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Critiques de Romain Gary (2476)
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La vie devant soi

Momo, petit garçon arabe vit chez madame Rosa depuis plusieurs années. Madame Rosa garde les enfants de prostituées. Plus personne ne paie pour la garde de Momo auquel Madame Rosa s’est attachée, il n’ira pas à l’Assistance Publique, il restera près d’elle. Madame Rosa ne sait plus monter les escaliers qu’il faut emprunter pour regagner son appartement au 6ème étage et, le temps passant, elle ne saura plus rien faire qu’attendre la mort mais surtout pas à l’hôpital, elle ne veut pas devenir le « légume » le plus endurant, elle veut mourir chez elle. Momo s’occupera d’elle jusqu’au bout, petit arabe fidèle à sa vieille juive.

Au début du roman, l’auteur donne à Momo la voix d’un enfant qui s’embrouille assez avec des termes français trop savants pour lui et, au fur et à mesure, il fait grandir la voix de Momo, Momo mûrit, Momo n’est plus le petit garçon.

La vie devant soi est un condensé d’émotions et de bons sentiments, une magnifique leçon de vie.
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La promesse de l'aube

Je viens de relire Promesse de l'aube, je ne le regrette pas, je manque d'adjectifs pour encenser ce livre magnifique.C'est l'histoire de l'amour fou ,d'une mère pour son fils, l'autobiographie de Romain Gary.

Sa mère Nina Borisvoskaia,artiste,fille d'un horloger, très belle, mariée, divorcée, remariée , divorcée encore, qui a quitté sa famille, à l'âge de 16 ans,excessive, aimante, forte,va tout faire , pour Romain d'une façon démesurée,mythique , extravagante, belle.

Romain Gary nous raconte sa vie sous l'éclairage unique de cet amour agaçant parfois ,à cause des réactions de sa mère, inappropriées ou violentes dans la démesure,qui le gêneront pendant son enfance.



L'écriture est magnifique, chaleureuse, on sent l'amour souffler sur cet ouvrage, les anecdotes s' enchaînent pour notre plus grand plaisir, c'est un livre merveilleux que l'on referme avec regret!

La fin est douloureuse lorsque l'auteur atteint ses buts, sa mère est décédée.

On reste ébahi devant de tels liens d'amour, une telle leçon d'humanité, de chaleur humaine, doublés d'un humour et d'un style magnifique, vivant.

Quelle leçon de vie , d'amour et d'humanité!

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La promesse de l'aube

Quel merveilleux livre !

C'est L'histoire d'un amour démesuré d'une mère, extravagante et excessive, pour son fils, brillant, drôle, capable de réaliser les ambitions folles qu'elle nourrit pour lui.



Ce que Romain Gary estime être un poids : « Il n'est pas bon d'être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ça vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c'est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. » est une bénédiction : l'amour sans limites de sa mère l'a condamné à ne plus jamais trouver l'équivalent, mais son ambition lui a épargné la médiocrité, a fait de lui un grand homme et un formidable écrivain.

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Les Racines du ciel

C'EST FORT ET C'EST BON !

Non, non, non. N'en croyez rien, mon incipit n'est pas une énigme dont la solution serait : ÉLÉPHANT, mais bien un qualificatif pour ce fantastique bouquin. Merci Romain Gary pour ce moment de bonheur littéraire, l'un des tout meilleurs souvenirs de lecture qui me reste après bien des années d'exercice (j'hésite à le mettre dans mes livres pour une île déserte).

C'est tonique, c'est bien écrit, il y a beaucoup de personnages avec des profils et des psychologies variés.

L'histoire se déroule dans les années 1950 dans feu l'A.E.F. (Afrique Équatoriale Française). Gary nous peint le portrait de ces baroudeurs tous un peu fatigués de l'humanité et qui ont décidé de s'exiler plus ou moins volontairement dans une colonie bien reculée où il n'y a à peu près rien à faire ni à gagner mais où l'on est peinard.

Tout commence à aller de travers quand un gars plus têtu et plus accroché à un idéal que les autres, Morel, décide de s'engager dans une lutte pour la sauvegarde des éléphants, victimes de véritables tueries, aussi bien par les colons blancs que par les populations locales. Tant que Morel reste dans le registre de la pétition, tout le monde lui rit au nez et le renvoie avec une tape dans le dos. Un jour, Morel en a marre et décide d'utiliser les armes contre les chasseurs d'éléphants et d'incendier les dépôts d'ivoire. Il est rejoint dans le "maquis" par des personnes aux intérêts divers.

L'administration coloniale, toujours soucieuse de sa propre tranquillité (voir à ce propos le livre de Multatuli "Max Havelaar ou les ventes de café de la compagnie commerciale des Pays-Bas"), sort soudain de sa torpeur pour connaître la peur. Les autorités pensent qu'il s'agit d'une manœuvre politique de la part des indépendantistes...

Je ne vous en dit pas plus. Mais l'auteur sait nous faire vivre et partager les visions et les attentes de chacun de ses personnages avec une acuité merveilleuse. L'écologie est la colonne vertébrale de l'ouvrage et en ce sens, il est également remarquable car c'était l'une des toutes premières fois. De plus, le propos n'a pas pris une ride même si l'A.E.F. n'existe plus et que Fort Lamy s'appelle désormais N'Djamena.

Un livre universel à mettre entre toutes les mains, mais ceci, bien sûr, n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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La vie devant soi

Sous le pseudo d'Emile Ajar qu'il prit pour retrouver une certaine virginité littéraire , Romain Gary , ce petit cachottier , fut le seul à se voir décerner un second prix Goncourt ( Les Racines du Ciel : 1956 ) pour La Vie Devant Soi .



