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Critiques de Sara Stridsberg (65)
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Beckomberga

Pas facile de mettre des mots sur le ressenti de ma lecture. J’aime l’écriture aérienne de l’auteur, cette façon d’écrire, gracile, sans peser, comme les ailes d’un papillon sur une fleur ou comme le vol d’un oiseau. Sa façon de décrire Beckomberga. Ce no man’s land. L’atmosphère y est pure et aérienne. Et pourtant l’auteur parle d’un sujet grave : la folie. Celle qui peut toucher n’importe lequel ou laquelle d’entre nous. Jackie aime désespérément son père et tente de l’aider mais Jim ne peut recevoir ni donner. Jim vit sa vie à l’aide de l’alcool sans se soucier de ceux qui l’aime et il casse tout sur son passage sans faire de bruit. Nous sommes dans un autre monde et pourtant l’auteur ne donne pas de la folie, l’image que l’on attend dans un tel centre. Les fous y sont des êtres comme nous brisés par un événement ou par une addiction. Un peu lent peut être mais cette lenteur va avec le rythme des personnages.
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Beckomberga

on se perd un peu dans le temps style très poétique de jolies phrases

histoire émouvante racontée en petits chapitre ce qui casse peut être le rythme de la lecture et rend la lecture un peu moins captivante
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Beckomberga

Le lecteur est imprégné par l'esthétisme de la prose, libérateur et salvateur ; il est conforté sans cesse par la lumière permanente qui réchauffe chaque instant, chaque souvenir et contrebalance magistralement la noirceur tourmentée des personnages.
Lien : https://www.actualitte.com/a..
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Beckomberga

Une plongée dans un hôpital psychiatrique, Beckomberga à Stockholm, sensé apporté sécurité et confort aux "toqués" de Suède ... De 1932 à 1995, cet hôpital reçut de nombreux patients, anonymes ou célèbres et l'autrice nous fait découvrir ce lieu si étrange à travers les souvenirs (parfois confus) de Jackie qui y est souvent allée pour rendre visite à son père, Jim/Jimmy Darling, alcoolique dépressif.

C'est là où elle a grandi, séchant souvent l'école pour y passer plus de temps, là où elle a rencontré son premier amour ...

Un roman touchant, plein d'amour de cette enfant puis femme pour son père absent, lointain, puis pour son fils Marion qui réussit à la sauver de cette spirale de solitude et d'isolement.

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Beckomberga

Sara Stridsberg est une auteure reconnue qui a sorti pour cette rentrée littéraire « Beckomberga : Ode à ma famille« , une histoire faite de moments épars saisis ici et là. On suit de façon discontinu la relation entre un père souffrant d’une maladie psychique, d’un mal-être profond et sa fille encore adolescente. L’écriture est sublime, les descriptions aussi mais malheureusement l’on peine à s’attacher à ces personnages. La faute à un récit qui ne fait qu’entrebâiller la porte sur ce qui aurait pu constituer une formidable histoire. On ne comprend pas l’attirance morbide du père qui ne cesse d’évoquer devant sa fille son envie de se supprimer, soulignant au passage que rien ne le retiendrait.. pas même sa fille. On effleure le sujet enveloppé dans de très belles descriptions certes mais qui peine à toucher au cœur ce qui est quand même un comble quand on aborde une telle thématique. Sans empathie pour le père et sans compréhension du lien pouvant l’unir à sa fille. Ce père qui ne donne pas de nouvelles, ce fantôme errant enveloppé dans ses vapeurs d’alcool, suant des médicaments par tous les pores de la peau, usant de drogues au passage de façon dilettante.. vous l’aurez compris ce type de personnage peine à trouver en moi une quelconque résonnance. Bien écrire est une chose, avoir une histoire à raconter c’est encore mieux. Une déception.
Lien : https://thedude524.com/2016/..
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Beckomberga

En 1995, l’institut psychiatrique Beckomberga ferme ses portes et renvoie ses derniers patients. Ouvert dans les années 30 à Stockholm, l’institut se voulait novateur : un lieu permettant d’accueillir les malades mentaux dans le bien être et le confort, et leur offrir un espace de chaleur et de lumière.



Beckomberga, c’est l’histoire de cet institut hors norme – je garde en mémoire Edvard, le psychiatre auquel se confie tous les jours Jim et qui, le soir venu, emmène ses patients en soirée…



Beckomberga, c’est aussi l’histoire d’un père suicidaire et alcoolique, raconté par sa fille, Jackie. L’histoire d’un amour sans concessions pour la figure paternelle. Jim est interné en 1986 à Beckomberga parce qu’il ne cesse de tenter de se suicider et qu’il ne parvient pas à se défaire de l’alcool. Il y rencontrera des personnes qui le marqueront, au point qu’il ne voudra plus quitter cet endroit…



Sara Stridsberg nous délivre un beau roman sur la folie et son hérédité ; l’auteure développe des réflexions également sur la mort et la maternité – Marion, ce fils pour qui Jackie est prête à tout quitter, qui la fait renaître au monde.



