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Critiques de Shôhei Ôoka (28)
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La Dame de Musashino

Grand spécialiste et traducteur De Stendhal, Ooka Shohei nous raconte dans le climat du Japon d'après-guerre une histoire psychologique d'inspiration stendhalienne.

Dans la campagne japonaise, le Crû, une région qui aujourd'hui fait partie de la banlieue de Tokyo, les protagonistes sont deux couples et un jeune homme . L'un des maris , Akiyama, universitaire et spécialiste De Stendhal a des vues sur Tomiko, la femme de l'autre couple. Alors que la femme d'Akiyama , Michiko, et la même Tomiko sont fatalement attirées par le jeune homme de vingt-quatre ans, qui rentre de la guerre. Il s'appelle Tsutomu , cousin de Michiko, il a vingt-quatre ans et pour lui les choses sont un peu plus compliquées. On y suit un chassé-croisé amoureux psychologiquement très fouillé , assez atypique pour un roman japonais, vu l'ambiance libertine qui y règne à une époque où pudeur et pressions sociales sont de norme au Japon. Shohei justifie ce vent de liberté par l'influence occidentale sur le Japon moderne suite à l'affaissement des valeurs traditionnelles consécutif à la fin de l'Empire. L'histoire est basée sur les conditions sociales de l'adultère qui considéré comme un crime sera aboli par le nouveau Code civile après la guerre , une nouvelle étape dans l'émancipation de la femme, et l'expression symbolique de l'effondrement de l'ancien système familiale du Japon. le sentiment amoureux y est intellectualisé, « leur amour grandit donc à partir de la conscience qu'ils avaient chacun d'être amoureux….à sa manière l'amour est un produit de culture et la prise de conscience individuelle y marque une étape dont on ne saurait sous-estimer l'importance.”

Ce roman est aussi une large fresque du Japon de l'après-guerre plein d'amertume, où les hommes s'agrippent au communisme sans grande conviction . L' ensemble est enrichi de magnifiques descriptions d'une nature exubérante, et du fameux Mont Fuji, qui dans le Japon shintoïste sont des symboles qui assouvissent croyances et superstitions, « Tsutomu voyait dans ce cône parfait* le symbole même de l'amour eternel ». Et il termine en apnée, avec une petite intrigue qui mettra les pendules à l'heure et une pique qui plaira aux féministes 😁!

Un auteur que je viens de découvrir sans me souvenir d'où je l'ai déniché ni acheté. En tout cas un excellent roman d'analyse. Un bémol, la traduction n'est pas terrible.



« La littérature qu'il enseignait le tenait prisonnier: professeur, il était pour toujours en dehors de la vie réelle. »



*Mont Fuji



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Les Feux

« Je reçus une gifle. » C’est la 1ère phrase du roman de Shohei Ooka. C’est aussi ce que ressens le lecteur qui arrive à la fin des « feux ».



« Les feux » n’est pas un roman de guerre comme les autres. D’ailleurs peut-on vraiment le qualifier de roman de guerre. Les combats ne sont pas au cœur de l’intrigue. Il faut dire que le récit prend comme contexte la déroute de l’armée japonaise dans les Philippines après la défaite de Leyte en 44. Il y a très peu d’action dans « les feux », le roman est assez contemplatif et, en adéquation avec ce que vit son personnage principal, ressemble à une errance. Très inspiré de ses souvenirs personnels, Ooka livre un roman très singulier, étrangement poignant.



« Les feux » offre une lecture très particulière. C’est une expérience très sensorielle. Si parfois Tamura pense, réfléchit, la plupart du temps il n’est qu’un corps, quasiment réduit à une forme d’animalité. Il s’agit ici de survivre, et dans des conditions extrêmes la survie de l’esprit est conditionnée par la survie du corps. La faim, terrible, intense, qui creuse les joues et le ventre, qui conduit à la folie, est le véritable ennemi, la principale préoccupation.

Tout au long du roman, il est beaucoup question des corps, des sensations physiques. D’ailleurs, l’auteur utilise énormément les mots relatifs aux sens : voir, entendre, sentir… S’il place le corps, dans tous ses aspects même les plus triviaux, au centre du récit, « les feux » est un roman qui a du cœur et de l’esprit. En parlant des corps, celui de Tamura, mais aussi ceux des autres, morts ou mourants, Ooka parvient à parler de l’âme humaine.



