Citations de Sofia Aouine (104)
Dans ma rue t’as pas le droit d’être un faible, les faibles ça finit sur un trottoir comme les putes de Porte de Clichy et les crackers de Porte de la Chapelle.
La principale religion à la maison s’appelle le silence. Pour éviter les problèmes et espérer être un peu heureux, la tactique à employer est de fermer sa gueule, baisser la tête, raser les murs.
Ma rue raconte l'histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s'appelle rue Léon, un nom de bon Français avec que des métèques et des visages bruns dedans. C'est mon père qui a choisi qu'on débarque ici. Je me dis souvent que ce vieux doit aimer la misère, comme si c'était la femme de sa vie.
« Apprends à vivre avec les morts tant que tu es vivant ; après, ça fait moins mal. » Car il savait, et ils savaient tous, autour de lui, qu’il ne fallait pas s’habituer au confort de la vie et surtout pas à celui d’aimer.
Il m’arrive de crier en mordant un oreiller pour ne pas faire de bruit et évacuer ce qu’ils me prennent chaque jour.
On paie jusque dans la tombe le droit de vivre dignement.
Je suis arrivé dans ce bordel il y a à peine trois ans et j’ai déjà l’impression d’avoir vieilli de 10 piges, rien qu’en me posant sur le banc du square Léon. Juste à regarder les gens. Les enfants ont l’air de centenaires. Des yeux de vieux sur des gueules d’anges. Surtout les petits noirs. On dirait qu’à force de vivre les uns sur les autres ils ont une âme pour cinq.
Je cours toujours plus fort, plus vite, pour sentir chaque muscle et chaque nerf de mon corps. Je cours pour essayer de rejoindre ma tête. Ça me répare un peu.
J'aime bien les valises. Les valises, c'est toujours des souvenirs de vie. Il y a celles qui ont trop vécu et celles qui vivront demain à vos côtés. Celles avec lesquelles on part, on reste, ou on ne revient jamais. On les bourre, on les transporte, on fait pas attention, on les sort que pour partir en vacances, alors qu'elles, elles ont tout vu de nous ; les joies, les malheurs. On ne les calcule plus, on oublie jusqu'à leur existence. Et parfois on les remplit de vieux souvenirs de ceux qui sont morts. On les cache pour pas être tristes et elles finissent par pourrir dans un coin de la maison, parce qu'est trop dur de les regarder. Mais elles, elles continuent de nous regarder vivre et, quand on finit par mourir, elles nous survivent. (pp. 122-123)
Ici, c’est Barbès, Goutte-d’Or, Paris XVIIIe, une planète de martiens, un refuge d’éclopés, de cassos, d’âmes fragiles, de « ceux qui ont réussi à dépasser Lampedusa », de vieux Arabes d’avant avec des turbans sur la tête et des têtes d’avant, de grosses mamans avec leurs gros culs et leurs gros chariots qui te bloquent le passage quand tu veux traverser le boulevard. Des gens honnêtes qui ont toujours l’air de voleurs et qui rasent les murs pour ne pas qu’on les voie. Une rue où il n’y a pas de femmes qui marchent toutes seules. Une ville dans la ville, monstrueuse et géante, une verrue pourrie sur la carte.
Playlist des oubliés
Bobby Womack – Across 110th street
Rick James – Ghetto Life
Alain Bashung – La nuit je mens
The Crusaders – Street Life
Donny Hathaway – Someday We’ll all be free – Little Ghetto Boy
Flying Lotus feat Kendrick Lamar - Never catch me War – The world is a ghetto
Rachid Taha – Barbès
David Bowie – Ashes to ashes
Fela Kuti – Lady
Dahmane El Harrachi – Ya rayah
Cora Vaucaire – La complainte de la butte
La rumeur – Le cuir usé d’une valise
John Coltrane – Naima
Grand Kallé & L’african Jazz – Indépendance Cha cha
Grace jones – Pull up to the Bumper
Prince and the revolution – When Doves Cry
Nina Hagen – African Reggae
Queen Latifah - U.N.I.T.Y
Bjôrk – Hyperballad
Taxi girl – Paris
Oumou Sangaré – Moussolou
Gil Scott-Heron – Home Is Where the Hatred is
François de Roubaix – Dernier Domicile connu
Scred Connexion – B.E.E.B.A.R
Jean Constantin - Les quatre cents coups , Générique
Massive attack – Unfinished Sympathy
Wu-Tang Clan – Little Ghetto Boys
Glenn Gould – J.S Bach – The art of the fugue, contrapunctus I
Claude Nougaro - Bidonville
Il s'assoit et tout le monde se retourne. Je baisse la tête moi aussi, comme si j'avais trahi ma classe. Je ne sais toujours pas pourquoi j'ai fait ça. La rumeur se calme. Je l'observe en coin. Les bras croisés, il n'a rien, pas de stylo, pas de feuille, que sa gueule de con qui dit rien. J'espère au moins qu'il parle la France, j'ai pas son temps pour lui expliquer comme devenir un être humain.
Pas chez nous, pas de chez-toi, homme englouti ici et refusé là-bas.
Sur le boulevard des rêves brisés, l’amour c’est pour les autres et surtout pas pour nous.
La première coupure d’amour est la plus profonde.
Je crois que vous le savez pas mais la lune, elle a des yeux et une bouche. Elle tire jamais la gueule, c’est un peu la femme idéale – uniquement pour ceux qui savent la regarder.
On naît en hurlant pour montrer au monde qu’on est là et quand la Faucheuse s’installe à nos portes, on hurle à l’intérieur de nous pour ne gêner personne.
Je me dis souvent que ce vieux doit aimer la misère, comme si c’était la femme de sa vie.
J'aime bien les valises. Les valises, c'est toujours des souvenirs de vie. Il y a celles qui ont trop vécu et celles qui vivront demain à vos cotés. Celles avec lesquelles on part, on reste, ou on ne revient jamais. [...] On les cache pour pas être tristes et elles finissent par pourrir dans un coin de la maison, parce que c'est trop dur de les regarder. Mais elles, elles continuent de nous regarder vivre et quand on finit par mourir, elles nous survivent.
La dame d’ouvrir dedans m’a dit que les souvenirs traversent la peau des familles. Ce qu’il y a au plus profond reste en nous, à travers les enfants, les petits-enfants et les petits-enfants des enfants.