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Critiques de Russell Hoban (37)
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Enig Marcheur

Bon 100 de boue Ah ! Je cherchais une lecture originale quand je suis tombée sur ce livre édité par Monsieur Toussaint-Louverture. Je me suis dit que c'était forcément une valeur sûre… Eh bien quelle migraine, mes amis ! Il a fallu s'y mettre à deux, avec mon mari, pour en voir le bout. En gros, on est dans un monde post-apocalyptique depuis tellement longtemps qu'on a oublié ce qui s'est réellement passé. Les peuplades semblent quasi primitives : Par incapacité à progresser de nouveau ou par peur de reproduire le passé ? Et cette peur, serait-elle entretenue par quelques-uns qui détiennent la mémoire, pour maintenir le nouveau monde tel qu'il est ? Comment font-ils pour dissuader la population de rechercher la vieille vérité enfouie ? Pourtant l'homme étant ce qu'il est, des rumeurs circulent encore sur le temps d'avant ; et si des spectacles « officiels » propagent la bonne parole, des légendes populaires se forment comme pour conserver l'amer moir… Seulement voilà, lorsqu'une civilisation périclite, le langage aussi, alors les concepts sont plus difficiles à appréhender, pour les personnages comme pour le lecteur… Car le narrateur est un enfant de 12 ans en quête de vérité et pour l'amer moir, il écrit son histoire… dans son jus.

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« A quoi bon la nuit c'est just du noir ça sert à rien quaux voyous qui voull nous taquet par sur prise et pillé nos prop piétés. Ils perdir l'amer moir de ce quété la nuit. Ils voulur just le jour toul tant et ils allé le fer avec les Chants Bardes. Ils avaient les N° du soleil et de la lune tout fracté et les fir gloutir par les machines. Ils dir : On vamettr tous les N° dans 1 Grand Boum et ce sera le N° des Chants Bardes. Ils bâtir l'Anneau des Nergies cest là où on voit le Cra Terre au jour d'hui. Ils déclenchèrent le Grand Boum et zoom parut un ganrr éclair de lumyer plus ganrr que le monde en tié et la nuit devint le jour. En suite tout dev nu noir. Rien que la nuit des années durant. Des pidémies oxir les genss ».

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Alors comme je suis une fille sympa, je vous la finis en bon François, mais si vous lisez ce livre vous n'aurez pas cette chance : il faudra lire en Parlenigme dans le texte (remerciez-moi, au départ j'avais écrit cette critique intégralement en Parlenigme) ! Un langage entre un babille d'enfant et un patois primitif. Faux couté tentif pour con prendre ce langage qui, pour reconstituer l'histoire, nous raconte des faits et légendes apparemment sans queue ni tête. Les personnages les analysent avec leurs moyens comme on tente d'interpréter la bible ou des textes anciens - et l'on voit à quel point on peut leur faire dire n'importe quoi, tout cela mêlé à la version officielle véhiculée par les spectacles de rue, la censure, et la transformation inhérente aux histoires transmises oralement durant des générations - autant dire le téléphone arabe.

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C'est une lecture pour ceux qui aiment les expériences, et dont l'esprit parvient à reformer rapidement les mots déformés. Ce n'est clairement pas mon cas : je butais à tous les mots, j'avais l'impression de ne pas avancer alors j'ai demandé à mon mari si je pouvais lire à voix haute : ça m'aidait à comprendre des associations phonétiques moins évidentes, mais l'Enigme Marchait toujours au ralenti. Alors Chou a proposé d'essayer à son tour, et finalement on a fini le livre comme ça : en lisant à voix haute à tour de rôle ! Mais le chemin de 300 pages vers la vérité est très long et tortueux ! D'un autre côté, lire trop vite en reconstituant les mots sans prendre le temps de regarder et d'analyser les mots qui les remplacent, c'est je pense amputer cette lecture d'une partie de son intérêt - et gâcher une grosse partie du travail du traducteur. En effet, les mots qui servent à en exprimer d'autres ne sont pas choisis au hasard, qu'il s'agisse de leur sens ou de leur sonorité. Il est donc intéressant parfois de ralentir et d'y prêter attention. Certaines associations phonétiques ou trouvailles lexicales sont particulièrement savoureuses.

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Le plus intéressant demeure que la forme sert évidemment le fond de l'histoire, c'est ce qui donne son sens au texte, et du sens à notre effort de lecture, sans quoi ce ne serait que pur masochisme.

En cela, Enig Marcheur est une oeuvre novatrice. Certains diront sans doute brillante. Mais sur le fond j'ai trouvé lassant que, ajouté au rythme de lecture ralenti par le langage, l'histoire tourne un peu en rond, sans aboutir à de grandes révélations. Et sur la forme, attention aux maux de tête : cela demande une énorme concentration car, même reconstitués, les mots racontent une histoire parfois obscure : ce sont des échanges entre gens issus de peuples revenus à l'âge de fer. J'ai pourtant l'expérience de ce genre de textes, moi qui ai adoré le bruit et la fureur (dont le récit débute dans la tête d'un handicapé mental), Des fleurs pour Algernon (où le récit débutait avec les mots et fautes d'une personne de faible QI), Acid Test (récit entièrement sous acide d'une série de very bad trip), etc… Mais là, vraiment, l'aventure est rude. Chou, m'a fait promettre de ne plus jamais acheter « ce genre de livre bizarre » - et sur le moment j'ai promis sans me faire prier ! Bon courage aux aventuriers du verbe !

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« J'étais bon en orthographe avant d'écrire ce livre ; ce n'est plus le cas maintenant ». (Russel HOBAN)
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Enig Marcheur

Monsieur Toussaint Louverture m’avait pourtant averti :



« Cette œuvre est l’essence même de la littérature, pleine de défis et d’audace, elle se révèle touche par touche et ce qu’elle a à offrir est immense ; ne vous laissez pas décourager, prenez le temps, lisez à haute voix, mais n’abandonnez pas, bataillez comme Enig bataille dans la nuit. C’est un livre précieux, intense et unique ».



Mais – et c’est rarissime chez moi – je n’ai pas pu aller au bout. Paradoxalement, cela n’est pas la langue si particulière qui a été un frein. Passée la surprise, je me suis au contraire pris au jeu de ce décodage original et particulier. Et ce sont d’ailleurs ces effets de styles qui m’avaient attiré.