Mohammed a 10 ans , bientot 14 . Mohammed prefere qu'on l'appelle Momo , les Inconnus n'ont rien inventé ; ) . Recueilli des son plus jeune age par madame Rosa qui s'est spécialisée dans " l'adoption " d'enfants de putain , il creche à Belleville , au sixieme , sans ascenseur . Madame Rosa , ancienne gagneuse qui se défendait avec son cul , juive , déportée , n'est plus que l'ombre d'elle-meme . Laide , grosse , 36 cheveux au compteur , elle se rend bien compte qu'elle n'a plus la lumiere à tous les étages . Elle "s'absente " de plus en plus fréquemment , sentant bien que ses jours de pleine lucidité sont désormais comptés . Finir la bave aux levres avec le regard du veau qui tete , tres peu pour elle ! N'est pas Ribéry qui veut....Ses cauchemars récurrents , Hitler et le cancer : l'un étant éradiqué , l'autre , aux aguets , attendant son heure selon ses dires...Une femme ayant échappé au terrible systeme concentrationnaire d'Auschwitz ne peut s'imaginer entrer dans le livre des records en pulvérisant un coma végétatif de 17 ans , alors détenu par un Amerloque ( trop fort ces Ricains ! ) . Elle fera promettre à son petit Momo de " l'avorter " si l'on devait en arriver là . Du haut de ses 10 ans , bientot 14 , Momo fera bien plus que cela...



Le tour de force de ce roman , c'est d'évoquer un sujet résolument grave sur le ton de la légereté . La grande faucheuse est omniprésente , on la sent se rapprocher inexorablement jusqu'à vous submerger de sa noirceur et pourtant , par le biais de ce jeune héros au phrasé si particulier , la lecture s'accompagne d'un petit sourire en coin qui ne vous quitte jamais .

Les personnages découverts sont hétéroclites au possible . Cela va de Monsieur N'da Amédée , " proxynete " illettré le mieux sapé de Paname et de sa proche banlieue à Monsieur Hamil , ancien vendeur de tapis ambulant et néo philosophe sans oublier Madame Lola qui d'ancien champion de boxe au Sénégal s'est reconvertie en travestie au Bois de Boulogne . Autant d'acteurs truculents gravitant autour de ce petit monde fusionnel qu'est l'univers Rosa-Momo .



L'auteur vous prend aux tripes en conférant à ce jeune narrateur une gravité anormalement conscientisée pour un gamin de son age . Un vocabulaire fait d'amalgames aussi amusants que profonds et c'est la mort qu'on appréhende à un age ou l'innocence devrait faire loi . Momo découvre que rien ne dure jamais . Qu'il devra devenir un acteur majeur dans l'inéluctable disparition de sa maman d'adoption . Une mere de substitution qui le fait se questionner sur son age et ses origines mais qu'il aime par dessus tout . Un gamin innocent projeté et ballotté dans un monde d'adultes bien avant l'heure . S'il maitrise de façon plus qu'aléatoire la définition de la majorité des mots de son vocabulaire , il saisit cependant parfaitement le sens de la vie qui s'écoule et s'acheve parfois tragiquement . Ce roman écrit par un sexagénaire que la mort effrayait au plus haut point ( et qu'il devancera pourtant en 1980 ) est tour à tour lyrique , naif , sombre et violent mais baigne , paradoxalement , dans une perpétuelle bonne humeur contagieuse . Sa causticité décalée vous emportera de la premiere à la derniere page !



La Vie Devant Soi : atypique et jubilatoire...
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La promesse de l'aube

Je rends hommage à l’homme pétri d’amour pour sa mère, extravagante, possessive, dramatique, mère russe et juive dans toute sa splendeur, socle sur lequel sa vie reposera à tout jamais.

Je rends hommage à l’homme hanté par l’Absolu, par l’Idéal, par la bonté des dieux et des hommes, et toujours en quête de compréhension de cet Univers, à l’écoute des étoiles et des bêtes.

Je rends hommage à l’homme au service de la France et de ses traditions de fraternité et de justice, même s’il a dû se battre contre la haine et la bêtise.

Je rends hommage à l’écrivain immense, doué de la vraie parole mêlée à l’humour piquant, celui qui fait tout ce qu’il peut pour transmettre son message de Beauté.



Dans cette autobiographie, Romain Gary nous retrace sa destinée marquée dès le départ par la volonté absolue de sa mère d’en faire un Grand Homme. Elevé par cette femme seule, courageuse et tenace, il n’aura de cesse de lutter pour donner une forme et un sens à la promesse qu’il lui a faite à l’aube de sa vie : « défier la cohorte ennemie du dieu de la bêtise, du dieu des vérités absolues et du dieu de la petitesse », et cela en s’élevant, pour s’éloigner de tout ce qui représente la médiocrité.

Son enfance marquée par la pauvreté, en Pologne notamment, puis son adolescence en France où la vie est dure, et enfin sa toute jeune vie adulte où il s’engage dans l’aviation au service de de Gaulle, ne sont qu’un vibrant hommage à cette mère qui, tel un puissant aiguillon, le poussera à sortir de lui-même pour atteindre l’inaccessible.



Récit émouvant, transcendant, tragique, humain et ô combien malicieux, car émaillé de mille anecdotes pétillantes pleines d’autodérision, telle est cette autobiographie de l’aube de la vie. Admirable.

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La vie devant soi

Je déteste les fins d'année scolaire. Je déteste les fins tout court.

Peut-être parce que la fin annonce qu'on n'a plus la vie devant soi.

Ma vie devant soi est déjà bien entamée mais ça, ça m'est bien égal. Ça me va bien comme ça.

