AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Sedef Ecer (30)


Je te vois au bord de la Corne d’Or, dans les rues bondées, dans les souks, les parcs, sur les collines et les plages qui n’existent plus. Parfois tu es ma mère mais le plus souvent tu es une autre. Une sublime blonde en Vespa, une musicienne de rue, une étudiante à lunettes, une prostituée, une femme du monde, une chanteuse en robe fourreau, une danseuse de chachacha devant un orchestre cubain, une paysanne voilée fraîchement débarquée en ville, une entremetteuse lasse d’un cabaret minable, une mendiante ou une jeune ingénue. Tu es toutes ces femmes et tu marches devant des caméras –des Arriflex de mon enfance, la modernité absolue –qui te suivent dans des rues aujourd’hui détruites pour la plupart qui ont laissé place à des avenues sans âme et à des shopping malls hideux avec mosquées intégrées pour abrutir les gens en les poussant à acheter et à prier en permanence.
Commenter  J’apprécie          340
Je compose ton numéro. Le répondeur me dit « Laissez un message et je vous rappelle si je veux. Vive la République laïque ! »
( Nous sommes en Turquie, de nos jours)
Commenter  J’apprécie          320
Depuis, le pont du Bosphore, symbole de tout ce qui lie l’Europe et l’Asie, de tout ce qui soude l’Occident et l’Orient, a été rebaptisé le pont des Martyres. Il célébrait la vie ; ils l’ont rempli de cadavres jusque dans son nom. Il nous racontait la rencontre, l’harmonie, le métissage, désormais il sépare, il divise.
Commenter  J’apprécie          260
Je m’en suis sorti comme d’habitude. J’ai parlé du ciel pour ne pas parler de la terre. Et puis…
Commenter  J’apprécie          50
2. « Oui, papa t'a follement aimée, personne ne peut se remettre d'être aimé comme ça et tu ne t'en es jamais remise.

Et puis il y a eu l'autre. Le puissant. Le dominant. Le flic. Le mâle. Le conquérant. Le Méphistophélès en uniforme. L'exact contraire de papa.

Ton mari était un être profond, discret, bienveillant, jamais vraiment sûr de lui alors que ton amant portait en permanence cette virile certitude, cette autorité mâle, cette intransigeance animale. » (p. 234)
Commenter  J’apprécie          30
Après je me suis consolée en disant que j’irais un jour à San Francisco, dans cette ville que je ne connaissais pas, je traverserais le Golden Gate pour tromper mes sensations, pour faire croire à mon corps que c’était celui de ma terre natale. Si un jour l’exil devenait vraiment insupportable, je serais capable sur ce pont américain d’imaginer une traversée istanbuliote, comme les amputés qui perçoivent encore des sensations émanant de la partie disparue de leur corps.
Commenter  J’apprécie          30
La reconnaissance, le pardon et le deuil, les étapes indispensables du travail de la réconciliation doivent, me semble-t-il, toujours se faire sur les terres où les atrocités ont eu lieu
Commenter  J’apprécie          30
Je ne sais rien de la plupart de ces rôles, pour certains parce que tu les as interprétés avant ma naissance et pour d'autres parce que j'étais trop petite pour m'en souvenir. Pour la petit fille que j'étais, ils représentaient d'abord un changement de voix, de coiffure, de façon de parler, marcher. Petit à petit, ton corps ne t'appartenait plus, j'avais l'impression que même ton odeur se transformait, qu'une étrangère dévorait ma mère.
Commenter  J’apprécie          20
C'est l'inconvénient d'être née avec le virus des histoires, on vit les choses 2 fois. Une fois parce qu'elles vous arrivent dans la vraie vie, et une fois pour les retranscrire. Comme d'habitude, j'essaie de retranscrire ce qui me reste au lieu de pleurer ce que j'ai perdu, comme tu me l'as très tôt enseigné.
Travestir le moment, déguiser l'existence, faire comme s'il ne s'était rien passé de grave, c'est une grande tradition familiale.
Commenter  J’apprécie          10
Tu me réponds "ça va. Je prépare mon prochain spectacle. " tu ne me parles pas de la situation politique, de ce que tu ressens, de ton état de santé. J'avais oublié cette cécité qui te caractérisait, oublié à quel point tu étais monomaniaque et habitée par tes projets. Oublié que tu avais traversé les périodes les plus sombres de l'histoire de ton pays sans même t'en apercevoir, que tu t'étais mise en danger pour des victimes sans te rendre compte que tu fréquentais leurs bourreaux. Je revois à nouveau ta capacité à ignorer la vraie vie et la remplacer par le rêve.
Commenter  J’apprécie          10
Elle t’aura ressemblé cette carrière, Esra. Exactement à ton image, elle aura été noble, folle, spectaculaire, drôle, tragique, cheap, burlesque, prestigieuse, dingue, glamour, sérieuse, bricolée, grotesque, colorée, belle, fantasmée, passionnée, dramatique, chaleureuse, glaçante, foutraque et bien sûr « nationale ». Exactement comme le destin de ton pays.
Commenter  J’apprécie          10
Je me sens un peu comme un mauvais violon dont les mauvaises cordes auraient été fabriquées avec des mauvais boyaux par un mauvais luthier mais qui aurait eu la chance de rencontrer le seul musicien au monde capable de l’accorder pour produire un son juste. Mon mari est probablement le seul homme sur cette terre dont la névrose s’ajuste parfaitement à la mienne. Nos casseroles respectives, additionnées, s’annihilent.
Commenter  J’apprécie          10
- Pas de réalisme au théâtre, il faut laisser ça au cinéma. Là par exemple, tu vois ma şeker, pour cette réplique, je reste au lointain, comme ça je peux parler fort. Ensuite j'avance vers le public pour dire la phrase suivante. Eh bien celle-ci, tu vois, je vais la chuchoter à l'oreille de chacun des spectateurs, les yeux dans les yeux. Tu comprends ? C'est ça, le gros plan au théâtre ! Je zoome sur moi-même. C'est ça, du théâtre sur scène... Le cinéma c'est l'art du vrai, le théâtre, c'est l'art du faux.
Commenter  J’apprécie          10
Je crois que même si tu avais eu une opportunité de travailler en France ou aux Etats-Unis, tu n'aurais jamais pu quitter Istanbul. Contrairement à moi qui suis partie sans état d'âme - comme dit ma psy, pour sauver ma peau, il ne fallait rien regretter - cette ville était ton terrain de jeu, ta patrie, tu étais l'enfant de cette cité grouillante, tu n'étais à ta place que là, dans ce détroit millénaire où l'Histoire se mettait en scène comme nulle part ailleurs.
Commenter  J’apprécie          10
J’ai six ans, tu en as trente-sept. Une voiture officielle vient de vous raccompagner à la maison après une cérémonie au Théâtre de la Ville d’Istanbul. Je vous entends parler à Melek, notre concierge qui me garde le soir et rire aux éclats avec elle dans l’entrée.

