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Critiques de Saint Augustin (59)
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Les Confessions

Ce texte au combien célèbre, semble avoir été écrit entre 397 et 401, par un Augustin devenu évêque d’Hippone depuis peu (395). Les Confessions se composent de 13 livres : la trame des 9 premiers suit la vie d’Augustin, de sa naissance en 354 à Thagaste jusqu’en 387, moment où il s’apprête à retourner en Afrique, suite à sa conversion ; le livre 10 fait en quelques sorte transition, Augustin y parle de lui au présent, s’interrogeant sur la mémoire, sur le souvenir, sur le temps, parlant de son chemin vers Dieu, de la lutte quotidienne contre toute incitation à se laisser distraire de la quête du divin ; les trois derniers livres évoquent les Écritures et leurs interprétations.



Le qualificatif d’autobiographie accolée souvent à ce texte risque de provoquer une déception chez le lecteur qui y chercherait essentiellement des anecdotes, des petits faits pittoresques ou qui voudrait suivre avec précision l’existence de l’auteur. Ce dernier choisit quelque faits qui servent son propos, plus qu’il ne nous livre l’ensemble de sa vie, et il a aussi tendance à une forme d’abstraction, ne pas parler par exemple que de son enfance, mais aussi de l’enfance d’une façon plus générale. Le but d’Augustin n’est pas de se replonger avec délice dans le souvenir, encore moins de se mettre en valeur. Son texte s’adresse dès les premières lignes à Dieu, il s’agit de faire louange, mais aussi une déclaration d’amour. Il est fait pour être lu par des hommes, avec une visée pédagogique : c’est en quelque sorte un récit exemplaire (mais pas modèle) d’un cheminement qui a amené un homme parmi d’autres, vers Dieu, ce qui a complètement transformé sa vie, lui a permis d’une certaine façon d’atteindre son accomplissement, être enfin pleinement homme. C’est à Dieu et non pas à lui-même qu’il attribue cet accomplissement : de lui-même, il dit surtout le plus contestable, les errements, les pêchés, il confesse ses fautes, fait acte de contrition.



Augustin a connu une réussite hors du commun : issue d’une famille plutôt modeste même si pas misérable, ses exceptionnelles qualités intellectuelles lui ont permis d’arriver à un âge relativement jeune (vers 30 ans) au poste envié de maître de rhétorique à Milan (où résidait la cour impériale). Il pouvait espérer continuer une belle carrière, devenir par exemple gouverneur d’une province. Sa mère venait de négocier un mariage avantageux que le jeune âge de la fiancée laissait en suspens. C’est à ce moment que d’une certaine façon il renonce à tout, et se dévoue à Dieu, ce qui lui apporte une forme de joie et de plénitude qu’il n’avait pas connu jusqu’alors. C’est ce bonheur qu’il tient à partager avec d’autres, ainsi que rendre grâce à Dieu de l’avoir élu.



Il est assez fascinant de suivre cet homme parmi les plus brillants, non seulement de son temps, mais de tous les temps, d’arriver en quelque sorte à la limite de la raison humaine, de butter sur une impossibilité de saisir. Il trouvera sa solution en répudiant en quelque sorte la raison, pour s’abandonner à un être transcendant l’humain, source de toute chose. Mais il ne pourra s’empêcher de penser, les trois derniers des Confessions sont des tentatives de lectures des Écritures. Avec une certaine humilité, il n’est pas sûr de ses interprétations, et admet même que d’autres pourraient être possibles. C’est que l’homme ne peut que tenter d’approcher le divin avec sa faible raison. La seule attitude possible, en dehors de l’humilité, est l’amour, et une forme d’abandon qui peut prendre la forme d’une sorte de transe mystique. La forme du texte ressemble d’ailleurs par moments à une sorte d’incantation, de chant.



C’est donc un objet atypique et composite, très personnel, très inconfortable parfois, même si fascinant. On peut l’approcher de différentes façon, ou ne pas arriver à y entrer. L’abandon au divin laisse à distance tous ceux qui y sont étrangers. Mais il y a tant de beauté formelle et tant de fulgurances sur ce qu’est l’humain que beaucoup de lecteurs pourront y trouver de l’intérêt même en ne partageant pas la foi d’Augustin.
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Les Aveux

Saint Augustin n’est pas loin de nous. Il est tout proche et ses préoccupations sont les nôtres. Saint Augustin a écrit et vécu au 4e siècle et à cette époque, comme à la nôtre, il a vu ou cru voir le monde se morceler : les vérités se multiplient, s’affrontent et se contredisent, à défaut de ne pouvoir communier dans une Vérité qui laisserait les esprits en paix. Le 4e siècle fut une période de grande effervescence, douloureuse mais créatrice. Le monde s’ouvre, ses limites s’effacent. Constantinople rivalise avec Rome et l’Empire, que l’on croyait infaillible, se divise suite aux invasions des Wisigoths et des Vandales.





Pour Saint Augustin, l’écriture des Aveux commença après sa conversion au christianisme en 386, suite à une longue période de doutes et une incursion passionnée dans le manichéisme. Il rentre d’Afrique du Nord en 387 et entreprend son œuvre du retour comme une œuvre du voyage à rebours de soi-même. Il n’est pas le premier à raconter ses angoisses, ses ambitions parfois mégalomaniaques, son désir de perfection et son mépris terrorisé d’une vie linéaire et monotone, mais sa grande originalité est de lier cette expression au dialogue divin dans un langage qui frôle parfois l’hérésie, et qui se montre pourtant désespérément soumis. Il renverse la perspective classique du monde ancien lorsqu’il commence à se raconter dans l’ignorance, alors que l’humanité le reconnaissait en tant qu’individu à l’identité affirmée et déterminée, jusqu’à ce qu’il se découvre au fur et à mesure qu’il abandonne toute ambition personnelle, toute caractéristique déterminante –tout ce qui constitue la base d’une identité reconnaissable et stable aux yeux des autres. Comme l’écrit Frédéric Boyer : « Grande leçon bizarre. Renversement de toute la perspective classique du monde ancien. La vie négative devient un argument. Je vis de ne pas vivre. Je cherche quelque chose de ne rien vouloir trouver ».