Le lecteur est amené à réfléchir, notamment à s’interroger sur la responsabilité individuelle dans un fait collectif. S’il n’apporte pas de réponse, Ooka pose la problématique de façon brillante. Mais si l’intellect du lecteur est stimulé, le roman touche d’abord au cœur et aux tripes. On est constamment collé aux basques de Tamura, on ne le quitte jamais, partageant son errance, sa solitude, ses souffrances. Le premier sentiment qu’éprouve le lecteur c’est la compassion la plus entière. Face à tant de douleurs et de souffrances, on pardonne tout à Tamura, même le pire.



« Les feux » est plus qu’un roman qui traite de la 2nde Guerre Mondiale vue du côté des japonais, « les feux » est un roman au propos universel. C’est de toutes les guerres qu’il est question. Qu’il soit du « bon » ou du « mauvais » côté, vainqueur ou vaincu, le soldat est un soldat, un Homme confronté au pire de l’Homme, confronté au pire de lui-même aussi.



Je remercie Babelio et les éditions Autrement pour m’avoir permis, dans le cadre de la masse critique, de découvrir une œuvre si puissante. « Les feux se hisse au niveau des plus grandes œuvres antimilitaristes.



Tout bien réfléchi, « les feux » n’est pas un roman qui fout une claque, c’est un roman qui saisit le lecteur et, petit à petit, resserre son étreinte de plus en plus fort, jusqu’à l’oppresser, le faire suffoquer. C’est encore plus fort qu’une gifle.

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La Dame de Musashino

Je descends du bus. Comme un étranger, je regarde autour de moi. La terre, les fleurs sauvages. Puis mes yeux s'élèvent doucement, une foule disciplinée en ligne droite venue marcher, prier, communier. Je lève la tête encore un peu plus, le cou s'étire comme les nuages au loin. Un rayon de soleil me caresse la nuque, je me retourne légèrement et là je le vois. Je suis frappé, de stupéfaction, de beauté, de reconnaissance : le mont Fuji s'offre à moi, à mon cœur, à mon âme. De son sommet, j'observe l'horizon, je vois la ligne de chemin de fer s'aligner le long des collines, celle des lacs de Tama où je me verrais bien manger de l'anguille grillée. Je vois la Combe-Aux-Amours, nom prédestiné aux rencontres clandestines mais les histoires d'Amour finissent... Je vois la Dame de Musashino, dans son kimono fleuri, ceinturé de son bleu obi.



Au Crû, qui l'eut cru, ce lieu-dit dans le lit de la Nogawa, une histoire d'amour dans les temps d'après-guerre du Japon. Une histoire d'adultère ou de libertinage, quand en même temps l'on discute sur la dépénalisation de ces coucheries extra-conjugales, comme sorties d'un roman de Stendhal. Moi Stendhal, je ne connais pas, mais je t'invite d'ors-et-déjà à lire Les Feux du même Ôoka, voilà pour ma digression littéraire. Revenons à la lune bleue qui illumine cette nuit le Mont Fuji, deux couples, un jeune cousin revenant de la guerre. Le décor est planté, quel décor ! Si beau, que même sur un papier jauni, j'en suis ému, de souvenirs et de désirs.



Face au Mont Fuji, ainsi je garde le silence, son regard planté dans mon cœur. Quand les mots s'envolent au vent de la passion, il reste le silence. Celui de l'amour, celui de la mort. C'est donc dans cette parfaite quiétude que je suis les inquiétudes amoureuses de ce jeune cousin au cœur décousu comme les cicatrices de la guerre, devant les sourires attendrissants de ces dames, devant les esprits retords de ces messieurs, devant les flacons de saké qui se vident, les fleurs de cerisier qui s'envolent.



Un roman d'un autre temps, où la mélancolie de l'Amour prédomine et auquel les cinéphiles peuvent avoir leur version signée Mizoguchi. D'un rouge pivoine, le soleil se couche. D'un noir obscur, les nuages s’amoncellent. Le ciel gronde, les cœurs s'ébattent. Que suis-je en train de faire ? Un moment de folie, un moment d'égarement ? Aux égards du Mont Fuji, je passerai ma main dans les pans de ton kimono, pendant qu'un air de Chopin caresse l'âme de ton sexe. Souvenir éternel.
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L'ombre des fleurs

Récompensé par le prix Shichosha en 1961, L'éloge des fleurs dresse le portrait magnifique et mélancolique de Yôko.



Entraîneuse dans les bars du Ginza d'après-guerre, cette femme blasée, à la recherche d'hommes pour subvenir à ses besoins, a laissé sa jeunesse et la fraîcheur de sa beauté dans ce milieu particulier, peu propice au plein épanouissement. Au contraire, les fleurs du titre s'y fanent plus vite qu'ailleurs.