Il règne dans ce roman une atmosphère propre aux romans nordiques – je ne saurais pas la décrire. J’ai aimé cette narration faite d’éclats de voix venues du passé. Même s’il ne se passe pas grand chose, la lecture de ce roman suédois m’a à la fois déroutée et séduite. Je me suis laissée bercer et entraîner par la plume poétique et fluide de Sara Stridsberg et j’ai découvert un portrait de père touchant et profondément nostalgique. Il m’a cependant manqué un petit quelque chose pour que cette lecture demeure inoubliable…
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Beckomberga

J'ai peiné au début à déterminer qui était qui. le style éblouissant, maillé du contraste entre la beauté de l'écrit et la tristesse du monde, m'a conquis d'emblée.

Des chapitres courts, souvent des dialogues, dévoilent les attentes, les espoirs et la résignation d'êtres confrontés à l'étrangeté de ce qui est qualifié de folie. L'humour, la poésie, la tendresse agrémentent des capsules de vie, entourées d'une nature enveloppante, son emprise décrite avec délicatesse et puissance évocatrice.

Les échanges amicaux entre médecin et patient m'ont beaucoup plu. Le lien familial noué en dépit des revers, aussi.

Ce n'est pas tous les jours qu'un hôpital psychiatrique se dévoile de l'intérieur, d'une main légère, d'une humanité à l'optimiste gravité.
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Beckomberga

Jackie va presque tous les jours voir son père à l’hôpital psychiatrique surnommé le « château des Toqués » : Beckomberga. Un asile immense, le plus grand d’Europe : deux mille lits et la volonté de traiter les malades différemment en leur offrant peut-être plus de liberté dans un espace ouvert où règne la nature : des tilleuls, des rosiers, un vaste parc et des grilles qu’on ne voit pas, enfin pas tout de suite…

C’est presque une ville dans la ville de Stockholm et son architecte Carl E.Westman est très fier de son projet. Les travaux ont commencé en été 1929. « Le résultat est à la fois modeste et monumental, grandiose et mélancolique. » L’espace intérieur est baigné de lumière et partout des fenêtres d’où la vue est magnifique. On voit le vaste ciel, les nuages et les oiseaux. L’hôpital ouvrira ses portes en 1932. Peut-être certains croient-ils à « un nouveau monde où personne ne sera laissé pour compte, où l’ordre et le souci de l’autre seront de mise… » Énième utopie ?

Le père de Jackie s’appelle Jim, ses amis de l’hôpital l’appellent Jimmie Darling. Comme sa fille, la narratrice, on tente une approche : on essaie de comprendre qui il est, ce qu’il pense, ce qui ne va pas et pourquoi ça ne va pas. Il boit, fait des crises d’épilepsie, veut se suicider en nageant au loin dans la mer depuis une petite plage du nord de l’Espagne, se sent chez lui à Beckomberga, ne compte pas vraiment en sortir. « De toute manière je n’ai jamais voulu vivre. » répète-t-il inlassablement à sa fille qui lui murmure : « Fais ce que tu veux, Jim. Tu as toujours fait ce que tu voulais »

C’est vrai qu’il ne s’est jamais privé, Jim : allant à droite à gauche pour profiter de femmes rencontrées, à peine aimées, s’étourdissant avec elles, se saoulant pour oublier qu’à la maison l’attendent sa femme Lone et sa fille. Elles le cherchent dans les rues de Stockholm et le ramènent à la maison comme elles peuvent.

Il finit par louer une chambre rue de l’Observatoire. Parfois, il revient à l’appartement avec son baluchon. Ceci a lieu un peu avant son admission à Beckomberga.

Jackie adolescente va voir tous les jours ce père au pavillon Grands Mentaux Hommes, tente d’échanger avec lui, pour le sauver sans doute, le sortir de là. Elle espère encore mais un médecin la met en garde : « Jim a perdu quelque chose mais il ne sait pas ce que c’est ».

Une quête sans objet semble perdue d’avance…

Elle lui demande de sa petite voix si rien ne le rattache à la vie, même pas elle. « Ce qui rend les gens heureux ne m’a jamais rendu heureux » répond-il sans illusions. Parfois il la regarde à peine, cette fille aimante, d’autres fois, il a oublié son existence. Il se demande s’il l’a aimée un jour et le lui dit. Elle reviendra encore et encore, comme « une petite dérangée » s’accrochant à cet espoir ténu de le voir devenir heureux même si ce mot, posé à côté du nom de son père, forme un oxymore.

Elle est là, auprès de lui ou bien dans le parc à sa recherche. Elle observe les nuages qui passent, parle avec les malades. Certains médecins s’étonnent de sa présence et l’acceptent au-delà des heures d’ouverture. Elle appartient à ce lieu, à ces gens.

Plus tard, constatant que son père vieillit et que sa mère absente voyage pour fuir, elle s’accrochera à son fils Marion qui lui donnera l’impression d’être « mieux ancrée au sol, d’être enfin concernée… par la force de gravité. ».

