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Citations de Romain Rolland (990)


Un musicien ne se nourrit pas seulement de musique. Une inflexion de la parole humaine, le rythme d’un geste, l’harmonie d’un sourire, lui suggèrent plus de musique que la symphonie d’un confrère.
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Ivresse des premiers temps, où les êtres mêlés ne songent, uniquement, qu’à s’absorber l’un l’autre… De toutes les parcelles de leurs corps et de leurs âmes, ils se touchent, ils se goûtent, ils cherchent à se pénétrer. Ils sont à eux seuls un univers sans lois, un chaos amoureux, où les éléments confondus ne savent pas encore ce qui les distingue entre eux, et s’efforcent l’un l’autre de se dévorer goulûment.

Tous les ravit dans l’autre : l’autre, c’est encore soi.

Qu’ont-ils à faire du monde ? Comme l’Androgyne antique, endormi dans son rêve d’harmonieuse volupté, leurs yeux sont clos au monde, le monde est tout en eux.
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l’histoire fournit à la politique tous les arguments dont elle a besoin, pour la cause qu’il lui plaît.
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Elle avait un frère marié, qui trouvait naturel qu’elle se dévouât, à sa place, auprès du père. Lui-même n’était occupé que de ses enfants. Il les aimait jalousement, il ne leur laissait aucune initiative. Cet amour était pour lui, et surtout pour sa femme, une chaîne volontaire qui pesait sur leur vie, ligotait leurs mouvements ; on eût dit que, du moment qu’on avait des enfants, la vie personnelle fût finie et qu’on dût renoncer pour toujours à son propre développement ; cet homme actif, intelligent, encore jeune, calculait les années de travail qui lui restaient, avant de prendre sa retraite. – Ces excellentes gens se laissaient anémier par l’atmosphère d’affection familiale, si profonde en France, mais si étouffante. D’autant plus oppressive que ces familles françaises sont réduites au minimum : père, mère, un ou deux enfants. Amour frileux, peureux, ramassé sur lui-même, comme un avare qui serre sa poignée d’or.
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Elle ne s’ennuyait pas trop. Elle s’occupait comme elle pouvait, et elle était résignée avec bonne humeur. Il s’exhalait d’elle et du petit cadre que toute femme se crée inconsciemment, en quelque lieu qu’elle se trouve, une atmosphère à la Chardin : ce tiède silence, ce calme des figures et des attitudes attentives – (un peu engourdies) – à leur tâche habituelle ; la poésie de l’ordre quotidien, de la vie accoutumée, des pensées et des gestes prévus, prévus à la même heure et de la même façon, et qui n’en sont pas moins aimés, avec une pénétrante et tranquille douceur ; cette sereine médiocrité des belles âmes bourgeoises : conscience, honnêteté, vérité, calmes travaux, calmes plaisirs, et pourtant poétiques. Une élégance saine, la lavande, une propreté morale et physique : cela sentait le bon pain, la droiture, la bonté. Paix des choses et des gens, paix des vieilles maisons et des âmes souriantes…
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En même temps qu’il constatait l’absurdité des frontières morales entre les bonnes gens des races différentes, Christophe vit l’absurdité des frontières entre les pensées différentes des bonnes gens d’une même race.
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La vérité, dit Olivier, c’est que, s’il y a des frontières en art, elles sont moins des barrières de races que des barrières de classes.

Je ne sais pas s’il y a un art français et un art allemand ; mais il y a un art des riches, et un art de ceux qui ne le sont pas.
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Tu n’as pas de sang, répétait Christophe. Avec cela, tes diables d’idées chrétiennes !… Votre éducation religieuse, en France, réduite au catéchisme ; l’Évangile châtré, le Nouveau Testament affadi, désossé… Une bondieuserie humanitaire, toujours la larme à l’œil… Et la Révolution, Jean-Jacques, Robespierre, 48, et les Juifs par là-dessus ! ;

Prends donc une bonne tranche de vieille Bible, bien saignante, chaque matin.
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Les Jeannin étaient une de ces vieilles familles françaises, qui, depuis des siècles, restent fixées au même coin de province, et pures de tout alliage étranger.

Il y en a encore plus qu'on ne croit en France, malgré tous les changements survenus dans la société ; il faut un bouleversement bien fort pour les arracher au sol où elles tiennent par tant de liens profonds, qu'elles ignorent elles-mêmes. La raison n'est pour rien dans leur attachement, et l'intérêt pour peu ; quant au sentimentalisme érudit des souvenirs historiques, il ne compte que pour quelques littérateurs.

Ce qui lie d'une étreinte invincible, c'est l'obscure et puissante sensation, commune aux plus grossiers et aux plus intelligents, d'être depuis des siècles un morceau de cette terre, de vivre de sa vie, de respirer son souffle, d'entendre battre son coeur contre le nôtre, comme deux êtres couchés dans le même lit, côte à côte, de saisir ses frissons imperceptibles, les mille nuances des heures, des saisons, des jours clairs ou voilés, la voix et le silence des choses.

