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Critiques de Sarah Chiche (241)
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Saturne



*** Rentrée littéraire #24 ***



J'ai rarement lu un démarrage de roman aussi bouleversant. Pas uniquement parce que le sujet l'est, le récit de l'agonie d'un homme mort à 34 ans d'une leucémie, le père de l'auteure qui avait quinze mois à l'époque. Mais parce que Sarah Chiche fait de cette chambre d'hôpital un véritable tableau, scrutant les réactions, caractérisant de façon précise chaque membre de la famille qui entoure le mourant avant même de faire plus amplement leur connaissance.



La première partie, portrait du père, est remarquable. En seulement 130 pages aux ellipses temporelles subtiles, l'auteure parvient à dire toute la complexité du tragique ordinaire de cette famille : l'enfance du père, la rivalité biblique avec le frère brillant, la révolte du fils non conforme aux attentes familiales, la passion foudroyante et transgressive pour la mère de l'auteure, tout en dressant un cadre profond entre exil suite à la guerre d'Algérie et description d'une bourgeoisie à la fortune érigée autour d'un empire de cliniques privées. C'est tour à tour féroce, tendre et drôle.



Après le portrait du père, la deuxième partie est celui de la fille, hantée par la mort du père, qui sombre dans une dépression mélancolique à la mort de sa grand-mère, au mitan de la vingtaine. Je ne suis généralement pas amatrice des autofictions égocentrées mais là, j'ai été emportée par la profondeur psychanalytique, au scalpel de l'effondrement de l'auteure. Elle creuse dans le trou de sa tombe pour dire le cheminement qui la conduira, non pas à faire son deuil, mais à vivre avec dans un monde où cohabite la douleur et la splendeur des mondes perdus.



«  Dès que vous sortez de l'inconscience du sommeil, ce que fut votre existence s'étale devant vous comme une flaque de goudron, poisseuse et puante.Tout ce que vous avez fait. Tout ce que vous auriez dû faire. Tout ce que vous auriez pu dire à la personne disparue. Tout ce que pourriez accomplir demain. Tout se recouvre d'une glu noire qui comprime la poitrine, naphte qui brûle l'âme d'un feu lourd, dévaste vos boyaux, et fait défiler à toute heure du jour et de la nuit en arrière de vos yeux toutes les fautes que vous avez commises, ou pu commettre, ou sans nul doute commises sans le savoir, mais peu importe, car elles collent toutes les unes aux autres en un écoulement affreux. »



Mais Sarah Chiche n'est pas qu'une psychanalyste ( c'est son métier ).  Ses mots crèvent les pages, Sarah Chiche est avant tout une écrivaine au style époustouflant. Elle ose écrire avec ardeur, sans retenue, des phrases lyriques à la noirceur oxymorique, elle se risque à l'emphase, s'autorise la poésie ( magnifique description d'Alger ). Chaque phrase va jusqu'à l'os du ressenti et fait rimer raison et folie, douleur et beauté. Tout cela avec une vraie musicalité qui fluctue selon les personnages. Lorsque j'ai refermé le livre, il était rempli de petits papiers indiquant des phrases ou passages remarqués.



Et jamais elle ne sombre dans un pathos qui pourrait placer le lecteur en voyeur, c'est la force de son écriture qui bouleverse, comme cette phrase qui m'a percutée «  personne ne m'avait jamais dit que j'aimais mon père » lorsque l'auteure découvre pour la première fois des videos d'elle bébé avec son père. La lumière apparait alors pour l'auteure et rassérène le lecteur qui a souffert avec elle. Magnifique roman à tout point de vue.



« Nous vivons, en permanence, dans et avec nos morts, dans le sombre rayonnement de nos mondes engloutis ; et c'est cela qui nous rend heureux. De Saturne, astre immobile, froid, très éloigné du Soleil, on dit que c'est la planète de l'automne et de la mélancolie. Mais Saturne est peut-être aussi l’autre nom du lieu de l'écriture – le seul lieu où je puisse habiter. C'est seulement quand j'écris que rien ne fait obstacle à mes pas dans le silence de l'atone et que je peux tout à la fois perdre mon père, attendre, comme autrefois, qu'il revienne, et, enfin le rejoindre. Et je ne connais pas de joie plus forte. »

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Saturne

Sarah Chiche, rencontrée et appréciée aux Correspondances de Manosque 2020, m’avait bien intrigué avec la présentation de son dernier roman : Saturne.

Cette écrivaine est aussi psychologue clinicienne et psychanalyste. Cela se ressent tout au long de cette autofiction qui m’a parfois passionné mais aussi, par moments, lassé, pour finalement me laisser une impression générale très positive.

La narratrice dont l’identité n’est jamais révélée, débute par un prologue qui marque le lecteur : la mort de son père, à 34 ans, d’un cancer foudroyant alors que sa fille n’a que quinze mois. Ensuite, personne ne lui dit à cette fille que son père est mort et cette terrible absence mettra des années à être assumée, la plongeant au plus bas d’une détresse que tous les antidépresseurs, les neuroleptiques et autres thymorégulateurs ne parviennent pas à guérir.

Toute la première partie de ce roman permet de faire connaissance avec la famille d’Harry, le père de la narratrice, qui a eu une enfance heureuse, en Algérie. L’autrice en profite pour recadrer l’historique de la colonisation et le rôle essentiel joué par les médecins, à la fin du XIXe siècle pour éradiquer les épidémies, comme le paludisme qui décimait la population.

Joseph, son grand-père, a épousé Louise, femme très riche. Médecin, il achète une clinique à Alger et bâtit sa fortune là-bas. Lorsque la violence s’abat sur les Européens désirant rester, la famille quitte l’Algérie et Joseph, aidé par des banquiers, recommence, crée une clinique qui devient prospère en cinq ans, le gouvernement favorisant le privé au détriment de l’hôpital public.

Entre temps, Armand et Harry, les enfants de Joseph et Louise, ont été envoyés en pension à Verneuil-sur-Avre. Leurs parents rêvent d’en faire des médecins pour consolider et poursuivre l’empire paternel. Si Armand réussit, Harry stagne, vit la nuit, joue au casino et rencontre cette femme aussi merveilleuse qu’intrigante : Ève, qui donnera le jour à la narratrice.

