Une chronique de Margot, sur Aire(s) Libre(s).
Antonin Gandolfo est un ancien braqueur, ex-anar devenu écrivain et traducteur (peut-on réellement cesser d'être anarchiste même quand on est écrivain et lettré est une question qu'on se pose, d'ailleurs). Il est notamment traducteur d'
Andrea Camilleri, comme l'auteur de ce roman à qui Antonin ressemble étrangement.
« Rejeton d'une lignée détachée de ses racines, je n'ai connu de l'Italie que la cuisine de maman. En même temps que les vertus de savoirs universitaires que j'avais à tort jusque-là rejetés en bloc, Sonia m'a appris la langue de mes aïeux et c'est grâce à elle qu'un jour de furetage dans sa bibliothèque, j'abordai aux rivages du prodigieux continent Camilleri dont j'allais tirer bientôt l'essentiel de mes revenus. Entre nécessité de rencontrer mes éditeurs et désir de comploter avec les camarades de la revue Titanic que j'avais fini par fonder avec Francis, j'avais un alibi pour séjourner à Paris, tout comme j'avais une bonne raison de filer à Rome, avec la nécessité de nouer ces contacts directs qui font les bonnes collections de littérature étrangère. »
C'est un antihéros qui paraît assez démuni face aux événements de la vie. Il semble avoir du mal à trancher, il hésite, tâtonne, dans ses choix de vies et dans ses choix de
femmes, aussi… Il passe de vie en marge, d'erreurs en mauvais choix, de milieux en radicalités, de femme en femme, de figures en icônes. Une maladresse tous azimuts dans une vie déjantée, de fait, et difficile à assumer telle qu'elle est : en désordre. Un jour, pendant qu'il prépare des grillades sur une terrasse, dans une île éolienne, car il vit retiré sur l'île de Salina, il reçoit une visite surprise et voit à nouveau sa vie basculer. Un jeune homme vient lui demander des comptes : Guillaume Lepreneur, le fils du droguiste assassiné par un braqueur, Georges Nicotra, connu d'Antonin, qu'il avait fait libérer de prison en le défendant.
Les choses vont se complexifier encore sous nos yeux de lecteurs : cette réclamation du fils envers le défendeur va-t-elle engendrer la catastrophe qu'il attend depuis toujours ? Antonin va essayer de démêler les fils qui l'ont conduit jusqu'ici, il entreprend le récit de sa vie.
Une vie bien emmêlée pour redouter le pire
Antonin a flotté et navigué dans les milieux interlopes, confesse et distribue des idées libertaires, a toujours milité à corps et à cris contre tout et son contraire. Il s'est très rapidement aperçu qu'il n'était pas taillé pour les braquages : en avril 1971, il braque un cercle de jeu, avec deux complices : Jean et Philippine. Mais la peur lui fait perdre pied, il tire un coup de feu, erreur, pour empêcher l'irréparable. le braquage échoue. Jean est arrêté mais ne le dénonce pas. Pour éviter le pire, encore une fois, Antonin rompt toute relation avec lui et Philippine.
Une autre prison, pourtant, verra Antonin, arriver. Il deviendra par la suite homme de lettres et de polars, croisement, carrefours des voies, comme le sont les prisons, parfois, avec ou sans violence ou hasard. Peu de temps avant d'être libéré, quelques années plus tard, Jean refera surface et fera suivre l'adresse d'Antonin à Georges Nicotra, un détenu qu'il a côtoyé quand il était, lui, en prison, à la Santé, un truand gauchiste, soutenu par les milieux libertaires et d'ultra-gauche. Antonin gravite, navigue dans ces milieux, et il en connaît et comprend les trames, les fils, il soutient, avec une bande d'intellectuels, le braqueur et écrivain Georges Nicotra et participe au mouvement qui va le faire libérer de prison après un braquage pour lequel il se proclame innocent.
La diversification des voix et des regards
À la moitié du livre, les points de vue vont se diversifier, en une étonnante complémentarité, puisque le vrai dépend souvent de qui le dit ou qui le croit…
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