Citations de Ruwen Ogien (141)
Les raisons d’aimer sont des raisons comme les autres. Elles appellent une évaluation qui nous permettra de décider si elles sont bonnes ou mauvaises.
Aimer, c’est ressentir une certaine forme d’admiration pour l’aimé. Mais on peut aimer quelqu’un sans l’admirer, en méprisant profondément son caractère, en étant dégoûté par son apparence et ses habitudes.
L’amour nous laisserait entrevoir la possibilité d’un monde plus solidaire, où tout ne serait pas calcul intéressé, où l’on accepterait de donner sans rien attendre en retour.
Les enfants seraient naturellement « minimalistes » en ce sens que, pour eux, toute l’éthique se réduirait au souci de ne pas nuire aux autres.
Qui suis-je si toutes mes cellules ont été reconstruites à l’identique ou si tous mes organes ont été remplacés ?
Au vue de certaines recherches récentes en psychologie morale, on pourrait penser que les humains sont non seulement plus moraux qu’on a tendance à le dire, mais beaucoup trop moraux, c’est-à-dire beaucoup trop enclins à juger les autres, à faire la police morale, à fouiner dans la vie des gens, à se prendre pour des saints.
C’est ce que John Stuart Mill suggérait déjà lorsqu’il écrivait : « Il n’est pas difficile de montrer, par de nombreux exemples, qu’étendre les limites de ce qu’on peut appeler la police morale, jusqu’à ce qu’elle empiète sur la liberté la plus incontestablement légitime de l’individu, est, de tous les penchants humains, l’un des plus universels. »
Supposons qu’on vous demande : « Qui doit battre l’épouse au cas où elle aurait été infidèle : son frère, son père ou son mari ? »
Vous allez répondre que c’est une question absurde, mal posée, à laquelle vous ne voulez pas répondre, car elle est déjà la marque d’une certaine façon de penser que vous récusez.
Panique morale (...) Une sorte d'effondrement des règles élémentaires de la vie en commun, de notre identité, ou des bonnes moeurs. (...) Panique morale (...) outrée ou injustifiée.
(...)
Le mariage gay, l'homoparentalité, l'aide active à mourir, l'assistance médicale à la procréation, la consommation de cannabis, la reconnaissance du travail sexuel sont assimilés à de dangereuses "lubies libertaires". On dit : "Ce n'est pas à vous de décider" au nom d'un "intérêt général de la société" sur lequel n'existe aucun consensus. C'est du paternalisme.
Alors que les définitions de l'amour devraient contribuer à éclairer ce sentiment, tout donne à penser qu'elles ont été spécialement conçues pour le rendre encore plus obscur.
Il faudrait préférer le sexe avec amour au sexe sans amour car l’amour rendrait les relations sexuelles plus heureuses, plus gratifiantes, plus réussies.
C’est pourquoi, au-delà de tout moralisme, le sexe avec amour serait bon et le sexe sans amour mauvais.
Cupidon est souvent représenté comme un très jeune enfant espiègle et dépourvu de sagesse. Il possède un arc et des flèches qui ensorcellent les humains lorsqu’ils en sont touchés. Ils succombent alors aux aléas absurdes des passions qu’on ne contrôle pas.
Ce petit dieu de l’amour frappe ses cibles aveuglément, par caprice, ce qui conduit à mettre ensemble des partenaires qui ne se conviennent pas.
Les relations essentiellement romantiques ou sexuelles ne présentent guère à mon avis de paradigmes authentiques ou éclairants sur l’amour. Elles sont en général reliées à toute une série d’éléments qui nous éloignent du fait que la nature essentielle de l’amour est d’être une préoccupation désintéressée ; elles engendrent une si grande confusion qu’à la fin il est pratiquement impossible d’y voir clair.
Si l’amour est une émotion, et si l’émotion est une réaction viscérale, il ne disparaît pas nécessairement quand on apprend qu’il n’y a aucune bonne raison de le ressentir, un peu comme la peur qu’on peut éprouver devant des souris minuscules ou des araignées : cette peur demeure même quand on sait que ces petites bêtes sont inoffensives. De la même façon, l’amour est une joie simple qui n’est pas justifiée par des raisons. Elle est liée au fait de l’existence de la personne aimée, au désir de s’unir à elle.
Mais on peut aussi considérer qu’aimer c’est, principalement, avoir des raisons profondes ou futiles d’apprécier quelque chose ou quelqu’un. L’amour s’en va quand ces raisons disparaissent.
les projets récents de faire "revenir la morale à l'école" montrent à quel point la pensée conservatrice est devenue hégémonique dans les esprits, même à gauche, en dépit du fait qu'elle stigmatise injustement les plus pauvres.
Il n’est pas absurde d’estimer que la peur d’un ours qui court vers vous en bavant et en hurlant alors que vous n’avez aucune protection détecte directement, sans passer par la réflexion, une propriété vraie de cet ours : sa dangerosité.
Si un kantien dit « Il n’est pas permis moralement de pousser le gros homme » est une intuition déontologiste, c’est un abus de langage. Il devrait dire : « Mon interprétation de l’intuition est déontologiste ».
Dans la tradition philosophique, on juge la valeur morale d’un acte à ses intentions. Mais certaines études expérimentales montrent que, spontanément, nous jugeons les intentions à la valeur morale des actions.
Plus précisément, notre tendance à juger qu’une personne agit intentionnellement sera plus forte si les résultats de son action sont mauvais, et plus faible si les résultats de son action sont bons.
Pourquoi serait-il contraire à la dignité humaine de vendre ses capacités à donner du plaisir sexuel, à porter un enfant pour autrui et non de vendre ses capacités athlétiques, sa patience, son habileté, ses connaissances, son intelligence ?
[…] on a du mal à comprendre ce que veut dire : « une préférence pour ne pas être né ».
Il ne peut pas s’agir littéralement d’une préférence pour l’état dans lequel on est quand on n’est pas né. Nous ne savons pas dans quel état on est quand on n’est pas né. Comment pourrions-nous le « préférer », le choisir, dire qu’il est meilleur que celui dans lequel nous nous trouvons ?
« Il est contraire aux lois et aux mœurs de notre société de recevoir une rémunération en échange d’un don d’organe. Mais en quoi est-ce contraire à la dignité humaine ? » (p. 188)