Je suis arrivée peu après la tombée de la nuit. Une nuit sans lune, cachée par les nuages, de sorte que tout était plongé dans le noir. J'ai néanmoins réussi à discerner la forme imposante du manoir qui se détachait devant moi, et la lueur de la cheminée qui rougeoyait dans une pièce du rez-de-chaussée. Je m'étais juré de ne jamais revenir en ces lieux. Je ne voulais pas revoir la chambre que je partageais avec ma mère. Je ne voulais pas revoir le salon dans lequel mon enfance avait pris fin le temps d'une brève absence de ma mère. Je ne voulais pas revoir la cage d'escalier qui craque, les hauts plafonds froids ou la cage vide dans laquelle j'avais retrouvé le cadavre de Samuel un matin d'hiver, après qu'on l'avait laissé trop près de la cheminée.
À l’instar de la Tamise soumise à des marées, la ville, capable de donner et reprendre, avait ses caprices.
Sur l’instant, je n’ai pas dit un mot, pourtant j’avais la sensation qu’on venait de recoller tous les morceaux de mon âme.
- Le roi ne défend pas la cause des femmes qui cherchent à s'en sortir tant bien que mal en ce bas monde ; que ce soit en venant en aide à leurs semblables, en repoussant la maladie ou en tentant d'assurer la survie de leurs enfants. Tant qu'il aura cette position, j'aurai la mienne.
La mort est inévitable, comme l'obscurité.
Une fois encore, j’étais privée de ma liberté de mouvement, retenue par une longe invisible. Quel sentiment étrange : j’étais chez moi, en compagnie de mon mari et de mon chien, et pourtant de ma vie entière je n’avais jamais éprouvé une telle détresse. Pendant longtemps, je m’étais contentée de cette existence, mais à présent, j’avais l’impression d’être une étrangère dans ma propre vie.
La lumière et l’obscurité sont des forces égales – des partenaires, si vous préférez – et il y a un instant, furtif et silencieux, où on voit le jour céder à la nuit.