Mais l’univers post-apocalyptique et fantastique de ce conte est définitivement trop éloigné des limites de ma zone de confort littéraire et mon intérêt allait trop décroissant au fil de ma lecture.



Pas grave : il plaît à tant d’autres !
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Enig Marcheur

Ce livre est une prouesse, bien entendu, mais avant tout ce livre est un miracle.



La chose la plus difficile à faire dans la création d'une mythologie est de lui donner du poids, la densité et le poids qui viennent des siècles. Quelque chose, je ne sais pas, qu'on pourrait qualifier "d'utile." Il n’est certainement pas surprenant de lire que Russell Hoban a écrit des centaines et des centaines de pages avant de tout réduire au texte final qu'on a sous les yeux aujourd'hui.



Ce roman est précédée, en France en l'occurrence, d'une réputation de difficulté quasi insurmontable. Bon, c'est quelque chose qu'on retrouve parfois à l'égard de bien d'autres romans en tout genre et qui semble au cœur même des craintes de certains lecteurs à plonger dans l'aventure. Cependant, je pense qu'il est utile à tout lecteur potentiel de ce chef d'œuvre d'avoir une idée de la facilité de lecture et de la rapidité avec laquelle on s'habitue à la phonétique.



Il faut encore prendre un instant pour souligner le travail absolument monumental de son traducteur, Nicolas Richard, qui a obtenu le prix Maurice-Edgar Coindreau de la Société des gens de lettres pour son époustouflante traduction (vous comprendrez qu'ici la syntaxe et toutes les règles connues de l'écriture ont été remaniées, aussi ce n'est pas qu'un travail de traduction qui a été nécessaire mais bien un travail de recréation de la langue) (si, si).



Le vieux cliché selon lequel il est plus difficile de simplifier des choses complexes est vrai, et Russell Hoban le fait avec une grâce et une légèreté de toucher impressionnante.



Ce livre est une prouesse, ce livre est un miracle, mais plus que tout ce livre existe. Pour de bon. Alors il ne vous reste plus qu'à le lire.
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Enig Marcheur

Un des plus gros paris de l'édition Française, sans aucun doute.



Avis aux gros lecteurs et aux curieux de nouveauté et d'originalité, avis à ceux qui travaillent dans les lettres et aiment jouer avec.



Ce roman propose un tout nouveau langage, à savoir le Parlénigm, parlé par Enig Marcheur, qui n'a pas "preuh" des mots, et ses contemporains qui vivent en 2347 N.C.C. après une guerre nucléaire qui a ravagé le monde.

Les hommes sont alors de retour à l'âge de fer et réapprennent à faire du feu avec des "pyer".

La "preuh" est omniprésente et se transmet volontier au lecteur.



C'est un roman aux allures tragiques dès le premier chapitre très évocateur.

D'autres pages relatent des faits assez noirs :



"Oxi avec sa bite et ses couilles rachées et sa tête presq aussi et son visaj viré au gris et les feuilles mouillées foulées au pieds et ses yeux fixés sur le ciel gris au dssus de lui."



Les personnages sont à la recherche de Vrérité avec l'aide de leurs rizzlas et leur hasch.

Eusa semble savoir beaucoup de choses. Eusa est 1/2, il est la ferrait, la pyer, le bois. Eusa est partout mais on ne le voit pas.



Le roman est partagé entre la poésie et la folie d'une génération. Il comprend plusieurs "gendes" qui feront échos dans vos esprits, et de quelques chansons très courtes, comme par exemple :



"Graine du jeune âge

Graine du sauvaj

Graine de char bon c'est

Le queur de l'enfaon"



Le lecteur, lui, suivra les aventures d'Enig Marcheur, dont le nom est évocateur et à double sens, grâce à son petit carnet de bord.

Enig se présente dés le second chapitre, il a douze ans.



"Marcheur je me nomme et je suis tout comme. Enig Marcheur. Je marche avec les nigmes partout où elles me mènent et je marche avec elles main tenant sur ce papier de meum".



Les gendes et les chants constituent donc une grosse partie du roman, mais il y a aussi tout le côté théâtrale très bien écrit et reproduit par Russel HOBAN. Je pense notamment à ce moment magnifique avec Plichinel.



Les hommes ne sont pas seuls sur cette nouvelle terre, il y a aussi leurs pires ennemis, les chiens aux yeux jaunes qui brillent dans le noir. Surtout ceux du chef.

Les chiens dévorent les hommes, les hommes dévorent aussi les hommes. L'humanité est en danger. Et Enig marche.



Enig part à l'aventure à la recherche de la Vrérité. Coûte que coûte. Rencontre après rencontre il s'endurcit et on l'apprécie un peu plus. Il a un discours d'enfant et des actes d'adultes.



Tous les noms de personnages et de lieux sont choisis avec soin et ont une histoire avec l'auteur ou l'histoire elle-même.



Enig Marcheur fait parti des gros paris de l'édition Française par rapport à son écriture, évidement. Vendre du Parlénigm n'est pas simple, quelle que soit l'histoire.

L'auteur confie lors de sa postface qu'il a mis cinq ans et demi à écrire son ouvrage. Qu'il a éliminé beaucoup de pages, et qu'il en a perdu son orthographe.

Les droits ont été attribués en France il n'y a pas si longtemps aux éditions de Monsieur Toussaint Louverture qui a su trouver le traducteur idéal pour ce texte hors norme, Nicolas RICHARD.

Le roman est paru aux USA en 1980. Russel HOBAN nous a quitté l'an dernier, et sa carrière en France semble juste commencer.

La langue originale du texte est le Riddleyspeak (Anterre).



Alors qui sera attiré par cette langue et cette originalité post apocalyptique qui appartient à un temps sans l'Elyte or Dinateur ?



L'écriture propose au lecteur une dégustation de chaque mot, de chaque phrase. Hormis les points et quelques guillemets, la ponctuation est absente. Même si c'est déroutant, on s'y fait.



Certains disent que lorsque le cerveau comprend enfin le système et lit couramment le texte, il provoque chez le lecteur une certaine jouissance. Les mots sont plutôt bien choisis.



Alors, jouissez bien.
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Enig Marcheur

Enig Marcheur vit dans un monde post-apocalyptique, on imagine après une catastrophe nucléaire mal définie. L’humanité semble avoir largement régressé jusqu’au début de l’humanité, vivant en bandes de chasseurs-cueilleurs ou de fermiers.