Ôoka Shohei signe également avec son récit un roman social sur le Japon des années cinquante, qui se relève de la défaite. Roman des conditions des femmes esseulées tenues à assurer leur (sur)vie; roman des hommes qui passent dans la vie de Yôko... un petit tour et puis s'en vont. Reste l'alcool pour tenir encore un peu, ne plus voir la réalité dans toute sa crudité. Ou cruauté au choix.



L'éloge des fleurs laisse dans l'esprit une empreinte certaine, marquée d'amertume et de mélancolie. Comme la fragrance douceâtre d'une belle fleur qui, coupée, déjà se corrompt.
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Les Feux

Dans l’imagerie populaire, le combattant japonais de la seconde guerre mondiale est l’héritier du samouraï. Il ne craint pas la mort, il consent au sacrifice de sa vie pour servir son pays. Au déshonneur, il préfère le suicide. Le soldat du roman de Shôhei Ôoka, Tamura, est tout le contraire. L’anti-héros parfait. Il est couard, égare son fusil, assassine une pauvre femme sans mesurer la gravité de son acte, se cache quand les balles sifflent et fait peu de cas de son Empereur. De toute façon, la mort se refuse à lui. Elle le poursuit sans jamais l’atteindre, de l’hôpital en feu où il demande asile jusqu’aux rivages bombardés par l’aviation américaine. Ça fait de lui un zombie parmi les cadavres en décomposition de ses camarades et les paysages calcinés. Là réside le paradoxe. Plus il survit, plus il souhaite mourir et moins son périple lui en donne l’occasion. Serait-il l’envoyé de Dieu ? Dans quel but ? Tamura interroge le ciel embrasé, les animaux qui fuient, les plantes qu’il dévore – il se confronte au vivant et fait ce constant terrifiant : je ne mérite pas ce monde. Beaucoup de scènes m’ont rappelé le film de Terence Malik, la ligne rouge, quand le soldat fait corps avec la nature et que les hommes (les ennemis) l’en délogent. C’est un livre dont le titre rappelle aussi le chef d’œuvre d’Henri Barbusse. Il en est proche, notamment dans l’implacable description du processus de déshumanisation des soldats confrontés aux horreurs des combats. Dans ce roman, la négation de l’homme, a le visage du cannibalisme. L’innommable, dans cette guerre-là, c’est de manger son prochain. Tamura en sera marqué pour le restant de ses jours. Tout comme la lectrice que je suis.



Bilan : 🌹🌹
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Les Feux

Tamura n’est qu’un simple soldat, engagé dans un conflit perdu d’avance, dans une guerre qu’il ne comprend même pas. Il se demande pourquoi il se retrouve au milieu de cette jungle philippine. La fin de la seconde guerre mondiale est proche, les forces japonaises sont en déroute sur ces îles philippines. Atteint du béribéri, Tamura est rejeté de sa compagnie. Ses chefs le somment de rejoindre l’hôpital militaire basé sur cette île et l’interdisent formellement de revenir au sein de sa compagnie. Sans nourriture à proposer, Tamura est tout simplement rejeté de l’hôpital. Il se retrouve donc abandonner, seul sur cette île. Il devra errer à la recherche de compagnons de (in)fortune, à la recherche de quelques misérables victuailles pour survivre. Une quête va débuter pour ce simple soldat : celle de l’humain fermement décidé à survivre dans un environnement hostile, celle d’un jeune homme inéluctablement marqué à tout jamais par toutes les horreurs d’une guerre qui posent un cruel dilemme ; vaut-il mieux survire ou mourir en ces lieux si sombres, si miséreux ?



Ce roman de Shôhei Ôoka a longuement « traîné » au milieu de ma bibliothèque. Une impulsion indéfinissable m’avait poussé à acquérir ce livre, mais une fois en ma possession, j’ai pris mon temps avant d’oser l’ouvrir. Une peur m’avait envahi, celle de trouver une histoire trop réfléchie, trop cruelle, trop « crue ». Il m’aura fallu plus d’un an pour trouver le courage de m’investir dans les mémoires de ce jeune Tamura. A la fin de ce roman, je comprends mieux la bivalence de mes sentiments : attrait et répulsion, tel est la dualité de mon esprit à ce moment-là.



Le drame de Tamura est celui d’être né Homme. L’humanité, dans toute son horreur, est présentée ici de manière extrêmement cruelle. Rien ne sera épargné au lecteur, mais après tout, qu’est-ce que la guerre ? Le massacre d’êtres humains, les charniers au détour d’une colline, la faim, la soif, la solitude, la peur : les images sont fortes et extrêmes, les odeurs sont puissantes et tenaces. Bien que présentes dans l’esprit de ce jeune soldat, les hallucinations ont ce côté « imaginaire », mais est-ce réellement des hallucinations ? Il a peur de mourir, mais encore plus peur de vivre et de découvrir toutes ces horreurs.