Elle aura tenté de faire quelque chose, pensant détenir le pouvoir quasi magique d’agir sur le monde et sur les autres mais finalement elle s’avoue vaincue : « je n’ai jamais sauvé quelqu’un… je n’ai même pas ne serait-ce que failli sauver quelqu’un. »

Aveu de son échec, de sa faiblesse : elle a vu sa famille se perdre, son adolescence s’évaporer, ses illusions disparaître à tout jamais. Elle a tenté de s’approcher de ce père étrange, absent, égoïste, séduisant, terrible et fascinant. Elle a aimé sans compter celui qui lui a dit : « Je ne sais pas si je t’ai aimée », ce père avouant qu’il n’a « jamais été quelqu’un sur qui on pouvait compter ».

En voulant le sauver, le ramener à la maison auprès de sa mère, elle a failli se perdre. Elle a fini par « presque vivre » elle aussi à Beckomberga, elle qui avait peur de devenir « toquée ». « Parfois, dira-t-elle à Lone, j’ai l’impression d’avoir grandi dans cet hôpital ».

Il fermera ses portes l’hiver 1995. « Les neuroleptiques … permettent une vie en dehors des institutions », c’est un pan de sa vie qui tombe, une page qui se tourne.

Une grande mélancolie émane de ces pages poétiques et sombres, une tristesse profonde et lasse, le sentiment que quelque chose n’a pas eu lieu, n’a pas été sauvé et s’est perdu à tout jamais. La famille a sombré, l’institution a fermé.

Et l’on sent dès les premières lignes de cette œuvre terriblement nostalgique que ça ne va pas marcher, que l’effondrement est inévitable.

Des bribes de conversations, des fragments de voix, des touches de lumière parsèment l’œuvre comme de vagues souvenirs dont il ne reste que des lambeaux bientôt éteints.

Il ne se passera rien. La narratrice aurait aimé le contraire. L’espoir a guidé ses pas. En vain. L’asile a fermé, le père est mort. Reste l’enfant, Marion, à qui elle montre les lieux. Elle lui raconte certainement la vie de ceux qu’elle y a rencontrés et qui sont partis eux aussi… ou peut-être morts.

Un monde qui n’est plus, une voix seule, nostalgique et émouvante pour tenter de dire ce monde disparu.

Jackie a des visions : un oiseau de mer blanc vole dans les couloirs de Beckomberga : « Le froissement des ailes, le frémissement des plumes, un lointain relent de mer et de mort, comme si les vagues se brisaient sur une plage située quelque part à l’intérieur du bâtiment, comme si l’architecture dissimulait une blessure ».

Elle sait que cela n’est pas possible, cela n’a pas été.

Quand on n’a plus de souvenirs, il ne reste alors que les rêves… Dans le fond, c’est peut-être mieux.


Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Beckomberga

Lecture fut confuse pour moi avec tous ces flashs back.

L'attachement de la fille à son père est remarquable : je me demandais si c’était du à sa peur qu'elle lui ressemble un jour, elle voulait des réponses.

Ce livre m'a chamboulé, merci à ma bibliothécaire qui me l'a conseillé.
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Beckomberga



Merci tout d'abord aux éditions Gallimard et à Babelio, pour l'envoi de ce roman, en avant-première.



Je l'avoue, de moi-même, je n'aurais pas choisi ce livre.Les thèmes évoqués en 4ème de couverture m'ont fait entrer dans l'univers de l'auteur avec appréhension et angoisse car " hôpital psychiatrique" et " suicide" sont des échos douloureux de ma propre histoire familiale.



Mais au-delà de mes réticences,il y a eu la découverte éblouie d'une romancière suédoise très particulière et de son style envoûtant.



Elle présente à la fois un trajet familial plein de souffrances, autour du père, Jim, charismatique mais auto-destructeur, à la conduite suicidaire,et l'histoire presque sous forme documentaire de l'hôpital psychiatrique de Beckomberga, près de Stockholm, depuis son ouverture en 1932 sous le signe de l'espoir et de l'enthousiasme jusqu'à sa fermeture vécue comme un échec en 1995.A ce propos, l'auteur écrit très justement: "Il est facile d'idéaliser la clinique et de la transformer en un endroit parfait qui réalisera tout ce que nous, êtres humains, ne parvenons à accomplir les uns pour les autres.Et en même temps, ce lieu est effrayant dans la mesure où il représente ce qu'il y a de plus imparfait en nous: l'échec, la faiblesse et la solitude".



La narratrice, Jackie, est la fille de Jim, qui séjournera longtemps à Beckomberga et qu'elle viendra voir souvent.Cette volonté d'une toute jeune fille de comprendre son père, de l'aider,même si elle est vouée à l'échec, est fort émouvante.Son amour fusionnel avec son fils Marion lui permettra , par la suite,de se libérer de la folie paternelle.J'ai beaucoup aimé ce personnage sensible, angoissé de reproduire le même parcours que son père, solitaire.Elle a très vite une grande maturité et se montre très lucide envers le comportement de son père: "Il a toujours vécu en marge du temps, selon des règles édictées par lui seul,comme un grand enfant turbulent et dangereux; il a toujours trop aimé la mort pour que quiconque puisse s'imaginer un Jim âgé."



Et il y a la prose , entre ombres et lumière, de Sara Stridsberg, qui magnifie tout. Parlant des " arbres vert clair", par exemple, qui remuaient au-dessus de sa tête, dans le parc de Beckomberga, elle écrit: "J'ai toujours adoré leurs frondaisons et leurs racines colossales, la lumière fragile filtrée par leurs feuilles qui se diffuse sur les êtres humains; j'ai toujours pensé que les arbres me protégeaient des dangers."