Impossible de parler de ce livre sans aborder son écriture : tout le récit est écrit en « parlénigme ». Très déstructurée grammaticalement, elle est essentiellement phonétique (« Erny tu cass tant lent biance qu’1 jour on pourras plus la rcoll »). À plusieurs reprises d’ailleurs, j’ai lu à voix haute, comme un enfant de six ans qui découvre la lecture en suivant le texte du doigt, buttant sur les sons les plus compliqués au beau milieu d’un mot.



Ce style ne rend pas la lecture facile, mais colle parfaitement à l’ambiance. Les habitants ne sont pas devenus anti-science. Au contraire, ils sont obsédés par les connaissances de l’ancien monde, avec le sentiment très fort de ne pas être au niveau. Effondrement total de la civilisation ou mutations génétiques dues aux accidents nucléaires qui limitent l’intellect, difficile de dire pourquoi. Néanmoins, le monde ancien et ses « Nergies » est décrit dans un mélange de conte, de religion et de spectacles de marionnettes. Les moindres bribes de connaissance sont vénérées à un point absurde, mon passage préféré restant l’exégèse de la sagesse ancienne en se servant d’un prospectus touristique. Mais du coup, ce déchiffrage difficile du texte nous met au diapason des habitants, qui déchiffrent tout aussi difficilement leur propre monde.



L’exercice de traduction en français a dû être particulièrement compliqué. Le travail me semble réussi, même si de nombreux jeux de mots ont été perdus. Je me demandais ce qui était passé par la tête de l’auteur pour que les villes se nomment « Gars en Rut » ou « Jambon du Père » : il s’agit de déformations de noms de villes anglaises : « Herne Bay » → « Horny Boy » et « Faversham » → « Father’s Ham », intraduisibles. Je n’ai cependant pas le niveau d’anglais suffisant pour lire ce roman dans la langue originale.



Enig Marcheur n’a pas été une partie de plaisir, sa langue le rendant fatiguant et fastidieux à lire. Certains lecteurs ont visiblement assimilé la langue au fur et à mesure, mais ça n’a pas été mon cas, et c’était toujours aussi compliqué à la dernière page qu’à la première. Paradoxalement, je pense qu’il n’aurait pas pu être mieux écrit, et qu’une langue « normale » aurait fait perdre tout son intérêt au roman. J’en conseillerai la lecture, avec un avertissement : il vaut mieux être en forme, et ne pas l’ouvrir pour se délasser après une journée fatigante !
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Enig Marcheur

Les éditions Monsieur Toussaint Louverture nous offrent, avec Enig Marcheur, un objet-livre de toute beauté. Affublé de trois jaquettes (une rouge avec les chiens, une noire avec le cerf et le cercle qui entoure le tout et la troisième en plastique transparent pour protéger le tout), Enig Marcheur est un livre que l'on ose à peine manipuler. de peur de les abîmer dans mes pérégrinations urbaines, j'ai retiré les jaquettes pendant ma lecture.



Le contenu est tout aussi intrigant puisque ce livre n'a pas été écrit en anglais classique mais en riddleyspeak (Anterre), une langue anglaise postapocalyptique dans laquelle l'orthographe, la grammaire et le sens des mots de la langue de Shakespeare ont été fortement mis à mal. Il aura fallu 32 ans (la publication anglo-saxonne date de 1980) pour qu'un éditeur trouve un traducteur assez fou pour traduire Enig Marcheur en parlénigm.



Cela donne ça :

"Enig y a rien pour toi qui est pas les gendes. le vent dans la nuyt la poussyèr sur la route meumla moindr pyèr que tu frappes du pied devant toi. Même les zombres de la moindr de ces pyèr qui roule ou pas tout est les gendes."



Comment en est-on arrivé là ? Il y a de nombreuses années (je dirais une centaine mais sans trop savoir pourquoi) un "Grand Boum" s'est produit (comprendre : une guerre nucléaire) et les êtres humains qui ont survécu sont retournés à un état de (non)civilisation assez proche de l'âge du fer (d'ailleurs le fer est très important pour eux, ils le récupèrent sur du matériel pré-apocalypse). L'écriture a presque disparu mais pas tout à fait, ce qui permet à Enig de raconter son histoire.



Et ces gens de tenter de mettre des mots sur ce qui s'est passé lors du "Grand Boum". Outre la survie, leur quotidien tourne autour de la "les gendes d'Eusa" avec l'histoire d' "Adom le Ptitome", qu'ils se transmettent de générations en générations, de clans en clans au moyen d'un théâtre ambulant orchestré par le proto-gouvernement qui régit (enfin c'est une façon de parler) ce petit bout de l'"Anterre".



Comme vous pouvez le concevoir, ce livre n'est pas facile à lire. En fait pour arriver à mettre des mots à nous sur cette langue, il faut le lire à voix haute dans sa tête. Cela ne vous donnera toutefois pas toutes les clés pour comprendre le contenu. Personnellement, j'ai eu l'impression d'être confrontée à la misère intellectuelle pendant 280 pages : leur univers, leur intellect est totalement étriqué et tourné dans une sorte de monomanie insupportable vers cette légende d'Eusa qui explique comment le Grand Boum est arrivé (c'est d'autant plus triste qu'en cours de lecture on apprend d'où vient réellement cette légende). A chaque page je me disais, "mais comment peuvent-ils être aussi naïfs ?", "comment peuvent-ils avoir oublié l'avant apocalypse à ce point ?". J'avais l'impression d'avoir affaire à des enfants qui essaient de jouer aux adultes, ne comprenant le plus souvent pas le sens des termes qu'ils utilisent.



Non seulement c'est effrayant, mais en plus c'est difficile à suivre. Je ne vous ferai donc pas l'affront de parler davantage de l'histoire car le fait que je n'en ai pas compris l'intérêt me laisse à penser que je n'en ai pas compris le fond. Ou alors peut-être qu'il n'y a rien d'autre derrière, je ne sais pas, juste une toute toute petite lueur "des spoirs". Mais dans tous les cas, le passé est perdu à tout jamais.



