S. K. Tremayne

Ce que vous dites est tellement vrai… La mort de nos proches est bien plus terrible que la nôtre et, oui, l’amour est une forme de suicide : quand on aime vraiment, on se détruit soi-même, on rend les armes, on tue délibérément quelque chose en soi. » (p. 187.)

Maman?Pourquoi tu m'appelles tout le temps Kirstie?

Je suis toujours là,maman,mais j'y suis plus.Non,j'y suis plus.

je ne crois pas aux fantômes.Pourtant c'était bien Kristie dans le liroir.Mais elle ressemblait en tout point à Lydia. Donc c'était aussi Lydia.Elles sont le fantôme l'une de l'autre. Lydia est le fantôme vivant de Kristie. Alors puisque je vis avec un fantôme pourquoi je refuse d'y croire?

Quand on aime vraiment, on se détruit soi-même, on rend les armes, on tue délibérément quelque chose en soi.

La vie exercerait donc une sorte d’effet semblable à celui de la corrosion ? L’âme pure et candide de l’enfant rouillerait avec le temps, serait en quelque sorte polluée par les années…

Tous les endroits où il y a de l’écho et de la résonance, où les vibrations de l’air ont le même effet subsonique que le grondement des prédateurs.

il est possible de déclencher chez les hommes une peur semblable à celle inspirée par les fantômes, en les soumettant à un grondement subsonique. C’est un son inaudible, pareil à celui émis par les prédateurs pour terrifier leurs proies.

L’angoisse me transperce de toutes parts, pareille à des milliers d’aiguilles.

Les jumelles ont toujours eu une peur panique de l’obscurité. Au bout d’un an environ, nous avons compris pourquoi : dans le noir complet, elles ne pouvaient plus se voir. Angus et moi avons donc toujours pris soin de leur laisser de la lumière – une lampe, des veilleuses… Même lorsqu’elles ont eu chacune leur chambre, elles tenaient à ce que la pièce reste éclairée la nuit, comme si elles pouvaient ainsi se voir à travers les murs.

- Mon vieux était un ivrogne et il battait ma mère, alors je ne suis pas sûr que "tragique" soit le terme approprié.

Pendant que je parle, Kirstie ne me quitte pas du regard un seul instant. C'est à peine si elle cille. Muette, passive, comme en transe, me renvoyant mes propres silences. Puis elle hoche la tête et ébauche un sourire. Déconcertée peut-être. Le calme règne dans la chambre. je suis à court de mots.
- Alors ? dis-je enfin. Qu'est-ce que tu en penses ? Aller vivre sur une île, rien que nous trois, tu ne trouves pas ça formidable ?
Kirstie acquiesce d'un léger mouvement de tête. Baisse les yeux vers son livre, le referme, me dévisage de nouveau.
- Maman ? Pourquoi tu m'appelles tout le temps Kirstie ?
Je ne réponds pas. Le silence me semble soudain assourdissant.

Nos chaises sont à exactement deux mètres l’une de l’autre.

Une amie mentalement instable, dont tu as sciemment aggravé la paranoïa. Je t'en prie, épargne-moi l’Évangile selon Tabitha Ashbury ! Le problème, c'est que tu ne m'as pas écouté.

Et lui c est Angus Moorcroft, et elle c'est Sarah Millerton. Il est écossais il a 26 ans. Elle est Anglo américaine elle a 23 ans. Maintenant vous êtes unis pour la vie.

— C'est une solitaire. Alors, pourquoi contrarier sa nature ? Laisse-la vivre, être elle-même, cavaler sur la lande, grimper sur les rochers, guetter les engoulevents... À son âge, j'adorais ça. C'est ma fille.

- Mais justement, Jo, ils t'écoutent, réplique-t-il avec un petit sourire suffisant. Ils sont conçus pour ça, pour se familiariser avec tes habitudes, tes besoins, tes désirs. Ils s'adaptent à ta personnalité et vont même jusqu'à l'adopter. Imagine ce qu'ils seront capables de faire dans le futur : ils remplaceront les amis pour les personnes isolées, les enfants pour ceux qui n'en ont pas...

Elle se penche vers le sac en plastique qu'elle a posé près de sa chaise et en sort une boîte. A la vue de la marque, je devine ce qu'elle contient : un des tout derniers assistants vocaux qui fonctionne exactement comme les autres mais est en plus équipé d'une caméra et d'un écran. Ça permet à l'utilisateur d'appeler en direct, de voir ses amis, leur chambre, tout leur intérieur. (...)
Cette idée me donne des frissons. Cet œil, infatigable, qui m'observe en permanence.

Je m'installe devant l'ordinateur, ferme Google Chrome et ouvre un autre navigateur : Firefox. Il y a quelques années, je n'utilisais que ça. Puis je suis revenue à Google, par facilité : on laisse deux ou trois géants de la tech gouverner son existence et tout se coordonne automatiquement, agenda et musique, chauffage et téléphone. On accepte allègrement leur domination, leur intrusion, leurs notifications, leur maternage ? Ils deviennent presque des parents? Mais qui sait jusqu'où ça va ? Jusqu'où Electra, HomeHelp et les autres peuvent-ils contrôler ma vie sur Internet ?

Regard bleu innocent. Sourire charmant.
Elle s'attarde un instant sur le seuil.
- A ce soir. Laisse faire les assistants, j'ai tout réinitialisé. Il n'y a plus de problème.
Puis elle s'en va, laissant dans son sillage des effluves capiteux.
C'est le parfum de mon humiliation, une senteur qui doit coûter plusieurs milliers de livres l'once. Et moi, je pue la transpiration.