3 Questions à... Rodolphe Barry
Il observe les Burroughs : lui à l'allure animale avec son beau visage grave et ses yeux jaune clair un peu intimidants, elle et ses traits fins marqués par une peau trop tendue et une bouche pincée à cause de dents manquantes. Parfois, des âmes vous apparaissent sans écorce. Aucun mot ne pourrait dire leur attention subtile et fraternelle. Seule la plus douce et poignante des musiques en évoquerait l'humanité. Assis dans cette baraque de bois ouverte au vent de la nuit, auprès de ces silhouettes fantomatiques, James connaît le sentiment de celui qui, après de longues années d'errance, est de retour chez lui, parmi les siens.
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En Amérique, un homme sans religion est un monstre.
Observer jusqu’à épuiser le réel, sa tâche est immense. Mais témoigner de ces vies dont tout l’effort est de survivre est à ce prix.
La forme ultime de l’amour est l’amour secret. Parce que l’amour partagé diminue de stature ...
Renoncer à écrire est terrible, mais écrire contre ses idées est pire encore.
Le pire de l’homme est dicté par son besoin d’acquérir.
Trop souvent, les gens sont satisfaits d’eux-mêmes, s'apitoient sur leur sort et les écueils qui jonchent leur chemin sans se soucier de leurs obstacles intérieurs. C’est une chose très difficile que de se comprendre soi-même.
Son cœur se serre de n'avoir jamais suscité l'admiration ni même accroché le regard d'une mère passée sous l'influence d'un révérend austère. Est-il coupable pour ce qu'il est, pour ce qu'il fait ? Tout au long des étés indolents de son adolescence, il espérait en secret qu'elle le comprendrait et l'inviterait, même un seul instant, à poser sa tête sur ses genoux. Quelle consolation il en aurait puisée.
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Pourtant je crois que l'esprit révolutionnaire se tient tout entier dans une protestation de l'homme contre la condition de l'homme ( James Agee / p. 89)
Aussitôt et plus encore chaque jour passant, James est sidéré par ce qu'il découvre. Jamais il n'a vu d'hommes travailler aussi dur, aussi longtemps, aussi dignement. Jamais il n'a vu endurer pareilles conditions de vie. Chaque soir, il lit sur les visages hagards la trace de cet épuisement qu'on éprouve après avoir vécu ou assisté à un drame. Ici, la terre est sans ombre. La calamité est quotidienne. Face à cette pauvreté au-delà de la pauvreté, il comprend que son défi, à la mesure de son indignation, sera de maintenir vivante la mémoire de ces déshérités. (p. 43)