Suffit juste de savoir négocier la toute fin. Parce que celle-là, c'est la plus dure.





Il me fait marrer Momo - le héros du roman dont je suis en train de faire la critique – quand il s'énerve contre les vieux qui disent «  Tu es jeune, tu as toute la vie devant toi. » parce qu'il croit qu'ils cherchent à lui faire peur.

Ouaip, c'est vrai, il a raison ! Avoir toute la vie devant soi, ça peut foutre la trouille..tout autant que de la trouver derrière soi.

C'est cette histoire là que nous raconte Romain Gary, l'histoire d'un môme qui croit que la vie, ça n'a rien d'enviable, que le bonheur, c'est dégueulasse. « Le bonheur c'est une belle ordure et une peau de vache ». ça peut faire froid dans le dos quand on entend un gamin parler comme ça. L'histoire d' un gosse qui se raccroche à une vieille dame plus toute jeune, déjà bien fanée et qu'il n' y a plus moyen de rempoter.

L'histoire d'une ancienne prostituée juive et d'un p'tit arabe, fils de putain. Une histoire drôlement émouvante, mais racontée par Momo avec tant de naïveté et à la fois tant de lucidité sur la vie qu'on ne peut que sourire à pleines dents.

J'ai adoré Momo et ses expressions d'une candeur et d'une fantaisie improbable !

J'ai adoré Madame Rosa d'avoir pris sous son aile cet oisillon là et peu importe qu'il soit juif, arabe ou chrétien..

J'ai adoré leur ange, madame Lola, ce rayon de soleil, travestie du Bois de Boulogne, qui fut champion de boxe au Sénégal.

J'ai adoré leurs façons à eux deux, Madame Rosa et Momo, de dire « Merde » aux autres, de se dépatouiller tant bien que mal avec cette chienne de vie qui ne leur avait pas fait de cadeau ni à l'un ni à l'autre et d'avoir trouvé, là, la beauté des choses ...la tendresse infinie.





Et bien sûr, je ne peux terminer cette critique sans faire un petit clin d’œil à Meeva dont l'obsession pour Romain Gary n'est un secret pour personne sur Babelio. Allez, chanson ! 



« Ouvrez vos yeux pleins d'innocence

sur un Paris qui vit encore,

et qui fera de votre enfance

le plus merveilleux des décors.



Voyez plus loin que l'horizon,

le temps n'a pas tout démoli,

les rues sont pleines de chansons,

les murs ne sont pas toujours gris.



Écoutez-moi, les Gavroches,

vous les enfants de la ville :

non Paris n'est pas si moche,

ne pensez plus à l'an 2000. »



Extrait d' « Ecoutez moi les Gavroches » de Renaud
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La promesse de l'aube

Romain Gary - La promesse de l'aube - 1960 : La France, cette idée, cet idéal comme disait il y a peu un trublion faiseur de pluie et néanmoins ancien président de la république. Ce livre est une homélie à l’amour filiale mais aussi aux espoirs placés dans un pays rêvé par tellement de personnes sur terre. C’est de plus un témoignage vibrant sur l'Europe d'avant-guerre et sur les aviateurs de la France libre pendant le conflit mondial. Une immigrée polonaise pour fuir la misère traversait les épreuves les plus difficiles et faisait tout ce qui est humainement possible pour que son fils devienne français en lui promettant le plus grand des avenirs et la gloire éternelle. Rarement promesses n’auront été aussi bien tenues, Romain Gary connaîtra la gloire diplomatique (consul de France), la gloire militaire (compagnon de la libération) et la gloire littéraire (deux prix Goncourt), justifiant ainsi la confiance aveugle et les sacrifices insensés de sa mère pour qu'il réussisse. Ce livre est exceptionnel et le personnage de cette femme fantasque, excessive, positive même dans les pires moments de sa vie est un des plus beau de la littérature moderne. C'est un roman vibrant d'humour et de nostalgie, un trésor que chaque lecteur gardera précieusement pour se rappeler qu'il n'y a rien de plus beau sur terre que l'amour d'une mère (quand on a la chance de le recevoir bien sûr...). Fourmillant d’anecdotes et de souvenirs amusants, il se lit le sourire aux lèvres avec un brin de regret ou d’envie suivant le degré d’affection que chacun a reçu dans son enfance et son adolescence. Bien sûr à la suite de l’auteur on pourra trouver cet amour quelque peu étouffant et affirmer avec lui que cette dévotion l’avait mal préparé à ses rapports futurs avec le genre féminin. Alors que dire de ceux qui ont été maltraités par leur génitrice ou qui ont subi son indifférence toute leur jeunesse, sont-ils mieux armés pour affronter plus tard les méandres des sentiments humains ? Romain Gary bercé par l’avenir aventureux que lui prédisait sa mère montra une volonté inflexible quand les allemands mirent la France sous leur coupe en s’enfuyant en Angleterre pour continuer la lutte au côté du général De Gaulle. En cela «les promesses de l’aube» ne furent pas vaines car l’image du héros français que cette femme projeta dans l’esprit de son fils survécut à son adolescence et se concrétisa par son courage pendant sa vie d’adulte. Si on va plus loin on pourra même trouver que ce texte démontre à quel point le rôle des parents est important dans l’avenir des enfants et qu’une motivation de tous les instants donnera sans doute de meilleurs résultats qu’une éducation délétère… magnifique
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La promesse de l'aube

Première rencontre avec Romain Gary. Un choc...

La promesse de l'aube, c'est d'abord l'histoire d'un amour fou. L'amour d'une mère pour son fils, qu'elle élève seule dans l'entre-deux-guerres, de la Lituanie à Nice en passant par la Pologne, dans des conditions matérielle très difficiles qu'elle surmontent avec une énergie et une inventivité hors de toute imagination.