J'ai écrit cette chronique une semaine après avoir terminé le livre et je n'arrive toujours pas à me décider si j'ai apprécié cette histoire ou pas. Ma lecture, non pas trop, sauf le début pour la curiosité et l'attrait de l'originalité de la langue mais elle a été trop laborieuse pour que je puisse dire que j'ai passé un agréable moment, et ce n'était de toute façon sans doute pas le but de l'auteur. Mais l'histoire c'est une autre paire de manches. Il est clair qu'elle ne m'a pas laissé indifférente mais le seul truc que j'arrive à garder en tête c'est cette désertification intellectuelle. C'est un peu comme l'histoire de Charlie dans Des fleurs pour Algernon sauf que c'est avec toute une civilisation que cela se passe... Et c'est triste à mourir.



A noter que le livre est complété par une préface de Will Self, une postface de l'auteur et un glossaire. Tous trois me semblent indispensables pour compléter la lecture.
Lien : https://dragongalactique.com..
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Enig Marcheur

Mère veillement songe heure. À lire absolument.



Publié en 1980 en tant que science-fiction de genre, après sept ans d’écriture durant lesquels Russell Hoban survécut essentiellement grâce à ses écrits pour la jeunesse, aussitôt reconnu dans le milieu spécialisé par une nomination au Nebula 1981, puis par les prix John W. Campbell et 1982 et de la SF australienne en 1983, « Riddley Walker » explosa alors en quelques années en « littérature générale », devenant objet d’intenses études universitaires et quasiment « classique instantané », avec un statut envié mais ambigu d’objet littéraire extrêmement exigeant, élitiste, …et réputé presque intraduisible, du fait de sa profonde expérimentation sur la langue.



À titre personnel, c’est Iain Banks qui me le fit découvrir en 1995, quand dans une discussion sur rec.arts.sf.written, fabuleux newsgroup internet de cette époque de réseau balbutiant, il indiqua aux fans présents l’influence majeure sur lui de Russell Hoban, aux côtés d’Alasdair Gray et de Mervyn Peake, pour « The Bridge » et pour son hommage « Feersum Endjinn », bien sûr, mais pas seulement.



C’est cette barrière de la traduction « impossible » qu’ont fait sauter, en français, en novembre 2012, l’éditeur toulousain audacieux Monsieur Toussaint Louverture et le traducteur inspiré Nicolas Richard, quelques mois seulement après le décès de l’auteur (décembre 2011). Le défi était de taille, car dans cette campagne du Kent anglais post-apocalyptique (« environ 2 500 ans » après les massives explosions nucléaires), le jeune Enig Marcheur et ses compagnons d’infortune, vivant un nouveau néolithique au milieu des héritages et des déchets, ne disposent que d’un langage bien frugal, lointain souvenir de l’anglais pré-Apocalypse, essentiellement oral et phonétique, dont la première phrase du roman livre la tonalité : « I gone front spear and kilt a wyld boar he parbly benn the las wyld pig on the Bundel Downs. » devient ainsi « Le jour de mon nommage pour mes 12 ans je suis passé lance avant et j’ai oxi un sayn glier il a été probab le dernyé sayn glier du Bas Luchon. ».



Ce court récit (280 pages), à la lenteur étudiée et rendue obligatoire par cette langue particulière, doit beaucoup sur le fond – ce que Russell Hoban reconnaissait bien volontiers - au « Cantique pour Leibowitz » (1959) de Walter Miller, au sein du genre science-fiction, pour la manière dont bribes et reliques du temps jadis, subverties par la perte de la mémoire collective et par le manque de repères, sont devenues des objets « magiques » aussi révérés qu’incompris. Le seul texte en langue « classique » de tout le livre, un commentaire du tableau de Saint-Eustache trônant dans la cathédrale de Canterbury, est ainsi à lui seul un morceau de bravoure, un moment hallucinant de vertige, comique et tragique, sur la glose et sur l’exégèse, sur la fragilité de la signification surtout. « St est la bréviation de steuplé ». Et la figure légendaire culminante d’Eusa, mêlant le saint chrétien et le progrès scientifique incarné par les anciens « USA », nous invite tout au long du roman à une méditation ambiguë sur la manière dont la science imprègne, ou non, le corps social… Pour l’anecdote, on notera que « Riddley Walker » fut aussi le livre le plus encensé de l’histoire par la critique du… « Bulletin of Atomic Scientists » !



La traduction a aussi traité avec brio le fait que trois autres références majeures et implicites du roman, le pouvoir de création/formatage linguistique de l’Anthony Burgess d’ « Orange mécanique », l’ensauvagement du William Golding de « Sa Majesté des Mouches », et le vecteur populaire du théâtre de marionnettes traditionnel de « Punch et Judy », sont a priori moins familières au lecteur français (même avec le film de Kubrick pour la première) qu’au lecteur anglo-saxon. C’est en replongeant dans les racines de la Commedia del’Arte et du personnage de Polichinelle que Nicolas Richard a su trouver les mots justes (et pourtant fidèlement trafiqués) pour rendre l’étrange prégnance politique et culturelle des marionnettistes, à la fois conteurs, prêtres et fonctionnaires – et peut-être à terme possibilités de nouvelles émancipations - dans la désolation d’ « Enig Marcheur ».



La réflexion implicite sur la manière dont la langue forge l’esprit qui l’utilise, thème cher au Samuel Delany de « Babel 17 » et au Ian Watson de « L’enchâssement » irrigue ce récit, dans lequel un effort important de collation des indices et d’interprétation est demandé au lecteur, beaucoup plus que ce que à quoi nous sommes en général habitués. Cette tâche, ardue et formidablement gratifiante in fine, est toutefois largement facilitée par la lenteur de lecture imposée par ce langage distordu qui exige de notre part une sub-vocalisation presque permanente (en tout cas, au moins durant les cinquante premières pages, le temps de (re)créer une certaine habitude), et par les mots familiers, comme éclatés, tripes à l’air, par la catastrophe – dont les composants possibles ainsi brutalement mis à nu emportent leurs propres connotations, qu’elles soient poétiques ou au contraire précises – ce qui ne constituait pas le moindre défi pour la traduction ! N’oublions pas au passage, même si cela nous apparaît avec une certaine incrédulité, qu’Enig, dans ce monde, est… un lettré, instruit par son père dont le rôle impliquait une certaine maîtrise du langage écrit et oral, quand bien même les livres n’existent-ils plus…



Nous avons bien là, magnifiquement rendu en français, un chef d’œuvre, capable de transformer son lecteur, où, selon la belle formule de John Mullan dans le Guardian, « le narrateur porte l’ensemble de son monde dans sa phrase »,... et invite ainsi le lecteur à un « mère veillement songe heure » de tous les instants.