" Beckomberga, une ode à ma famille", oui , le mot"ode" est bien choisi car c'est un poème d'amour déchirant d'une fille à son père...
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Beckomberga

Jackie va presque tous les jours voir son père à l’hôpital psychiatrique surnommé le « château des Toqués » : Beckomberga. Un asile immense, le plus grand d’Europe : deux mille lits et la volonté de traiter les malades différemment en leur offrant peut-être plus de liberté dans un espace ouvert où règne la nature : des tilleuls, des rosiers, un vaste parc et des grilles qu’on ne voit pas, enfin pas tout de suite…

C’est presque une ville dans la ville de Stockholm et son architecte Carl E.Westman est très fier de son projet. Les travaux ont commencé en été 1929. « Le résultat est à la fois modeste et monumental, grandiose et mélancolique. » L’espace intérieur est baigné de lumière et partout des fenêtres d’où la vue est magnifique. On voit le vaste ciel, les nuages et les oiseaux. L’hôpital ouvrira ses portes en 1932. Peut-être certains croient-ils à « un nouveau monde où personne ne sera laissé pour compte, où l’ordre et le souci de l’autre seront de mise… » Énième utopie ?

Le père de Jackie s’appelle Jim, ses amis de l’hôpital l’appellent Jimmie Darling. Comme sa fille, la narratrice, on tente une approche : on essaie de comprendre qui il est, ce qu’il pense, ce qui ne va pas et pourquoi ça ne va pas. Il boit, fait des crises d’épilepsie, veut se suicider en nageant au loin dans la mer depuis une petite plage du nord de l’Espagne, se sent chez lui à Beckomberga, ne compte pas vraiment en sortir. « De toute manière je n’ai jamais voulu vivre. » répète-t-il inlassablement à sa fille qui lui murmure : « Fais ce que tu veux, Jim. Tu as toujours fait ce que tu voulais »

C’est vrai qu’il ne s’est jamais privé, Jim : allant à droite à gauche pour profiter de femmes rencontrées, à peine aimées, s’étourdissant avec elles, se saoulant pour oublier qu’à la maison l’attendent sa femme Lone et sa fille. Elles le cherchent dans les rues de Stockholm et le ramènent à la maison comme elles peuvent.

Il finit par louer une chambre rue de l’Observatoire. Parfois, il revient à l’appartement avec son baluchon. Ceci a lieu un peu avant son admission à Beckomberga.

Jackie adolescente va voir tous les jours ce père au pavillon Grands Mentaux Hommes, tente d’échanger avec lui, pour le sauver sans doute, le sortir de là. Elle espère encore mais un médecin la met en garde : « Jim a perdu quelque chose mais il ne sait pas ce que c’est ».

Une quête sans objet semble perdue d’avance…

Elle lui demande de sa petite voix si rien ne le rattache à la vie, même pas elle. « Ce qui rend les gens heureux ne m’a jamais rendu heureux » répond-il sans illusions. Parfois il la regarde à peine, cette fille aimante, d’autres fois, il a oublié son existence. Il se demande s’il l’a aimée un jour et le lui dit. Elle reviendra encore et encore, comme « une petite dérangée » s’accrochant à cet espoir ténu de le voir devenir heureux même si ce mot, posé à côté du nom de son père, forme un oxymore.

Elle est là, auprès de lui ou bien dans le parc à sa recherche. Elle observe les nuages qui passent, parle avec les malades. Certains médecins s’étonnent de sa présence et l’acceptent au-delà des heures d’ouverture. Elle appartient à ce lieu, à ces gens.

Plus tard, constatant que son père vieillit et que sa mère absente voyage pour fuir, elle s’accrochera à son fils Marion qui lui donnera l’impression d’être « mieux ancrée au sol, d’être enfin concernée… par la force de gravité. ».

Elle aura tenté de faire quelque chose, pensant détenir le pouvoir quasi magique d’agir sur le monde et sur les autres mais finalement elle s’avoue vaincue : « je n’ai jamais sauvé quelqu’un… je n’ai même pas ne serait-ce que failli sauver quelqu’un. »

Aveu de son échec, de sa faiblesse : elle a vu sa famille se perdre, son adolescence s’évaporer, ses illusions disparaître à tout jamais. Elle a tenté de s’approcher de ce père étrange, absent, égoïste, séduisant, terrible et fascinant. Elle a aimé sans compter celui qui lui a dit : « Je ne sais pas si je t’ai aimée », ce père avouant qu’il n’a « jamais été quelqu’un sur qui on pouvait compter ».

En voulant le sauver, le ramener à la maison auprès de sa mère, elle a failli se perdre. Elle a fini par « presque vivre » elle aussi à Beckomberga, elle qui avait peur de devenir « toquée ». « Parfois, dira-t-elle à Lone, j’ai l’impression d’avoir grandi dans cet hôpital ».

Il fermera ses portes l’hiver 1995. « Les neuroleptiques … permettent une vie en dehors des institutions », c’est un pan de sa vie qui tombe, une page qui se tourne.

