Citations de S. J. Parris (141)
(...) mon ars memoria est bien plus qu’une simple technique utile aux orateurs ou à ceux qui veulent améliorer leurs capacités mémorielles. C’est un art profondément magique, mis au point lors de mes mois de fuite en Italie et affiné au fil de longues années d’études, dans les bibliothèques et les archives de Gênes, de Toulouse et de Paris. C’est une réalisation merveilleuse, je n’hésite pas à le dire, bien que peu d’hommes soient capables de le comprendre pleinement ; mon système est le premier du genre à combiner l’art classique de la mémoire et la philosophie enseignée par Thomas d’Aquin, puis transmise par l’enseignement de l’ordre auquel j’appartenais, les dominicains, mais j’ajoute à cela le plus puissant des ingrédients, l’antique sagesse égyptienne d’Hermès Trismégiste. Sans cet élément de magie, mon œuvre n’aurait eu aucun intérêt pour le roi Henri de France, un homme dont l’enthousiasme pour les sciences occultes talent en la matière.
Chapitre 9
J’en ai assez vu ici-bas pour croire que Dieu nous a donné la raison afin que nous nous en servions et que le diable n’existe que dans le cœur des hommes.
Chapitre 8
Cette porte était fermée quand je suis parti, je suis prêt à le jurer sur tout ce que j’ai de plus cher ; je suis minutieux jusqu’à l’obsession sur ce point. En six mois, je ne suis jamais sorti en oubliant de fermer le verrou : il y a dans mon coffre des livres et des écrits qui ne seraient pas du goût de tout le monde dans ce bastion catholique.
Chapitre 6
Mais je vous le demande : ce quinzième livre perdu, que croyez-vous qu’il contienne ? — Personne ne le sait vraiment. C’est ce qui fait son irrésistible attrait. Nous savons seulement que le grand philosophe et astrologue Marsile Ficin refusa de le traduire pour Cosme de Médicis parce qu’il avait peur des conséquences pour la chrétienté.
Chapitre 6
Sous les poutres massives de cette immense bibliothèque, où l’on croise souvent des savants et des écrivains épuisés d’avoir traversé les mers ou cavalé pendant des jours pour consulter un livre dont Dee possède la seule copie connue, il y a encore deux pièces privées, dans lesquelles ne sont admis que ses amis les plus proches et ses associés : son laboratoire alchimique et son cabinet, son sanctuaire. (...)
Dans le laboratoire de Dee, j’ai toujours l’impression d’être pris au piège dans le ventre de quelque monstre, à cause de l’obscurité et de la chaleur que dégagent plusieurs cheminées continuellement allumées.
Chapitre 6
La bibliothèque du docteur Dee est pour moi l’une des merveilles inconnues de cette île pluvieuse. Toute sa maison est un fouillis abracadabrant d’extensions, d’élévations, de nouvelles ailes et de pièces secrètes, de sorte que de l’extérieur il est impossible de distinguer la forme originelle de l’habitation qui appartenait jadis à sa mère, enterrée quelque part sous ce labyrinthe. (...)
Sa collection de livres et de manuscrits, et la salle ellemême, sont plus vastes que celles des universités d’Oxford ; il a faire construire à grands frais de nouveaux rayons verticaux comme on en trouve maintenant dans les universités d’Europe à la place des anciens pupitres, de façon que les livres soient disposés au mieux, du sol au plafond, sur l’ensemble des murs. (...)
Il y a des étagères croulant sous les cartes anciennes roulées sur elles-mêmes et entassées à l’horizontale ; des vitrines regorgeant de vieux manuscrits sur vélin aux enluminures dorées, sauvés de la destruction dans les librairies monastiques d’Angleterre ; des livres pour lesquels Dee a traversé le continent, des livres qui coûtent une année de revenus, des livres reliés en vélin brun avec des ferrures de cuivre, des livres qui dans un autre pays lui vaudraient le bûcher.
Chapitre 6
Sidney et Walsingham étaient tous deux à Paris le jour du massacre de la Saint-Barthélemy, en 1572, quand les familles huguenotes ont été systématiquement massacrées et que les caniveaux de la ville se sont emplis de leur sang. C’est ce que Walsingham craint par-dessus tout : la réplique de cet événement à Londres si les catholiques reprennent le pouvoir. À Paris, ils sont nombreux à murmurer que le duc de Guise est responsable du bain de sang de la Saint-Barthélemy.
Chapitre 4
— Vous ne m’avez toujours pas dit votre religion, dit-il avec un regard entendu.
— J’ai été accusé d’hérésie par les catholiques à Rome et par les calvinistes à Genève, expliqué-je avec un sourire. Quand on parle de factions, je ne conviens à aucune. Ma philosophie les transcende. Mais pour cela, vous devrez lire mon livre.