Tu entres dans ma chambre, suivie par Ishak. Avec ta longue robe fuchsia aux motifs psychédéliques, tes faux cils peints en bleu et ton rouge à lèvres orange, tu es soleil. Vous êtes beaux, jeunes, éméchés. Tu me dis Le ministre m’a élevée au rang de Trésor National. Je ne comprends pas, tu répètes. Tu te rends compte il a dit je vous élève au rang de Trésor National, tu répètes encore Trésor National et vous riez. Je ne sais pas ce que ça veut dire. Tu me montres une statuette sur laquelle ton nom est inscrit en lettres dorées. Je demande le nom de la fleur qui l’orne. Papa me répond que c’est un lotus et que son fruit est magique. Vous riez encore. Puis tu t’assois et tu me racontes cette histoire – je vais l’apprendre plus tard – extraite de l’Odyssée: Après une tempête, un bateau échoue sur une île ou les habitants se nourrissent du lotus, fruit de l’oubli. Le capitaine envoie trois de ses hommes explorer le village mais ne les voyant pas revenir, il part à leur recherche. Lorsqu’il les retrouve, ses compagnons ne le reconnaissent plus: les naufragés avaient goûté au fruit et dès cet instant, comme les habitants de cette île, ils avaient oublié d’où ils venaient. Ils voulaient juste rester là et se rassasier éternellement de ce lotus. Le capitaine y goûte et à son tour désapprend qui il est.
Commenter  J’apprécie          10
Je dois me lever pour me joindre aux applaudissements. Je suis comme beaucoup d'ados : c'est physique, je ne te supporte pas. Se construire contre sa mère n'a rien d'original, ce qui l'est plus, c'est d'être obligé de montrer publiquement son admiration pour la sienne.
Commenter  J’apprécie          00
1. « - Vous voulez avoir des enfants ?
- Je ne sais pas. Pourquoi mettre au monde des enfants ? Ce monde est si cruel et déjà si peuplé !
Pas un mot sur moi.

Sur la photo qui illustre ces phrases, tu as à la main un poignard aux fausses émeraudes, ensanglanté comme la robe blanche que tu portes. L'héroïne vient de tuer sa fille de trois ans.

Dessous, on peut lire la réplique légendaire de la Médée originelle : "Mourez, enfants maudits d'une maire haineuse, et votre père avec ! Que toute la maison s'anéantisse !"

J'ai trois ans. » (p. 125)
Commenter  J’apprécie          00
Tu as perpétué la tradition. Tu as défilé contre le gouvernement, joué dans des films subversifs, lutté contre la censure, prêté ta voix aux opprimés, posé nue pour dire que la femme turque était libre mais tu as fermé les yeux sur les atrocités dont Ismaïl était complice. Trop recluse dans tes amours, trop occupée par ton art, tu n’as pas cherché à en savoir plus. Tu as fait comme si tout ça n’existait pas. Tu as passé ta vie à raconter des histoires pour ne pas voir la tienne.
Commenter  J’apprécie          00
Comment pouvais-tu rester « Trésor National », alors que ce même nationalisme t’avait pris ton homme, torturé tes amis, et alors qu’on entendait à longueur de journée des formules comme « fierté nationale », « sécurité nationale », « union nationale », « défense nationale ». Comment pouvais-tu te considérer comme « une figure nationale », en sachant ce que ce mot voulait dire à côté ?
Commenter  J’apprécie          00
Nous rions de notre destin de fille et de mère comme d’autres en pleureraient, nous rions pour pleurer tout ce que les tragédies racontent, nous rions de la malédiction filiale, du patriotisme, de la trahison, de la destinée, de l’adultère. Nous en pleurons tout en nous marrant comme deux baleines. À cet instant, Iphigénie, c’est nous. C’est nous que ça dit, c’est notre destin que ça raconte, évidemment en moins bien. La guerre de Troie, c’est peanuts à côté de notre histoire.
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Sedef Ecer (78)Voir plus

Quiz Voir plus

Le Parfum

Quel est le sous-titre du roman ?

Histoire d'un parfumeur
Histoire d'une femme
Histoire d'un meurtrier
Histoire d'un phéromone

10 questions
4821 lecteurs ont répondu
Thème : Le Parfum de Patrick SüskindCréer un quiz sur cet auteur

{* *}