La rencontre entre Harry et Ève est un véritable coup de foudre mais rien n’est simple dans cette famille qui vit maintenant dans un château entre Louviers et Évreux. Les crises sont fréquentes, allant jusqu’à l’exclusion de Ève. À partir de là, Harry est au plus mal mais cela ne l’empêche pas d’épouser cette femme, enceinte, en décembre 1975. Harry est donc mort quelques mois après. Trois ans passent et son père décède de chagrin ; nous voilà donc, vingt-cinq ans plus tard dans une chambre d’hôtel…

Débute alors la seconde partie, en mai 2002, quand l’oncle Armand apprend à sa nièce la mort de Louise, la grand-mère, dont l’héritage est à partager. C’est le moment d’une grande introspection, de délires psychologiques subis par cette jeune femme après tant de non-dits, de coups bas familiaux, de silences. Louise, cette grand-mère qu’elle n’a plus revu depuis longtemps, elle ne lui a pas dit adieu et ce n’est qu’un des nombreux traumatismes qu’elle doit évacuer. Louise a été tuée deux fois, comme lui dit froidement son oncle : « C’est ta mère et toi qui l’avez tuée. Ta mère par haine, et toi par désespoir. »

Alors, la petite-fille sombre, honteuse, seule, et livre des pages que j’ai trouvées difficiles, pénibles mais finalement très réalistes, justifiant ce titre : Saturne.

Plutôt que le Saturne de la mythologie qui dévorait ses fils, de peur qu’ils prennent sa place, Saturne est, pour Sarah Chiche, « l’autre nom du lieu de l’écriture – le seul lieu où je puisse habiter. »

Cette planète froide, assimilée à l’automne et à la mélancolie, a bien failli engloutir cette fille privée si tôt de son père et traumatisée par les problèmes familiaux. Par la magie d’images de films super 8, elle a pu sortir de ce néant où elle était engloutie et réaliser son rêve : écrire.

Ce roman en est la preuve la plus tangible.


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Les alchimies

°°° Rentrée littéraire 2023 # 45 °°°



Camille, la narratrice de 48 ans, est médecin légiste. On fait sa connaissance lors d'un sidérant premier chapitre qui fait écho à un sordide fait divers de juillet 2022 : après la découverte d'un charnier au Centre du don de corps de l'université de médecine Paris-Descartes ( des corps démembrés, entassés dans des conditions de conservation indignes ), c'est un trafic d'organes qui se dessine. Camille est sous le choc - le lecteur aussi - comme une annonce des révélations à venir sur sa famille qui vont ébranler ses certitudes et bouleverser sa vie.



« Je regardais les immeubles, la foule. Je vis soudain toutes les maisons de verre et d'acier, et avant cela de pierre, et avant cela de brique, et avant ce la de torchis et de bois, qui avaient été construites là. Et, sous le bitume, la terre gorgée de larves et de feuilles, de rêves héroïques, de sang, et d'ossements. Il ne faut jamais mentir à personne, me dis-je en contemplant un masque chirurgical usagé qui gisait à mes pieds. A personne, sauf peut-être aux gens qu'on aime. »



Les parents de Camille, lui célèbre médecin légiste, elle généraliste, décédés lors d'un accident de plongée, lui ont beaucoup menti. Ou plutôt, ils lui ont caché beaucoup de choses. Il est temps pour Camille d'explorer la part d'ombre de ses légendes familiales avec lesquelles elle a grandi et s'est construite.



La première partie surprend par sa description enlevée du quotidien d'un médecin légiste, teintée d'une ironie feutrée et d'un certain humour qui n'excluent pas l'émotion ( magnifique scène où Camille mange des chocolats avec la maman d'un fils dont elle a autopsié le corps ). On sent qu'il y a un mystère à résoudre, on est surpris par ces références à Goya qui détonne ... avant de se rendre compte que l'énigmatique titre du premier chapitre ( Les Désastres de la guerre ) est celui d'une oeuvre du peintre espagnol.



« Chaque corps était un royaume qui s'était donné pour centre à l'univers. Chaque cas composait un pan de la fresque qui, quand j'aurais résolu toutes les énigmes, me donnerait une peinture synoptique, définitive, de la nature humaine. Il fallait continuer, je devais continuer. Je continuais. C'est alors que Goya a fait de nouveau irruption dans ma vie, qu'en fait il n'avait jamais quittée. »



Et puis arrive la deuxième partie, « Le Songe de la raison » ( aussi un titre emprunté à Goya ). Sarah Chiche opère un changement de braquet spectaculaire, en changeant de narratrice avec l'irruption inattendue d'un personnage, à peine mentionnée dans la première partie au point qu'il n'avait qu'à peine attiré mon attention, et qui va apporter un éclairage saisissant sur l'histoire des parents de Camille. On est happé par son quasi récit monologue face à Camille, mise en scène virtuose dans laquelle des détails de la première partie prennent sens et s'enflamment.



Et la captivante trame autour de Goya se déploie, Goya qui a dévoré la vie de ses parents puis la sienne sans qu'elle s'en rende compte, tel Saturne dévorant ses enfants . Goya et l'histoire dingue de son crâne volatilisé lors de son inhumation en 1828 dans le cimetière de la Chartreuse à Bordeaux. Sarah Chiche présente les théories classiques sur la disparition du crâne de Goya et en invente de nouvelles autour de cette relique d'un génie.

Sarah Chiche régale en mêlant magnifiquement quête familiale et enquête sur le crâne de Goya.



Depuis Les Enténébrées et Saturne, on connait les obsessions de l'autrice : l'expérience du deuil au centre du rapport au monde et la difficulté d'inventer sa vie hors du tracé familial. Avec Les Alchimies, elle va au-delà. Lorsque Camille reprend la narration, elle va devoir regarder en face l'emprise de héritage parental sur sa vie et percer le secret de «  ce qu'il y a dans toutes les têtes (qui) s'apparente à un opération alchimique ».



Même si le dénouement est un peu timide par rapport à la flamboyance qui a précédé, j'ai refermé le livre acquis à lui, à son romanesque qui souffle haut, à ce portrait de femme singulier et lumineux, à cette écriture puissante qui vibre de partout.









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Les enténébrés

C’est un roman coup de poing! On en ressort assommé, et il faut un peu de temps pour s’en remettre.

Il faut dire que ce que l’auteur nous confie au cours de ces pages est loin d’être anodin. Certes même si, pour citer Tolstoï,



"Toutes les familles heureuses le sont de la même manière, les familles malheureuses le sont chacune à leur façon."