Chapitre 4
(...) j’ai passé à cette fin des jours entiers dans la bibliothèque de Dee, m’immergeant dans les ouvrages d’Hermès Trismégiste et des néoplatoniciens ainsi que dans bien d’autres volumes remplis d’une sagesse durement acquise et de connaissances ancestrales, livres dont Dee possède l’unique copie.
Chapitre 4
Comme tous les jours je suis vêtu de noir, ombre solitaire dans ce paysage versicolore. J’ai endossé pendant treize ans l’habit noir de l’ordre dominicain ; plus tard, quand je gagnais laborieusement mon pain dans les universités d’Europe, j’ai enfilé la robe noire des docteurs. Maintenant que je suis libéré des contraintes de l’uniforme, je continue à porter du noir ; cela m’épargne d’avoir à me préoccuper de la mode, qui n’a jamais eu beaucoup d’intérêt pour moi : (...).
Chapitre 4
Toutefois, le meurtre de ce soir n’est pas l’acte téméraire de quelque illuminé prêt à mourir en martyr pour sa foi ; il y a une mise en scène calculée, une théâtralité qui a pour but de faire peur. Peur de quoi, cependant ?
Chapitre 2
J’écris un livre, réponds-je en prenant la direction du manoir. La bibliothèque du docteur Dee est une ressource inestimable pour moi. (...)
Je ne veux pas en dire trop sur l’ouvrage auquel je travaille tant qu’il n’est pas fini. L’idée que je tente de mettre en avant n’est pas seulement controversée, mais aux conséquences incalculables, bien plus que les théories avancées par Copernic. Je veux au moins qu’il soit écrit avant de devoir le défendre.
Chapitre 1
Aucun de nous ne se fait d’illusions ; ce que nous accomplissons là est considéré comme de la sorcellerie, c’est un crime majeur aux yeux de l’Église et de l’État. Il suffirait qu’un serviteur bavard ait vent des activités de Dee et nous nous retrouverions tous au bûcher ; les autorités protestantes de l’île, plus tolérantes en certaines matières que l’Église de mon Italie natale, frappent toujours avec force tout ce qui touche à la magie.
Prologue
John Dee est l’homme le plus lettré d’Angleterre, mais il a en Kelley une confiance qui me semble complètement démesurée, bien que je ne sache rien de l’histoire du mage. Je me suis pris d’affection pour Dee et je n’aimerais pas le voir dupé ; pour autant, je ne voudrais pas qu’il me retire sa faveur, ce qui m’empêcherait de profiter de sa bibliothèque, la plus belle collection de livres de tout le royaume.
Prologue
Nous devons nous attendre à voir des signes et des prodiges dans les jours à venir, mes amis. Notre monde va changer, il ne sera plus le même. Nous allons assister à la naissance d’une nouvelle ère. (...) Car de quoi est-il question sinon du renversement définitif de la vieille religion au nom de la nouvelle, avec Sa Majesté brandissant le flambeau de la raison ?
Prologue
Un prince se dressera, qui brandira le flambeau de la raison durant son règne et qui repoussera les ténèbres de l’ordre ancien, et grâce à lui le monde commencera à changer, ainsi il établira une foi, une antique religion qui mettra un terme aux conflits.
Prologue
L’Enfer lui-même se lasse de la Terre. Alors adviendra un homme qu’on appellera l’Enfant de Perdition, le Maître de l’Erreur, le Prince des Ténèbres, et il en trompera beaucoup par sa magie. Du ciel rouge sang s’abattra un déluge de feu. Empires, royaumes, principautés et États seront renversés, les pères se tourneront contre les fils et les frères contre les frères, les peuples de la Terre seront jetés dans le tumulte et dans les rues des villes couleront des flots de sang. Vous saurez alors que sont venus les derniers jours de l’ordre ancien.
Prologue
L’Église catholique menace votre vie depuis longtemps. Votre haine ne vous incite-t-elle pas à prendre votre revanche ? N’avez-vous pas vendu vos services à la cause protestante afin de travailler contre l’Église qui vous a rejeté ? — Non, répondis-je sans ciller. Je ne hais personne. Je veux seulement qu’on me laisse percer en paix et à ma façon les mystères de l’univers.
Chapitre 20
La porte s’ouvrit et, pour la première fois depuis des années, la vieille magie de la messe opéra sur moi. Je sentis un frisson me parcourir la nuque. Ces gens parmi lesquels je me trouvais croyaient vraiment être en présence d’un mystère saint, ils y croyaient avec toute la pureté de leur foi, une pureté que j’avais oubliée depuis longtemps et qu’un homme comme Walsingham ne pouvait espérer comprendre. C’était la foi en ce miracle qui les faisait revenir, en dépit de toutes les menaces de mort, ils maintenaient cette flamme vivante en manière de défi et leur honnêteté avait quelque chose d’un peu humiliant.
Chapitre 16
(...), Il paraît évident que nous avons affaire à un fanatique. Soit il est possédé, soit il est fou.
Chapitre 11