Jamais un roman m’avait autant bouleversé. Je ne suis pas loin de la nausée, le cœur bien accroché à mon estomac, prêt à rendre toute la bile qui me reste. La guerre est certes une tragédie, mais ce roman l’est bien plus. Il s’enfonce encore plus loin dans les réflexions sombres sur l’âme humaine, à savoir le cannibalisme. Voilà, le mot est lâché... Dois-je me sentir soulager d’en parler ? L’Homme est barbare et la survie de chaque individualité l’est encore plus. Au nom de quoi ? au nom d’une guerre orchestrée par quelques puissants et au détriment d’un peuple...
Lien : http://leranchsansnom.free.fr/
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Les Feux

La guerre du Pacifique vue du côté japonais. Et même le commencement de la débâcle de l'armée nippone dans la jungle des Philippines. Un groupe de soldats complètement perdus, ne retrouvent plus leur bataillon. Ils meurent les uns après les autres, de faim, de soif, d'infection… L'horreur de la guerre dans toute son ampleur.

Pour survivre, ils ont recours au cannibalisme.

Roman sur l'homme qui débouche sur une réflexion ontologique.

Les écrivains japonais n'hésitent pas à parler de ce qui dérange. Ça ne change pas forcément les choses mais c'est salutaire.

Un grand roman sur un grand sujet.
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Les Feux

Ce livre est d'une puissance inégalée pour dénoncer la guerre.



C'est un livre extrêmement dur. Très court, une écriture puissante. Sa lecture est difficile de par la cruauté des faits.



Pas vraiment de héros mais des êtres humains confrontés aux pires atrocités.
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L'ombre des fleurs

L'ombre des fleurs nous brosse le portrait d'une femme dans Ginza d'après-guerre. Yôko est entraineuse dans les bars. D'amant en protecteur, elle peine à trouver sa place, son équilibre. Les années ont passé et la quarantaine approche, un âge déjà bien avancé pour travailler dans les bars. Elle tente d'oublier en étant ivre presque tous les soirs. Elle tentera bien de vivre dans un petit appartement payé par un professeur, mais il retournera bien vite vers sa femme et sa fille malade. Un autre jeune premier profitera d'une femme expérimentée un temps, puis un ancien client directeur d'usine, qu'elle n'a pas vu depuis 20 ans lui fera miroiter un travail dans une charmante auberge ...







Amasser de l'argent ou se marier avec un riche mari protecteur est l'ambition de toutes ces femmes. Mais Yôko se refuse aux compromis, puis l'âge et l'alcool la rongent. Les bars de Ginza accélèrent ce processus de vieillissement. Elle n'arrive pas à se décider : se marier, se faire offrir un bar ?



L'ombre des fleurs est aussi le portrait de femmes dans le Japon des années 1950:



Yôko a connu beaucoup de succès auprès des hommes, femme entretenue, elle parait plutôt désintéressée, Altruiste et souvent un simple rouage des manipulations de Jun. Elle est attachée à Takashima, et ne veut pas l'abandonner malgré qu'il ait perdu richesse, jeunesse, elle lui voue une dévotion à sens unique. Alcoolique pour supporter ce quotidien sordide et se trouve contraint d'entretenir ses amants. Takashima vient la voir pour régler ces dettes de jeu, puis manger. Elle se révolte quelquefois, contre Shimizu qui apparaît comme un voleur. Si elle veut réussir quelque chose : c'est son suicide qu'elle prépare avec un soin particulier. Elle ne prendra pas conseil auprès d'elle pour une fois.



Jenku attiré par l'argent et la richesse qui manoeuvre sans vergogne Yôko et Takashima à sa convenance, mais qui reste malgré tout assez malheureuse. Elle comprend les changements qui ont lieu dans Ginza et les utilisent à son avantage. Malade elle n'arrive pas à décrocher, peur de dépenser son argent pour des soins, et de vivre loin de ses bars, ou elle n'a que peu de confiance dans les gens qui l'entourent.



Mais également un portrait des hommes sans scrupule, profiteur; égoïste. Lâche malgré des paroles mielleuses, qui vont prendre "elle commençait à comprendre qu'un homme a beau verser des larmes et se prosterner sur les tatamis, quand il arrivait à ses fins, la femme, elle, se retrouvait seule avec ses sentiments" , "Matsuzaki regardait la pente désespérément vide. Yôko fût-elle une fleur éphémère, à défaut de la cueillir, il lui suffirait d'avoir foulé son ombre, songea-t-il."