Le malheur au malheur ressemble et se fonde le plus souvent sur le fonctionnement complexe voire pathologique de ces groupes inventés par la civilisation que sont les familles. Traumatisme de l’enfance, fondé sur des malentendus ou des trop bien entendus, lestés par la maladie, l’hérédité et les flèches du hasard?. Dans ce roman, tout y est, avec comme couvercle de plomb la maladie mentale qui frappe inexorablement les femmes générations après génération. Le miroir est monstrueux, superposant à l’infini les portraits féminins.



Mais ce n’est pas là que se situe la prouesse.



Elle est dans l’écriture, riche, juxtaposant les procédés, des lettres, avec leurs révélations violentes, des dialogues , bien ancrés dans le réel, des fragments de conférence, dont le contenu collapsologique crée une mise à distance drastique de tout ce qui constitue la trame du roman, à savoir les blessures individuelles,.



Elle est aussi dans la façon dont est retranscrit le tourbillon des idées et des réflexions qui vont de l’intime à l’universel. Et le lecteur est emporté dans ce maelström vertigineux, qui met en abyme les tourments individuels. Ce qui pourrait être nombrilisme devient partie du tout.



Et le plus étonnant c’est que ce récit n’est pas sombre, il offre une lueur d’espoir, par la voix de la femme qui ose jeter un sort à la malédiction, en l’attaquant avec ses propres armes puisqu’elle devient psychanalyste. Sans oublier que le dernier chapitre est intitulé une fin heureuse.



Lecture forte et marquante.
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Les alchimies

Médecin légiste, la narratrice Camille Cambon se défend des sombres et macabres réalités du monde et de son métier en cultivant l’humour noir et la froideur. Médecins eux aussi – éminent légiste pour l’un, généraliste pour l’autre –, ses parents n’ont pas survécu à un accident de plongée survenu une trentaine d’années plus tôt, quand elle avait seize ans. Ils se passionnaient pour Goya, le peintre aragonais inhumé en 1828 à Bordeaux, mais… sans sa tête. C’est à leur propos que Camille reçoit un jour un e-mail en provenance d’un mystérieux correspondant bordelais. Celui-ci a des révélations à lui faire quant au passé de ses parents, à leur passion dévorante pour la partie la plus noire de l’oeuvre de Goya et aux extrémités auxquelles leur quête du crâne disparu les a menés.





« Toute cette histoire restera énigmatique à qui n'accepte pas de s'armer de sa propre part de ténèbres pour aller à la rencontre de ce qui peut arriver aux êtres humains. » Le cadre est posé d’emblée et ne va cesser de nous confronter à nos aspects les plus sombres, au gré d’un terrifiant jeu de miroir rapprochant certaines violences actuelles de celles dont Goya se fit l’écho brutal dans ses œuvres les plus noires. Aux suppliciés peuplant de leur douleur nue les toiles du peintre vont d’abord répondre, dans une première partie lui empruntant le titre « Les désastres de la guerre », une tout aussi horrifique mosaïque de faits récents. Scandale du charnier de l’université Paris-Descartes et révélation dès 2019 d’un trafic de corps humains, hécatombe de la pandémie de Covid dans des hôpitaux déjà en crise, aspects les plus sordides accompagnant les fonctions d’un médecin légiste… : un condensé de scènes effroyables, évoquées sans fard dans leur vérité la plus macabre, soufflète le lecteur, saisi entre horreur et émotion, au fil d’un récit dont la férocité caustique n’a d’égale que sa lucidité désespérée.





C’est aux côtés d’une narratrice ébranlée et au bord de la crise de nerfs que l’on s’engage alors dans la seconde partie du roman, très différente de ton puisque relatée, non sans mélancolie cette fois, par une vieille connaissance des parents de Camille. Intitulée, toujours d’après Goya, « Le songe de la raison », cette portion du récit va faire la lumière sur la véritable histoire d’un trio que « le démon de la connaissance » aura fini par « dévorer jusqu’à la folie ». Des errances phrénologiques à la quête du crâne disparu de Goya en passant par d’étranges sabbats dans les catacombes de Paris, c’est un visage totalement inattendu, de ses parents et du parrain qui l’a prise en charge orpheline, que Camille va découvrir en même temps qu’un monstrueux secret de famille. A trop flirter avec « la ligne de partage entre les vivants et les morts », les apprentis médecins qu’ils furent ne surent pas résister à leur fascination pour les gouffres. « Le sommeil de la raison engendre des monstres », soulignait il y a deux siècles le titre d’une gravure de Goya… « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » a t-ton envie de lui répondre.





Egalement psychologue clinicienne et psychanalyste, Sarah Chiche cache dans les plis de ce thriller gothico-macabre l’anamnèse d’une femme parvenue au point de rupture et qui, comme lors d’une cure psychanalytique, prend soudain conscience des courants souterrains et des transmutations à l’oeuvre dans son histoire familiale : toute une alchimie mise au jour par le verbe, terriblement vrai, de l’écrivain. Coup de coeur.


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Les alchimies

L'alchimie m'a d'abord semblé parfaite. La plume superbe. L'incipit qui évoque un mystérieux mail, une enquête ténébreuse, des secrets de famille et le peintre Goya a immédiatement piqué ma curiosité. Puis j'ai été intriguée par Camille, médecin légiste qui dégage une grande force mais qui se démène entre sa fille qui grandit, un travail de plus en plus éprouvant et les souvenirs obscurs qui jaillissent soudain.



Puis la machine s'est grippée. Voilà que Camille reçoit ce fameux mail qui l'entraîne à Bordeaux, ville où ses parents ont fait leurs études et se sont passionnés pour Goya. Un témoin inattendu lui révèle des pans insoupçonnés de leur histoire. Je n'en dévoilerai évidemment pas plus pour ne gâcher à personne le plaisir de la découverte. Mais pour ma part, je suis restée de marbre face à cette histoire.