S’il fallait compartimenter l’expérience de Saint Augustin, la première étape serait celle de l’inquiétante étrangeté. Tout en croyant se connaître, Saint Augustin ne se reconnaît plus. Tout au plus n’a-t-il été qu’un palimpseste d’influences extérieures et déformantes :





« Oui, quoi de plus malheureux qu’un malheureux incapable de plaindre son propre malheur et qui verse des larmes sur Didon morte par amour pour Enée, mais n’a aucune larme pour sa propre mort de ne pas t’aimer ? »





Suit le temps du doute et des interrogations. Comme dans le Livre de Job, Saint Augustin se précipite parfois près du désespoir lorsqu’il essaie de comprendre l’existence du mal dans un monde censé être parfait grâce à Dieu. Première étape : décentrement du soi dans une optique qui suggère l’existence d’une bonne soupe primitive de laquelle nous serions tous issus et promis à nouveau prochainement :





« Devons-nous davantage craindre l’animosité d’un homme contre nous plutôt que les effets de notre propre haine sur lui ? La destruction d’autrui que l’on persécute est-elle moins grave que la destruction de notre cœur par la haine qu’on lui voue ? »





Seconde étape : renversement des valeurs. Le monde devient compréhensible lorsque Saint Augustin le fait entrer en résonnance avec son univers intérieur. Par-delà le bien et le mal, il nous fait comprendre que ces valeurs ne sont que des jugements subjectifs, donc corrompus, appliqués à une objectivité qui n’est ni bonne, ni mauvaise.





« Je cherchais d’où vient le mal. Je cherchais mal. Je ne voyais pas que le mal était dans mon investigation même. »





Saint Augustin abandonne ce qu’il croyait être sa liberté de fanfaron scandaleux et croit ainsi accéder à une plus grande liberté : celle de ne plus dépendre du jugement d’autrui dans ses agissements. Saint Augustin raconte le tournant de son existence où, plutôt que de céder à la fatigue d’une contrefaçon de soi, il renonce aux obligations du monde extérieur pour s’atteindre et pour atteindre Dieu –à moins que les deux ne soient confondus.





« Prisonnier, j’aurais mimé une liberté mutilée en transgressant délibérément un interdit, sombre parodie de toute-puissance. »





C’est le monde comme théâtre que Saint Augustin condamne. Une première étape vers la vraie liberté est franchie à condition de quitter la caverne des ombres de Platon :





« J’étais captivé par le théâtre, ses représentations étaient remplies des images de mon malheur et du combustible de mes passions. »





Même s’il ne s’exprime pas en ces termes, Saint Augustin semble expérimenter des expériences décisives de synchronicités avec des yeux d’hallucinés. En se détachant de lui-même, il parvient enfin à reconnaître les coïncidences signifiantes de son existence, comme en atteste par exemple ce récit de conversion. L’événement ne pouvait avoir de sens pour personne d’autre que pour Saint Augustin, qui s’y reconnut aussitôt :





« Une voix d’enfant, garçon ou fille, je ne sais plus. Attrape et lis. Attrape et lis. Aussitôt mon visage a changé. Perplexe. Etait-ce une rengaine quelconque que les enfants avaient l’habitude de chanter en jouant ? Non. Ça ne me disait rien. J’ai refoulé mes larmes et je me suis redressé. Ne doutant pas qu’il s’agissait d’un ordre divin qui me demandait d’ouvrir le codex et de lire le premier chapitre sur lequel je tomberais. J’avais entendu dire qu’Antoine, au hasard de la lecture de l’évangile, en avait retiré un avertissement, comme si ce qui était lu alors lui avait été adressé.

[…]



Pas de ripailles ni de saouleries, pas de coucheries ni de débauches, pas de querelles ni de jalousies. Mais revêtez le Seigneur Jésus Christ. Ne faites pas vôtres la préoccupation de la chair qui vous jette dans des désirs fous.



Je n’ai pas voulu en lire davantage. Ce n’était pas nécessaire. A l’instant même où je finissais cette phrase, ce fut comme si une lumière réconfortante se déversait dans mon cœur. Et toutes les ombres du doute se sont évanouies. »





Saint Augustin aurait-il également eu l’intention de l’existence d’un inconscient collectif ? Il reconnaît en tout cas l’importance des archétypes et la force du lien symbolique qui relie chaque membre de l’humanité lorsqu’il se demande pourquoi certaines images plus que d’autres réalisent une force d’impression décisive en lui : il reconnaît ce qu’il n’avait jamais connu après n’avoir plus reconnu ce qu’il avait connu depuis sa naissance.





« Ce ne sont pas leurs images que j’ai cachées dans ma mémoire mais les choses elles-mêmes. Comment ont-elles fait pour entrer en moi ? […] Je n’ai pas appris ces choses en me fiant à un autre cœur. C’est dans mon propre cœur que je les ai reconnues et que j’ai fait la démonstration de leur vérité. Je les ai confiées à mon cœur en dépôt. […] Donc elles étaient déjà dans mon cœur alors que je ne les avais toujours pas apprises, mais sans être encore dans ma mémoire. Mais alors d’où viennent-elles ? et pourquoi à leur simple énoncé, ai-je immédiatement acquiescé et dit : c’est bien ça, c’est vrai ? Est-ce parce qu’elles étaient déjà dans ma mémoire, mais enfouies si loin, si profondément, comme dans des crevasses ultrasecrètes, que je n’aurais peut-être pas pu les penser si quelqu’un ne m’avait pas engagé à les en extirper ? »





Ses Aveux s’achèvent par une exhortation à l’abandon, à cette pauvreté matérielle et spirituelle qui fait souvent horreur aux détracteurs du christianisme et que certains, comme Nietzsche, ont pu considérer comme l’aveu d’une déficience constitutive. Nietzsche avait-il lu Saint Augustin ? Il aurait découvert une forme de puissance qui, sans être strictement celle qui parcourt ses textes, est aussi fière, résistante et terrible que la sienne. La force de Saint-Augustin est celle d’un Zarathoustra qui a renoncé à ses illusions et qui renonce à la réalisation d’un surhomme terrestre, non pas par faiblesse mais par tranquillité. A l’un la colère, à l’autre la résignation apaisée et cette douceur dont témoigne Onésiphore dans une Lettre aux Philippiens:





« J’ai appris à me contenter de ce que j’ai, en toute situation. Je sais vivre avec rien, et je sais aussi avoir beaucoup. J’ai toujours su, en toutes circonstances, être ou rassasié ou affamé, ou recevoir beaucoup ou n’avoir rien. Je suis capable de tout avec celui qui me rend fort. »





La plongée dans cette déambulation intérieure est palpitante, elle nous fait souffrir avec intensité avant de nous proposer une alternative de repos qui n’est pas monotone pour autant. Saint Augustin ne cherche pas à exprimer le chemin vers la connaissance de soi : ses aveux sont le changement ou, comme l’écrirait Conrad : ils sont « la traversée de l’ombre sinistre de la connaissance de soi ». Etape fondamentale pour le christianisme qui divinise la médiation entre Dieu et l’humanité.