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Enig Marcheur

Dans le cadre de Masse Critique sur Babelio, j'ai reçu Enig Marcheur de Russell Hoban. Étant fan de post-apo, j'ai voulu découvrir cet OVNI encensé par beaucoup.



Will Self dit à juste titre dans sa préface que ce roman est exigeant. En effet. Écrit totalement en Parlénigm, une langue inventée par l'auteur, ce livre a longtemps peiné à trouver un éditeur et un traducteur français. Genre 30 ans. Les Éditions Monsieur Toussaint Louverture et Nicolas Richard ont relevé le défi. Je leur tire mon chapeau ! Je pense que Nicolas Richard a du y passer un temps colossal.



Pour ceux d'entre vous qui ont lu Des Fleurs pour Algernon, vous pouvez en partie imaginer ce que c'est de lire Enig Marcheur en Parlénigm. L'auteur a mis 5 ans à écrire ce récit et en a perdu son orthographe !



L'histoire se déroule dans le futur après un holocauste nucléaire. Enig, dont le père vient de mourir, décide de coucher sa vie, ses aventures et certaines légendes par écrit. Dans un monde où l'oralité est la norme, il écrit phonétiquement. Le langage ayant évolué avec les ans, certains mots sont devenus difficiles à comprendre.



Le jour de mon nommage pour mes 12 ans je suis passé lance avant et j'ai oxy un sayn glier il été probab le dernyé sayn glier du Bas Luchon. Toute façon y en avé plu eu depuis long tant avant lui et je me tends plu à en revoir d'aurt.



Enig est un livre difficile à lire, mais il est aussi poétique. Le héros m'a fait penser à celui de l’Été Machine de Crowley. Un exemple de mot réinventé : "ami" devient "âme mi", joli non ? La peur devient la "preuh", la pleine lune, la "Plaie Lune"...



Je ne vais pas vous mentir, malgré ma très bonne impression sur les premiers chapitres, je ne suis pas allée au bout de la lecture. Elle demandait un effort trop soutenu, et le plaisir de lire s'en ressentait. Pour cela, je ne la compterai pas non plus pour le challenge Fins du monde de Tigger Lilly.



Voilà ce que j'ai pensé de cette expérience Enig Marcheur. Si vous avez du temps, l'envie, et beaucoup de calme pour lire, n'hésitez pas à vous y plonger, et vous me raconterez cette "les gendes".


Lien : http://unpapillondanslalune...
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Enig Marcheur

Oh boï, on pourrait écrire des heures sur Enig Marcheur mais j’vais essayer de le faire plus court, je jure.



Déjà ça trie sur le volet. C’est écrit dans une langue à mi-chemin entre le moyenâgeux et la phonétique, le tout saupoudré de néologismes à la Claude Ponti sur 300 pages. Autant dire que ça passe ou ça casse direct.



Tu t’en doutes minou.e, pour moi le feu a pris directement sans avoir besoin de plus de combustible !



En Anterre (en Angleterre donc), près de Cambry, le jeune Enig Marcheur essaye d’écrire tout gosse qu’il soit ce qui a pu se passer depuis le Grand Boum, ce qu’il s’est passé avant le Sale Temps, tout en relatant sa propre histoire à lui :



En Anterre, les croyances se sont construites sur la légende de St Eustache - devenu Eusa et Adam le premier homme Adome le petit homme, et dont les mythologies circulent grâce aux marionnettistes et aux comptines qu’on chante et dont certains se servent comme carburant pour vivre.



J’ai trouvé ce roman complètement dingo. Et si tout n’est pas forcément compris à la première lecture, l’exercice de relire à voix haute peut s’avérer très utile. S’en dégage alors une clairvoyance et l’impression de déceler le génie dans l’écriture.



On pense beaucoup à la naïveté de Charlie Gordon dans le roman Des fleurs pour Algernon de Daniel Keyes. C’est impossible aussi de ne pas voir le parallèle avec ce formidable livre qu’est Niourk de Stefan Wul, où après s’être fait exploser la gueule à grands coups de concours de bites technologiques, les hommes ont régressé et bâti leurs croyances sur des vestiges qui ont conduit à la perte de leurs ancêtres.



C’était tellement chic pétard, mais vas-y comment c’est chaud à conseiller à cause de la langue dans laquelle tout est écrit. Je comprends que ça foute les jetons, mais mon cochon comment c’est bon quand tu t’en donnes la peine !



Booyah !
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Au lit Frances

Cet album est une réédition et nous apprécions de le découvrir, nous ne nous douterions pas qu'il date de 1960.



Un petit personnage que l'on trouvera craquant grâce à la stylisation de Garth Williams.

Mais l'auteur Russel Hoban nous le confiera tout de même, son personnage est un peu casse-pied, surtout si elle lutte pour ne pas rester au lit.



Nous aurons une évolution d'humeur intéressante : mise au lit, Frances fera reculer l'heure d'éteindre la lumière puis se trouvera prise à son propre piège de ne pas laisser venir le sommeil comme il se doit, ne pouvant plus dormir et s'inventant 10 000 choses dans la pièce de sa chambre.



Les parents des jeunes lecteurs se retrouveront sans doute dans cette situation, avec une enfant qui viendra quémander de dormir avec les parents plusieurs fois à point où il sera difficile de savoir si oui ou non cet enfant a vraiment peur.



La psychologie du personnage est intéressante, avec un petit opossum coquin sur le début et puis qui aura finalement besoin d'être rassurée prise au piège par son imagination.



Frances sera un peu trop grande pour dormir avec les parents, mais encore un peu petite pour faire face seule à ses petites trouilles nocturnes.

Le papa opossum se montrera patient, à l'écoute (même au fon du lit, un oeil unique ouvert pour la permanence) et trouvera les mots qui poseront un peu l'imagination de Frances.

Un album aussi plaisant qu'utile.