« Il y a les beaux costumes et les bons costumes. le beau costume sent trop le propre. Il rappelle en permanence qu'on regarde une fiction. le bon costume, lui, dont vous maîtrisez la technique, est celui qui va si bien à l'acteur qu'on croirait qu'il est né dedans. »



Je n'ai pas cru une seule seconde aux dialogues de ces personnages vaniteux qui se prennent pour des « aventuriers de la connaissance » et étalent leur culture à longueur de phrases sur l'art, l'esprit et le génie. Je n'ai pas partagé la fascination qu'ils semblent susciter chez tout un chacun, agacée par leur narcissisme, leurs leçons de vie et leur mépris des autres. le faux article dithyrambique du Nouvel Obs sur l'un d'entre eux m'a semblé peu vraisemblable, voire un peu ridicule. de même que la capacité du témoin, des décennies plus tard, à citer mot pour mot de loooooongues tirades. C'est allé de mal en pis, les ultimes revirements m'ont semblé tomber comme un cheveu sur la soupe.



Et alors que la première partie était très bien rythmée entre présent et souvenirs de différentes époques, la seconde suit laborieusement (car parasitée par les dits monologues) la trame toute linéaire du récit du témoin surprise.



J'aurais aimé être aussi enthousiaste que d'autres lecteurs. N'hésitez pas à consulter aussi leurs avis et qui sait, peut-être partirez-vous à votre tour en quête du crâne perdu de Goya…
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Saturne

Issu d’une riche famille de médecins exilée en France après l’indépendance de l’Algérie, Harry meurt d’une leucémie à trente-quatre ans, laissant une petite fille de quinze mois et une épouse dont il était amoureux fou, mais que tout le clan familial déteste. Quelque trente ans plus tard, après une dépression extrême qui a failli lui coûter la vie, l’enfant devenue adulte entreprend l’écriture de ce roman, évoquant sa vie hantée par la perte et le deuil, mais aussi par l’ombre d’une passion qui a définitivement fait voler sa famille en éclats.





La traversée de ce roman largement autobiographique prend longtemps l’allure d’une plongée dans le puits sans fond de la dépression et de fa folie, alors que, pour la narratrice, seuls les mots haineux et la rancoeur des autres membres de la famille viennent rompre le silence et le non-dit qui enveloppent l’absence d’un père devenu tabou et légende noire. Comment se construire et vivre sur le gouffre d’une disparition qui a à jamais scellé amour et haine dans un écheveau aussi inextricable qu’inexplicable pour une enfant déchirée par les conflits entre les siens ?





Il lui faudra pour cela réussir à trouver sa place auprès de ce père mystérieux et objet de tous les antagonismes familiaux, par le biais de quelques images filmées au temps de ses tout premiers jours. Avant cela, au travers de minces mais puissantes évocations surgies du passé, entre les blancs et les ellipses, il nous faudra aussi comprendre l’histoire de cet homme, son amour pour son aîné et la haine renvoyée par ce dernier, leur rivalité autour d’une passion folle et transgressive pour une femme jugée infréquentable par les leurs, les déchirures cachées derrière l’aisance bourgeoise d’une famille faussement reconstruite sur l’inguérissable fêlure de l’exil et l’exécration rencontrée sur le sol de la métropole.





En reconstruisant l’histoire de ce père qu’elle n’a jamais connu, Sarah Chiche crée sa propre fiction en réponse à toutes celles forgées par sa famille autour du disparu : seul moyen pour elle, le temps de l’écriture, de remplir une béance intérieure que la vie réelle ne comblera jamais. Un texte fort, sidérant et terrible, autour d’un deuil impossible, à l’origine d’un véritable collapsus psychologique. Coup de coeur.


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Saturne

Pour la narratrice, l’effondrement qui a marqué l’histoire de sa famille l’a peu atteinte sur le moment, puisqu’elle n’avait que quinze mois, lorsque la maladie a emporté son père. Elle retraçe l’histoire de ce lignage, à partir des grands-parents qui ont du fuir l’Algérie en laissant là-bas l’essentiel de la fortune qu’ils y avaient amassée. Avec l’énergie qui les caractérisaient, ils créent dans le pays qui les accueille, un nouvel empire faits de cliniques privées, avec un sens aigu des affaires. Si Armand le fils aîné semble entrer dans le moule, Harry le cadet, le père de Sarah s’écarte des chemins consacrés, et unit son destin à celui d’Eve , qui est loin de satisfaire aux exigences des parents en matière d’alliance. C’est donc avec cette mère fantasque et en l’absence de son père que Sarah devra se construire.





Ce qui frappe d’emblée à la lecture de cet écrit, c’est l’élégance et la richesse de l’écriture, profondément envoutante, au point parfois de se laisser mettre à distance du propos. C’était déjà le cas avec Les Enténébrés dont j’aurais du mal sans me pencher sur mes notes à évoquer le sujet.

Il n’empêche que l’on se laisse porter avec bonheur par cette langue où chaque mot est choisi et chaque phrase assemblée avec une grande maitrise. C’est certes sombre, mais suffisamment bien exprimé pour que l’on accepte de partager ces évocations douloureuses.





Le poids des drames familiaux sur le destin des générations suivantes, la vanité des succès qui ne survivront pas au temps qui passe, la difficulté de s’affirmer sur des fondations marquées par des malheurs ordinaires, de ceux qui existent dans toute famille, ce sont ces fondamentaux qui transparaissent dans ce récit, superbement mis en mots.


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Les enténébrés

🌪Turbulences psychogénéalogiques, historiques, sentimentales et climatologiques.



L’écriture de Sarah Chiche, percutante, flamboyante, nerveuse, excessive et hypnotique laisse à bout de souffle et entraîne des pauses respiratoires.

La narratrice, psychanalyste et journaliste, vivant avec l’homme qu’elle aime, père de sa fille, est irrésistiblement attirée par un violoncelliste de renom, plus âgé, rencontré lors d’un séjour professionnel à Vienne. Attraction partagée.

Impossible de lutter, il envahit son cœur, son corps, sa psyché. La dépendance à l’autre s’installe. Le don de soi atteint des extrêmes.

Ils s’aimeront passionnément en parallèle de leurs histoires conjugales respectives de Vienne à Paris.

Engluée dans cette relation adultère, ce double amour va durer et la consumer, elle se morcelle peu à peu.

Mais le roman ne se résume pas à cette passion amoureuse, il est bien plus riche.

L’auteure part enquêter en Autriche sur l’Aktion T4 et son programme d’extermination d’enfants dans les décombres de l’hôpital psychiatrique Otto Wagner.