Le récit est vivant et souffrant comme la vision d’un Christ crucifié, et c’est l’expérience que doit connaître tout individu qui sent que son existence n’est pas contingente. Son œuvre est celle de l’exil : Saint Augustin quitte sa terre de culture et revient pour remarquer que rien n’est semblable. En lui, le même processus opère. De quoi peut-on être certain lorsqu’on peut ne plus se reconnaître, se chercher longtemps et se trouver par surprise ?





Frédéric Boyer n’a pas voulu conserver le titre bien connu des Confessions et pour se démarquer de la traduction classique d’un Joseph Trabucco, il propose le titre des Aveux. Ce n’est pas une coquetterie de sa part : sa lecture de Saint Augustin détonne. Fini de lire ses écrits comme s’ils appartenaient à un temps révolu, séparés du notre psychologie, de nos préoccupations et de nos troubles existentiels par une barrière qui est finalement plus langagière que temporelle. Frédéric Boyer exprime clairement son projet :





« Notre devoir est de lire aujourd’hui les vieux textes le plus directement, le plus simplement possible comme si ces textes venaient tout juste de nous tomber entre les mains. Comme si ces très vieux textes avaient été écrits la veille, la nuit même, par nos propres enfants. »





Sa démarche est osée. On pourrait crier au sacrilège. Il substitue la période noble d’une réflexion essentiellement intellectuelle à l’expression hachée et scandée du trouble émotionnel. Voici un passage traduit par Joseph Trabucco dans la version classique des Confessions :





« Où vont, où fuient loin de vous ces hommes sans repos et sans équité ? Vous les voyez ; votre regard perce leurs ténèbres ; laideur obscure qui fait ressortir la beauté de l’ensemble. Quel mal ont-ils pu vous faire ? »





Et le même passage dans la version moderne des Aveux de Frédéric Boyer :





« Ils s’en vont, ils fuient. Ennemis inquiets.

Tu les vois, tu distingues leurs ombres.

Pour eux tout est beauté mais eux sont ignobles.

Quel tort t’ont-ils fait ? »





Moins noble mais plus poétique, arrachée au corps souffrant, plus proche de nous et comme ancrée dans l’esprit d’un Saint Augustin isolé, face-à-face avec lui-même, les siècles qui le séparent de notre lecture deviennent dérisoires. Il souffre comme d’autres ont souffert avant lui, comme nous souffrons aujourd’hui et comme nous souffrirons demain, et il témoigne de cette grande richesse vitale qui fait que nous ne baisserons jamais les bras pour donner du sens à nos tourments.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Les Confessions

Un texte d' un grand intérêt !

13 livres rédigés au début du 4e siècle.

Un des rares textes réellement autobiographique de l'antiquité ..

L'auteur ( baptisé depuis 10ans ) souhaite confesser ses pêchés et glorifier " le seigneur " son dieu.

Je passe sur le contenu théologique qui est d'une grande portée pour l'avenir du christianisme ( la grâce divine est nécessaire pour sauver le pêcheur et sans elle l'homme est pécheur et ne peut que le rester .. ).

L'aspect théologique ne doit pas éloigner ou rebuter un lecteur curieux de découvrir l'antiquité tardive de l'intérieur .. !!

L'auteur aborde avec une délicieuse et sincère honnêteté :

Son enfance .. son coté adolescent difficile .. la tentation manichéenne et réfutation du manichéisme .. la cour impériale ( de Constantin ) .. sa conversion .. la mort de sa mère.

Seul les 4 derniers livres sont presque exclusivement de portée théologique ..

Le reste de l'ouvrage est un portrait vivant de l'antiquité ..

Un délice .. des familles mixtes ... du dialogue .. de la cohabitation ..

On sent un monde assez serein qui échange des idées et qui prospère ..

L'introspection de saint augustin est un témoignage intime .. un texte précieux d'accès très facile ..

Accessible à un large public à la recherche d‘intimité avec l'antiquité tardive.

j'ai toujours plaisir à le relire car c'est savoureux et tellement vivant.

Ps : c'est d'autant plus poignant que juste après avoir terminé ce texte Saint Augustin évêque D'Hippone verra la province romaine d'Afrique s'effondrer ainsi qu'il serra le témoin du sac de la ville éternelle ( Rome ).

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Les Confessions

"Les confessions" commencent comme une longue litanie de glorification de Dieu et autres entreprises de mortifications de l'auteur, qui semble vouloir explorer toutes les nuances de son sentiment de n'être pas à la hauteur. Et puis soudain, au moment où le lecteur moderne va rendre les armes et refermer le livre, un homme, annulant les siècles, nous parle de tout ce qui fait le coeur vivant de nos tourments : la relation à sa mère, l'amitié, l'amour, le sexe, la parentalité, et puis la lutte contre soi-même, l'ambition, l'envie d'en découdre avec des adversaires de son propre monde aussi bien que des "Barbares", comme on disait, envie qui n'est finalement rien d'autre que le besoin de résister contre les forces bouillonnantes et inconnues qui sont en nous. Les litanies religieuses prennent alors une toute autre coloration : elles ne se tournent vers un dieu que pour mieux revenir à l'expéditeur, qui cherche à voir clair en lui-même.



L'auteur fait tout cela d'une manière qu'un éditeur d'aujourd'hui recalerait sans aucune forme de procès : il se livre un peu, retourne à ses litanies de culpabilité, perd son lecteur cent fois, l'endort, l'épuise, avant de le repêcher in extremis en provoquant, au détour d'une vingtaine de pages plus loin, un nouveau choc émotionnel... un plan brouillon, un style assommant, surtout quand, comme moi, on a découvert le livre dans sa traduction du 17ème siècle (au 20ème siècle, la traduction de Frédéric Boyer n'existait pas encore ; voir https://www.babelio.com/livres/Augustin-Les-Aveux/187113). Oui, mais voilà : l'homme qui livre en désordre tous ces sentiments et tous ces souvenirs, qui pourraient être les nôtres, qui auraient pu être vécus au 21ème siècle, cet homme a vécu il y a seize siècles. Seize siècles. SEIZE SIECLES. Il faut le voir plusieurs fois noir sur blanc pour s'en convaincre : une époque qu'on ne connaît que par des ruines, des parchemins, une époque que l'imagination de chacun doit reconstruire à sa guise... et que celui qu'on appelle Saint-Augustin ressuscite comme si c'était la nôtre. Le temps fait l'objet d'une méditation célèbre dans le livre, mais à la lecture du texte, on se demande s'il existe encore...