Un fils dont on ne connaîtra pas le père, un fils pour lequel elle n'a que des ambitions simples : en faire 1) un intellectuel 2) un "vrai" français 3) un grand écrivain (le nouveau Tchékov, Dostoievsky ou Hugo, peu importe) 4) un ambassadeur de France 5) un chevalier de la Légion d'honneur ou, a minima, un héros de l'Armée Française.

Deux prix Goncourt, Consul général de France aux Etats-Unis, Chevalier de la Légion d'Honneur, titulaire de la médaille de la Libération... Romain Gary a été tout ça.

Grace à sa mère.

Mais à quel prix...?

C'est là tout le questionnement de ce livre. Comment devient-on un homme capable de relations normales à la vie et aux femmes quand une femme, unique, votre mère, vous a tout donné et a réussi à modeler le cours de votre vie selon ses attentes ?

La promesse de l'autre ne plonge pas dans le questionnement psychanalytique "prise de tête". Cest un texte très vivant, magnifiquement écrit, émaillé tout du long d'un humour extraordinaire (ah, les métaphores de Gary !!) et donnant une vision très interessante de certains épisodes de notre histoire, en particulier de la défaite de 1940.

Nul doute que les autres romans de Romain Gary (et d'Emile Ajar) vont trè bientôt prendre place dans ma bibliothèque.
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La vie devant soi

Après son premier Emile Ajar, « Gros calin » en 1974, Romain Gary récidive en 1975 avec « La vie devant soi »…pour un écrivain que la critique de l’époque jugeait fini…



« La vie devant soi ». Un thème récurrent dans la littérature française : un enfant arabe voue une infinie tendresse à une vieille dame… juive. Jacques Lanzmann, Joseph Joffo, Eric-Emmanuel Schmitt , et probablement d’autres ont " traité " le sujet…

Quoiqu’il en soit sous la plume de Romain Gary, le thème est magnifié, non seulement par l’intrigue que nul autre ne pouvait imaginer que Romain Gary, mais également par le second thème, en filigrane : la fin de vie…



Madame Rosa, une ancienne prostituée juive (elle a connu Auschwitz) de la rue Blondel, ou elle « se défendait » dans son jeune temps, comme dirait Momo… Elle a vieilli et est devenue Grosse, laide et malade…

Momo, un jeune garçon arabe, est recueilli par Madame Rosa dans son établissement qui accueille les « enfants nés de travers »… comprenez les naissances accidentelles de ces dames prostituées…

L’histoire d’un amour fusionnel du jeune garçon pour la vieille dame… elle est malade. Elle doit être hospitalisée. C’est le drame. Momo l’enlèvera et « l’assistera » dans ses derniers moments pour une fin dans la dignité…



Un roman, peut-être un des plus émouvants de l’auteur avec « Clair de femme »… En tout cas, un de mes préférés.

Le jury Goncourt ne s’y est pas trompé, d’ailleurs, qui attribua son Prix à Emile Ajar, alias Romain Gary. Un prix qui lui avait déjà été attribué en 1956 pour « Les racines du ciel »…

Bravo, l’artiste…

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La vie devant soi

une critique qui se formule dès l'ouverture du livre



"Romain Gary, ses nombreux voyages à l'étranger, son besoin pathologique de se cacher, son goût de la mystification. Ce désir de simuler et de brouiller les pistes comme à plaisir, cette odeur de souffre qui entoura la publication de « La vie devant soi », il en fera l'un des thèmes de Pseudo, sorte d'autobiographie canular qu'il donne en 1976 et où il se présente comme un «mythomane parano et mégalo»…

Refusant les interviews, se dérobant, de masque en masque. Devant tout ce qui pourrait le cataloguer définitivement. Ajar apparaît d'emblée comme un écorché vif « à qui il est absolument impossible d'exposer sa chair et ses os », un homme aux prises avec une quête impossible – et à la limite de la folie – de l'identité.

C'est bien de cette quête de l'identité de cette recherche de racines qu'il s'agit dans « La vie devant soi. » Déjà plus un enfant - «Je suis un fils de pute et mon père a tué ma mère et quand on sait ça, on sait tout et on n'est plus un enfant du tout. - Mohammed, dit Momo. N'est pas en encore un adulte et c'est ce qui fait toute la saveur de son récit.

Abandonné à sa naissance dans le «clandé » de Madame Rosa, Momo navigue dans l'entre-deux et l'ambigu : arabe, il est élevé par une vieille juive, sortie d'Auschwitz et du trottoir. Qui ne rêve que d'Israël : son âge même est faux – il n'a pas été … daté »- ; et quand son père voudra le voir, Madame Rosa qui ne veut pas se séparer de celui qui est devenu son seul lien avec le monde, le fera passer pour Moïse, un petit juif.

Héraut de tous les paumés et les déracinés. Ajar nous transporte dans ce Belleville où coexistent arabes, juifs et noirs, vieux, travestis et prostituées. Au milieu de toute cette misère, un enfant étonnamment lucide découvre la vie, les femmes « qui se défendent », la solitude de la vieillesse, la noire réalité du racisme

« Pendant longtemps je n'ai pas su que j'étais arabe parce que personne ne m'insultait » dont les préjugés restent tenaces même au sein de ceux qui en sont les premières victimes. Il se heurte à la haine, au mépris. À l'indifférence d'une société qui rejette dans un ghetto

- « le reste de la rue et du boulevard de Belleville est surtout juif et arabe. Ça continue comme ça jusqu'à la Goutte d'Or et après c'est les quartiers français qui commencent… » - tout ce qui ne lui ressemble pas. « La Vie devant soi » met donc en scène les nouveaux Misérables d'aujourd'hui : Momo qui a des ses dispositions pour l'inexprimable », rêve, après ses conversations avec Monsieur Hamil usage qui lit le Coran et «Les Misérables», de devenir un nouveau Monsieur Victor Hugo.