La Grande Histoire, de la Shoah à la crise politique ivoirienne, va alors se mêler à la sienne. Folie de l’humanité et folies plus intimes entrent en résonance car resurgit sa lourde histoire familiale avec des figures maternelles bancales, frappées de maladie mentale et des profils d’hommes destructeurs (son grand père notamment, ancien déporté).

Elle souffre du mal de mère et du manque de père, décédé alors qu’elle était très jeune.

On discerne aussi la peur de la transmission transgénérationnelle de la folie, sorte d’inconscient familial dont on hériterait et dont l’exploration mènerait à la connaissance de soi et serait un moyen de lutte contre cet atavisme.



Le tout sur fond de dérèglement climatique paroxysmique conséquence des activités humaines semant le chaos dans un monde à l’agonie avec des descriptions ahurissantes de ses effets.

A signaler quelques scènes de sexe trash qui peuvent déranger mais ajoutent assurément de l’intensité à ce récit tourbillonnant et incandescent proche de la transe qui nous emporte de bout en bout dans un vortex d’images et de mots directs et ardents.



Magnétique.







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Les enténébrés

Pour parler des Enténébrés il faudrait y voir un peu clair.



Ça commence mal, cette critique, mais je n'y peux rien: le livre tout entier se perd dans les ténèbres du mal, il  commence mal, finit mal, s'ouvre sur des abysses de mal.



Trop c'est trop. Pour reprendre un apophtegme qui m' a valu les foudres divines,   il y a peu:  tout ce qui est excessif est insignifiant.



Difficile de trouver la sortie du labyrinthe, d'exhumer le message d'un  chaos de feu, de cendres et de sang.



 Or, tout dans les Enténébrés est excessif: la passion amoureuse, le délire des sens, la généalogie -compliquée à loisir dans un récit volontairement désordonné- d'une tare mentale portée comme une malédiction familiale, les plongeons dans le passé -la solution finale testée et validée sur les malades mentaux-  les ouvertures vers le futur -l'apocalypse écologique consécutive à la crise climatique en action-,   les irruptions de l'actualité -terrorisme , guerres et génocides, comme s'il en pleuvait.

 

J'ai bien une petite explication à tant de noirceur et à ce maelstrom de ténèbres.. .mais vous me direz que j'ai mauvais esprit: la culpabilité de la narratrice. 



Elle qui a réussi un miracle de résilience , échappant à la fatalité qui a poussé toutes les femmes de sa famille dans la maladie mentale, en retournant à Sainte-Anne, mais du côté des thérapeutes,  dont elle est, on l'a compris, une des plus brillantes représentantes, elle qui a résisté à la mort prématurée d'un père qu'elle n'a pour ainsi dire pas connu, qui a su dépasser et pardonner les mauvais traitements d'une mère toxique, en épousant un homme équilibré,  aimant, la tête sur les épaules, qui l'a faite mère d'une fille adorée,  élevée avec amour, voilà t'y pas que cette femme exceptionnelle, belle, intelligente, lucide, courageuse, aimante - n'en jetez plus!-   rencontre un musicien ( elle qui ne comprend rien à la musique), qui a l'âge d'être son père -tiens, tiens, tiens...- et qu'elle en tombe éperdument amoureuse.



Au point de tout f..en l'air, et pas seulement sa paire de gambettes avec celles de son partenaire.



A part ce qu'il lui fait au lit, on ne voit pas bien comment ce papy autrichien peut déclencher un tel cataclysme auprès d'une héroïne si belle, si intelligente...mais je crois que je me répète.. .



Car cette autofiction, pour être romanesque, a le son du vrai: Sarah Chiche vit , a vécu,  sûrement, une passion adultère destructrice pour tout son entourage.



Acte manqué ou maladresse, elle met, effectivement, toute sa vie en l'air.



Alors, rien de plus efficace qu'un bon cataclysme universel pour noyer son impuissance à choisir, à épargner ses hommes, sa fille. À peine suffisant pour venir à bout d'un ego aussi surdimensionné.



Non? J'exagère? Ah bon...



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Saturne

J'ai vraiment du mal à accorder trois étoiles à ce roman, je le fais pour les réflexions sur la mort, le deuil, les regrets qui sont dans l'ensemble assez prenantes.



La première partie est soporifique au possible, confuse au point d'égarer le lecteur perdu dans les différentes époques et personnages du roman. Ce texte ne suscite pas d'empathie pour les différents personnages, même pas ce pauvre Harry à l'agonie duquel le prologue est consacré. Ensuite, on navigue tant bien que mal dans les arcanes familiales, où les coucheries du père n'ont aucun intérêt, celles du fils non plus d'ailleurs, racontées sous une forme qui se veut sans doute érotique, mais qui dérape très vite sans susciter la moindre impression de sensualité pour le lecteur.



La deuxième partie est nettement mieux réussie, la narratrice est la fille orpheline de son père, encore Harry, elle vit la disparition de sa grand-mère avec douleur et regrets, elle dépeint bien les différents sentiments qui habitent les survivants. Ensuite, c'est sa descente dans la dépression dont elle sort, m'a-t-il semblé, un peu trop rapidement, pour retrouver sa vraie personnalité, paraissant enfin libérée tant des morts que des vivants.



L'écriture n'est guère talentueuse, je lui reconnais quand même sa capacité à exprimer des ressentis variés et à emmener le lecteur jusqu'aux affres les plus tourmentés et de ce point de vue c'est réussi.



Un petit roman dans l'ensemble qui mérite malgré tout un petit détour.
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Les alchimies

L'ALCHIMIE N'A PAS PRIS.



Sarah Chiche nous conte l'histoire d'une double quête (que la protagoniste n'a pas demandé), celle du passé des parents, et celle du crane de Goya (pas Chantale, l'autre... laissez donc la maman de Pandi Panda en dehors de ça !).



Je vous raconte en quelques mots. Camille, brillante légiste, est orpheline, ses parents sont décédés tous les deux dans un accident de plongée quand elle avait 19 ans. C'est son parrain qui l'a élevée après le drame. Tous les trois étaient des fanas de Francisco Goya (pour ceux qui ne connaissent pas, voir "Saturne dévorant un de ses fils", c'est sympa).

Il étaient à la recherche de son crâne perdu (Je vous aurais bien fait la chanson d'Indiana Jones, mais on ne chante pas sur Babelio et c'est bien dommage).