Et ce ne sont pas les pays les plus beaux, ni ceux où la vie est la plus douce, qui prennent le cœur davantage, mais ceux où la terre est le plus simple, le plus humble, près de l'homme, et lui parle une langue intime et familière.
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Cependant, la catastrophe arrivait.

Tôt ou tard, il en vient une dans la vie de ces vieilles familles bourgeoises qui depuis des siècles sont incrustées dans le même carré de terre, et en ont épuisé tous les sucs. Elles sommeillent tranquillement, et se croient aussi éternelles que le sol qui les porte. Mais le sol est mort sous elles, et il n’y a plus de racines : il suffit d’un coup de pioche pour tout arracher. Alors, on parle de malchance, de malheur imprévu. Il n’y eût pas eu de malchance, si l’arbre eût été plus résistant ; ou, du moins, l’épreuve n’eût fait que passer, comme une tourmente, qui arrache quelques branches, mais n’ébranle point l’arbre.
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C’était un bon garçon ; il n’en voulait jamais à ceux à qui il avait fait tort. Il lui eût paru ridicule que ses victimes eussent plus de susceptibilité que lui. Aussi, quand il avait plaisir à les revoir, n’hésitait-il pas à leur tendre la main.
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Roussin n’était pas un des pires. Combien d’autres dans le parti « faisaient » du socialisme ou du radicalisme, – on ne pouvait même pas dire, par ambition, tant cette ambition était à courte vue, n’allait pas plus loin que le pillage immédiat et leur réélection ! Ces gens avaient l’air de croire en une société nouvelle. Peut-être y avaient-ils cru jadis ; mais, en fait ils ne pensaient plus qu’à vivre sur les dépouilles de la société qui mourait. Un opportunisme myope était au service d’un nihilisme jouisseur. Les grands intérêts de l’avenir étaient sacrifiés à l’égoïsme de l’heure présente. On démembrait l’armée, on eût démembré la patrie pour plaire aux électeurs. Ce n’était point l’intelligence qui manquait : on se rendait compte de ce qu’il eût fallu faire, mais on ne le faisait point, parce qu’il en eût coûté trop d’efforts. On voulait arranger sa vie et celle de la nation avec le minimum de peine. Du haut en bas de l’échelle, c’était la même morale du plus de plaisir possible avec le moins d’efforts possible. Cette morale immorale était le seul fil conducteur au milieu du gâchis politique, où les chefs donnaient l’exemple de l’anarchie, où l’on voyait une politique incohérente poursuivant dix lièvres à la fois, et les lâchant tous l’un après l’autre, une diplomatie belliqueuse côte à côte avec un ministère de la guerre pacifiste, des ministres de la guerre, qui détruisaient l’armée afin de l’épurer, des ministres de la marine qui soulevaient les ouvriers des arsenaux, des instructeurs de la guerre qui prêchaient l’horreur de la guerre, des officiers dilettantes, des juges dilettantes, des révolutionnaires dilettantes, des patriotes dilettantes. Une démoralisation politique universelle. Chacun attendait de l’État qu’il le pourvût de fonctions, de pensions, de décorations ; et l’État, en effet, ne manquait pas d’en arroser sa clientèle : la curée des honneurs et des charges était offerte aux fils, aux neveux, aux petits-neveux, aux valets du pouvoir ; les députés se votaient des augmentations de traitement : un gaspillage effréné des finances, des places, des titres, de toutes les ressources de l’État.
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.. l’intérêt ayant changé, les principes avaient changé.
Quand on était battu, on disait que l’Allemagne avait l’humanité pour idéal. Maintenant qu’on battait les autres, on disait que l’Allemagne était l’idéal de l’humanité. Quand les autres patries étaient les plus puissantes, on disait, avec Lessing, que « l’amour de la patrie était une faiblesse héroïque, dont on se passait fort bien », et l’on s’appelait : un « citoyen du monde ». À présent qu’on l’emportait, on n’avait pas assez de mépris pour les utopies « à la française » : paix universelle, fraternité, progrès pacifique, droits de l’homme, égalité naturelle ; on disait que le peuple le plus fort avait contre les autres un droit absolu, et que les autres, étant plus faibles, étaient sans droit contre lui. Il était Dieu vivant et l’Idée incarnée, dont le progrès s’accomplit par la guerre, la violence, l’oppression. La Force était devenue sainte, maintenant qu’on l’avait avec soi. La Force était devenue tout idéalisme et toute intelligence.
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Je crois qu’à cette heure précise commence la grande révolution, qui se prépare depuis deux mille ans dans le monde chrétien , — la révolution qui substituera au christianisme corrompu et au régime de domination qui en découle le véritable christianisme, base de l'égalité entre les hommes et de la vraie liberté , à laquelle aspirent tous les êtres doués de raison.
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Quand Michel- Ange avait quitté Florence, en i534, pour s’installer à Rome, il pensait, délivré de tous ses autres travaux par la mort de Clément VII, pouvoir terminer en paix le tombeau de Jules II, puis mourir, la conscience décnargée du fardeau qui avait pesé sur toute sa vie. Mais, à peine arrivé, il se laissa remettre à la chaîne par des maîtres nouveaux.