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Enig Marcheur

ENIG MARCHEUR de RUSSELL HOBAN

ENIG a une douzaine d’années, il est un des survivants du Grand Boom et un des rares qui peut écrire. Un langage curieux que le Parlenigme qu’il transcrit péniblement. Quand le récit commence, ENIG vient de perdre son père, écrasé par une pierre( très grosse!). C’est un garçon curieux, il veut comprendre le Grand Boom, ce qu’il y avait avant, pourquoi les différents clans qui survivent ont érigé des barrières , pourquoi ils se battent et pourquoi tous ces chiens jaunes qui tuent et mangent les hommes. Il veut comprendre le livre d’Eusa, ceux qui racontent l’histoire du Sale Temps et ce qu’il y avait avant avec des sortes de marionnettes. Alors il décide de partir pour chercher la Vérité et en chemin il est suivi par un chien, noir, le seul de cette couleur qui semble le chef et qui va le guider vers une trappe, début d’une longue aventure dans laquelle ENIG tentera de recoller des bribes de connaissances. Mais comment interpréter le texte de la tapisserie de St Eustache quand on ne sait pas lire! Car il est dans le Kent, dans ce qui fut l’Angleterre, à côté de Canterbury, où il y avait, sûrement, un réacteur atomique, des Anneaux d’Energie comme les survivants le nomment.

C’est un voyage dur et émouvant, pour reconstituer la mémoire de ces Tribus survivantes que celui d’Enig, mais l’intérêt de ce livre n’est pas du tout dans l’histoire mais dans la façon dont le texte est intégralement écrit, le Parlenigme, mélange de phonétique, d’abréviations, de patois local et autres altérations de la langue. Il m’a fallu une bonne vingtaine de pages pour comprendre (à peu près)le texte et donc recommencer au départ! C’est une aventure littéraire assez passionnante mais difficile à recommander tant cela demande d’efforts!

Extraits

« J’ai rien d’aurt que des mots à mett sul papier. C’est si dur. Par fois y a plus sur le papier vyde qu’il y a quand l’ecrit couche dssus. Tu sayes de sprimer les ganrr choses et elles te tournn le dos. Pour tant tu verras des vestij en pyer et leurs dos te parle rond »

Le traducteur est Nicholas Richard, il a mis plus de 5 ans pour venir à bout du texte de HOBAN qui en a mis 7 pour l’écrire. Nicholas Richard a traduit entre autres Thomas PYNCHON et Richard BRAUTIGAN, pas les plus simples à déchiffrer.

Bon courage aux lecteurs qui se lanceront dans cette aventure Unique!!

L’originalité est décidément la marque de fabrique de Monsieur Toussaint Louverture.
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Enig Marcheur

"Cest juste une histoire et cest ça les histoires."



Enig Marcheur, vit dans un monde de l’après. L’après du « Grand Boum », moment destructeur (guerre chimique?, évènement destructeur?). L’après du décès de son père, mort écrasé sous une pierre. Et cet après, Enig décide d’en coucher par écrit son expérience.



"C’est pour ça que final ment j’en suis venu à écrire tout ça. Pour penser à ce que l’ydée de nous purait être. Pour penser à cette chose qu’est en nous ban donnée et seulitaire et ivrée à elle même."



Dans ce monde où tout est boue, peur (preuh), ignorance (gnorance), où des chiens noirs rôdent et attaquent tout qui s’aventure en dehors des villages, dans ce monde qui a perdu jusqu’à ce qui le situe dans le temps, dans ce monde uchronique et clanique où seul survivre compte, Enig Marcheur, du haut de ses douze ans, par ses actes et par le fait d’en rendre compte en les écrivant, se lance dans une fabuleuse quête de la « Vrérité » . Et il découvre un monde fondé sur l’apparence, où tout le système politique repose sur des spectacles de marionnettes presque doctrinaux.



Mais le tour de force de Russel Hoban (et de son traducteur Nicolas Richard) est d’arriver à nous faire découvrir ce que découvre Enig Marcheur dans le même temps. Car la langue de cet après est elle aussi comme revenue à une forme de préhistoire où toute tradition se veut orale. La langue dans laquelle Enig Marcheur rend compte de son expérience est donc comme bâtarde, écrite mais phonétique, décomposée à l’extrême. Et cette langue éclatée, qui fait déborder la signification et qui ne se recompose que dans la voix, cette langue ralentit la lecture. Et donc elle permet de calquer le temps de la lecture sur le rythme de compréhension du héros.



"J’avé dans l’ydée d’y aller mollo et de fer du solide. Une pansée à près l’aurt chac chose en son tant d’abord les picqué en rond dans la fauss en suite les picqué porteurs en suite les chevrons sur les pixqué porteurs et la rêvel dssus le tout comme le chaume. Donc on pourè tout jour fer le trajet à l’en vers à partir de la rêvel et bien voir comment toul truc été bâti et voilà ce quallè être le style de Enig Marcheur."



La langue ainsi créée pour ralentir la lecture peut alors regorger de sens. Elle est mise en scène de son propre éclatement. Elle est trace et moyen de recomposer ce dont elle est issue. Le génie tient ici à accoler à la recomposition phonétique qui permet au lecteur de s’y « retrouver », un découpage qui l’entraîne vers une abondance de signes qui forment un ailleurs autre et inconnu. Ainsi la lecture recompose t’elle dans la voix les termes âme mi en « ami », ou l’amer moi en « mémoire », sans que les deux termes connus et rassurants ne viennent épuiser ni recouper pleinement les premiers. La page est alors le lieu véritable de la création.



"J’ai rien d’aurt que des mots à mtt sul papier. C’est si dur. Par fois y a plus sur le papier vyde qu’il y a quand l’écrit couche dessus. Tes sayes des sprimer les ganrr choses et elle te tournent le dos."



Dans la lenteur de la lecture, qui recrée aussi un temps autre, on découvre un enfant qui découvre ce qui l’entoure et lui-même. Mais aussi que cette découverte reste toujours limitée, car nous sommes parties de cette Vrérité à découvrir.



"On verra jamais le tout de couac ce soit on est tout jour en son mi lieu à vivre de dans ou en meuve ment à le traverss."



Un chef d’oeuvre!
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Enig Marcheur

Tout d'abord, j'ai adoré la langue dans laquelle l'auteur a écrit le livre, "meum que eum suis mis à la parl cette lang deux sang smêlés quid et tourne les maux, leur rdonne an une nous vielle éthiqumologie" ;).



Enig Marcheur continue sa route sans moi, le livre est terminé. Comme toujours arriver à la dernière page laisse un goût amer, "ça m'effet bizarre" de revenir dans mon monde où tous les jours on nous demande de croire dans le mythe de la croissance comme dans "Enig Marcheur", ils espéraient dans le retour du Grand Boum avec le résultat qu'on peut y lire...



