui répondit qu'elles l'étaient. Et le débat s'arrêta là.

Cette réponse était peut-être conforme à la tradition de la philosophie indienne. Mais elle était désespérément erronée pour quiconque lit les journaux et se préoccupe des destructions massives d'êtres humains. Phèdre était de ceux-là. Il quitta la salle de cours, il quitta l'Inde et renonça à la philosophie.
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A moins de prendre plaisir à hurler, on ne tient pas de grandes conversations à moto. On s'ouvre au monde, on médite. On regarde, on écoute, on flaire le temps, on se souvient. On pense à sa machine, au paysage traversé, à une foule de choses.
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En fait, le monde n'a aucune existence réelle en dehors de l'imagination humaine.
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On retrouve la même insouciance dans les manuels d'utilisation des ordinateurs sur lesquels je travaille - c'est comme ça que je gagne ma vie onze mois sur douze. Je sais que ces brochures sont remplies d'erreurs, d'imprécisions, de lacunes et d'informations si mal rédigées qu'il faut les relire six fois avant d'y comprendre quelque chose. Ces manuels-là dénotent la même attitude de badauds que j'ai décelé chez les mécanos.
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Le véritable but de la méthode scientifique est de s'assurer qu'on ne s'imagine pas savoir ce qu'en fait on ignore.
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« Il va falloir faire sauter les rivets, dis-je.
— Ouais. Mais avec quoi ?
— Avec une fine lame en métal. Tu l'enroules autour de la poignée et tu la glisses sous le collier. Ça te permet de le serrer d'un cran. C'est un truc utile, pour toutes sortes de réglage.
— Et où est-ce que je peux trouver une lame comme ça ?
John commençait à montrer un certain intérêt pour l'opération.
— Il y en a plein ici », en jubilant, je lui montrai une boîte de bière. Il mit un moment à comprendre.
— Quoi ? avec une boîte de bière ?
— Et comment ! tu découpes ce que tu veux là-dedans...»
J'étais content de moi. Par mon astuce, je lui évitais de courir Dieu sait où à la recherche de Dieu sait quoi.
À ma grande surprise, John n'appréciait pas du tout. Il prit soudain un air méprisant et, avant que j'aie pu comprendre, décida que ses poignées de guidon allaient très bien comme ça. Pour autant que je sache, elles sont toujours desserrées.
Je crois que je l'ai vraiment offensé, ce jour-là. J'avais le culot de vouloir réparer sa nouvelle BMW à mille huit cents dollars, fin joyau d'un demi-siècle de mécanique allemande, avec un morceau de boîte de bière !
Ach, Du lieber !
L'aluminium dont sont faites les boîtes de bière américaines est un métal souple et très malléable, qui convient donc parfaitement à cet usage. De plus, l'aliminium ne s'oxyde pas à l'humidité ou, plus précisément, il est toujours recouvert d'une fine couche d'oxyde, qui le protège de la corrosion. En d'autres termes, tout mécanicien allemand, ayant derrière lui un demi-siècle de finesse mécanique, aurait compris que la solution que je proposais était parfaite.
J'ai souvent pensé, mais trop tard, que j'aurais dû passer discrètement derrière mon établi, découper un morceau de boîte de bière, en gratter la peinture rouge, et revenir avec John en déclarant que nous avions de la chance, que je venais de retrouver la dernière pièce d'une série, en provenance directe d'Allemagne ; une pièce spéciale de la collection particulière du baron Alfred Krupp, qui avait fait l'immense sacrifice de la livrer au commerce. John aurait marché, avec délectation !
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Je suis, en fait, un hérétique qui a renié son hérésie, et qui, aux yeux de tous, a sauvé son âme. Mais il y a quelqu'un qui sait très bien, au fond de lui-même, que tout ce qu'il a sauvé, c'est sa peau.
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"La rhétorique est un art parce qu'elle eut être ramenée à un ordre rationnel."
Telles sont les premières paroles d'Aristote.
Phèdre s'arrêta net. Horrifié. Il s'attendait à devoir décrypter des messages d'une grande subtilité, des systèmes d'une grande complexité, pour parvenir à pénétrer la signification profonde de la pensée de cet Aristote qui, à en croire bien des gens, est le plus grand philosophe de tous les temps. Voilà que, d'entrée, il se prend en travers de la gueule une ânerie monumentale !
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Les meilleures routes font la jonction entre nulle part et nulle part, elles ne sont généralement que la variante d'un autre itinéraire plus rapide.
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L'Amérique primaire, c'est l'Amérique des autoroutes, des avions à réaction, de la télé et des superproductions. Les hommes et les femmes qui y sont englués semblent passer l'essentiel de leur vie sans la moindre conscience critique de ce qui se passe autour d'eux. Les grands moyens d'information les ont convaincus que ce qui les entoure n'a pas d'importance. Et c'est pour cette raison qu'ils se sentent seuls. De là vient l'indifférence qu'on lit dans leurs yeux : l'étincelle du doute à vite fait de s'y éteindre et, quand ils vous regardent, vous n'êtes pour eux qu'un objet. Vous ne comptez pas. Vous n'êtes pas ce qu'ils recherchent.
Tout autre est l'Amérique secondaire que nous avons traversée : les routes perdues, le fossé du Chinois, les chevaux d'Appaloosa, les massifs de montagnes aux courbes majestueuses, le loisir de méditer, les enfants qui s'amusent avec des pommes de pin, et le bourdonnement des abeilles, et le ciel libre jusqu'à l'horizon. Dans cette Amérique-là, la réalité domine. Le monde ne se laisse pas oublier. Et on ne se sent pas seul. Il en était ainsi, j'imagine, il y a un ou deux siècles. Presque personne, mais pas de solitude. Sans aucun doute, je généralise à l'excès. Mais il suffirait de nuancer quelque peu ce jugement pour qu'il prenne toute sa vérité.
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Nous vivons dans une époque sans dessus dessous, à cause de l'inadéquation des vieilles formes de pensée : elles ne nous permettent pas de saisir les expériences nouvelles. On dit que tout progrès véritable dans la connaissance est le résultat d'un blocage, qui oblige le savant à chercher de nouvelles directions de pensée, quitte à dériver quelques temps dans des voies latérales. Tout le monde connaît ce phénomène. Je crois qu'il en est de même pour la civilisation entière : il faut remonter aux sources pour pouvoir aller plus loin.
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