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Citations de Ronan Gouézec (44)


L’homme qui a balancé le paquet s’échine à prendre pied dans le bateau. Cette vieille carne se refuse à lui ? Elle se dérobe. Il parvient quand même à franchir le dernier barreau de l’échelle de coupée posée à flanc de coque, se cogne durement plusieurs fois sous les embardées vicieuses de l’embarcation, dérape, trébuche, arrache ses palmes, déboucle son baudrier et laisse son bloc d’air comprimé et le gilet glisser sur le pont. Le plongeur relève son masque. Il gueule quelque chose en direction de la timonerie, insiste en pure perte, manque tomber en arrière, revient à quatre pattes vers le bordé. A peine stabilisé, il s’agrippe à la lisse d’une main et se penche.
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Le filet s’écrase sur le plancher poisseux. Il glisse aussitôt hors de portée, tant le roulis est fort. Les paquets de mer arrivent, entasses en grand désordre de verts ténébreux, de gris charbonneux. De temps à autre un explosion mousseuse vient ranger les voûtes de ces cathédrales romanes en folle procession. C’est une dentelle délicate et éphémère. Les lames se précipitent. Elles s’empilent, s’assemblent en blocs quasi solides. Un monticule liquide est en train de naître. C’est le rejeton boursouflé et gueulard d’une mer furibonde. Il n’en finit pas de s’édifier, de s’écrouler sur lui-même avant de rouler et de se reconstituer un peu plus loin, crachant et grondant.
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De tous côtés la percussion lourde de millions de perles d’argent… résonnait en une vibration, sans cesse, renouvelée, roulant, revenant, s’éloignant ..(…) Sur les lèvres le goût du sel, pour rappeler la présence de l’océan tout proche. Il pleut la mer, pensait-il.
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Le grondement énorme et phosphorescent qui enfle derrière eux dans la nuit presque totale annonce ce qui va suivre sans aucun doute possible. Pas le temps d’attraper la main courante, de tenter de rester à bord, c’est une tonne d’eau blanche et écumante qui s’empare d’eux et les emporte tête. Il est aspiré au cœur de la déferlante en furie, en perd son masque dans le mouvement. Il essaie de se faire le plus petit possible, de se protéger la tête, de retenir son souffle.
La collision est inévitable avec les roches qui minent le secteur. Elles vont lui ouvrir le crâne ou lui briser les os, il le sait. Un seul choc, énorme et étonnamment bref lui électrise une hanche, et puis plus rien. Reste la douleur sourde qui a ankylosé son bassin et ce goût âcre et écœurant dans la bouche et le nez. Le voilà qui remonte. Il a perdu sa ceinture de plomb et flotte à l’horizontale comme un bouchon, posé littéralement à la surface de l’eau, porté par les huit millimètres de Néoprène de sa combinaison. La vague vient de le cracher dans une zone bizarrement plus calme et douce, avant de repartir en rugissant finir son sale boulot là-bas. Il tourne lentement sur lui-même, surnage dans une eau mousseuse qui perd progressivement de sa vitesse. Il flotte maintenant sur le dos dans une masse de laminaires soyeuses qui le retiennent et forment une enveloppe protectrice, souple et épaisse. Le vacarme ambiant s’est un peu calmé. C’est une autre vague qui submerge le plongeur à présent. Le soulagement extraordinairement puissant de se savoir en vie, quasiment sauvé. Cela ne dure que trente secondes chaudes et réconfortantes, le temps pour lui de pisser dans sa deuxième peau, comme un nourrisson, sans même s’en rendre compte avant de revenir brusquement à la réalité froide dans un long frisson. Le reflux mental est dévastateur tant le désastre est total. Tout son corps lui fait mal. Il est nauséeux. Son frère a disparu. Le bateau est au fond. Le père… Et subitement quelque chose arrive dans son ventre comme un coup de poing, balayant cette envie de chialer qui venait d’éclore à peine. C’est de l’énergie pure, de l’adrénaline coulant à flots. Il sent sa rage revenir contre le vieux. Alors il se concentre dessus comme il attiserait un feu, s’en sert de mantra salvateur et furieux, y puise l’énergie qu’il lui faut retrouver maintenant s’il veut se sortir de là.
Il passe sur le ventre, bat des quatre membres, s’équilibre, distingue une ou deux lumières intermittentes quelque part plus haut, des véhicules peut-être sur la route côtière, qui passent sans se douter de rien. Il se dit qu’il va s’en tirer, pense à son frère, qu’il ne doit pas être loin, qu’il lui faut mettre la main dessus.
Quant au père… Le vieux saligaud a dû y laisser sa peau.
On verra. D’abord, se sortir de là. Retrouver le gamin. Alors il progresse, glisse et tombe, patauge, reprend pied en tremblant.
La nuit l’absorbe alors qu’il gravit lentement la pente chaotique qui mène au sentier.
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La rue était encore sous domination liquide. De tous les côtés la percussion lourde de millions de perles d'argent sur la tôle des véhicules en stationnement résonnait en une vibration sans cesse renouvelée, roulant, s'éloignant et revenant, au gré des bourrasques d'un vent imprévisible, s'anémiant soudainement. Parenthèse verticale. Dans la lumière crue d'un lampadaire, il baissa les yeux vers le caniveau noyé, suivant attentivement la génération spontanée d'un affluent inconnu, d'un Amazone encore au berceau, d'un Nil en devenir, d'un Mississippi prometteur. Et cela clapotait, glougloutait, coulait, roucoulait, enflait aussi.
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...et tant mieux si tout ça te sert à...je sais pas...à découvrir des vérités sur toi-même et sur ta vie...Ce que je peux te dire, c'est qu'on est seul, presque toujours, et que comprendre les choses essentielles, ça brûle...Ouais, c'est ça, c'est un feu...