J'ai aimé arpenter l'Anterre, une Angleterre post-apocalyptique, avec ce gamin plein de ressources qui semble la seule voix de la raison quand les situations deviennent conflictuelles ou dangereuses. Ce qui m'a le plus plu chez ce personnage c'est sa liberté d'action que seule lui permet sa capacité à laisser les conséquences éventuelles de ces actes de côté pour seulement écouter sa conscience.



Mes seuls bémols : au dernier chapitre, le dernier retournement de situation me laisse un peu dubitative et il y a, à un moment, à Cambry, une ronde avec les chiens qui tout d'un coup marchent sur leur pattes arrières que je ne m'explique pas... (Si quelqu'un se sent de m'expliquer ces passages, je suis preneuse car j'ai l'impression d'être passée à côté de quelque chose de très signifiant.)



En terme d'Anticipation car je n'ose utiliser le terme de sciences fiction pour un monde qui n'a même pas seulement réinventé la poudre ;), c'est l'un des plus originaux que j'ai pu lire.





En postface, l'auteur explique sa démarche ce qui rend le livre d'autant plus vivant. La description de son "mind mapping" créatif est tout à fait farfelu et éclairant.



Ensuite, il y a un glossaire bien inutile et une description de l'édition -j'étais vraiment en manque à la dernière page de l'histoire alors j'ai lu jusqu'à la dernière lettre de cette édition- qui rend fière de posséder une telle merveille ! Je salue particulièrement l'idée de la couv' en "Lucprint Cristal brillant de 198 grammes" qui m'a permis de le lire easy dans le bain sans même l'abimer :).



Mon dernier paragraphe sera pour ovationner le traducteur, Nicolas Richard ! Je n'y pense jamais au traducteur, sauf pour ce roman. Traduire un livre comme çà est digne de figurer dans le Guiness des records. Il a réussi à tordre la langue française à partir d'une torsion de l'anglais pour en faire un parlénigm envoûtant.
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Enig Marcheur

J’en vois qui essayent de fuir, par la porte du fond. Restez encore un peu.

Ceci, messieurs-dames, n’est pas du langage sms, se situe à des siècles de distance d’une simplification bêtifiante du langage. C’est la langue dans laquelle est écrit l’un des romans les plus saissants qu’il m’ait été donné de lire ces dernières années. Ce sont les mutations d’un monde futur que l’on vous offre d’assimiler au plus intime en apprivoisant le parlénigm. Restez encore un peu, car alors vous resterez totalement.



Certains se rappellent peut-être à quel point je fus saisie par le questionnement qui sert de fil au puissant documentaire Into Eternity ? Il s’agissait, pour résumer, d’imaginer, à propos d’un projet de centre d’enfouissement des déchets nucléaires, une manière compréhensible de s’adresser aux générations futures par-delà les millénaires, afin de les avertir de se tenir à l’écart du site. Il y a beaucoup de points d’interrogation dans ce documentaire.

Imaginez ma fascination en trouvant dans le roman de Russell Hoban une réponse possible – plus que possible, puissamment élaborée, et qui emporte d’autant plus le lecteur qu’elle respecte pleinement, et exploite avec brio, l’obscurité et la fragilité des matériaux travaillés, le langage et ses (dé)constructions, la légende et la science, la psyché.



Impression de lecture plus développée sur Psycheinhell :
Lien : http://psycheinhell.wordpres..
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Enig Marcheur

Plus qu'une lecture, c'est une expérience. Une expérience déroutante, parfois difficile, mais singulièrement gratifiante et originale. En inventant un nouveau langage, le Parlénigm, version appauvrie du nôtre, dont il est une sorte d'adaptation phonétique, Russell Hoban nous immerge dans un univers original et prégnant, en 2347 N.C.C.



Une guerre nucléaire (le "Grand Boum") a ravagé le monde, et fait régresser les hommes à l'âge de fer. Ils ont hérité d'une nature dévastée, et, oublieux de la civilisation pré apocalyptique, se sont bâtis, de bric et de broc, une mythologie collective empruntant à de vieilles bribes de religion auxquelles se mêlent des références à une technologie disparue. Incapables de déchiffrer le sens des rares écrits sauvés du passé, ou de comprendre l'utilité des objets d'antan qui jonchent le sol de la campagne du Kent où se déroule l'action, ils ont de leur Histoire une interprétation simpliste et erronée. La figure centrale en est le légendaire Eusa, qui, à la demande de M.Mallin, extorqua le secret de la bombe au Ptitome bryllant, déclenchant ainsi "le Sale Temps".



Enig, douze ans, vient de perdre son père, "oxi dans la creuz où il jobbait". Il hérite de son statut de passeur d'histoires. A ce titre, il prend la route, à la recherche d'une improbable "Vrérité", et conte ses aventures dans le carnet de bord qui compose le récit. Car Enig, contrairement à nombre de ses contemporains, sait écrire...



"Le jour de mon nommage pour mes 12 ans je suis passé lance avant et j'ai oxi un sayn glier il a été probab le dernyé sayn glier du Bas Luchon".



"Enig Marcheur" est un conte grisâtre et pessimiste, dans lequel l'auteur imagine les conséquences de l'utilisation, à des fins guerrières, de la puissance technologique mise à disposition de l'homme. On s'interroge au cours de la lecture sur le sens de la survie humaine dans une société devenue amnésique de ses erreurs, et incapable de se réinscrire dans une dynamique de progrès. La communauté dépeinte dans "Enig Marcheur" laisse une impression de médiocrité, d'appauvrissement intellectuel, et de perméabilité à la superstition. La violence et la "preuh" sont omniprésentes, notamment sous les traits de chiens aux yeux jaunes, qui, revenus à l'état sauvage, dévorent les hommes. Les êtres humains ne sont pas en reste : séparés en deux communautés distinctes qui s'opposent -les fermiers et les nomades-, ils font parfois preuve d'une barbarie primitive.



"Oxi avec sa bite et ses couilles rachées et sa tête presq aussi et son visaj viré au gris et les feuilles mouillées foulées au pieds et ses yeux fixés sur le ciel gris au dssus de lui."



C'est également une évocation puissante de la subjectivité historique, et des dangers liés à l'illusion du progrès... Peut-être le monde dépeint par Russell Hoban est-il finalement celui d'une deuxième chance pour l'homme qui, libéré des valeurs qui ont conduit à sa perte, se voit offert la possibilité de créer une société nouvelle, et que l'époque d'Enig n'est que celle d'une transition vers quelque chose de meilleur ?