Pourtant met la comparaison s'arrête là – tout souci de réalisme, toute préoccupation de vraisemblance sont absents de « La Vie devant soi. » . C'est au moyen du paradoxe, du non-sens et de l'absurde que Momo déchiffre et cerne le monde qui l'entoure. Son langage, entre le vraisemblable et l'irréel, est à l'image de sa vie. Ce déraciné livré à lui-même, cet hors-jeu – « hors contexte » - transforme littéralement cette langue qui n'est pas la sienne et que seuls « les gens garantis d'origine et dûment datés » peuvent employer à bon escient. C'est là le tour de force qu'a magnifiquement réussi Ajar : rendre matériellement, par ce jeu éblouissant sur les mots, toute la singularité de l'existence de Momo et, au-delà de lui, de toute une communauté d'exclus. Par l'erreur systématique, le «mal emploi » des mots, le détournement d'expressions toutes faites, Momo « parle à l'envers pour exprimer quelque chose de vrai » : de ces rapprochements illogiques, réalistes et surréalistes, de ce mélange de stéréotypes et d'inventions, de cette candeur feinte qui est en réalité le comble de l'art, naissent, non seulement le rire, mais aussi la vérité et un accent inimitable de sincérité. C'est ainsi que «la vie peut être très belle mais on ne l'a pas encore trouvée et en attendant il faut bien vivre », que «c'est pas nécessaire d'avoir des raisons pour avoir peur »et que la meilleur chose à faire «c'est d'aller vivre là où ce n'est pas vrai».



« Aller vivre là où ce n'est pas vrai», telle était la tentative dans Gros-Calin, de cet employé d'un service de statistiques qui s'était réfugié dans un amour délirant pour son python. Momo en mal de tendresse, s'évade en regardant le cirque miniature d'une vitrine de grand magasin, ou essaie, en une lutte déchirante contre les lois de la nature. D'arracher sa mère adoptive à la mort : à l'aide d'artifices de toutes sortes, parfum, fards, peinture et étoiles, il tentera pendant plusieurs jours de ralentir sa décomposition… le rêve, la folie et la dérision sont, dans le système « ajarien », la seule manière d'échapper à l'angoisse et au désespoir, le seul remède à cet état de manque – manque d'amour et de tendresse – dont sont atteints irrémédiablement les hommes.

Car la misère de Momo – et en cela il se rapproche du héros de Gros-Câlin est plus affective que sociale. le premier drame dans la vie de cet enfant abandonné sera d'apprendre qu'il « est payé », c'est-à-dire qu'il a été recueilli chez Madame Rosa moyennant un mandat mensuel. Ce besoin d'amour, cette tendresse qui, du fond du désespoir le plus noir, refleurit toujours – « La Vie devant soi » devait initialement s'appeler « La Tendresse des pierres » semblent bien être une des leçons de ce récit entre farce et tragédie. « Il faut aimer »… mais au-delà d'un certain seuil de détresse, quand la lucidité extrême risque de devenir folie, les seules défenses possibles restent le rire et l'imagination, le refuge dans le « pseudo» et l'humour."



A lire et à relire
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Les Racines du ciel

Quel chef d’œuvre! J’ai dévoré Les racines du ciel en quelques jours, je l’ai adoré du début à la fin. Et ce fut une agréable surprise, je ne m’attendais pas à un tel accomplissement. L’auteur, Romain Gary, m’a franchement épaté.



À peine sorties de la deuxième Guerre mondiale, les nations occidentales ont repris leurs vieilles habitudes : exploiter les ressources du monde à leur profit peu importe les conséquences. Peu s’intéressent au sort de l’Afrique, encore moins des éléphants africains. Sauf Morel. Cet homme, d’abord sous-estimé, presque inconnu, deviendra peu à peu l’ennemi numéro un. Administrateurs coloniaux, chasseurs, contrebandiers, jésuites, chef de tribu… tous s’entendent pour dire qu’il dérange.



En tant que lecteur, on ne peut que s’émouvoir du sort des éléphants et même de ce pauvre Morel, un idéaliste luttant presque seul contre un monde cruel.



Gary a réussi à décrire avec réalisme tous les enjeux. Il a su cerner et analyser la situation géo-politique de la région (l’Afrique équatoriale française) et à insérer son histoire dans une autre histoire encore plus grande. L’opinion publique américaine, les intérêts des pays arabes en pleine décolonisation, ceux de l’URSS. Tout y passe. Il n’y est plus question que d’éléphants et de préservation de l’environnement, c’est de la situation du monde entier qu’il s’agit.



Surtout, l’auteur a réussi à expliquer, à rendre accessible son histoire malgré ces enjeux complexes. De plus, le nombre élevé de personnages secondaires, malgré mes craintes, n’a pas constitué une trop grande difficulté. Peut-être le fait que chacun représente souvent un enjeu particulier y joue un rôle. Dans tous les cas, on s’y retrouve facilement dans cette galerie impressionnante mais aussi touchante et crédible.



Bref, un roman qui parle d’espoir et que je recommande vivement!

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Les cerfs-volants

La promesse de l'aube, La vie devant soi, Les racines du ciel, Gros Câlin, La nuit sera calme, pour ne citer que les plus célèbres romans de Romain Gary, et puis l'ultime et symbolique roman : Les Cerfs-volants, publié début 1980 avant son suicide le 2 décembre de cette même année - testament littéraire en quelque sorte où j'ai retrouvé avec plaisir tous les thèmes chers à l'écrivain : l'amour bien sûr - toujours - la fraternité, la liberté de penser et d'agir, le pouvoir de l'imagination et l'espoir en l'avenir, malgré tout.