Un roman poignant qui nous entraîne à Ginza, partagé le quotidien des femmes dans l'après-guerre. Un portrait touchant plein de sensibilités et emprunt de fatalisme de cette femme éphémère Yôko. On retrouve comme dans les feux, une superbe écriture et des portraits psychologiques très dense.
Lien : http://nounours36.wordpress...
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Les Feux

Des livres comme cela il y en a peu. Des livres comme un uppercut dans l’estomac du lecteur.

Les Feux est un livre de guerre, inspiré de l’expérience de l’auteur. Mais c’est un livre de guerre comme on en lit peu. D’abord parce qu’il se passe aux Philippines, théâtre d’affrontements entre l’armée japonaise et l’armée américaine, un pan de la Seconde guerre mondiale rarement évoqué chez nous. Ensuite parce que ce n’est pas un roman de guerre à proprement parler. Ce ne sont pas les combats qui sont décrits, c’est la défaite et la déroute. Un sujet rarement traîté, ou alors pour montrer la grandeur des vaincus. Ici, aucune de ces fioritures, c’est la déroute dans tout ce qu’elle a de plus brutal qui est décrite à travers l’errance du soldat Tamura.

En lisant, je ne pouvais m’empêcher de penser que ce roman était japonais jusque dans ses moindres mots. J’ai du mal à expliquer cela mais j’ai cherché à comprendre d’où venait ce sentiment, et je crois qu’il a deux origines. D’abord la capacité à faire se côtoyer le plus beau (un paysage, une lumière…) et le plus laid (un cadavre en décomposition, une blessure purulente…). Les descriptions sont faites avec une économie de mots et une factualité jamais démenties, mais surtout elles peuvent passer du beau au laid sans transition, pas même en changeant de paragraphe ou de phrase, mais parfois dans la même phrase, la même ligne. Cela crée un sentiment de malaise que je retrouve dans certaines nouvelles de [[Kawabata]]. Autre chose qui m’a paru très japonais, c’est la description sans fard de la défaite dans ce qu’elle a de plus humiliant, de plus terre à terre. Il n’y a ici aucune velléité d’enjoliver la réalité ou de cacher ses aspects les plus sombres. Tout est mis sur la table, au lecteur de se débrouiller avec cela. On est loin des héros défaits ou même des anti-héros, Tamura n’est qu’un soldat ordinaire avec, comme le suggère l’auteur, un comportement ordinaire dans ce genre de circonstances. On est loin de l’imagerie occidentale, plongés directement dans le traumatisme difficile à imaginer pour nous, de la défaite japonaise qui marque aussi l’effondrement d’une conception du monde. Pas de collectif ici, non plus, c’est chacun pour soi et la solidarité n’existe que si elle est intéressée.

Ce livre est extrêmement dérangeant, il fait voler en éclat les stéréotypes ou les visions romantisées de la guerre, il nous égare dans les méandres de la survie la plus élémentaire, là où les questions morales n’ont plus lieu d’être, il nous entraîne dans les forêts denses et les marais boueux de l’île de Leyte, dans lesquels il nous laisse englués et sans espoir de s’en remettre. Un livre dur, impressionnant, où la force du propos contraste avec la simplicité du style, où l’apparente neutralité des descriptions cache un réquisitoire féroce contre l’inhumanité de la guerre, de toutes les guerres. Un livre indispensable.
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Les Feux

"Finalement, ils étaient comme moi des rebuts abandonnés par leur compagnie vaincue. [...] on aurait dit des animaux plutôt que des êtres humains."  (P. 42-3)

Tamura est l'un de ces soldats japonais abandonnés sur une île au cours de la Guerre du Pacifique. Il erre depuis que son chef lui a conseillé de crever. En effet nombreux sont les soldats japonais qui n'ont rien à manger, sans chef, sans ordres, sans ravitaillement. Où se trouve donc l'organisation et la rigueur qu'on prête au peuple japonais ? 

C'est en ce sens une découverte qui bouscula le lecteur que je suis. 

N'y cherchez pas les scènes d'action les scènes de combat...Non, il ne s'agit que d'une longue errance, l'errance d'un homme taraudé par la faim, miné par la défaite, un homme à la recherche d'autres combattants, à la recherche des siens. 

Tamura, du reste, n'a pas l'âme d'un combattant, comment donc pourrait-il avoir envie de se battre. Il est seul, il ne rencontre que des cadavres, certains dont les fesses ont été découpées et mangées par d'autres soldats, comme lui, abandonnés par leur hiérarchie. Lui est sans aucun doute bien plus humain que les autres, car il se refuse à  de telles pratiques. Et pourtant.....Je ne vous raconterai pas. 