Un roman à découvrir, donc, à condition d'être prêt à quelques efforts, surtout en début de lecture. Il se produit ensuite un phénomène d'accoutumance assez étrange, dans la mesure où il rend d'autant plus vivants l'environnement d'Enig et les curieux personnages qui croisent sa route. Et bien que rendue abrupte par cette langue atypique -il faut d'ailleurs saluer le travail de traduction auquel s'est attelé Nicoles Richard, ce que personne n'avait osé faire depuis la parution de ce roman en 1980-, le texte offre malgré tout des moments de divertissement, paradoxalement grâce à la dite langue, qui est en effet l'occasion de jeux de mots parfois grivois, délivrés comme incidemment, avec une sorte de fausse innocence.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Enig Marcheur

Ceci n’est pas un livre. Enig Marcheur est beaucoup plus qu’un livre, c’est une expérience totale et on comprend qu’un culte se soit développé autour de ce roman paru en 1980 en anglais (ou plutôt en Riddleyspeak), enfin traduit trente-deux ans plus tard en Parlénigm grâce aux éditions Toussaint Louverture et au génial Nicolas Richard.



L’humanité a été détruite par une apocalypse nucléaire – le Grand Boum, et les hommes sont retournés à l’âge de fer ; la vie n’a plus beaucoup de prix parce qu’il faut bien bouffer et survivre. Dans ce monde où ne subsistent plus que des fragments de connaissance, les hommes ont gardé la conscience, et pour certains la honte, de ce qu’ils ont perdu, tout en étant remplis d’illusions sur ce qu’est la science et la connaissance, comme peuvent l’être des enfants.



« J’ai murmué à mon tour : "O ce qu’on été ! Et où on en est rivé !" »



Enig Marcheur a douze ans. Dans ce futur lointain, c’est l’âge d’homme, il quitte son clan, part en quête du monde et couche ses aventures et ses émotions sur papier.



A l’image de l’humanité, le langage n’est pas sorti indemne de cette apocalypse, il a été détruit, découpé en morceaux (en mort sots). La lecture d’Enig Marcheur est donc une aventure intense parsemée d’obstacles, de frustrations et enfin de satisfactions car il faut apprivoiser la langue de ce livre, le Parlénigm.

Enig Marcheur nous plonge dans la confusion de ce monde, en même temps qu’il nous ramène de force à la lenteur de la marche à pied et de la tradition orale de transmission des légendes. Russell Hoban réussit la performance géniale de nous mettre dans la peau d’Enig Marcheur, face à la violence de ce monde, dans la peau de ce héros habité par une volonté farouche de comprendre et de raconter, avec des mots et une compréhension des événements retombés en enfance.



«Le jour de mon nommage pour mes 12 ans je suis passé lance avant et j’ai oxi un sayn glier il été probab le dernyè sayn glier du Bas Luchon. Toute façon y en avé plu eu depuis long tant avant lui et je me tends plus à en rvoir d’aurt. Il a pas fait le sol trembler ni rien quand ila foncé sur ma lance il été pas si gros en plus semblé chétif.»



Vers la fin de sa vie, Russell Hoban, qui ne manquait apparemment pas d’humour, aurait dit « I think death will be a good career move for me». Il est malheureusement décédé en 2011, avant la publication en France de cette traduction extraordinaire de Riddley Walker, qui je l’espère recevra la reconnaissance qu’elle mérite.
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Enig Marcheur

Abandon



Un bel ouvrage d edition, une couverture qui attire et un sujet qui vous accroche. Mais voulant vraiment'en'phasecavec ses personnages et leur époque, le livre est dans une écriture essentiellement phonétique mais pas que... du coup après 80 pages d efforts terribles j ai jeté l'éponge.
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Enig Marcheur

C’est un ovni dans lequel je me suis plongé sans réellement réfléchir aux conséquences.

C’est un texte abrupte qui remet en question de nombreux fondements dans nos sociétés.

C’est un chemin périlleux et sublime.

La place du langage est primordiale, ainsi que celle des histoires et des légendes.

Enig pose trop de questions auxquelles les habitants ne souhaitent pas toujours y réfléchir.



Un choc verbal intense



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Enig Marcheur

Je suis triste ce soir, triste parce que j'ai laissé tomber Enig Marcheur alors que ça faisait si longtemps que j'avais envie de le découvrir.

J'abandonne non pas parce que l'écriture est spéciale, déroutante et compliquée : au bout de quelques pages on s'y fait à ce "massacre" de l'écriture telle qu'on la connait. Il suffit finalement de l'oraliser et tout est déjà plus compréhensible. Il y a même de la poésie dans cette façon de déstructurer les mots.

Non j'abandonne parce que l'histoire ne m'intéresse pas, je n'ai pas envie de connaitre la suite, de savoir ce qui arrive à ce jeune garçon...



J'aime les livres atypiques, les expérimentations mais encore faut-il que l'histoire en vaille la peine.

Tant pis pour moi... au moins j'aurais essayé...



PS : chapeau bas à Nicolas Richard le traducteur !
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Enig Marcheur

Effectivement, ceux qui voient le langage ou une œuvre comme un monolithe, quelque chose d’incorruptible, pourraient bien voir leurs certitudes s’ébranler à la lecture de ce livre. S’ils ne le rangent pas trop vite dans la case "un truc bizarre / mal écrit parce qu’expérimental". Qu'est-ce qu'on tente ici ? On peut s'apercevoir que l'histoire – des personnages qui deux mille cinq cent ans après une guerre nucléaire dans les années 90, tentent une reconstitution d'un passé mythique (notre époque) et du grand boum, un complot s'en mêle – se ramasse à l'intérieur d'un texte où les mots se sont transformés et créent plusieurs entrées de sens. Le livre de Russell Hoban est un gigantesque trou noir dans lequel Canterbury (Cambry à l'époque du livre), magnifique ville au charme vétuste, s'est transformé en fange malfamée.



Le texte commence par nous résister – quoi de plus naturel, quand on est confronté à une autre époque de cette façon – en lisant, on entre plus que jamais dans la posture d'un traducteur. On peut le lire à voix haute ou repasser par la tête, il y a toujours plusieurs pistes ; le jeu est de les déchiffrer, disons aussi de défricher un chemin. On peut d'ailleurs constater la prouesse du vrai traducteur, Nicolas Richard, et le travail d'édition toujours très chic, de Monsieur Toussaint Louverture.
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