Au moment d'appuyer sur le clic fatal pour poster ce petit texte, j'hésite... si j'ai ressenti une émotion et un plaisir si forts à ma première lecture des "Confessions", c'est parce que personne ne m'avait dit tout cela. J'avais été attirée par le titre, le siècle, mais je ne savais pas à quoi m'attendre, si bien que j'ai lu tout le début avec un sentiment de déception et d'ennui qui a donné son prix à ce que j'ai ressenti brutalement ensuite. Alors si je spoile le livre pour vous, même un tout petit peu, en décrivant mon expérience, votre émotion et votre plaisir pourront-ils être aussi forts que les miens ? Eh bien relisons ensemble les mots qui viennent de me venir, car il n'y a rien d'autre à ajouter : émotion. Et plaisir.
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Les Confessions

J'ai beaucoup aimé ce livre lorsque je l'ai lu il y a une dizaine d'année mais plus j'y pense et moins je l'aime.

Ce jeune débauché qui fait le désespoir de sa mère et qui trouve un jour l'illumination divine et devient une espèce d'extrémiste puritain ça me fait penser à ces fumeurs repentis qui emm. tout le monde dés qu'ils voient surgir une cigarette.

Chacun doit faire sa route et ses erreurs en respectant les autres M. St Augustin, chacun est libre de croire en un Dieu ou de n'y pas croire.
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Oeuvres, tome 1 : Les Confessions - Dialogu..

Augustin nait en 354 à Thagaste, dans la province romaine de Numidie (à l’est de l’Algérie actuelle). Ses parents lui font suivre des études qui lui vaudront d’être professeur de rhétorique. Il écrits ses « Confessions » entre 397 et 400. Au-delà de l’œuvre religieuse et de la réflexion philosophique, cet ouvrage intemporel est une source inépuisable de méditation.

Si la lecture peut sembler longue et laborieuse, il est indispensable de prendre son temps et d’y revenir aussi souvent que nécessaire afin d’entrevoir la vérité transcendantale que tente de nous expliquer l’auteur.

Traduction d’Arnauld d’Andilly établie par Odette Barenne de la bibliothèque de la société de Port-Royal.

Editions Gallimard, Folio classique, 548 pages.

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Sur le mensonge - Du maître

Saint Augustin est né du côté africain du Mare Nostrum, au VI è siècle après JC.

D'après les livres que j'ai lus qui traitent de théologie, il semble qu'il ait eu une grande influence... Cependant, sur cet essai théologique "Sur le mensonge", je n'ai pas trouvé Augustin d'Hippone terrible :)

Pourquoi ? "Ne fais pas attention au style", prévient-il ! Mais justement, c'est pour moi capital, d'autant plus qu'il avance que c'est un sujet "ténébreux" !



En effet, au début, je faisais une lecture "analytique", mais ...une chatte n'y retrouverait pas ses petits ! C'est tortueux, Augustin a une réflexion alambiquée, il écrit comme il pense, avec un raisonnement souvent binaire avec plein d'embranchements, une écriture algorithmique compliquée, avec des "si", des "mais-où-et-donc-or-ni-car"....



Cependant, avec du recul, j'ai fait une synthèse, et j'y vois plus clair :

"Peut-on mentir pour sauver son âme ?" semble être la question principale dans le premier essai, "Sur le mensonge".

En effet, les Écritures sont "dures" avec le mensonge :

"Vous haïssez, Seigneur, tous ceux qui commettent l'iniquité, vous perdrez tous ceux qui professent le mensonge".

Perdre est plus dur, plus "condamnant" que haïr, constate Augustin.

Mais avec des subterfuges, de la dialectique, et peut être des sophismes, il contourne l'obstacle quand il s'agit de mentir pour sauver quelqu'un....

.

Quant au deuxième essai : "Du maître", il me paraît mieux écrit. Augustin, philosophe à la base, semble s'être inspiré de la maïeutique de Socrate, pour faire dire à son élève Adéodat, son fils, que la parole n'était pas si importante, sujette à de nombreuses "distorsions" dans le message projeté par l'orateur.

Il utilise alors ( stupéfaction pour moi ! ) la sémantique, dont on s'est surtout préoccupé récemment, il me semble.

Le message sous-jacent d'Augustin, je le perçois dans sa conclusion, où l'on retrouve le théologien, c'est que la "parole" de Dieu ou du Christ est beaucoup plus directe et donc proche de la vérité, car c'est une parole "intérieure", une parole qui va directement au cœur, sans passer par la pensée ( cerveau plus ou moins menteur, on l'a vu dans l'essai précédent ), ni par les mots ( plus ou moins appropriés, entre "signes", "signifié" et "signifiant" ), ni par l'audition plus ou moins bonne, ni par l'interprétation de l'auditeur, encore plus mauvaise !

.

Un livre, à la réflexion, qui peut porter ses fruits, une fois qu'on a franchi correctement les différentes "barrières" ci-dessus citées... en plus de l'écueil de traduction de l'abbé Devoille et de Poujoulat : )
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Les Confessions

Les confessions...une plongée dans l'adoration de Dieu sa découverte. Ce n'est pas là à mon sens le plus intéressant, bien que son approche, différente de celle de Descartes par exemple sur la croyance en Dieu soit plus en rapport avec ce que je pense. Libre à chacun de croire ou pas, St Augustin se place en croyant convaincu, soit, le plus intéressant dans cet ouvrage et son analyse du temps...Voilà une réflexion profonde et pertinente que bien des philosophes reprendront plus tard. le passé qui n'est plus le futur qui n'est pas encore et ce présent sans étendu propre dans lequel nous sommes et demeurons, avec cette difficulté supplémentaire de savoir comment le mesurer...puis l'interrogation majeure, qu'y a avait-il avant la création...Dieu a crée mais d'où lui est venu l'idée? St Augustin pousse l'interrogation jusqu'à la limite de ce que l'homme peut imaginer entendre, au delà ce n'est que supputations et croyances....
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Les Confessions

J’ai beau être aujourd’hui un athée pur jus, il n’empêche que mon imaginaire, mon système de valeur, mon sens de la justice, et mes intuitions morales en général, sont encore largement influencées par le catholicisme romain, qui a marqué de son empreinte le continent européen. Il ne me déplaît donc pas de me replonger de temps en temps dans l’histoire des religions, pour trouver des anciennes querelles qui auraient encore un impact aujourd’hui.



