Salman Rushdie

...il débutait juste dans l'industrie pharmaceutique, il s'était rendu en Inde pour voir sa famille et des amis et, dans une rue de Bombay, il y avait un gamin qui distribuait des prospectus. Il en prit un. "Vous êtes alcoolique? lut-il. Nous pouvons vous aider. Appelez ce numéro et nous vous livrerons de l'alcool à domicile".
Excellente stratégie commerciale, se dit-il.
Depuis, il avait toujours gardé ce prospectus sur lui.

Ces secrets concernent essentiellement la vie cachée du produit phare de l'entreprise, InSmile, le spay sublinqual au fentanyl qui faisait fortune de la société, bien qu'ils impliquassent également l'ensemble des produits opiacés fabriqués dans la principal usine SPI à Alpharetta, Georgie (63 038 habitants). Ce ne sera pas une histoire bien jolie. Après tout, voici un homme au sommet de sa carrière, un homme généreux, largement respecté et qui commençait même à se faire aimer. Il n'est jamais agréable de démolit un tel personnage, de révéler qu'il a des pieds d'argile.

-OxyContin, Khandaan; ils donnent énormément, dit-elle, jouant son atout. Leur nom de famille jouit d'un tel respect. Tu n'aimerais pas que le tien en jouisse, lui aussi?
-De quoi me parles-tu? dit-il, l'air intéressé à présent.
'Ils ont tellement, tellement d'ailes. Une aile du Metropolitan Museum qui porte leur nom. Une aile du Louvre également et aussi une aile de la London Royal Academy. Un oiseau qui a tellement tellement d'ailes peut voler tellement tellement haut.
-Nous ne sommes pas des oiseaux. Nous n'avons pas besoin d'ailes.

Pour comprendre une seule existence, il nous faut avaler le monde entier.

(...) nous devrions soit-dans l'hypothèse optimiste- nous levez et applaudir, parce que, si tout est prévu d'avance, nous avons tous une signification et la terreur de nous savoir aller à l'aventure nous est épargnée ou alors nous devrions -dans hypothèse pessimiste- tout abandonner tout de suite, en comprenant la futilité de la pensée décision action, puisque, quoi que nous pensions, cela ne change rien; les choses seront ce qu elles seront. Alors, où est l'optimisme? Dans le destin ou dans le chaos?

Since my last visit to Karachi, my friend the poet had spent many months in jail, for social reasons. That is to say, he knew somebody who knew somebody who was the wife of the second cousin by marriage of the step-uncle of somebody who might or might not have shared a flat with someone who was running guns to the guerrillas in Baluchistan. You can get anywhere in Pakistan if you know people, even into jail.

[...] Sa voix craquait comme un vieux poste de radio parce que les décennies se frottaient les unes aux autres près de ses cordes vocales [...].

p.67

Des bruits en ville : " Et la statue a galopé la nuit dernière"... "Et la conjonction des étoiles est néfaste !"... mais, malgré tous ces mauvais présages, un nouveau mythe brillait au coin des yeux de la ville. Août à Bombay : un mois de fêtes, le mois de la naissance de Krishna et de la fête de la noix de coco ; et cette année - encore quatorze heures, treize, douze - il y avait une fête supplémentaire sur le calendrier, un nouveau mythe à célébrer, car une nation qui n'avait jamais existé auparavant était sur le point d'acquérir sa liberté, nous précipitant dans un monde qui, malgré ses cinq mille ans d'histoire et bien qu'il ait inventé le jeu d'échecs et fait du commerce avec I'Egypte du moyen empire, n'en restait pas moins tout à fait imaginaire ; dans une terre mythique, un pays qui n'aurait existé sans les efforts d'une volonté collective extraordinaire - sauf pour un rêve sur lequel nous nous accordions tous ; c'était une idée bizarre, partagée à des degrés divers par les gens du Bengale, du Punjab, de Madras et les Jât, et qui nécessiterait périodiquement la sanctification et le renouveau que seuls les rituels du sang peuvent fournir. L'Inde, le nouveau mythe, une fiction collective dans laquelle tout était possible, une fable avec laquelle seules deux autres bizarreries pouvaient rivaliser : l'argent et Dieu.

Je leur dis : "C'est la vérité. La vérité de la mémoire, parce qu'elle est particulière. La mémoire sélectionne, élimine, modifie, exagère, minimise, glorifie et dénigre aussi ; mais à la fin elle crée sa propre réalité, sa vision des événements, hétérogène, mais généralement cohérente ; et aucun être humain sain d'esprit ne fera plus confiance à la version d'un autre qu'à la sienne."

À l'époque, l'optimisme atteignit une nouvelle fois les proportions d'une épidémie ; en attendant j'avais une inflammation des sinus.

Attention, il ne faut pas que j'oublie que j'écris un conte de fées. Mon dictateur s'effondrera à cause des lutins et des fées. J'entends déjà les critiques : "C'est un facile"; d'accord, d'accord. Mais j'ajoute, même si ça fait un geignard: "Essayez donc de débarrasser d'un dictateur, pour voir".

C'est ainsi que les religions soutiennent les dictateurs; en les enfermant dans le langage du pouvoir, un langage que le peuple ne veut pas voir discrédité, dévalué, ridiculisé.

Humiliez les gens pendant suffisamment longtemps et une violence extrême explosera d'eux.

Il ne chercha pas d'assistance médicale car un diagnostic psychiatrique, même bénin, aurait certainement suffi à lui valoir le retrait de ses responsabilités. Il voulait rentrer chez lui en héros, pas en barjot. Car alors il n'y aurait pas de filles de rêve. Et la mémoire n'était pas la folie n'est-ce pas, même quand les souvenirs du passé s'entassaient à tel point que vous aviez peur que les dossiers d'hier se voient dans le blanc de vos yeux. La mémoire était un don. Elle était positive. C'était une ressource professionnelle.

Les bouts de papier tombaient de sa main alanguie et choyaient tels des flocons de neige sur le sol de la chambre, et de fait les messages écrits dessus n'avaient pas plus de rapport avec sa nouvelle vie que la neige.

Une des leçons que l’on peut tirer de cette histoire c’est que si certains écrivains sont très doués pour s’exprimer en public… cela les tue. (p. 173)

Dan Brown écrit des romans si mauvais, qu'il donne une mauvaise réputation aux mauvais romans

« Il n'y a pas de quoi s'inquiéter, unique monsieur Rachid, cria-t-il de façon indélicate. Elle vous a peut-être quitté mais il y a beaucoup de poissons dans la mer. »
«Poissons?» se dit Haroun avec rage. « Il a dit poissons? » Sa mère était-elle une brème? Devait-on la comparer à un poisson-chagrin ou à un requin ? Rachid aurait vraiment dû cogner ce Buttoo sur son nez retroussé!
Le conteur plongea nonchalamment la main dans les eaux du lac Morne. « Ah, mais il faut aller loin, très loin pour trouver un poisson-ange », soupira-t-il.

Il évoqua son intention de s'attaquer à la sous-culture abrutissante et destructrice de notre époque tout comme Cervantès était parti en guerre contre la sous-culture de son temps (page 382).

Nous sommes des icebergs. Je ne veux pas dire que nous sommes froids, simplement que la plus grande part de nous-mêmes se trouve sous la surface et que c’est cette part cachée qui peut couler le Titanic.