Une grande mélancolie émane de ces pages poétiques et sombres, une tristesse profonde et lasse, le sentiment que quelque chose n’a pas eu lieu, n’a pas été sauvé et s’est perdu à tout jamais. La famille a sombré, l’institution a fermé.

Et l’on sent dès les premières lignes de cette œuvre terriblement nostalgique que ça ne va pas marcher, que l’effondrement est inévitable.

Des bribes de conversations, des fragments de voix, des touches de lumière parsèment l’œuvre comme de vagues souvenirs dont il ne reste que des lambeaux bientôt éteints.

Il ne se passera rien. La narratrice aurait aimé le contraire. L’espoir a guidé ses pas. En vain. L’asile a fermé, le père est mort. Reste l’enfant, Marion, à qui elle montre les lieux. Elle lui raconte certainement la vie de ceux qu’elle y a rencontrés et qui sont partis eux aussi… ou peut-être morts.

Un monde qui n’est plus, une voix seule, nostalgique et émouvante pour tenter de dire ce monde disparu.

Jackie a des visions : un oiseau de mer blanc vole dans les couloirs de Beckomberga : « Le froissement des ailes, le frémissement des plumes, un lointain relent de mer et de mort, comme si les vagues se brisaient sur une plage située quelque part à l’intérieur du bâtiment, comme si l’architecture dissimulait une blessure ».

Elle sait que cela n’est pas possible, cela n’a pas été.

Quand on n’a plus de souvenirs, il ne reste alors que les rêves… Dans le fond, c’est peut-être mieux.


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Beckomberga

Qu'est-ce que la folie ?

Si le but de "Beckomberga, Ode à ma famille" n'est pas de répondre à cette question complexe, on ne peut s'empêcher, à l'issue de la lecture du roman de Sara Stridsberg, de se la poser...



Jim fut interné des mois durant à Beckomberga, le plus grand hôpital psychiatrique de Suède, construit au début des années 1930, et fermé en 1995, lorsque la réforme de la psychiatrie initiée par le gouvernement préconisa une intégration des malades dans la société. Sa fille Jackie, alors adolescente, lui rendait régulièrement visite au "château des Toqués".



Elle revient sur cette période de sa vie, au fil d'une narration toute en liberté, qui laisse une impression de spontanéité, et de sincérité aussi, comme si, plutôt que dans un livre, nous nous trouvions dans son esprit, emportés avec elle par le fil de souvenirs déferlant sans logique apparente. Les réminiscences d'épisodes vécus à Beckomberga alternent avec des séquences du présent, en une succession de courts chapitres qui impulsent au récit un rythme quasi hypnotique.



Devenue adulte, Jackie vit seule avec son jeune fils, dont elle a quitté le père parce qu'elle se sentait incapable de "partager" son enfant. Elle entretient des relations lointaines avec son père, septuagénaire qui vit maintenant en Espagne, et qui lui exprime régulièrement ses intentions suicidaires. Hantée par les moments passés à Beckomberga, elle y retourne régulièrement, flânant parmi les vestiges du domaine désormais abandonné, en quête des fantômes de ses souvenirs.



Homme charismatique, liant, mais instable, Jim est depuis toujours atteint d'un insondable mal-être et d'un profond dégoût du monde. Le doit-il à un funeste héritage, sa mère, dépressive, étant morte d'alcoolisme sans même lui dire au revoir ? Quand il l'évoque, il donne l'impression que ce drame l'a amputé de la capacité à se fixer au monde, à s'ancrer dans l'existence. Inapte à l'amour, à éprouver des sentiments assez forts pour donner un sens à sa vie, il explique son attirance pour la mort du fait que rien ni personne ne le retient... Lone, son épouse, et mère de Jackie, avait fini par jeter l'éponge, impuissante à lutter contre les pulsions auto destructrices de son mari.



Jackie manifesta quant à elle durant tout le séjour de son père à Beckomberga une inaltérable fidélité, lui rendant inlassablement visite, au point que l'hôpital devint un second foyer, et le lieu d'inoubliables rencontres. La relation de cette proximité avec l'univers psychiatrique laisse une impression d'errance dans une réalité incertaine, où les individus ont une perception douloureuse et bancale d'eux-mêmes, et où leurs réactions, les rapports qu'ils entretiennent les uns avec les autres, relèvent de codes incompréhensibles pour ceux de l'extérieur. Ils agissent tantôt de manière instinctive, laissant s'exprimer leur "anormalité", tantôt avec une sorte d'égarement passif, qui rappelle que leur présence à Beckomberga est liée à une immense détresse.

Jackie éprouve de la fascination pour ce lieu hors du temps, où évolue des êtres qui, abordant l'existence avec une intensité destructrice, se parent à ses yeux d'une dimension extraordinaire.



Sa relation avec son père est alors empreinte à la fois d'une intimité sereine, liée à une profonde compréhension mutuelle, et d'une distance créée par la folie de Jim. Avec le recul, elle s'interroge sur cette relation, et sur ce qu'elle espérait de ces visites au "château des toqués". Imaginait-elle pouvoir sauver son père ? Était-elle en quête des raisons profondes de la détresse paternelle, de ses mécanismes, afin d'échapper à un éventuel déterminisme familial dont elle aurait pu elle-même devenir victime ?



