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Critiques de Stefan Hertmans (173)
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Antigone à Molenbeek

Beaucoup déçue. D'abord le texte est trop court. Puis que nous raconte-t-il ? Pas grand chose. De la colère, de la détermination, puis encore de la colère.

Le style est travaillé, la forme nous propose quelque chose d'original. Malheureusement le fond ne suit pas. Je m'attendais à plus qu'une simple énumération de faits.
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Antigone à Molenbeek

Tout le monde connait l’Antigone de Sophocle et celle d’Anouilh. Celle d’Hertmans se prénomme Nouria et vit à Molenbeek, commune bruxelloise devenue tristement célèbre dans le monde, après les attentats de 2015. Etudiante en droit, elle tient à donner une sépulture digne à son frère. Parti faire la guerre en Syrie, il a trouvé la mort dans un attentat suicide et ses restes ont été rapatriés. Or, l’agent Crénom ne l’entend pas de cette oreille et refuse de les lui remettre.



Monologue théâtral et poétique, cette histoire est bien évidemment tragique. Comme dans l’œuvre originale, une jeune fille est victime de la tyrannie d’un homme qui lui impose un choix qui n’est pas le sien. « Crénom », en Belgique, c’est un juron, une ellipse pour « sacré nom de dieu ». Il marque à la fois la colère et l’impatience. Ici, c’est le nom du policier qui incarne l’autorité, l’administration, un système même. Sous des airs bonhommes, semblant comprendre Nouria qu’il connait depuis toujours, il n’en reste pas moins inflexible. Il n’hésite pas non plus à lui parler de ses origines alors qu’elle est née en Belgique. Il représente un Etat, sans humanité, sans empathie, loin de ce qu’on attend de lui.



L’écriture de Stefan Hertmans est noble même si le style est à la portée de tous. On la sent très réfléchie derrière une apparente simplicité. Le texte a un coté théâtral avec ce monologue intérieur entrecoupé de dialogues et l’actualisation du mythe est réussie. Nouria est une Antigone contemporaine, ancrée dans la vie d’aujourd’hui qui nous démontre comment la peur peut engendrer l’incompréhension et la déshumanisation.



Un roman vite lu qui ouvre d’intéressantes questions et que l’on devrait donner à lire à nos élèves.
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Antigone à Molenbeek

Inspirée bien sûr du mythe d'Antigone, la jeune Nouria veut enterrer la dépouille de son frère, terroriste mort dans le désert. Le refus officiel qui lui est opposé la rend littéralement folle et elle tente de se pendre avec son drap dans sa cellule. L'histoire est connue, les personnages encore moins nombreux que dans le mythe (pas d'histoire d'amour, ni de roi, seulement un fonctionnaire de police nommé Crénom) le texte est presque en vers et donne plutôt l'impression de lire un slam, ce qui rythme la narration, mais l'appauvrit parfois aussi.
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Antigone à Molenbeek

N'ayant lu aucune version de ce mythe, Nouria, cette Antigone belge personnage principal de ce livre n'a souffert d'aucune comparaison chez moi.

J'ai trouvé ce bref récit très poétique et la spirale infernale qui amène Nouria d'un statut de bonne élève en étude de droit à tout lâcher pour que son frère soit enseveli fort dynamique, me tenant en haleine.



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Antigone à Molenbeek

Lorsque j’ai fini ma lecture, j’ai été confronté à un certain dilemme. D’un côté, j’ai beaucoup aimé la prose de ce texte, l’idée de reprendre ce mythe connu de tous afin de l’illustrer dans une problématique actuelle. D’un autre côté, je n’ai pas du tout aimé la finalité de ce dernier, ni un point qui est crucial pour moi : l’auteur n’est pas du tout concerné par le sujet qu’il présente. Si ce dernier n’avait pas été aussi lourd et important que celui présenté dans l'ouvrage, j’aurais pu être clément.e. Mais à mon sens, un homme blanc ne peut pas se permettre de prendre la parole à la place de la femme mise en scène. Une femme victime de deux choses que cet homme ne connaîtra jamais, le sexisme et le racisme, mêlé à la haine et au mépris qui découlera des actes du frère qu’elle désire enterré. Ce texte est hors propos et c'est pour ça que je lui ai donné cette note.
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Antigone à Molenbeek

Je suis très attaché à la figure de la révolte incarnée par Antigone. J'avais donc beaucoup d'attentes face à "Antigone à Molenbeek". Jean Anouilh avait en son temps modernisé la pièce classique de Sophocle, notamment en confrontant les humains à eux-mêmes et non plus aux dieux. Je m'attendais donc à un retour de la question religieuse avec le thème des attentats islamiques et une exploration de la révolte contemporaine dans ces conditions. Or cette aspect ne me semble pas traité dans le roman de Stefan Hertmans qui se concentre sur l'attachement indéfectible d'une sœur envers son frère et l'opposition implacable d'une justice sourde et administrative. Son Antigone m'a elle aussi touché par sa détermination viscérale et profondément humaine. Mais je n'ai rien découvert de nouveau dans ce court roman. Par ailleurs le style est déroutant. Ni vraiment du théâtre, ni tout à fait un récit, le style très travaillé exige des efforts de la part du lecteur au début pour s'habituer à cette langue qui tient parfois d'une poésie un peu surannée, parfois d'un langage oral presque enfantin. Pourtant dès le deuxième chapitre, cela fonctionne et je le suis trouvé happé par la quête de cette jeune femme pour retrouver la dépouille de son frère. Hélas, la froideur et la rigidité du système judiciaire est implacable et incompréhensible. Et je n'ai pas compris ce que la révolte de cette nouvelle Antigone pouvait m'apprendre sur notre époque contemporaine, hormis qu'à présent elle s'appelait Nouria et qu'elle ne se dressait plus face à un roi mais face à un policier un peu bonhomme, un peu incompétent et très dépassé du nom de Crénom. Néanmoins, l'auteur a une écriture qui a de la personnalité et qui a su m'emporter. Et le récit a soulevé en moi de nombreuses questions, restées sans réponses, ce qui est peut-être mieux : il y aura encore et toujours de bonnes raisons de remettre au goût du jour la figure d'Antigone.
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Antigone à Molenbeek

Nouria n'a d'Antigone que l'entêtement de donner une sépulture digne à son frère.