Paul III le fit appeler et le pria de le servir... Michel- Ange refusa, disant qu’il ne pouvait; car il était lié par contrat avec le duc d’Urbin, jusqu’à ce que le tombeau de Jules fût achevé. Alors le pape se mit en colère et dit : « Depuis trente ans, j’ai ce désir; et, maintenant que je suis pape, je ne pourrais pas le satisfaire? Je déchirerai le contrat, et je veux que tu me serves, en dépit de tout. »
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Non, l’amour de ma patrie ne veut pas que je haïsse et que je tue les âmes pieuses et fidèles qui aiment les autres patries. Il veut que je les honore et que je cherche à m’unir à elles pour notre bien commun.

Chapitre III. Au-dessus de la mêlée
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Dans le désastre universel, les patries triomphent? Dirons-nous avec lui que, pour comprendre « cette vérité grande et simple », l’amour de la patrie, il est bon, il est sain que « se déchaîne le démon des guerres internationales, qui fauchent des milliers d’êtres » ? Ainsi, l’amour de la patrie ne pourrait fleurir que dans la haine des autres patries et le massacre de ceux qui se livrent à leur défense ? Il y a dans cette proposition une féroce absurdité et je ne sais quel dilettantisme néronien, qui me répugnent, qui me répugnent, jusqu’au fond de mon être. Non, l’amour de ma patrie ne veut pas que je haïsse et que je tue les âmes pieuses et fidèles qui aiment les autres patries. Il veut que je les honore et que je cherche à m’unir à elles pour notre bien commun.

Chapitre III. Au-dessus de la mêlée
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Quant aux représentants du Prince de la Paix, prêtres, pasteurs, évêques, c’est par milliers qu’ils vont dans la mêlée pratiquer, le fusil au poing, la parole divine : Tu ne tueras point, et : Aimez-vous les uns les autres. Chaque bulletin de victoire des armées allemandes, autrichiennes ou russes, remercie le maréchal Dieu, (...). Car chacun a le sien. Et chacun de ces Dieux, vieux ou jeune, a ses lévites pour le défendre et briser le Dieu des autres.

Chapitre III. Au-dessus de la mêlée
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Ce ne sont pas seulement les passions de races, qui lancent aveuglement les millions d’hommes les uns contre les autres, comme des fourmilières, et dont les pays neutres eux-mêmes ressentent le dangereux frisson ; c’est la raison, la foi, la poésie, la science, toutes les forces de l’esprit qui sont enrégimentées, et se mettent, dans chaque État, à la suite des armées. Dans l’élite de chaque pays, pas un qui ne proclame et ne soit convaincu que la cause de son peuple est la cause de Dieu, la cause de la liberté et du progrès humains. (...)
Des combats singuliers se livrent entre les métaphysiciens, les poètes, les historiens. (...)
Et tous, les uns aux autres, se lancent le nom de « barbares ». L’Académie des sciences morales de Paris déclare, par la voix de son président, Bergson, que « la lutte engagée contre l’Allemagne est la lutte même de la civilisation contre la barbarie ». L’histoire allemande, par la bouche de Karl Lamprecht, répond que « la guerre est engagée entre le germanisme et la barbarie, et que les combats présents sont la suite logique de ceux que l’Allemagne a livrés, au cours des siècles, contre les Huns et contre les Turcs ».

Chapitre III. Au-dessus de la mêlée
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Ces guerres, je le sais, les chefs d’État qui en sont les auteurs criminels n’osent en accepter la responsabilité ; chacun s’efforce sournoisement d’en rejeter la charge sur l’adversaire. Et les peuples qui suivent, dociles, se résignent en disant qu’une puissance plus grande que les hommes a tout conduit. On entend, une fois de plus, le refrain séculaire : « Fatalité de la guerre, plus forte que toute volonté », – le vieux refrain des troupeaux, qui font de leur faiblesse un dieu, et qui l’adorent. Les hommes ont inventé le destin, afin de lui attribuer les désordres de l’univers, qu’ils ont pour devoir de gouverner. Point de fatalité ! La fatalité, c’est ce que nous voulons. Et c’est aussi, plus souvent, ce que nous ne voulons pas assez.

Chapitre III. Au-dessus de la mêlée
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