Une magnifique histoire d'amour donc, pendant une époque difficile, de 1930 à 1945, des personnages attachants, hauts en couleurs, du suspense et bien sûr le ton Gary, subtil liant, alliance d'humour et de sérieux, combiné à sa flamboyante imagination.

Le tout permet à l'auteur, pilote de formation, compagnon de la Libération, de parler une dernière fois de la guerre, d'un ton qui sonne juste et vrai, ce qu'il a d'ailleurs fait dans plusieurs ouvrages durant toute sa vie, pour dénoncer inlassablement la connerie humaine et l'absurdité de la guerre, tout en affichant une confiance en la vie et en l'amour, la grande quête de sa propre vie.



Tout commence en 1930, par une rencontre en Normandie entre un jeune normand Ludo, le narrateur âgé de 10 ans, et une toute jeune, belle et fantasque aristocrate polonaise, Lila en vacances dans la région. Leur amour prend de l'ampleur, se déploie entre France et Pologne, avec naturellement des hauts et des bas, à l'image des trajectoires mouvementées et majestueuses des célèbres et originaux cerfs-volants d'Ambroise Fleury, l'oncle et tuteur de Ludo, beaux symboles de résistance et de liberté dans le ciel obscurci de la seconde guerre mondiale.



Puis...puis, je vous encourage à attraper une ficelle d'un des cerfs-volants d'Ambroise, le résistant revenu d'Auschwitz, si par chance l'une d'elle passe à proximité de vous, levez les yeux vers le ciel, prenez de la hauteur, et laissez-vous entraîner par cette histoire qui trouvera, j'en suis convaincue, de multiples résonances en vous, tant Gary parle à l'âme et à l'imagination de son lecteur.



" Et alors, on fait de sa vie, de ses idées et de ses rêves ... des cerfs-volants. "

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La vie devant soi

Pour moi, ce livre reste inséparable de l'image de Madame Rosa, incarnée si bien par Simone Signoret, à l'écran.



Combien touchant, drôle, tragique, nous apparaît Momo, le protégé de Madame Rosa, gardant les enfants des prostituées , Momo, le petit Arabe, qui par sa verve et ses réflexions pleines de bon sens et de lucidité, nous émeut et remue en nous des effluves de compassion et d'indignation.Et nous fait rire aussi.



Combien triste et poignant est son parcours, heureusement jalonné de figures hautes en couleur, Madame Rosa , juive vieillissant mal, en premier lieu, Madame Lola, travesti généreux, et toutes ces personnes vivant dans le même immeuble à Belleville,qui, par leur solidarité et leurs élans de fraternité, vont permettre à Momo de se sentir moins seul.



Combien émouvant est son lien avec Madame Rosa, dont il deviendra ensuite, en grandissant, le protecteur, celui qui va l'aider à survivre, à conjurer les frayeurs, à mourir enfin.



La fin est déchirante , avec en filigrane, un peu d'espoir pour l'avenir de Momo...



Emile Ajar, alias Romain Gary, n'a pas volé son deuxième Prix Goncourt, ce roman est flamboyant de désespoir, criant de réalisme, délirant d'humour, un condensé de vie, la vie devant soi, celle de Momo, de tous ces enfants perdus, en manque d'amour et de reconnaissance.



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La promesse de l'aube

La Promesse de l'aube est un titre qui résume le destin d'un homme exceptionnel, à qui le talent et l'élégance, l'humour désenchanté ont servi de talisman.

Le jeune Roman Kacev, né en Lituanie, enfant illégitime élevé par une mère passionnée et fantasque, enfant précoce, élève brillant, voue une grande admiration à la patrie de Victor Hugo. Il est condamné à devenir lui-même un génie, un héros, une vedette, un Grand Homme.

Il exécutera ce projet grandiose en s'engageant dès la première heure en 1940 comme aviateur, puis en devenant écrivain, diplomate, époux d'une actrice adulée, Jean Seberg, enfin doublement récompensé par le Prix Goncourt sous deux identités, il finira par se donner la mort à Paris en 1980.

Romain Gary nous parle avec intensité de cette vie pleine de rebondissements, faite d'exils et de misère, d'humiliations et de gloire, de scènes burlesques ou tragiques, une vie qui doit le rendre valeureux comme Achille et puissant comme un Prince. Romain va combler les attentes maternelles, au prix de sa vie et de son bonheur.
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Les cerfs-volants

L'ultime roman de Romain Gary, l'ultime merveille d'un écrivain passionné dont la lecture est un saisissement à chaque ligne, dont l'écriture pénètre au coeur de l'âme du lecteur pour y laisser un trace indélébile, celle des livres inoubliables pour la vie.



Dans ce texte passionnel, l'auteur explore une dernière fois les tréfonds de l'humain dans un sujet difficile qu'il maîtrise parfaitement, où se mêlent l'amour, la guerre, l'humain et l'inhumain, l'honneur et la honte, les traits d'humour toujours bien ajustés.



L'histoire qui unit et sépare Ludo et Lila débute en Normandie aux début des années 30 alors que les prémisses du tumulte de la guerre se font déjà ressentir. D'un amour d'adolescents, qui reste le fil conducteur de ce roman d'amour et d'espérances, d'un imaginaire foisonnant, Romain Gary déroule une trame gigantesque où le meilleur va côtoyer le pire, où la résistance aux nazis tient une grande place, avec même une relative indulgence pour ceux de la dernière heure qui n'ont pas été portés par le même vent que celui qui hisse les cerfs-volants au plus haut des cieux.