Corps en décomposition, corps découpés, vidés, pourrissants ...heureusement que ce corps affamé est guidé par un esprit sain, qui refuse les ignominies. 

Ces descriptions de corps, de souffrance ne servent en fait qu'à dépeindre l'âme humaine, l'âme de certains capables du pire pour satisfaire leur corps, et l'âme d'autres, incarnés par Tamura qui malgré la tentation de la faim résistera.

Cet esprit sain souffre bien sur, voire surtout, du comportement des autres soldats, de certains chefs; des ignominies que de nombreux soldats, voire de nombreux chefs sont capables de commettre, de l'inhumain qui est est en eux. 

Mais restera-il un esprit sain?

Un beau coup de coeur !
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Les Feux

Ce roman traite du sort des soldats japonais pendant la seconde guerre mondiale, abandonnés sur une île des Philippines après la bataille de Leyte fin 1944. Ces soldats se retrouvent sans perspectives de renforts et sans aide du commandement impérial. Certains de ces hommes seront contraints au cannibalisme (anthropophagie plutôt) pour survivre.







On trouve un aspect historique à ce roman ( dont une part est autobiographique) concernant les horreurs de la guerre, mais aussi une dimension morale, humaniste d'un homme qui affronte la folie et la barbarie



Aspect historique : Le déroulement se situe pendant la guerre du Pacifique, après la défaite de Leyte, dans les Philippines, (dura du 17 octobre 1944 au 31 décembre 1944 ) la chute des forces impériales japonaises. Nous sommes en plein dans la déroute des forces japonaises. Sans aucun secours médical, support logistique, et sous un commandement qui cherche surtout à garder en vie les hommes encore valides ("On n'a pas de quoi nourrir les bouches inutiles. Retourne à l'hôpital. S'ils ne te laissent pas entrer (...) Et s'ils s'entêtent à ne pas vouloir de toi... Alors, crève ! C'est le dernier service que tu peux rendre à la nation" ). Ils cherchent alors à regagner Palompon pour se regrouper et se faire rapatrier. Mais la route est coupée par les forces Américaines. Devant faire face également aux Philippins (qui ont soif de vengeance face aux exactions commises contre les populations), ils se cachent pour survivre. Ils vont alors en venir aux pires extrémités, des actes horribles afin de survivre.



Aspect humain et psychologique :



Le narrateur se nomme Tamura, c'est un soldat de première classe, intellectuel dans le civil. Son récit sera celui de la tragédie des soldats en déroute, isolé dans la jungle.



On suit alors Tamara qui effectue une plongée vertigineuse dans la folie et dans les tréfonds de l'âme humaine. Le déclencheur est la rumeur des soldats de Guadalcanal qui ont mangé de la chair humaine, cela déclenche la curiosité de Tamara : est-ce la réalité ? Son subconscient combat cette idée. Après le meurtre de la jeune philippine, qui peut être considéré comme un crime de guerre, il s'enfonce dans la culpabilité cachant son acte, se sentant observé par l'âme errante de la victime. Est-il effectivement un élu ayant le pouvoir de vie ou de mort ?



Isolé, pas complètement car il y a dieu et/ou sa conscience qui sont présents d'abord sous la forme d'un croix surplombant la plaine, d'une église dont les marches sont remplis de cadavres. Puis un fou sur le point de mourir lui offre la faveur de manger son bras amaigri - "faveur qui agissait comme un interdit sur son estomac affamé", puis l'image de ce bras "Il me rappela le bras tendu de Jésus crucifié que j'avais vu dans le village au bord de la mer". Dans cannibalisme on distingue un geste de désir naturel ou pas ? Un acte de communion "Ce­lui qui mange Ma chair et boit mon sang demeure en Moi et Moi en lui.". Il ne pourra manger le bras du fou, mais par contre sans trouver de culpabilité boira le sang des sangsues et arrivera à manger du singe et de sa chair blessé. Il restera une part d'inconnue ayant perdu partiellement sa mémoire...Dans l'exergue du roman une citation "Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort" Le psaume 23:4 de david .... dont la fin n'est pas écrite "mais je ne crains aucun mal, car tu es avec moi" .







Une adaptation cinématographique a été effectuée "Fires on the Plain"/ "Feux dans la plaine" de Ichikawa Kon (1959). Une autre version est présente à la biennale de Venise 2014 sous le même titre Nobi (Fires on the Plain), version couleur et surement plus sanglante que celle de Kon Ichikawa. Cette dernière version est réalisée par Shinya TSUKAMOTO (qui a réalisé Tetsuo, Tokyo fist)



J'avais déjà rencontré des récits sur les horreurs de la guerre sur l'île de Leyte pendant la guerre des Philippines dans le roman Les pierres de Hiraku Okuizumi, qui traitait également de la folie d'un homme.