Saint Augustin est un choix parfait pour cela : à son époque, les dogmes n’étaient pas encore figés, les idées foisonnaient, et on n’avait pas encore décidé si Jésus était divin ou humain, quelle place donner à l’âme, ou si les humains avaient un libre arbitre. Un bon potentiel d’Histoire-fiction, pour se demander comment on penserait aujourd’hui si un courant avait triomphé au lieu d’un autre.



Hélas, « Les confessions » n’est sans doute pas le livre idéal pour cela. Le titre n’est en fait pas trompeur du tout : au lieu de grandes discussions théologiques, saint Augustin revient sur sa vie et en tire une longue liste d’erreur, de la fréquentation des femmes à celle de théologiens dans l’erreur, dont il se repent amèrement.



Pour le non-croyant que je suis, c’est un spectacle assez étrange de voir des gens vouloir prouver à tout prix qu’ils sont les êtres les plus misérables du monde. Et on ne peut même pas leur dire de se calmer, que mentir une fois par omission et manger un croissant de trop n’est pas si grave que ça au regard des horreurs du monde, car ça ne fait que leur donner la satisfaction d’ajouter l’orgueil à la liste de leurs péchés personnels.



Après avoir tenu bon une cinquantaine de pages, j’ai admis que ce livre n’était pas pour moi, et j’ai préféré me tourner vers d’autres cieux.
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Les Confessions

Voilà d’abord et avant tout le livre d’une âme chrétienne qui s’est enfin trouvée et qui revient sur son passé en l’évoquant devant son Dieu pour s’en repentir et Lui exposer sa reconnaissance.

Mais c’est également une œuvre sublime qui saura séduire aussi bien le chrétien, que le littéraire ou le philosophe.

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Prier Dieu avec les psaumes

Le P. Albert Besnard, auteur de cette anthologie, et Jacques Perret, le traducteur, ont choisi dans le vaste travail de St Augustin sur les Psaumes, les passages les plus pertinents concernant la prière du chrétien. Augustin est un des rares Pères de l'église antique à s'être consacré à un commentaire continu du texte de la Bible, et il a laissé un livre sur la Genèse, "La genèse à la lettre", et son commentaire continu des Psaumes.



La valeur religieuse de l'ouvrage ne fera aucun doute pour le lecteur chrétien : il s'agit de nourrir sa foi au plan intellectuel, par l'initiation à la pensée du plus grand théologien du monde occidental, et au plan spirituel, puisqu'il s'agit de prier en s'aidant de la Bible, livre qui ne se donne pas facilement à la lecture paresseuse, mais demande à être médité. Il faut ajouter que de nombreux passages d'Augustin sont d'une grande beauté poétique et conceptuelle.



Par ailleurs, le lecteur curieux découvrira avec étonnement la manière de lire la Bible des fondateurs du christianisme, et ici, dans le cas des Psaumes, un mode de lecture qui s'approprie, capte la prière d'Israël pour l'adapter (la distordre) aux principes du dogme chrétien. Le commentateur part du principe que le texte des Psaumes ne parle que du Christ et ne le lit qu'en fonction de cette figure, en prenant le parti de lui attribuer les paroles prononcées. Cette "clé de lecture" est la base de l'interprétation chrétienne des livres juifs. L'opération est facilitée par l'ignorance où se trouvait Augustin et de l'hébreu, langue originelle des Psaumes, et du grec, langue de la première traduction de ces derniers pour les Juifs hellénisés (et les théologiens orthodoxes). Cet ouvrage est donc un excellent document pour servir à l'histoire des contresens créateurs.
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Les Confessions

On a essayé, hélas bien maladroitement, de donner un autre titre à ce livre de Saint Augustin : "les Aveux" est un titre encore plus trompeur que "les Confessions". Le lecteur ne doit pas s'attendre à lire de l'autobiographique croustillant, des anecdotes frappantes, des plongées dans l'intimité d'un homme du IV°s, passé du paganisme à la fascinante église des Manichéens, et de là à l'église orthodoxe sous un très grand évêque, Ambroise de Milan. L'auteur est un théologien du IV°s, pour qui "confessions" n'a pas le sens que Rousseau, Nat Turner, Thomas de Quincey ou même quelque semi-écrivain contemporain, lui donneront plus tard. Ce n'est pas sa faute si le latin "confessio" dérive du verbe "confiteri", qui signifie proclamer sa foi. Aussi il ne faut pas être surpris si tout le livre est un discours du narrateur à Dieu lui-même, par lequel il mesure le chemin parcouru loin de Lui, puis à nouveau vers Lui. Ce livre profondément mystique doit être lu et accepté tel qu'il est, sans erreur sur ce qu'il donne.
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Les Confessions

Voilà un livre admirable, déjà par sa longévité. Ecrites il y a environ 1500 ans, les Confessions marquent par la pertinence de la vie décrite par St Augustin avec ce qu'on connaît aujourd'hui. L'écriture elle-même, ainsi que la clarté des souvenirs de l'auteur, sont remarquable entre autre par la vie qu'elles distillent et qui nous rend proche cet homme mort depuis si longtemps.

Par l'honnêteté de la mémoire qu'il décrit, St Augustin apparaît profondément humain et nous prouve en même temps la constance dans le temps de la nature humaine.



La vie de St Augustin s'est cependant déroulée dans un lointain passé. Archaïque par bien des aspects, en particulier par la place donnée aux femmes dans la société qu'il décrit. Certains aspects semblent cependant aussi très proches de nous: les relations de St Augustin avec ses parents durant sa jeunesse, l'exaltation de ses jeunes années, le conflit familial qui le tiraille entre son père athée et sa mère plus que croyante, le rejet de son père. Puis le rapprochement avec sa mère, jusqu'au traumatisme de son décès. Tout ceci fait penser à de la psychologie moderne.



Ces aspects, même décrits au travers d'un langage ancien et sans cesse interrompus par des incantations à Dieu, paraissent extrêmement honnête, et par là, proches de nous.



Dans son ensemble, l'ouvrage se décompose en trois parties, qu'on peut voir comme emblématiques d'une vie d'Homme.

Les neuf premiers livres décrivent la vie passée de St Augustin, et sont riches de sa recherche de Dieu partout dans le monde qui l'entoure.

