Robin Benway

On éprouve une douleur particulière quand quelqu'un formule nos propres peurs et nous dit que non seulement toutes les pensées noires qu'on a sur soi-même sont réelles mais que les autres peuvent les avoir aussi.
Une douleur qui nous tire les larmes des yeux et nous enserre le coeur dans une barrière de fer, et nous fait comprendre que, oui, être seul, c'est terrible mais que ça ne sera jamais aussi difficile que ce sentiment-ci.

- Mes trucs a moi c'est le sarcasme, les coup de poing et les commandes de plats à emporter. - Et moi, ma spécialité, c'est le rôle du pauvre gars innocent qui se retrouve toujours en danger de mort. C'est un don inné.

Moi qui espérais le faire rire, je ne lui ai arraché qu'un tressaille ment de la mâchoire qui était soit un sourire réprimé soit une alerte de crise cardiaque. Avec les parents, c'est dur de savoir.

J'aime bien en savoir un petit peu sur toutes sortes de choses. Je trouve que c'est ce qui rend la vie intéressante.

En voulant proteger mon coeur, je me suis perdue dans les sons.

Vous savez, quand on fait ou qu’on dit exactement l’inverse de ce qu’il faudrait, sans pouvoir s’en empêcher pour autant ? En entendant les mots sortir de notre bouche, tout ce qu’on voudrait, c’est les renfourner, parce que le bon nous, le vrai nous, ne voudrait pas du tout être comme ça, mais on continue quand même.

Comme on peut le deviner, je ne suis pas quelqu'un de très patient. J'ai horreur de poireauter. Mon père dit toujours que je serais nulle en infiltration et que ne pourrais sans doute jamais travailler pour le FBI.

- Tu n'en n'as pas parlé à tes parents ? (Raph se pencha en avant et se tapa plusieurs fois la tête contre le bord de la table.) Grace, Grace, Grace ! Ça pue le désastre à plein nez...
- C'est déjà assez angoissant comme ça ! Et moi qui croyais que les amis étaient pour vous soutenir...
- Parfois, le rôle d'un ami, c'est d'être cash.

Posé sur la banquette, son téléphone vibra. Elle lut le message de Raph.
"Comment ça se passe ?"
"Ça se passe."
"Tu as peur ?"
"Je suis terrifiée "
"Ça va aller. Les choses finissent toujours par s'arranger."

Ma mère a posé les mains à plat sur la table de la cuisine et respiré un grand coup. Une inspiration que je connaissais bien, celle qui disait « Donnez-moi la force de ne pas étrangler mon propre enfant. » Toutes les mères ont leur version.

Tout était si calme dehors que j'entendais l'herbe humide crisser sous mes semelles ; le genre de calme qui donne la migraine parce qu'on sait qu'il ne va pas tarder à exploser sous les cris.

Ça faisait toujours bizarre d'entendre parler Rick. Son ton était à l'opposé de celui de Maureen. Elle avait tendance à accentuer les verbes, surtout dans les moments de crise. Probablement, chez certaines personnes, un effet secondaire du fait de vivre dans un cauchemar permanent. Rick, lui, gardait son calme en toutes circonstances. C'était peut-être pour ça que Maureen l'avait épousé, pour cette capacité à donner un ancrage à son bateau en perdition.

Après son départ, j'ai remis la musique et éteint la lumière, avec l'idée de ne penser à rien pendant encore quelques minutes. Mais j'en suis incapable. C'est encore plus dur que se retenir de respirer. Après l'enlèvement d'Oliver, j'essayais de ne pas penser à lui, mais il remontait systématiquement à la surface : le garçon qui avait disparu mais qui ne partait jamais.

Mais à mesure que les années passaient, que les portraits changeaient et que les fausses pistes s'accumulaient, on aurait dit que ce phare lui était de moins en moins destiné. Il brillait pour ceux qui restaient. Sa lumière donnait un ancrage à ceux qui avaient découvert qu'il pouvait se produire des choses terribles, que les méchants n'existaient pas que dans les livres et qu'Oliver risquait de ne jamais revenir.
Jusqu'au jour où il est revenu.

On est restés et on a attendu son retour, comme si notre amour était un phare qui pouvait le guider pour rentrer, pour remonter en rampant de l'autre bout de la terre et regagner à quatre pattes la porte de sa maison, avec son étiquette qui dépassait de son tee-shirt.

L'absence change les choses et celle d'Oliver était en train de nous broyer, ouvrant dans le quartier une fissure assez profonde pour provoquer un séisme. Un séisme aurait été plus facile à vivre. Au moins, les tremblements de terre, ça finit par s'arrêter.

Oliver est assis devant Emmy, concentré sur ses additions. L'étiquette de son tee-shirt dépasse sur sa nuque. Ce qu'Emmy ignore, c'est qu'elle se souviendra pendant des années de cette étiquette ; que souvent, dans ses rêves, elle se penchera pour la remettre en place avant de se réveiller, la main en suspens. Un rêve aussi léger qu'une toile d'araignée et qui, chaque fois, s'effilochera entre ses doigts.

Le monde continue à tourner même quand on voudrait qu'il s'arrête, ai-je pensé. Surtout dans ces moments-là.

Sa disparition avait créé un gouffre impossible à refermer, et je ne savais plus si j'étais prête à ce qu'une nouvelle faille s'ouvre sous mes pieds. Si terribles qu'avaient été les dix dernières années, je m'y étais habituée. Je n'étais pas sûre d'avoir la force de les échanger contre un bataillon de problèmes et de soucis tout neufs.

C'est comme ça que j'ai découvert ce qu'était la vraie frustration, la douleur déchirante qu'on éprouve quand ce qui compte le plus pour nous soulève à peine une vaguelette dans la vie des autres.