Pour finir "Les feux" sont pour moi une oeuvre admirable, un récit sur le mal à l'état brut, l'homme face à des extrémités inhumaines pour survivre le menant à la folie. Une lecture éprouvante ....

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Les Feux

Un soldat japonais est abandonné en 44 par son commandement sur une île des Philippines. Ce voyage au bout de l'enfer made in Japan surprend par sa portée universelle tant le désespoir et la volonté de vivre de Tamura rejoignent ceux de tous ces soldats engagés dans des conflits qui les dépassent. Intellectuel peu porté sur le hara-kiri, son humanité sera mise à l'épreuve à plusieurs reprises mais toujours une petite lumière brûlera en lui. Roman de la souffrance extrême, "Les feux" peut se comprendre aussi comme une célébration de la vie et un pamphlet anti-militariste sans concession. Fort !
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Les Feux

Roman autobiographique, Les Feux raconte les errances physiques et morales d’un soldat japonais égaré, dans tous les sens du terme, sur une île des Philippines. L’histoire débute après la Bataille de Leyte, entre les Japonais et les Américains, épisode sanglant, comme tant d’autres, de la 2e Guerre mondiale dans le Pacifique.



Dans l’île en proie à la guerre et au chaos, le soldat Tamura, malade, affamé, seul, traumatisé, déroule ses réflexions et ses pensées avec une logique plus ou moins délirante. C’est dur, c’est terrible, c’est impensable et c’est humain. Les horreurs de la guerre ne nous sont pas épargnées, certains épisodes sont très difficiles à lire. Pourtant c’est prenant, je n’arrivais pas à lâcher mon livre.



La plume est fluide, simple ou dense selon ce qui est raconté, mais toujours ciselée à la perfection, en totale adéquation avec le récit. Les images utilisées sont marquantes et efficaces. On sent les déchirements intérieurs du narrateur tout autant que ses souffrances physiques. Le parcours retracé ici, halluciné et apocalyptique, n’est pas facile à lire et en même temps je ne pouvais pas m’arrêter. J’ai été fascinée par ce côté halluciné, par l’absence de frontière entre la réalité et les visions de Tamura.



Une lecture qui laissera son empreinte.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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Les Feux

Tamura est un soldat japonais qui erre sur une petite île des Philippines pendant la seconde guerre mondiale. Son chef le gifle parce qu'il n'est pas resté comme prévu à l'hôpital pour soigner sa tuberculose. Tamura avait reçu cinq jours de nourriture pour avoir le droit de séjourner à l'hôpital. Là-bas, le personnel lui a pris une partie de ses vivres, puis expulsé parce qu'il n'avait plus rien à manger. La règle est simple, pour rester il faut avoir à manger.

Tamura ne dit rien de tout cela à son chef, il obéit en soldat et s'en retourne. Il se sent libre car sa compagnie ne veut plus de lui. Mais il est condamné à mourir de faim.

Résigné, il n'a plus peur et ressent avec force la nature environnante : la forme des collines, la densité de la forêt, le vent des plaines. Devenant faible, la limite entre la vie et la mort devient ténue. Il observe avec détachement la violence de la guerre, toujours vigilant pour sa survie.

Les expériences de toutes sortes, de plus en plus extrêmes, s'enchainent au rythme de courts chapitres, ce qui aide pour reprendre son souffle tant la tension est forte. Ôoka a puisé dans ses propres souvenirs pour cette histoire, ce qui donne un prix encore plus élevé à ce roman singulier.

La fin du roman dénonce avec courage l'absurdité de la guerre, les arrangements avec ses désastres.
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Les Feux

Poignant et effroyable témoignage sur les horreurs de la guerre, sur la survie des hommes et leur capacité à faire face à la faim qui les tiraille, à l'abandon, à la solitude, à la maladie.

Comment lutter justement, comment ne pas sombrer soi-même dans l'horreur face à la détresse ... quel choix aurions-nous fait nous-mêmes ?

Les soldats en déperdition souffrent physiquement et psychologiquement, sont livrés à eux-mêmes et quand ils deviennent inaptes car blessés ou malades, voici ce que leurs supérieurs leur suggèrent :

« Alors, crève ! Ce n’est pas pour rien qu’on vous a donné des grenades. C’est le dernier service que tu peux rendre à la nation ».

Le personnage de Tamura, le narrateur de ce témoignage, est grand, touchant.

Sa réflexion sur la guerre, la vie, la mort, le fait de donner la mort est profonde et, de mon point de vue, si juste.











