Sara Stridsberg

Et tandis que je le vois ainsi, dans la lumière, je comprends pour la première fois qu’il n’appartient qu’à lui-même, que beaucoup d’autres gens le rendront heureux et désespéré – pas seulement moi

J’aimerais que tu sois avec moi quand ce sera la fin. Si seulement tu pouvais être avec moi sur la plage quand je m’en irai dans l’eau. J’aurais moins peur comme ça

La part saine de l'être humain vit côte à côte avec la part malade. Ce sont deux sources, ou deux veines, indissociables. Être malade équivaut aussi à être responsable, à protéger son environnement proche contre les effets d'une colère qui menace de tout détruire.

Je me suis demandé s'il est réellement possible de recevoir un regard en héritage, si les ténèbres se transmettent.

_ De quoi devrait-il se défendre?
_ De la vie, je suppose.

Il est facile d’idéaliser la clinique et de la transformer en un endroit parfait qui réalisera tout ce que nous, êtres humains, ne parvenons à accomplir les uns pour les autres. Et en même temps, ce lieu est effrayant dans la mesure où il représente ce qu’il y a de plus imparfait en nous : l’échec, la faiblesse et la solitude.

Personne n’a vraiment cru que Jim deviendrait un vieux monsieur. Il a toujours vécu en marge du temps, selon des règles édictées par lui seul, comme un grand enfant turbulent et dangereux.

[...] Je m'imagine sur le trampoline tandis que je regarde dans l'eau. Puis je fais un saut parfait et disparais dans les profondeurs, au bout de quelques secondes la surface est redevenue un miroir noir. On aura l'impression que je ne suis jamais venu ici. Et il n'y a aucun amarre qui nous retient à la terre, aucun cordon qui lie la lune à la terre. Alors qu'est-ce qui pourrait me pousser à rester ici ? Qu'est-ce qui pourrait me fixer au monde si ce n'est un lien, si ce n'est un amour ? Sauf que ce genre de choses n'existe pas et n'a jamais existé.

- N'attends pas, dit Jim comme s'il lisait dans mes pensées. La vie ne commence jamais. Elle termine, c'es tout. D'un coup. Comme ça.

- Tu as toujours aimé les arbres, me dit Lone alors qu'elle marche un peu plus loin dans le parc. [...]
Je réponds :
- A priori, oui.
- Pourquoi ?
- Peut-être parce qu'ils s'étirent pour chercher l'eau et la lumière. Parce qu'ils ont l'air d'être en prière lorsqu'ils penchent leur tronc fragile au-dessus de la rivière.
- Mais qui peut consoler un arbre ?
- Le printemps, peut-être. Quand j'étais petite, je me disais qu'en hiver les arbres faisaient semblant d'être morts.
Lone me dévisage avec ses grands yeux magnifiques.
- C'est sans doute pareil pour Jim. Il s'effondre et ressuscite au printemps.