Ces livres donnent aussi une leçon d'ouverture par la dénonciation par St Augustin de la thèse des Manichéens: en poussant le lecteur à refuser de croire que le mal serait une puissance égale à Dieu et qui l'affronte, St Augustin relativise le jugement du bien et du mal par les hommes en le transcendant. L'autre, quel qu'il soit, s'en retrouve ainsi réhabilité.



La deuxième partie est constituée du livre dix, et relève de la recherche de Dieu en soi.



La troisième partie, développée des livres onze à treize, procède elle de la recherche de Dieu dans un livre, la Bible.



On peut voir beaucoup de choses, je pense, dans cette progression de l'ouvrage. Je retiendrai pour ma part surtout les neuf premiers livres, passionnants et troublants d'humanité.



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Les Confessions

L’antiquité tardive avec la fin des Douze Dieux, de la Pax Romana et de l’unité de l’Empire, bientôt la prise de Rome et la chute de l’empire d’Occident, voilà une période qui ressemble à la nôtre. De grandes personnalités émergeaient d’une culture solide ce qui nous laisse espérer du siècle présent. C’est dans cet esprit que je reprends ce livre.



Je retrouve la hardiesse de l’éloquence d’Augustin, sa richesse en images : « Il est descendu ici-bas, celui qui est notre vie, il a souffert notre mort et il l’a tuée de l’abondance sa vie. D’une voix tonnante il nous a crié de revenir d’ici vers lui, en ce lieu secret, d’où il est venu à nous d’abord dans le sein d’une vierge où s’est mariée à lui la nature humaine, cette chair mortelle, pour n’être pas toujours mortelle ; et de là, pareil à un époux qui sort du lit nuptial, il a bondi comme un géant pour courir sa route » (p 77-8). Elle montre une proximité de Dieu aujourd’hui inconcevable, — questionnement incessant, vocabulaire intime qui présume une psychologie et une complicité du créateur. Parmi une infinité d’exemples : « Et maintenant, Seigneur, toutes ces choses sont passées, et le temps a adouci ma blessure. Puis-je approcher de votre bouche l’oreille de mon cœur et apprendre de vous, qui êtes la vérité, pourquoi les pleurs sont doux au malheureux ? Encore que présent partout, avez-vous repoussé loin de vous nos misères ? Restez-vous enfermé en vous-même, tandis que nous sommes roulés par le flot des événements ? » etc. (p 71). Paul Veyne écrit dans l’Empire gréco-romain (p 440) « Ce que n’offrait pas le paganisme, c’était l’amour d’un dieu aimant. […] Le christianisme aura été une religion plus aimante, plus passionnante, il aura eu l’espèce de succès d’un best-seller qui vous prend aux tripes par sa chaleur éthique, par son dieu redoutable, mais aimant, avec lequel on peut converser intimement ». À propos, pourquoi diable le traducteur utilise-t-il le vouvoiement, inconnu du latin ?



Je m’émerveille de la robustesse, de la finesse d’introspection, de la puissance intellectuelle d’un homme issu de la petite bourgeoisie de province, formé par ses voyages, étudiant en rhétorique à Thagaste, Carthage, Rome, puis enseignant à Milan, enfin évêque d’Hippone. Un homme qui a connu, pratiqué, hiérarchisé les plaisirs : « Ni le charme des bois, ni les jeux ni les chants, ni les paysages embaumés, ni les festins magnifiques, ni les plaisirs de la chambre et du lit, ni enfin les livres et les vers ne pouvaient apaiser [ma souffrance] (p 73). Qui suggère que la culpabilité dans le plaisir ne vient pas de sa nature, mais d’un désir ignorant, frustré ou insincère. En citant quatre mots seulement du célèbre “amabam et amare amabam”, on perd de vue le regret d’une perversion du désir : “Je vins à Carthage, et partout autour de moi bouillait à gros bouillons la chaudière des amours honteuses. Je n’aimais pas encore, et j’aimais à aimer ; dévoré du désir secret de l’amour, je m’en voulais de ne l’être pas plus encore. Comme j’aimais à aimer, je cherchais un objet à mon amour, j’avais horreur de la paix d’une voie sans embûches”. (p 49). Augustin est reconnaissant des plaisirs qu’il juge compatibles avec la foi et l’amitié : “Si les corps te plaisent, c’est Dieu que tu en loueras, ô mon âme, reporte ton amour sur leur Auteur, pour ne point lui déplaire dans les choses qui te plaisent. Si les âmes te plaisent, aime-les en Dieu, car elles aussi sont sujettes au changement et c’est en se fixant en lui qu’elles se stabilisent ; autrement elles passeraient et périraient. Que ce soit donc en lui que tu les aimes, entraine vers lui avec toi toute celles que tu peux” (p77).



Bien sûr des éléments négatifs. Sa sainte mère Monique arrange son mariage pour mettre fin à une vie de désordre : “On poursuivait l’affaire ; la jeune fille était demandée. Il lui manquait deux années pour être nubile [c’est dire qu’elle avait une douzaine d’années]. Comme elle plaisait, on attendait” […] “Cependant mes péchés se multipliaient ; et quand on eut arraché de mon flanc, comme un obstacle à mon mariage, la femme qui était ma maîtresse, mon cœur où elle était attachée en fut blessé et déchiré, et traîna longtemps sa plaie sanglante. Elle était retournée en Afrique en vous faisant le vœu de ne plus connaître désormais aucun homme et en me laissant le fils naturel qu’il m’avait donné” (p 126-7). Les motifs de scandale évoluent…



Dans un autre domaine — lié au désir par les rêves —, je découvre à la relecture des pages étincelantes sur “les prodiges de la mémoire” (X, 8-25). Reconnaissance enthousiaste de sa diversité : mémoire des sens, des savoirs, des sentiments, souvenir du bonheur, et même souvenir de l’oubli. Affirmation de sa puissance : “C’est là que se conservent, rangées distinctement par espèce, les sensations qui y ont pénétré, chacune par son accès propre : la lumière, toutes les couleurs, les formes des corps, par les yeux ; tous les genres de sons, par les oreilles ; toutes les auteurs, par les narines ; toutes les saveurs, par la bouche ; enfin par le sens épars dans tout le corps, le dur ou le mou, le chaud ou le froid, le doux ou le rude, le lourd ou le léger, les impressions qui ont leurs causes hors du corps et dans le corps. La mémoire les recueille tous dans ses vastes retraites, dans ses secrets et ineffables replis pour les rappeler et les reprendre au besoin” (p 210). Aveu de l’empire du souvenir sur les rêves : “Mais elles vivent encore dans ma mémoire, dont j’ai longuement traité, les images de ces voluptés : mes habitudes de jadis les y ont gravées. Elles s’offrent à moi, sans force à l’état de veille ; mais dans le sommeil, elles m’imposent non seulement le plaisir, mais le consentement au plaisir et l’illusion de la chose même. Ces fictions ont un tel pouvoir sur mon âme, sur ma chair, que, toutes fausses qu’elles sont, elles suggèrent à mon sommeil ce que les réalités ne peuvent me suggérer quand je suis éveillé” […] “jusqu’à l’émission charnelle” (p 232-3).