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La Dame de Musashino

La dame de Musashino, nous raconte l’histoire d’un amour malheureux après la capitulation du Japon. Une période charnière du japon sert de base à ce drame : des mentalités qui évoluent, les lois sur l’héritage, la dépénalisation de l’adultère, le marasme économique. Dans l’exergue de ce roman, une citation de Raymond Radiguet : »Les mouvements d’un coeur comme celui de la comtesse d’Orgel sont-ils surannés ? ».





Ce roman est sous le style de Stendhal et de Radiguet, il met en scène Tsutomu, un soldat démobilisé amoureux de sa cousine Michiko, héritière d’un domaine élevée dans les traditions. Michiko reste fidèle à son mari malgré le désamour qui les unit.



Mais ce n’est pas le seul chassé croisé amoureux, nous avons des relations adultères entre Akiyama le mari de Michiko avec Tomiko, Akiyama est dépeint comme un spécialiste de littérature française, il va calquer ses comportements aux héros de Stendhal.



L’auteur nous fait une analyse psychologique très fine de chacun des protagonistes de ce drame avec un regard pénétrant sur la nature humaine et des conventions sociales et culturel du Japon d’après guerre..



Mizoguchi a réalisé une adaptation cinématographique ‘Lady Musashino’ (武蔵野夫人,Musashino fujin) en 1951.



« La dame de Musashino » reflète de la société de l’après guerre à travers ces relations extra conjugales, mais malgré le caractère humoristique de certains personnages, a un petit goût de vaudeville, J’ai eu une peu de mal avec les noms des protagonistes qui ne sont pas nombreux pourtant. J’ai moins apprécié ce roman que L’ombre des fleurs ou les feux. Mais ce roman est peut-être à mettre en correspondance avec l’actualité de l’époque (Dépénalisation de l’adultère, 1949 ?) dont il est fait référence dans ce roman.
Lien : http://nounours36.wordpress...
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Les Feux

Ce classique japonais nous plonge dans une guerre assez lointaine, pour nous Européens : la guerre du Pacifique. Il s'agit d'une guerre opposant le Japon et les Etats-Unis.

Dans ce court roman nous suivons un soldat japonais, qui tente de survivre , dans ce chaos, bloqué aux Philippines. C'est un roman qui m'a laissée retournée. En effet, les descriptions faites peuvent être assez crues. On nous décrit la maladie, la faim, la survie, l'instinct animal, la cruauté humaine, la guerre, etc. Je peux affirmer que c'est le roman parlant de la guerre qui m'a le plus touchée à ce jour.



Je vous recommande ce roman japonais qui mérite d'être lu !

Petit bémol pour les âmes sensibles, je pense qu'il vaut mieux s'abstenir...
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Les Feux

Voilà certainement l'un des livres les plus puissants que j'ai lus, tous genres confondus.



Si il existe de multiples récits et ouvrages sur la Bataille du Pacifique, il reste relativement rare d'en trouver un sur la perspective japonaise sous nos latitudes, mais celui-ci suffit à tout le reste.

L'auteur a beau avoir dit tout au long de sa vie qu'il avait écrit une fiction, tout dedans y trahit la vérité pure, celle vue et ressentie. Ce qui est fascinant dans cette plongée en enfer, c'est qu'il n'y a pas de bien ou de mal, il n'y a même pas presque pas de guerre, juste la folie et l'instinct de survie qui aveugle tout. C'est une plaidoirie pour la paix qui n'argumente ni ne dénonce, mais se contente de montrer la réalité nue dans toute son atrocité.



A lire absolument, un très grand roman qui mériterait d'être redécouvert.
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Les Feux

Cette ballade d'un soldat japonnais coupé de son unité n'a rien d'une partie de campagne.L'île de Leyte ayant été reprise par les américains en 1944, des soldats vaincus errent sans but mais surtout sans ravitaillement et sans espoir.



L'homme ordinaire Tamura dans la solitude et la faim, entre rêve et réalité trouvera du réconfort dans le souvenir des femmes aimées et de la religion de son enfance.

Dans ces conditions extrêmes les réflexes primaires vont reprendre le dessus, l'altruisme initial laisse place à l'instinct de survie. Tamura va être confronté à deux des tabous ultimes de l'espèce humaine : le meurtre et le cannibalisme. Un des enjeux du livre est de savoir ce qui peut faire basculer l'homme et si la rédemption est possible, peut on aussi juger du comportement d'un homme mis dans une situation désespérée ? qui est le plus fou ? celui qui survit à tout prix ou celui qui le juge depuis un confortable fauteuil ?

Voilà un livre qui n'est guère aimable mais qui pose des questions majeures sur l'Homme.
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