Ces cerfs-volants, historiques, humoristiques dont le concepteur, Ambroise, oncle de Ludo le résistant, affiche un optimisme permanent et un défi à l'occupant puisqu'il en hissera quelques-uns portant des étoiles jaunes, sont à la fois le titre magnifique du livre par leur évocation de liberté et les héros au bout des ficelles tenues par petits et grands.



Ambroise est le parallèle d'un autre personnage, Marcellin, chef trois fois étoilé, qui veut porter et maintenir la grande cuisine française là où elle doit selon lui tenir son rang, quitte à donner l'impression de vouloir plaire à l'ennemi. Mais, pour Marcellin, chacun est un homme ou une femme et l'épisode d'anthologie de l'aboutissement de sa relation avec un général allemand est un très grand moment du roman.



Et puis, ce livre évoque la Pologne, l'aristocratie et le peuple, les comtesses et les prostituées, la vie et la mort, deux derniers thèmes chers à l'auteur qui choisira de quitter la première peu de semaines après la publication de ce beau roman.



Lire les cerfs-volants, c'est s'imprégner de tous les mystères de l'humain, de la sagesse et de la folie, de l'espoir et du renoncement, le tout servi par une écriture exceptionnelle qu'il faut absolument parcourir et, fatalement, aimer.



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La vie devant soi

Roman incontournable de la littérature française, ce livre a reçu le Prix Goncourt en 1975, prix attribué à Émile Ajar, pseudonyme sous lequel se cachait Romain Gary, déjà récompensé en 1965 pour Les Racines du ciel. Les articles de l'époque furent, pour la plupart, élogieux car les critiques s'enthousiasmèrent pour ce livre par son style et son humour hors normes.



Tout le récit repose sur un exercice de style assez périlleux, mais tout à fait réussi puisque dès la première page on oublie l'écrivain. Dosant subtilement l'ironie et l'humour noir, le roman est écrit à la première personne, avec la vision d'un enfant de 14 ans, séparé à 3 ans de sa mère prostituée, sans instruction mais très observateur, particulièrement curieux et vif d'esprit, qui regarde la société et ses moeurs avec les yeux d'un enfant de son âge et avec ce que la vie lui a donné comme codes pour comprendre les choses. L'attention du lecteur est donc portée vers Momo, cet enfant singulier qui nous raconte sa vie et son environnement à sa manière, et qui donne le ton au récit. Libéré du style littéraire habituel de Romain Gary, l'auteur invente un nouveau style parlé enrichi d'un langage nouveau et familier qui convient tout à fait à ce roman. Les mots, la syntaxe et les phrases sont déformés, les maladresses, les incorrections et les réflexions naïves en apparence provoquent souvent un effet comique. Il les sculpte pour en tirer une musique qui est celle de Momo et qui nous attendrit tout au long du roman. Romain Gary tente avec succès un exercice très risqué que peu d'autres écrivains ont réussi.



La langue de Momo ne nous lasse jamais et nous ravit par sa fraîcheur ; bien qu'il ne soit qu'un enfant Momo a une grande lucidité. Si Momo est le narrateur qui donne le ton au récit, Madame Rosa en est l'épicentre. C'est autour d'elle qu'est construit tout le roman. C'est d'elle que naît l'émotion.

Madame Rosa n'a que soixante-cinq ans mais est en très mauvaise santé. C'est une juive polonaise, devenue prostituée qui a vécu la rafle du Vel' d'Hiv et la déportation. A son retour des camps, Madame Rosa a continué à faire le trottoir pendant quelques années puis, trop vieille et trop flétrie, a élevé des enfants de prostituées afin de leur éviter d'être placés à l'Assistance publique. Avec le temps, sa santé se détériore, son médecin veut qu'elle aille à l'hôpital, elle refuse. Pourtant elle vit seule avec Momo, en haut d'un immeuble sans ascenseur, où elle peine à faire monter ses kilos superflus, puis devenue incapable de se déplacer, elle reste cloîtrée chez elle, vêtue de vêtements invraisemblables. L'angoisse de Madame Rosa est d'être obligée de finir ses jours à l'hôpital, dégradée et « transformée en légume ». Ce n'est pas tant la mort qu'elle craint, que les conditions dégradantes de survie qui l'accompagnent. La jeunesse de Momo est confrontée à l'angoisse d'une vieillesse désespérée d'une femme qui veut pouvoir mourir dans la dignité.



Momo raconte avec simplicité et familiarité son histoire, sans peine ni tristesse, bien qu'il vive dans un milieu de grande pauvreté. Sa vie est normale, c'est la vie. Tout ce qui est raconté n'est jamais un apitoiement, Momo ne porte pas de jugement, il constate. L'humour involontaire et l'infinie tendresse de Momo à l'égard des hommes nous font échapper à la noirceur. le lecteur est forcément touché car ce qu'il raconte est dur mais il le rend souvent beau et presque sans gravité ; le ton général du roman est si léger et décalé qu'il fait souvent oublier les épreuves que traversent les personnages. C'est l'entraide entre les personnages du roman qui est ici mis en valeur. Peu à peu l'intrigue prend le pas sur la narration et on se surprend à s'attacher à ces figures pittoresques.



Avec talent, Emile Ajar, ou plutôt Romain Gary, donne vie à toute une faune et nous passionne tout en nous renseignant sur l'amour, l'existence humaine et la signification de l'expression « vivre sa vie ». Il décrit avec finesse la tendresse qui unit le petit Momo et Madame Rosa, ce lien affectueux qui ne fait que croître au cours du récit. Avec une grande pudeur, Emile Ajar raconte une histoire d'amour filial entre un petit musulman et une vieille juive, entre deux êtres qui ont été privés d'amour toute leur vie et qui ne se sont jamais autorisés à l'exprimer.