Un jour Camille reçoit un mail mystérieux qui l'invite à Bordeaux pour parler de Goya. Et là débarque une amie des parents et du parrain que Camille ne connait n'y d'Eve ni d'Adam, même que c'est aussi la soeur de son chef ! Bref nous avons-là un personnage fourre-tout peu crédible qui va lui raconter la jeunesse de ses parents à la recherche du fameux crâne.

Elle va lui raconter un secret de famille, qui n'est pas joli joli, mais qu'on ne comprend pas trop non plus pourquoi il aurait hanté les parents jusqu'à leur mort.

Reste Goya, on développe certaines hypothèses autour de la disparition du crâne du peintre et c'est assez sympa, mais point d'analyse de peinture, tout ça est survolé.



En conclusion un début plein de promesse avec une chouette intrigue... qui part vite en couille avec l'apparition du personnage fourre-tout. Je m'attendais franchement à mieux.

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Les alchimies

Où il est question de médecine légale, mais aussi de Goya et d’une histoire familiale complexe et dramatique !



Camille est médecin légiste à Paris, comme l’était son père qui a su lui transmettre l’amour de ce métier pas comme les autres. Alors que l’affaire des charniers de l’IML secoue le monde des médias, Camille reçoit un curieux mail, lui proposant une rendez-vous pour échanger autour du destin du crâne du peintre Goya, dont l’oeuvre et la vie avaient passionné ses parents dans leur jeunesse.





La curiosité m’emportera sur la méfiance et Camille rencontre l’auteur du message…





Beaucoup plus romanesque que ses écrits précédents, Les Enténébrés ou Saturne, on retrouve malgré tout les thèmes favoris de l’autrice : les racines familiales, la genèse de l’art, l’appétence pour les âmes torturées.



Ce genre lui réussit plutôt bien, on s’attache très vite aux personnages actuels ou évoqués dans le récit de l’interlocutrice mystérieuse. L’évocation de la vie et de l’oeuvre de Goya vient donner cette ambiance sombre et tourmentée qui sied bien à l’histoire.



C’est riche et bien documenté, y compris sur la déliquescence de nos établissements médicaux.



Un coup de coeur pour moi



240 pages seuil 18 août 2023


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Saturne

Saturne est le roman solaire de la mort.

Moi qui ne sait pas écrire ou si peu, je découvre, une fois de plus la fascination que l'écriture permet à certains, d'atteindre une rédemption qui les pousse vers une lumière enfouie dans le monde des ténèbres et de la mort.

"C'est seulement quand j'écris que rien ne fait obstacle à mes pas dans le silence de l'atone et que je peux tout à la fois perdre mon père, attendre, comme autrefois, qu'il revienne, et, enfin , le rejoindre."

Peut-on mieux définir l'écriture ?

Elle a permis à Sarah Chiche de vivre, d'accepter la mort de son père alors qu'elle avait 15 mois même si elle dit aussi" que le temps du deuil ne cesse jamais "

Saran Chiche dans ce roman commence par évoquer une famille qui a du vivre l'exil, quitter un pays: l'Algérie. En la lisant, j'ai compris ce que représente la douleur et la nostalgie de l'exil même si on ne l'a jamais connu. Mon père, pied noir, d'Alger m'a souvent parlé de cette jeunesse dans Alger la ville blanche, lumineuse.

En lisant Sarah Chiche, j'ai soudain compris ma fascination pour les exilés et les diasporas . L'exil se porte en soi, l'évocation de notre famille d'un endroit qu'on ne connaît pas mais qui nous appartient.

Sarah Chiche porte en elle aussi des deuils, le premier, c'est la mort de ce père et son agonie qu'elle décrit dans ce prologue qui nous noue les tripes.

Le deuil, également, d'une famille dont on n'a pas voulu, qu'on rejette, son propre père à rejeté la sienne. Il ne pouvait adhérer à cette grande famille bourgeoise de médecins qui lui tracait et dictait sa vie.

" Je ne savais pas à quel moment mon père s'était dit que naître dans sa famille était une erreur."



Lourd héritage que sa fille devra aussi assumer. Pour échapper à sa famille, son père " était tombé fou d'amour de la plus déglinguée des enfants perdues" La mère de Sarah Chiche va laisser aussi des empreintes sévères dans la vie et le comportement de sa fille.



L'écriture de Sarah Chiche pour nous décrire et nous faire comprendre son parcours est exceptionnelle, elle nous touche au plus profond de notre cœur.



Un roman bouleversant d'humanité, d'une course effrénée vers la vie, en dépit de tout.

À lire absolument, un grand baume sur le cœur.



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Saturne

Ce roman m'a bouleversée. C'est le premier livre que je lis de Sarah Chiche et je suis en totale admiration. Je m'accrochais à sa violence passionnée, à sa souffrance et son incroyable force à incarner dans ses pages à la fois douloureuses et lumineuses ce père mort si jeune, Harry. La narratrice n'a pas connu son père, n'a aucun souvenir de lui, elle n'avait que 15 mois quand il est mort.



Sarah Chiche écrit de ses veines, les morsures indélébiles de l'existence, le manque d'amour, les silences, les diktats de la cellule familiale qui écrasent l'individu, la mort, la maladie et l'incroyable capacité de résilience des abîmés de la vie.

L'expression « mettre des mots sur les maux « prend ici toute sa signification. J'ai été bousculée, émue, reconnaissante aussi d'être comprise dans le fait de ne pas devoir « faire son deuil » comme si le temps effaçait le vide.



Je l'ai lu sans interruption afin d'être totalement en accord avec la voix, le tempo et le climat du livre entre 3 époques, celle d'aujourd'hui, mai 68 et la guerre d'Algérie. Des événements et des lieux qui ont aussi leur part d'importance dans la construction de la personnalité.



J'ai aimé dans la première partie l'enchaînement dans le même paragraphe de la voix de la narratrice à la trame de la narration, elles se fondent toutes les deux, sans aucune cassure.

La deuxième partie empruntée exclusivement par la voix de la narratrice est plus fiévreuse, impérieuse. Les mots sont des flammes, des étoiles,



J'avais envie de m'y brûler, de m'y accrocher. La littérature comme guérison.



