"Mon ambition est
de me venger envers ceux
qui m'obligent à vivre ainsi." Roberto Saviano est un homme qui refuse de se taire. Il en paie le prix : depuis 2006, le journaliste italien est menacé de mort par la mafia et vit sous protection policière 24h sur 24.
Dans son nouveau livre Crie le !, il dresse le portrait de journalistes qui ont mis leur corps au service de la recherche de la vérité. Rencontre.
#mafia #justice #italie
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La peur et le respect avancent main dans la main, ce sont les deux faces d'une même médaille: celle du pouvoir.
L'amour est un trophée de la vie, il ne faut jamais hésiter à le brandir.
"C'est quoi un homme sans diplôme et avec un pistolet ?
- Un con avec un pistolet...
- Exact. C'est quoi un homme avec un diplôme et sans pistolet ?
- Un con avec un diplôme...
- Exact. Et c'est quoi un homme avec un diplôme et un pistolet ?
- Un homme, papa ! "
(p261)
La faiblesse, c'est de se croire invincible.

Il était braqueur. Il faisait ça le samedi, tous les samedis, depuis pas mal de temps. Toujours sur la même route. La même route, à la même heure, le même jour. Car le samedi était le jour de ses victimes privilégiées : les jeunes couples. Et la départementale 87 était l'endroit où tous les jeunes couples du coin venaient pour s'isoler. Une route de merde, au bitume rapiécé, bordée de décharges sauvages. Chaque fois que j'y passe et que je vois ces couples, je me dis qu'il faut vraiment faire appel à toute la fougue dont on est capable pour passer un bon moment au milieu de cette désolation. C'est ici qu'Emanuele et deux de ses amis se cachaient, attendant qu'une voiture se gare et que ses phrases s'éteignent. Puis ils patientaient encore quelques minutes pour que le couple ait le temps de se déshabiller et, quand il était le plus vulnérable, ils surgissaient. Ils brisaient la vitre à coups de crosse et braquaient l'arme sous le nez du garçon. Ils les dépouillaient et passaient le week-end ainsi : commettant des dizaines de braquages, pour un butin de cinq cent euros.
Un butin minuscule, qui peut pourtant ressembler à un trésor.
Rien n'est plus antimilitariste que le cri d'un blessé de guerre.

Le port est à l'écart de la ville, un appendice toujours présent dans l'abdomen de la côte dont l'infection n'a jamais provoqué de péritonite. Certaines zones désertes sont coincées entre la terre et la mer mais semblent n'appartenir ni à l'une ni à l'autre. Un espace amphibie, une mutation aquatique. De la terre battue et des ordures : des années de déchets poussés vers la rive par les marées ont formé une nouvelle couche. Les bateaux vident leurs latrines et nettoient leurs soutes, laissant couler dans l'eau une mousse jaune. On répare les hors-bords et les yachts, on purge leurs moteurs, jetant tout dans la poubelle marine. Et tout se concentre sur la côte, formant d'abord une masse molle puis une croute dure. Le soleil fait apparaitre tel un mirage une mer faite d'eau, mais en réalité la surface du golfe est aussi brillante que des sacs-poubelle en plastique noir. La mer du golfe ressemble à une immense baignoire remplie d'hydrocarbures, non d'eau, et bordée par le quai couvert de milliers de conteneurs multicolores telle une barrière infranchissable. Naples est entourée par une muraille de marchandises, des remparts qui ne protègent pas la ville : c'est au contraire la ville qui défend ses remparts.Nulle part on n'aperçoit les bataillons de dockers, ni la pittoresque populace des ports. On imagine le port comme un lieu bruyant, envahi par des foules frénétiques, par le va-et-vient d'hommes cousus de cicatrices et parlant des langues improbables. C'est au contraire le silence d'une usine automatique qui pèse sur lui. Il ne semble plus y avoir personne sur le port, et les conteneurs, les bateaux et les camions semblent animés par un mouvement perpétuel. Une vitesse qui ne fait aucun bruit.
(Saviano cite une lettre d'un jeune détenu)
Tous ceux que je connais sont soit morts, soit en prison. Moi, je veux devenir un parrain. Je veux avoir des centres commerciaux, des boutiques et des usines, je veux avoir des femmes. Je veux trois voitures, je veux que les gens me respectent quand je rentre quelque part, je veux des magasins dans le monde entier. Et puis je veux mourir. Mais comme meurent les vrais, ceux qui commandent pour de bon. Je veux mourir assassiné.
Nicolas comptait sur une descente de police. Ç'aurait signifié une réaction, la preuve que la paranza faisait peur. Il en avait assez que dans les têtes des juges, des policiers et des carabiniers, la légende suivant laquelle les enfants ne peuvent pas exercer le pouvoir persiste, comme si commander était l'apanage des vieux parrains et des hommes mûrs. La maturité conduit à la peur, s'est dit Nicolas, la peur de mourir. Eux, les gamins, étaient seuls capables d'exercer le pouvoir au présent, ici, tout de suite, sans lendemain.
Si tu vends des motos, t'es un commerçant. Si tu flingues des types, t'es un tueur. Mais si tu fais les deux, alors tu commandes.