Un roman émouvant où Romain Gary arrive à nous toucher et à nous transmettre des valeurs importantes comme la tolérance, la tendresse, l'amour et l'amitié. Une superbe histoire de générosité, d'humanité et de solidarité, un magnifique roman.

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La vie devant soi

« Monsieur Hamil, est-ce qu'on peut vivre sans amour ? »

« Il n'a pas répondu. »



Premier pincement au cœur, on était page 11. Ça commençait fort.



Allez, je te le dis. J'ai versé ma petite larme. Mais faut pas croire, mon petit Momo que ça a été comme ça tout du long. Tu m'as fait rire, sourire, même que c'était triste d'en rire de cette fichue vie.



Ce livre contient tout. Tout ce qui me fait aimer la vie malgré, malgré ...tout ! Un roman magnifique, une écriture époustouflante, une virtuosité incroyable dans l'usage des mots, du jeu des mots. Le fond magnifié par la forme. Quelle performance !
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Les cerfs-volants

Romain Gary est un styliste de la prose qui fait des étincelles.



Il parle avec grâce de l'attente, des doutes, de désespoir et d'espoir.

Il construit une aventure humaine avec des personnages forts à travers lesquels il peut exploiter des thèmes qui lui sont chers tels la prise de conscience sociale, l'appel à l'imagination et l'appel à la résistance.



Dans une langue sans aspérités ni effets de style, l'auteur nous offre une dernière oeuvre qui interroge sur la place que nous accordons à l'amour dans nos vies, de la passion amoureuse qui remplace la raison, ainsi que de l'apprentissage de la liberté.

La guerre y occupe également une place fondamentale, les souffrances et privations d'un peuple envahi permettent de révéler ce qu'il y a de meilleur en chacun et de découvrir le vrai sens de la fraternité.



On n'en parle pas de malheur avec de grandes phrases. Romain Gary en écrit des courtes mais déchirantes. Lorsque le destin abat ses mauvaises cartes c'est tout un monde qui en tremble. Son histoire est saupoudrée d'ironie avec une écriture poétique et profonde. Les cerfs-volants sont une allégorie de rêves de l'invisible et d'espoir.



Emouvant, possédé et lumineux !





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La promesse de l'aube

Dans ce livre, Romain Gary nous raconte son enfance depuis Vilnius, puis la Pologne jusqu’à l’exil en France, élevé par sa mère dans des conditions difficiles, son père l’ayant abandonné. On le suit ainsi jusqu’à l’âge adulte, à la fin de la deuxième guerre mondiale.



Elle l’a élevé comme un prince : tu seras ambassadeur, mon fils, tu seras un grand écrivain, (pas n’importe lequel bien sûr : Dostoïevski, Hugo), tu seras un héros, mettant la barre si haut qu’il mènera sa vie en fonction d’elle, de sa notion d’identité, d’appartenance à la France qu’elle idéalise, lui transmettant des valeurs peu conformes à la réalité.



» Je pensais à toutes les batailles que j’allais livrer pour elle, à la promesse que je m’étais faite à l’aube de ma vie, de lui rendre justice, de donner un sens à son sacrifice et de revenir un jour à la maison, après avoir disputé victorieusement la possession du monde à ceux dont j’avais si bien appris à connaître, dès mes premiers pas, la puissance et la cruauté. »



Dès son plus jeune âge, il écrit noircissant des pages à un rythme parfois éreintant, se cherchant un pseudonyme digne de l’avenir que sa mère projette pour lui.



Comment décrire le choc avec la réalité lorsqu’il voit ce qui se passe, dans sa vie d’enfant, puis lorsqu’il voit le comportement des gradés de l’armée pendant la guerre ou la manière dont on lui refuse son grade d’officier sous prétexte qu’il est Français par naturalisation, et naturalisé depuis trop peu de temps.



Il a intériorisé ses paroles et il y a une sorte de dédoublement quand il cherche comment se comporter à l’âge adulte; elle pense à travers lui, il s’exprime comme elle, les mots sortent de sa bouche selon ses expressions à elle, il a parfois même l’impression de parler avec l’accent russe.



Il a été l’homme de sa vie, chacun des deux ayant vécu par procuration en fait, comme il l’écrit si bien:



« J’ai toujours su que je n’avais pas d’autre mission ; que je n’existais, en quelque sorte, que par procuration. »



Romain Gary rend un hommage magnifique à cette mère excessive, débordant d’amour pour son fils, prête à tous les sacrifices pour lui avec abnégation et qui l’a étouffé par cet amour démesuré, lui donnant une confiance totale en sa bonne étoile et en même temps des doutes sur ses propres désirs et sentiments. De nos jours, on la qualifierait de « mère toxique », de « mère juive », hyper protectrice voire abusive…



Cette relation fusionnelle avec sa mère l’a conduit à faire ses choix en fonction d’elle, jamais pour lui-même, essayant d’être conforme à ce qu’elle voulait pour lui. N’est-il pas passé à côté de sa vie, de se vrais désirs, pratiquement incapable de s’attacher à une autre femme qu’elle?



L’écriture est magnifique, pleine d’humour et il est difficile de refermer ce livre, tant il nous emporte. J’ai adoré autrefois, « La vie devant soi » publié sous le pseudonyme d’Emile Ajar, (un autre moi ?). Cet homme me touche énormément par sa sensibilité, sa fragilité, et par son parcours: diplomate, Compagnon de la Libération, écrivain… et sa fin tragique.
Lien : http://leslivresdeve.wordpre..
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