page 114
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Il retrouva son fourgon là où il l'avait laissé, malgré l'acharnement obstiné des bourrasques à vouloir le ramener chez le concessionnaire.

page 15
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- Vous savez, quand ça arrivera, je veux me faire incinérer. Vous savez pourquoi ?
Sa femme était fâchée cette fois. Il insistait quand même.
- Alors, vous savez pourquoi ?
- Franchement non, monsieur Duros, je ne sais pas pourquoi. Attention, ça va secouer un peu.
Ils se turent, le temps que passe l’onde laissé par un bateau qui transbordait les militaires de Brest à l’ïle Longue. Brieux remarqua un cargo en attente, un peu à l’écart.
- Pour qu’on puisse dire : « Il aura fumé jusqu’au bout ! ».
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Et il s'écoute parler le salaud, encore et encore, module, descend dans les basses, ralentit, relance. Un vrai solo de jazzman, le Miles Davis du pipeau.
p. 141
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Brieux était sur le point d'entrer. La pluie furieuse s'interrompit brutalement, on aurait dit la reprise de souffle d'une sorcière hystérique entre deux incantations. Il profita de ce répit inattendu, descendit les deux marches et poussa fortement la porte avant de subir la suite du déluge en suspens. Une courte pause sur le seuil, dégoulinant. Bien que lourde et massive, il sentait la pièce de chêne derrière lui, vibrante et craquante à chaque rafale rageuse arrivée tout droit sans escale depuis l'autre côté de l'océan.
p.9
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Mais du passage de la voiture entre deux eaux à vingt-sept mètres sous ses pieds il ne perçoit RIEN.
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Les secondes s’égrènent, les minutes. L'éparse continue sa dérive silencieuse. Rien ne trahit son passage furtif. Un promeneur nocturne ayant décidé de sortir son chien insomniaque est à cet instant sur l'ancien pont qui enjambe l'Elorn, accoudé dans la brume. Il sent sur la peau de son visage l'arrivée progressive de la brise, son souffle humide et frais, il entend le petit clapot qui hachure la surface de l'eau en contrebas sous la couche de coton, et aussi le cliquetis des griffes de son chien un peu plus loin.
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Et puis ... plus rien, une suspension dans l'air, une parenthèse de paix, à peine le bruissement de l'air et le vrombissement du moteur et des pneus, frustrés de ne plus rien avoir à mordre.
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Il réalise soudainement ce qu'il vient de dire et se met à rire, Babeth se met à rire, puis Josette se met à rire, et enfin Jos. Les rires prennent de l'ampleur, les larmes coulent, on se tamponne les yeux. On reprend sa respiration. Le calme revient.
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Un choucas s'échinait sur une longue bogue tenace à coups de tête rageurs, s'équilibrant dans de grands battements d'ailes claquantes, faisant un beau raffut, inaudible de l'intérieur. Chute de la châtaigne. Éclair bleu dans l’œil de l'oiseau agacé. Envol brusque, et la branche oscillante. Retour au calme. Plus de rouge-gorge.
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C’est dans l’ombre portée dense et ténébreuse d’une masse énorme et écrasante de cumulus charbonneux, que le bateau des Banneck remonte les eaux envasées de l’aber, noires et désertes.
On croirait voir la barque de Charon remonter le Styx. (p. 185.)
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Cette nuit-là, les Banneck, père et fils, se sont embarqués pour une pêche
interdite, comme ils en avaient l’habitude. Le père à la barre. Les deux fils
en plongée. Le vieux Banneck avait trop bu. Le bateau n’est pas rentré au
port. René Joffre, le restaurateur dont l’élégant établissement domine la
rade, a cru que s’en était fini de l’extorsion de fonds, du chantage que ces
trois-là, mais surtout le vieux, lui infligeaient depuis des mois. Et que la
vie allait se poursuivre en paix, avec Yvette, sa femme, et Marc, son ami
d’enfance, son alter ego, celui sur qui il avait toujours pu compter. Sans
imaginer que ce dernier compromettrait leur amitié, ni que les Banneck
reviendraient des abysses, plus vengeurs et dangereux que jamais.
Ronan Gouézec mène avec âpreté ce roman de colère et de fraternité où
rien n’unit davantage les hommes que l’adversité.
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Il se sent différent tout à coup. Un autre Caroff... Encore un, pense-t-il, mais y en a combien bon Dieu, des Caroff dans cette carcasse ?
p.161
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Elle aurait voulu sourire, elle ne pouvait pas, ne pouvait plus. Elle essayait de concentrer dans son regard ce que son corps ne lui permettait plus d'exprimer et y arrivait assez bien.
p. 144
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Un peu en arrière, la silhouette de madame Ruiz... elle semble avoir capté toute la lumière de la pièce. Elle la restitue maintenant, elle irradie. C'est une lueur solaire insupportable qui le force à fermer les yeux. L'émotion lointaine qu'il maintenait suffocante au plus étroit du garrot étrangleur de sa force mentale depuis toutes ces années vient de s'échapper, de s'arracher à son étreinte désespérée, de remonter à toute force de son ventre à sa gorge, et c'est LUI qui s'étouffe à présent.
p111
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