"Beckomberga" est un récit à la fois beau et terrible, à l'image de ces "malades" et de la façon dont les perçoit Jackie, magnifiques de profondeur et de mélancolie, quand leur yeux injectés d'alcool, leurs visages rendus bouffis par les médicaments, devraient les rendre pitoyables. Personnages morts et vivants se mêlent (les premiers hantant les rêves des seconds) et laissent ainsi une empreinte forte en nous. Il émane du roman de Sara Stridsberg un esthétisme un peu morbide, les forces et les failles de ses héros se fondant en une étrange osmose.



La menace de la bascule dans un gouffre intérieur, où l'on ne peut que se perdre, est omniprésente... la folie résiderait dans le désespoir suscité par l'incapacité à le combler ?
Lien : http://bookin-ingannmic.blog..
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Beckomberga

Merci à Babelio et aux éditions Gallimard pour l'envoi de Beckomberga en avant première de la rentrée littéraire.

Si le sujet de la folie m'intéressait beaucoup, la manière de le traiter m'a complètement perturbée. J'ai eu beaucoup de mal à comprendrer qui était qui et les liens entre les différents personnages. Le va et vient dans le temps m'a perdue. Je n'ai ressenti aucune compassion pour aucun des personnages et surtout pas pour les soignants car je ne comprenais pas ni ce qu'ils faisaient, ni leurs intentions.

J'en suis d'autant plus surprise que j'avais beaucoup apprécié Le présent infini s'arrête de Mary Dorsan et Le cas Edouard Einstein de Laurent Seksik où il est également question de troubles psychiatriques.

J'ai vraiment l'impression d'être passée complètement à côté de Beckomberga, de n'avoir jamais réussi à entrer ni dans l'histoire, ni dans le style. ça me laisse perplexe, de marbre. Du coup, j'abandonne la lecture à la page 293 parce que je n'en peux plus. Ce n'était peut-être tout simplement pas le bon moment pour moi.

J'espère que Voici venir les rêveurs de Imbolo Mbue m'intéressera davantage.
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Beckomberga

Stockholm, ou plutôt Beckomberga, une ville dans la ville, avec cet hôpital psychiatrique qui a accueilli ses premiers patients en 1932 et fermé ses portes en 1995, l’un des plus grands établissements de ce type avec ses 2000 lits. Et pourtant, au-delà de ce chiffre impressionnant, l’idée était de développer à l’époque une nouvelle vision de l’hôpital psychiatrique, la plus adaptée possible aux malades, où ils ne manqueraient, idéalement, de rien.



Nous y rencontrons Jim Darling, qui vit dans cet hôpital, et sa fille Jackie qui lui rend très régulièrement visite. On entre ainsi dans la vie de cette famille, de ce duo père fille notamment, qui tient de façon assez bancale et pourtant toujours hyper soudée. Jim fait tourner les têtes, c’est un homme charismatique tout en étant profondément instable et auto-destructeur. Lone a préféré prendre ses distances, tout en respectant le choix de sa fille de sillonner plus souvent qu’à son tour les allées du « château des toqués ». On les sent tous suspendus au-dessus du vide, dans l’indécision totale, à composer entre l’urgence quasi permanente et la nécessité d’un certain flottement.



J’ai une tendance à aller plonger mon regard où l’on parle de psychiatrie ou d’univers carcéral, le thème de l’enfermement en somme, dans tous les sens du terme, et de son dépassement. Je n’attendais pas grand-chose de ce roman, ouvert un peu hasard par l’attirance de son sujet. Et quelle bonne surprise. La « folie » est très finement décrite, sans pathos, avec beaucoup d’humanité et de tendresse. On se familiarise assez curieusement avec cet hôpital, on reconnaît progressivement les lieux, le parc et ses grands arbres qui bordent le pavillon Grands Mentaux Hommes, les résidents, on prend ses marques. Une écriture très fine, des chapitres courts, comme autant d’allers retours entre passé et présent, qui nous plongent dans l’histoire à la fois difficile, douloureuse et bourrée d’amour et de respect de cette famille hors-norme. Un tour de force pas si évident et très bien rendu par Sara Stridberg.



En regard, une partie de l’histoire de la psychiatrie, les asiles et leurs fermetures progressives, leurs mutations, avec l’évolution des traitements, notamment l’émergence des neuroleptiques et de nouvelles alternatives intégrant davantage les personnes malades dans la société.



Une belle surprise et un gros coup de cœur qui donne envie d’aller découvrir un peu plus les textes de Sara Stridsberg.
Lien : http://casentlebook.fr/becko..
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Beckomberga

Fabuleuses, touchantes et émouvantes retrouvailles avec Sara Stridsberg.

Une balade intimiste encore une fois entre lumière et ténèbres.

Papillon, phalène, nous glissons avec eux dans une zone éthérée à la rencontre d'êtres égarés, libres et prisonniers, anges dévorés par leurs démons.