Je vais certainement lire maintenant "Les Enténébrés" pour connaître la branche maternelle d'une histoire familiale aussi sombre que passionnante.
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Saturne

Harry, 34 ans, se meurt d’un cancer foudroyant, entouré de sa famille, dans une chambre d’hôpital. Ce moment de fin de vie prend toute la place dans ce roman qui n’en n’est pas un. Sa fille a quinze mois. À l'âge de six ans elle est éloignée de ses grands-parents et de son oncle et grandit dans la haine viscérale de sa mère pour eux et dans la violence de cette dernière à son égard.



Notre narratrice vivote confortablement dans sa vie d’adulte avec des manques, des souvenirs confus, certainement un sentiment angoissant de ne pas être à sa place. Elle va recevoir le premier choc lorsqu’elle rencontre une personne qui a connu son père. Elle se rend compte qu’elle ne connaît rien de ce dernier. Il est parti, elle était bébé. Personne ne lui a raconté son histoire, l’histoire de ses parents.



Le deuxième choc, le plus violent, le plus destructeur, arrive quand son oncle lui téléphone pour lui apprendre la mort de sa grand-mère et l’héritage qui en découle.



Il y a des histoires de famille qui peuvent tuer, Sarah l’apprend à ses dépens, les souvenirs confus affluent, elle remonte le cours du temps, de son histoire.



Elle n’héritera pas des cliniques privées de la famille paternelle, juste un petit pécule qui lui permet de ne pas finir à la rue. Elle loue une chambre d’hôtel, entasse les affaires récupérées de la maison familiale, s’enterre, et se laisse mourir sous un tas d’ordures.



Elle va pourtant survivre et sa mère terrifiée à l’idée qu’elle puisse hériter de la maladie mentale de sa grand-mère maternelle, va l’aider et lui raconter.



La première partie de ce livre raconte l’histoire familiale de la narratrice, l’exil de famille paternelle suite à la guerre d’Algérie, leur enrichissement, leur monde bourgeois. la rencontre de ses parents, deux êtres qui ne sont pas à leur place dans la vie, leur amour fou, passionnel, entier, la maladie mentale de la grand-mère maternelle et la prostitution de sa mère pour survivre. Beaucoup de moments lourds, remplis d’érotisme, cette ambiance glauque ressentie par une enfant sans pouvoir l’identifier.



La deuxième partie est oppressante comme l’histoire de la narratrice. Les mots d'une violence extrême vous percutent tels une succession de coups de poing. On se retrouve dans la tête de celle qui se laisse mourir et à qui on va dire : non, tu es trop jeune, il te faut vivre, tu vas surmonter tout ça. Les bouffées de terreur la nuit, la haine de soi, l’anéantissement.



L’auteure/autrice a dédié ce livre aux vulnérables, aux endeuillés.



Je conseille ce livre à tous ceux qui ont grandi dans la haine, pour avoir la force de lui tourner le dos et construire sa propre histoire, sa propre vie.


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La psychologie

Bon manuel simple d'accès qui s'intéresse à ce champ disciplinaire omniprésent dans nos médias, nos séries etc... Articulé autour de mots-clés classés alphabétiquements, il s'intéresse à

- Des figures célèbres : Damasio, les Freuds, Lacan, Piaget, Zazzo etc...

- Des théories : Cyberpsychologie, Humanisme, Gestalttheorie, TCC etc ...

- Des mots importants de la psychologie : Addiction, Langage, Sexualité, Tests etc...

Vraiment intéressant pour mieux comprendre la diversité des approches existant dans le monde. J'avais l'intention de le parcourir « à la va-vite » puisque c'est comme un dictionnaire et j'ai été pris au jeu car c'est bien rédigé, avec une expertise et une neutralité assez intéressantes : on ne prétend pas détenir la vérité mais on fait le point sur les courants existants, les controverses même. La meilleure jauge pour un Français étant le « cas Freud » adulé par les uns et déboulonné par les autres. Ici, il est juste remis à sa place mondiale : « Vu du monde anglo-saxon, nos querelles au bazooka pour savoir quel crédit accorder à Sigmund Freud paraissent aussi incongrues que les débats sur la réforme de l'orthographe ... Car pour les anglophones, la chose est entendue : il n'y a ni à canoniser, ni à disqualifier Freud. C'est une figure historique, rien de plus, rien de moins ».

J'ai trouvé les notions abordées passionnantes et donc bravo aux auteurs (un collège de spécialistes) qui ont su mettre à notre portée un tour d'horizon riche, dense et précis.

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Les enténébrés

Le puzzle reconstitué



Dans son nouveau roman Sarah Chiche explore les failles de l’intime et celles du monde. Une plongée vertigineuse de l’écologie terrestre à l’écologie psychique qui se lit comme l’assemblage d’un puzzle. Fascinant!



Au moment d’écrire «quel extraordinaire roman», je me prends à douter. Peut-on vraiment parler de roman? S’agit-il plus précisément d’autofiction? Mais dans ce cas alors Sarah Chiche ne nous cacherait rien de sa vie la plus intime… À moins que finalement la romancière ne vienne prendre le pas sur la biographe pour transcender le réel, l’enrichir, le nourrir de fantasmes, de lectures. C’est cette variante que je crois la plus proche de la vérité, notamment après avoir entendu Sarah Chiche parler de ce roman lors d’une rencontre en librairie.

Sarah mène une vie de famille assez ordinaire, entourée d’un mari qu’elle aime et d’une petite fille adorable. Elle travaille comme psy dans dans un hôpital et aime se plonger dans les livres et écrire. Elle se passionne notamment pour l’œuvre de Fernando Pessoa. Seulement voilà, ce bel équilibre va soudain être remis en question par les soubresauts de l’Histoire. Quand l’intranquillité, pour reprendre un terme cher à Pessoa, vient bousculer «l’écologie terrestre et l’écologie psychique».

Le choc a lieu en Autriche le 28 septembre 2015: «La gare centrale de Vienne, où je me trouvais cette nuit-là, cette gare n’était plus une gare. C’était le ventre débondé, crevé, excrémentiel de la route des Balkans, recrachant sans cesse, sur ces quais balayés par le vent, des milliers de gens qui descendaient des trains et titubaient hagards, tels des automates, leurs enfants dans les bras, sous les applaudissements des Viennois venus les accueillir, leur porter à manger dans des cantines de métal, ou des plats enveloppés dans du papier d’aluminium, leur distribuer des vêtements, des brosses à dents et des couvertures. Leur bonté, comme l’éclaircie dans l’orage, comme un souffle frais et paradoxal dans le brasier qui s’écroule sur lui- même, ne dura qu’un temps.»