Je passe, ou plus précisément je bute, sur les aspects théologiques : “l’intelligence” ou “la profondeur” de l’Écriture, les questions de création, de temps, de matière et de mouvement ; d’ailleurs, Augustin écrit (p 306) que s’il avait eu pour mission d’écrire la Genèse, il eut demandé l’aide de Dieu pour convaincre “les esprits incapables de comprendre comment Dieu crée”… Idem pour les écrits polémiques contre Arius, Donat, Pelage, les néoplatoniciens. Chaque siècle a ses préoccupations.

NB La pagination concerne l'édition Garnier Flammarion de 1964 (traduction J. Trabucco) que je ne trouve pas dans Babelio





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La Cité de Dieu - Seuil, tome 2 : Livres XI à X..

En dépit d'un baptême tardif, il n'en est pas moins devenu l'un des Pères fondateurs de la pensée chrétienne au point même que l'Eglise fera de lui un Saint.

Augustin, évêque d'Hippone, écrit son testament politico religieux dans un contexte dont les enjeux pour l'Eglise sont de tailles. En effet, l'Empire Romain, fraichement converti au christianisme est envahi et son déclin est en marche, dès lors l'inquiétude des chrétiens se traduit par la crainte d'être victime collatérale de cette dégénérescence.

Aussi, ce qui deviendra plus tard l'augustinisme politique voit le jour dans une pensée politique et éthique qui répond aux théories politiques des Anciens, et apporte deux nouveaux acteurs, l'homme au singulier, pris dans son individualité ainsi que son créateur, Dieu.

Dans le corpus porté à l'étude, Augustin propose une conception nouvelle de la cité, au travers d'une critique acerbe des Anciens, il dessine les fondements et la finalité de la cité idéale qui sont respectivement le citoyen chrétien et la foi en Dieu.



le principal souci d'Augustin, en ces temps de guerre, c'est la pacification des hommes. A l'instar des Anciens, il voit en la Cité le meilleur moyen d'atteindre la paix, la concorde des intérêts entre les hommes, seulement pour lui, la « vie heureuse » d'Aristote n'est pas la finalité de la cité, pas plus d'ailleurs que la République de Rome dont il réfute les fondements.

Augustin place sous la subordination de Dieu le qualificatif même de peuple, pour qu'il y ait un peuple, il faut une justice basée sur un droit fidèle à Dieu.

Fidèle à la doctrine chrétienne de Jésus qui déclarait ainsi « mon royaume n'est pas de ce monde », il distingue la cité terrestre de la cité céleste. Mais il ne s'agit pas de la cité idéale, puisqu'il serait orgueilleux de prétendre pouvoir l'atteindre sur cette terre. Il s'agit moins d'un modèle normatif que d'une instance divine qui ne sera accessible qu'après une vie entière dans la cité terrestre et dans l'obéissance aux lois politico religieuses.



L'auteur effectue un constat de l'échec de Rome, la République est responsable de son échec car ces lois sont le fruit de conventions entre les hommes, ainsi l'ordre est réglé en fonction de considérations subjectives, parfois iniques.

Les conceptions philosophiques des Anciens, dont Rome a partiellement héritée sont aussi l'objet d'une critique virulente. Ils ont cru pouvoir trouver le bonheur et la paix dans la maitrise du corps et de l'esprit, mais pour Augustin cela est blasphématoire, et surtout vain. Il en veut pour preuve tous les maux qui frappent les hommes mais encore que certains stoïciens, accablés par trop de souffrance, préfèrent mettre un terme à leur existence, ce qui démontre que la vie terrestre ne permet pas d'atteindre le bonheur. Autrement dit, il n'y a pas de salut sur cette terre.

Après ce constat amer, Augustin livre son acception du peuple, en fonction de l'amour qu'a ce dernier. Hors l'amour d'un peuple est pour l'auteur synonyme de foi.





Pour Augustin les hommes n'ont qu'un seul moyen de trouver la concorde raisonnable sur cette terre, c'est de vivre avec la foi, c'est-à-dire de vivre en se préparant au passage dans la Cité de Dieu où la paix et la quiétude ne sont plus temporaires, fugitives ou contingentes, mais absolues et éternelles.



Par cette promesse, le prédicateur veut mettre les hommes en ordre de marche pour espérer atteindre cette cité. Parce que les hommes sont les maillons de la Cité, et qu'à travers eux Dieu qui commande au corps et à l'âme et par la même à la raison, commande à la cité.

Aussi s'emploie-t-il à donner, non sans prosélytisme, des prescriptions aux individus.

La monarchie de droit divin et la figure du prince chrétien n'apparaissent pas encore, Augustin ne semble pas se prononcer en faveur d'un régime ou d'un autre, aucunes réserves constitutionnelles ou culturelles, ne conditionne la naissance d'une telle cité, ni même la barrière de la langue, des moeurs… seul compte l'adoption, par les hommes, d'un régime politique fondé sur le respect de Dieu et de lui seul, c'est-à-dire ne plus adorer les idoles.

Mais aussi pour les hommes, d'accepter leur condition bonne ou mauvaise, car Dieu est garant de l'ordre de toute chose et distribue à chacun ce qu'il mérite. Pour ceux qui ne respecteront pas ces prescriptions, les pécheurs, ils subiront le poids des remords.

Quant à la Cité qui se détournera des préceptes chrétiens, elle pourrait bien connaitre un sort similaire à celui de l'Empire, tel que l'a vu brûler Augustin.

(#2014)
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Les Confessions

Les Confessions de Saint Augustin sont intéressants d'un point de vue historique, philosophique et humain.

Malgré certains passages hermétiques pour moi, j'ai pu sentir "le monde intelligible et sensible" évoqué par l'auteur et son "esprit de vérité". C'est une leçon d'humilité que la recherche de soi à travers Lui ; mais aussi de courage dans un monde Antique à bout de souffle. L'Empire Romain disparaîtra 45 ans environ après la mort de Saint Augustin.