Beckomberga Ode à ma famille

Beckomberga: « L'accord conclu en 1925 entre l'Etat et la ville de Stockholm entérinait que celle-ci assumerait désormais la charge des soins apportés à ses malades mentaux. Dans ce but, les conseillers municipaux ont décidé en 1929 la construction de l'hôpital de Beckomberga, lequel a ouvert ses services dans les années 1932-1933 ».



Bekomberga, un refuge pour des hommes et des femmes, brisés, fragiles et si seuls.



Sara Stridsberg par le biais de sa narratrice, Jackie, nous fait pénétrer dans ce monde clos grâce à une odyssée familiale.

Une vraie prouesse: l'auteure nous fait découvrir ce lieu empli de souffrance, de détresse, de folie, de cris, de pleurs mais aussi de tendresse, de rires, et d'amour.

Des mots sublimes pour éclairer la différence, l'incompréhension, la dérive des sentiments, la peur  de l'hérédité et des addictions.



Une écriture toujours juste sans voyeurisme, une écriture en état de grâce.



A travers le regard de son héroîne, Jackie, petite princesse en adoration devant son père, Jim, le roi des « toqués » , puis jeune femme, Sara Stridsberg survole la folie d'êtres humains et chéris et présente l'histoire d'un établissement de santé, projet d'une société moderne, Beckomberga, le plus grand hôpital psychiatrique suédois, qui ferma ses portes en 1995.



Sara Striedsberg encore une fois fait jaillir des ténèbres la lumière, et surtout nous offre le fascinant et émouvant spectacle de la transformation de l'héroïne en chrysalide :

Aimer pour guérir

Et toucher la lumière

Fuir le soleil noir

Et donner la vie

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Beckomberga

Bon, malgré les belles critiques que je vois sur le site moi je n'ai pas du tout accroché. Pourtant il a eu droit à une deuxième chance. Arrivée à la page 122 je baissais les bras et les yeux et décidait d'abandonner (ma théorie de la 100ème page....) mais j'ai vu les précédentes critiques et je me suis dit que je passais peut être à côté de quelque chose de bien, ce serait dommage. Donc j'ai repris le livre mais il n'y a rien à faire je n'accroche pas.

Oui l'écriture est belle, poétique mais j'ai du mal à suivre l'auteure là où elle veut m'emmener.

L'histoire de ce père enfermé dans un hôpital psychiatrique d'un nouveau genre, sa propre histoire, celle de sa mère et de son fils et.....

De courts chapitres, le livre file mais moi je me perds dans le passé, le présent.

Désolée mais ce n'est pas pour moi, ce n'est pas ce qui me touche ou m'intéresse.
Lien : http://mumudanslebocage.cana..
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Beckomberga

J ai adoré ce livre qui rend leur dignité aux existences les plus fragiles et les plus maltraitées.
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Beckomberga

Mes ailes sont devenues trop grandes, je ne peux plus voler



« Un oiseau de mer blanc plane en solitaire à travers les couloirs de l’hôpital de Beckomberga, dans le pavillon Grands Mentaux Hommes. Il est immense et luminescent et dans mon rêve je lui cours après pour tenter de le capturer mais je ne parviens pas à le rattraper à temps : il s’enfuit par une fenêtre brisée et se volatilise dans la nuit »



En premier lieu, une mise en texte, une écriture faite de paroles, en particulier de Jackie ; le temps des souvenirs, celui des rencontres, l’aujourd’hui mêlé à cet hier structurant, « Il n’y a pas de chronologie à ce niveau, il n’y a pas de carte » ; l’enfermement et les sorties… Une écriture faisant sens dans cet univers pour des êtres dans et hors de « châteaux des Toqués », dans cette architecture du chagrin, dans ce temps long d’une structure hospitalière jusqu’au « Dernier patient », dans ces conversions entre une fille et un père, entre celles et ceux qui sont ou furent liés…



Dire les personnes, leurs souffrances et leurs espérances, les lieux, « ce lieu est effrayant dans la mesure où il représente ce qu’il y a de plus imparfait en nous l’échec, la faiblesse, la solitude »…



Jackie et Jim, « Et tandis que je le vois ainsi, dans la lumière, je comprends pour la première fois qu’il n’appartient qu’à lui-même, que beaucoup d’autres gens le rendront heureux et désespéré – pas seulement moi », Jackie et Marion, les autres, les ami·es et les amant·es…



La folie des un·es et notre folie, les territoires non hospitaliers qui refont « de vous un être humain », l’allée des tilleuls, la lumière à l’orée de la conscience, l’idée de bonheur, le surgissement des photos d’enfants, ce que l’on en soi sans le savoir, la mort d’Olof Palme, le chagrin et son image personnalisée, l’alcool, le monde qui n’existe plus, la maladie qui permet de comprendre le monde…



« J’aimerais que tu sois avec moi quand ce sera la fin. Si seulement tu pouvais être avec moi sur la plage quand je m’en irai dans l’eau. J’aurais moins peur comme ça »…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Beckomberga

Un sujet douloureux : la dépression d’un père fantasque auquel la narratrice - figure autobiographique de l’auteur - voue un amour et une admiration passionnés. Une époque, celle d’une institution psychiatrique suédoise, Beckomberga, construite dans les années 30 à la périphérie de Stockholm, au milieu des lacs, en bordure de forêt, à la fois paradis et prison pouvant accueillir jusqu’à 800 patients. Fruit de l’utopie de l’Etat providence suédois et d'une nouvelle conception de la psychiatrie plus libre, plus respectueuse des individus, l’hôpital fermera en 1995 lorsque les thérapies médicamenteuses auront prouvé leurs effets.