Dans la construction de son roman, Sarah Chiche a choisi de nous livrer les pièces d’un puzzle qui, au fil du récit, vont s’assembler pour nous donner une vision d’ensemble, mais aussi pour démontrer combien une vie s’imbrique dans celle des autres, au fil des rencontres et au fil des événements, des émotions qu’ils suscitent, des failles qu’ils mettent à jour ou, au contraire, qu’ils cicatrisent. Une manière aussi de reprendre la théorie du chaos chère à Edward Lorenz et son effet papillon. Et de l’illustrer. Car si en 2010 le climat de la planète n’avait pas commencé à se dérégler, Sarah ne se serait pas retrouvée dans une chambre d’hôtel à tromper son mari avec Richard, un célèbre violoncelliste. La voici prise au piège, la voici affublée d’une part d’ombre, la voici «enténébrée» à son tour. La romancière a eu jolie formule pour résumer cette liaison: «Sarah et Richard, c’est la rencontre de deux fantômes et de deux fantasmes».

Car ce roman-gigogne nous l’indique dès son titre: tous les personnages que nous allons croiser ici sont des enténébrés qui mènent une double-vie, qui derrière leur façade respectable, ont leur part d’ombre, de souffrance, quand ce ne sont pas des pulsions plus morbides. On voit alors les réfugiés d’aujourd’hui se télescoper avec les déportés d’hier, l’Histoire broyer les destins individuels et laisser des marques indélébiles de génération en génération. Oui les fantômes sont bien présents. Ceux qui viennent hanter la mère de Sarah qui a perdu son mari trop jeune et n’a jamais pu se guérir de cette perte, ceux de ces centaines de victimes ayant servi à des expériences menées par les nazis et qui ont fini dans les sous-sols d’un hôpital, ceux imaginés par Elfriede Jelinek et Robert Musil…

Sarah Chiche réussit un roman d’une rare densité. À la manière d’une équilibriste sur une corde raide, elle nous fait partager la peur, nous laisse imaginer que le prochain pas pourrait être fatal. La tension est extrême, mais la «fin heureuse» reste aussi une option.




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Les enténébrés

L'écriture de Sarah Chiche est fascinante et hypnotisante, je l'avais déjà vivement ressentie à la lecture de : Saturne.

Écouter et voir Sarah Chiche est captivant , les mots qu'elle laisse tomber nous médusent et nous interpellent, ils font mouche.

La lire est cet indispensable complément, on entend sa voix percer les fantômes de la folie, de l'amour triomphant quoi qu'il en coûte.

Les enténébrés nous renvoient à tous ces êtres qui vivent dans l'ombre , dans l'indignité, c'est le cas pour tous ces exilés, ces migrants qui ont fui leur pays pour des raisons diverses et qu'ils les font devenir des sous-hommes loin de leurs racines

Les enténébrés, ce sont aussi les victimes de l'HISTOIRE, que d'émotions et de tristesse en découvrant le sort d'enfants et d'adultes malades mentaux dont le sort a été scellé dans l'asile "Steinhof" en Autriche, tout près de Vienne. Ils serviront de cobayes pour toutes sortes d'expériences scientifiques pendant la seconde guerre mondiale.

Les enténébrés, ce sont aussi des femmes, des enfants qui subissent une malédiction familiale : la folie ou bipolarité de leurs mères les meurtrissant dans leur vie entière.

Sarah Chiche connait bien cet univers-là, elle y a échappé de peu et survit grâce à la psychanalyse qui l'a aidé et aujourd'hui, elle s'en sert pour aider les autres à aller mieux.

Les enténébrés, c'est aussi l'histoire de l'amour, une femme : Sarah aime deux hommes, son compagnon avec qui elle a eu une petite fille et un vieux violoncelliste autrichien qu'elle rencontre par hasard à Vienne . Leur relation amoureuse lui permet de se confronter aux fantômes de sa famille, de son enfance.

" Nous avons beau nous mettre en route vers le monde, sur le chemin de la vie, arrive toujours un moment, une station de notre voyage, où nous sommes ramenés à cette question : mais de quoi sommes -nous la faute ? "

Pour toutes ces raisons , ces absences de réponses, je vous recommande inconditionnellement la lecture des enténébrés.

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Saturne

Ce que j’ai trouvé saisissant dans ce roman, c’est cette approche d’un père que la narratrice n’a pas connu car il est mort d’une leucémie alors qu’elle n’était encore qu’un bébé. Sarah Chiche a su tisser une histoire très intime en puisant dans son vécu et dans les souvenirs.

La première partie est consacrée au père disparu qu’elle fait revivre sous sa plume en rassemblant les fragments épars. Elle remonte à la famille bourgeoise et aisée de ses grands-parents qui a dû quitter l’Algérie en laissant ses biens et tout recommencer en métropole. Cette saga familiale serait de peu d’intérêt s’il n’y avait la rivalité entre les deux frères : il y a Armand l’aîné, garçon brillant destiné à être médecin comme le père et à lui succéder à la tête de la clinique médicale. Il y a aussi Harry, l’incompris, le rebelle qui ne veut pas de cette vie de médecin qu’on envisage pour lui. Il tombe amoureux fou d’Eve, si belle et à la fois mystérieuse et sulfureuse. L’autrice naitra de cette passion folle. Elevée par cette mère fantasque et distante au passé trouble, elle sera écartelée entre Eve et la famille de ce père trop tôt disparu.

C’est à la mort de sa grand-mère qu’elle ne voyait plus que Sarah Chiche va tomber dans une dépression profonde. Et c’est la seconde partie du roman, à la fois introspection et creusement psychanalytique.

Jamais pathétique ou ennuyeuse, l’autrice se confie avec lucidité et simplicité, le tout dans une langue élégante et hardie aux accents poétiques. Elle veut juste faire le chemin à l’envers et essayer de comprendre ce qui l’a menée là, dans cette mélancolie profonde, jusqu’à frôler la mort. Le lecteur entre dans la confidence avec empathie car la douleur est murmurée.

Après un retour dans le passé et le drame ordinaire d’une famille éclatée, le roman va crescendo jusqu’au visionnage de vieux films de famille où, enfin, Sarah peut voir à quel point son père l’aimait.

C’est un roman émouvant porté par une écriture superbe.

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