Les dix premiers chapitres évoquent la vie de Saint Augustin (de l'enfance jusque vers ses 30 ans). Les trois derniers éveille Saint Augustin à sa découverte de Dieu à travers la nature et à travers l'homme.

Pour jouir de la substantifique moelle, une ou plusieurs relectures s'avèreront nécessaire.
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Les Confessions

En plein mois d'août, alors que le corps et l'esprit ont besoin de se reposer, je me suis lancée dans une aventure assez étrange : lire les confessions de Saint Augustin. Cette idée est apparue après la publication du livre les Aveux, traduction de cette oeuvre dans le langage contemporain. J'ai commencé à le feuilleter mais sans grande conviction, et j'ai choisi de revenir à une traduction au plus proche de la pensée de l'auteur.

Deux grandes parties caractérisent ce livre. du livre I au livre IX, il raconte sa vie et la met en exergue systématiquement par rapport aux bontés et aux bienfaits que Dieu lui a accordés : on découvre son enfance, son adolescence marquée par l'amitié, son amour des jeux et sa passion pour les femmes, son égarement dans la doctrine des manichéens et son travail à Rome et à Milan en tant qu'enseignant. On suit aussi sa quête spirituelle, ses angoisses face au monde, ses questionnements sur le sens de la vie. Je m'attendais à un livre rébarbatif et j'étais agréablement surprise : ces idées et ces problèmes sont très « actuels », et je pense que chacun de nous s'est au moins une fois posé les mêmes questions ou envahi par les mêmes doutes. Loin des autobiographies modernes, l'originalité de cette confession est de mettre en valeur non pas le narrateur mais Dieu, son oeuvre, ses bienfaits et sa miséricorde par rapport à la nature humaine pécheresse.

La seconde partie, c'est à dire du livre X au livre XIII, traite surtout de questions métaphysiques. Cette partie m'a parue confuse, compliquée et peu intéressante. Il développe les thèmes liés à la création, à l'existence et la mesure du temps, le rôle de la mémoire etc. Il m'a perdu et j'ai nettement moins accroché à ces considérations philosophiques.

Le style d'écriture est plus accessible que je m'y attendais, mais toujours avec des envolées lyriques, des phrases ampoulées et recherchées.

Cet auteur a toutefois marqué fortement la pensée occidentale, donc ce fut intéressant de le découvrir à travers ses confessions. Il reste néanmoins difficile sauf pour des lecteurs réellement intéressés par le sujet et prêts à s'investir dans cette lecture !
Lien : http://leslecturesdehanta.co..
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La Cité de Dieu - Seuil, tome 2 : Livres XI à X..

A-t-on encore des concepts nouveaux à penser ? Est-ce que tout n’a pas déjà été dit, anticipé, intériorisé ? Je me suis posé ces questions en lisant La cité de Dieu. Je trouvais en germe tellement de concepts philosophiques et juridiques postérieurs. C’est proprement hallucinant de voir tant de modernité et de clairvoyance dans un livre du Vème siècle ! Certes, il faut remettre le discours dans son contexte et dans la perspective d’un auteur catholique. Je trouve néanmoins que c’est un creuset d’intelligence que je regrette d’avoir lu si tard. Je pense que c’est le genre de bouquin qu’il faudrait lire plus tôt, même au lycée. Comment comprendre le monde actuel sans savoir d’où il vient, comment les idées ont évolué petit à petit pour devenir ce qu’elles sont aujourd’hui ? Revenir à la source, si clairement formulée, est une nécessité. Je pense à cela notamment sur la laïcité: nous devons beaucoup à St Augustin pour la laïcité: c’est lui qui théorise en termes juridiques les implications de l’apophtegme du Christ : « rendez à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est Dieu ». St Augustin, en distinguant la loi divine de la loi de la cité, laisse une place à l’autonomie politique de la cité, car il s’agit précisément d’inscrire la religion catholique en dehors de tout système politique à une époque où l’empire romain - qui a fait la religion catholique sa religion d’état - s’effondre. Certes, il faudra attendre Hugo Grotius pour que les droits naturels de l’homme soient autonomes par rapport à la loi divine. Mais tout de même, Grotius peut le faire, car la voie a été ouverte avant lui ... (plus sur Instagram)
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Les Confessions

Ces mémoires (écrites en latin à la fin du IVe siècle) du saint nord-africain sont l'un des premiers exemples de récit autobiographique. Augustin s'y montre comme un conteur remarquable plutôt que comme un théologien systématique. En commençant par sa petite enfance et ses difficultés avec sa scolarisation précoce, Augustin retrace son propre développement intellectuel et religieux de l'adolescence au milieu de l'âge adulte.

Né dans une famille à la fois chrétienne et païenne, Augustin a émigré en Italie en tant que jeune adulte pour poursuivre une carrière dans la rhétorique. Avant de s'engager dans une vie de religiosité célibataire, Augustin a passé environ une décennie dans une relation à long terme avec une femme, avec laquelle il a eu un fils.

Augustin a également exploré et finalement rejeté le manichéisme. Il deviendra, pendant et après sa vie, une figure charnière de l'histoire du christianisme.

J'aime (re)lire Augustin, une citation pourrait raviver ce désir chez vous, une relarque d'une extrême ouverture d'esprit (C'est dans La cité de Dieu)

'Ce n'est pas parceque Dieu a créé le monde en 6 jours que 6 est un nombre parfait, mais c'est parce que 6 est un nombre parfait que Dieu a créé le monde en 6 jours.'



Je vous le rappelle, un nombre parfait est un nombre égal à la somme de ses diviseurs. Ainsi les diviseurs de 6 sont 1,2 et 3 dont la somme est 6; les 3 premiers nombres parfaits (6, 28, 496) sont connus depuis l'antiquité. On en connait maintenant plus de 50)


Lien : http://holophernes.over-blog..
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Les Confessions

St Augustin d'Hiponne, docteur et Père de l'Eglise, dont beaucoup d'Algériens connaissent, il est née en 354 à

Thagaste en Numidie royaume berbère, actuellement l'Algérie.

Auparavant je le confondais avec le docteur de l'Eglise St-Thomas d'Aquin (XIIIe siècle).

Dans son oeuvre, l'auteur débute par son enfance, adolescence, de l'école, ses péchés, ses débauches... (eh oui, un saint a été avant tout un pécheur...)

Puis sa conversion due à des épreuves, sa pensée, ses voyages, un témoignage en somme et de la théologie chrétienne, de la spiritualité...

Une oeuvre classique de théologie catholique, mais aussi du patrimoine cultuel et culturel.

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