Mais ce qui retient surtout, c'est la forme, envoûtante, du récit : des fragments courts qui sont autant d'éclats sur l'asile, son environnement, arbres, lacs, nuages, oiseaux, - la nature est très présente et sa beauté sidérante - les personnages, patients, médecins, père, mère, enfant de la narratrice, tous fantomatiques et pourtant si présents, si fragiles, comme si tous étaient sujets à cet effondrement intérieur qui atteint le père. La prose de Sara Stridsberg semble elle-même affectée d'un léger tremblé, comme celui de ces images en noir et blanc que l'on craint de voir s'évanouir sur l'écran, contrastant avec les quelques documents d'archives dont elle entrelace son récit.
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Beckomberga

Beckomberga : un nom qui résonne comme une oscillation, comme un ressac. Un va-et-vient permanent, inéluctable, entre la vie et la mort.



Beckomberga, institution ouverte au début des années 1930, à proximité de Stockholm, pour accueillir "la folie". "Folie", un mot et une définition qui auront bien le temps de changer et d'évoluer jusqu'à sa fermeture en 1995.





La vie c'est Jackie, enfant puis adolescente, qui vient voir son père aussi souvent qu'elle le peut, parce qu'elle est persuadée d'être son lien à la vie, si elle vient, si elle le voit seulement, davantage si elle lui parle et peut se promener avec lui, il restera du côté du souffle ténu de l'existence.



La mort, c'est la tentation qui fascine Jim, le père de Jackie, il l'espère, la provoque, la talonne, la désire comme une délivrance d'une vie dans laquelle il n'est plus rien, ne possède que très peu et estime n'avoir personne, pour quitter ce vide qui s'est insinué en lui.

Ceux qui souffrent sont toujours seuls, indifférents à l'amour qu'on leur porte, indifférents à la souffrance qu'ils provoquent en rejetant toute aide, enfermés dans une cage dont ils ont perdu la clef depuis bien longtemps.



Entre les deux extrémités, il existe des palliatifs à la souffrance : au milieu des vapeurs des alcools, au creux des bras des substances médicamenteuses, des moments de vie "encotonnée", assourdie qui font pour un temps tolérer la douleur, le manque d'amour, la solitude, l'impossibilité de résoudre une quête de tous les instants, de répondre aux questions qui taraudent.

Il y a aussi la fuite, toujours parce qu'ailleurs est autre, ailleurs est peut-être délivrance, absolu...



Les internés ont mille visages, milles tourments, mille quêtes inabouties, mais Beckomberga devient leur maison, la tranquillité qui les apaise un instant, la protection contre le monde extérieur si hostile...



"Comment c'est, dehors, de nos jours ?" demande Olof le dernier patient à quitter Berckomberga et aussi celui qui y est resté durant les soixante-trois ans pendant lesquels l'établissement a été un lieu d'accueil.





Dans ce récit, tous les sentiments, toutes les luttes, toutes les sensations se reflètent dans la végétation qui entoure les bâtiments, dans l'aspect des arbres surtout, tantôt refuges et protecteurs, kaléidoscopes de la lumière qu'ils diffractent pour adoucir l'écoulement du temps, tantôt complices pour quitter cette vie sans issue, tantôt feuillus et chatoyants comme des sourires distribués de façon désintéressée, tantôt squelettes de bois noirs à l'automne ou blanchis par la neige comme autant de cris fossilisés sortant de la bouche des pensionnaires.





La construction du récit est captivante, qui nous emmène, au gré des souvenirs, dans les recoins de la pensée sans écouter la chronologie. Découvrir ce lieu, ce qu'il a représenté d'espoirs pour ceux qu'auparavant on cachait, enfermait dans des cages loin des regards avant qu'ils ne soient pris en charge, juste considérés, est passionnant au rythme d'une narration originale et qui bouscule. le regard sur ceux-là, niés ou laissés en marge parce que trop inaccessibles pour les esprits rationnels. Percevoir, au fil des phrases, ce cri de tendresse d'une fille pour son père…Et l'aboutissement, qui s'avère être dans le regard de l'enfant qui emmène toujours plus loin et ne considère pas la différence…



Et surtout, l'écriture, le style de l'écrivaine, son regard poétique, imagé, qui se pose sur ces êtres et sur toutes ces années, une façon de dire et de faire ressentir, une émotion tissée avec les mots. Des mots qui créent une atmosphère entre rêve, imaginaire et hallucination, baignée de mélancolie.





Une fabuleuse découverte que je dois à une amie babéliote – qui se reconnaîtra ! - qui m'a proposé la découverte de Sara Stridsberg, persuadée que la plume me séduirait : elle avait grandement raison et je la remercie infiniment de cette lecture qui a su allumer dans mes pensées un brasier d'émotions !
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