Ce petit frère terroriste responsable de plusieurs morts au nom d'un dieu qu'elle-même connaît à peine.

C'est ce petit frère qu'elle veut enterrer, pas l'homme qu'il est devenu et pour ça elle ira voler les restes de son corps s'il le faut.

C'est un prisme intéressant que celui de transposer l'histoire d'Antigone à celle d'une jeune fille d'aujourd'hui mais la forme brève lui enlève toute sa puissance.



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Antigone à Molenbeek

Antigone doit se retourner dans sa tombe... Elle était victime du "Fate", le destin et de la loi des hommes!

Antigone, pas cette fille là, une Nouria.



Cette Nouria revendique son passeport belge, crie et injurie. Elle veut les restes de son frère, un terroriste djihadiste.



"La musique d'un autoradio crève les tympans. Sourate 5 verset 32... Une fille passe dans la rue, tenue par des jeunes: "Ça, c'est une pute avec des jupes ras-le-bonbon... Des vieillards assis sur un banc, comme au bled, "qui sèment la haine dans le coeur des jeunes gens, pour qu'ils sacrifient leur jeunesse..."



Mais nulle part, personne ne parlera, dans le livre, des victimes du djihadiste qui s'est fait exploser! Ou même de la peur et du stress, parmi les éventuels témoins de l'attentat! Comme si "les autres" n'existaient pas...



Chacun est libre, encore chez nous de lire ou d'écrire... Mais, cette Nouria injurie les flics et un premier avocat, "il puait de la bouche", puis crache sur l'autre, une avocate (parce que c'est une femme?)..



L'Etat Islamique professe une culture de la Mort, avec ses actes de barbarie (viols, tueries, décapitations et crucifixions des ennemis...) Des actes loin de toute humanité. "Mais ils veulent être inhumés décemment, afin de devenir des martyrs au paradis"?
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Antigone à Molenbeek

Bon roman, poétique et pourtant très direct. Au fil de la lecture, on s'attache à cette Antigone moderne, mais on se retrouve quand même entre deux : le dilemme est de savoir qui a tort ou raison ; et la réponse est certainement ni l'un ni l'autre... L'auteur nous met face à ce duel dont personne ne sort vainqueur.
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Antigone à Molenbeek

Dans cette réécriture du mythe d’Antigone, Stefan Hertmans en fait une jeune femme de Molenbeek, commune de l’entité bruxelloise qui, malgré tous ses efforts, restera longtemps marquée comme une des bases arrière des attentats de Paris et de Bruxelles en 2015 et 2016. Le frère de Nouria a commis un attentat suicide et elle veut à tout prix l’enterrer dignement. Mais les autorités, en la personne de l’agent de police Crénom – tout un symbole, ce nom ! – refusent de remettre le corps du jeune homme. Comme Antigone, Nouria va s’opposer par tous les moyens à cette décision : d’abord par la négociation puis en tentant de voler le corps à l’IML. Brutalement arrêtée, elle va subir la prison et les rebuffades de tous, jusqu’à son avocate, résolument du côté du pouvoir.



S’il y a de nombreux points de ressemblance avec le mythe original, il y a pas mal de différences aussi : pas de soeur, pas de fiancé, et surtout cette revendication de Nouria qui peut heurter le lecteur. Réclamer le corps d’un terroriste pour l’enterrer dignement, est-ce acceptable ? Stefan Hertmans nous répond en partie en citant des statistiques officielles à la fin du livre mais son texte ciselé, fait pour être proclamé au théâtre ou tel un slam, nous laisse avec cette question. Il a le mérite de nous faire ressentir avec lucidité le sort réservé aux terroristes en prison : l’isolement complet, la lumière en permanence, la perte de repères. Et rien que pour cela – bien entendu, je ne cautionne en rien les actes terroristes – ce texte vaut la peine d’être lu.
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Armistice

A l'occasion du centenaire de l'armistice, Gallimard a proposé à différents écrivains un hommage aux poilus. Le résultat est sublime. Trente et un auteurs contemporains se livrent à l'exercice difficile. Daeninckx, Hatzfeld, Jourde, Moï, Rufin, pour n'en citer qu'une poignée ont accepté cette écriture mémoire.

Chaque texte est illustré par une peinture, une gravure, un dessin. C'est ainsi que j'ai découvert l'histoire de vie et les peintures de Rik Wouters.



Cet ouvrage collectif fait écho aux chefs d'œuvre qui ont eu pour sujet la 1ere guerre mondiale: Voyage au bout de nuit, Les sentiers de la gloire, Au revoir là haut, capitaine Conan...



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Comme au premier jour

Je me suis fait prendre à mon jeu de connaitre une œuvre dans son ensemble. Ici, l'auteur se cherche... en étant pompeux, à vouloir nous épater avec des phrases sophistiquées, compliquées à souhait au point d'y égarer son propos. De plus, il mélange des histoires pour les abandonner d'une page à l'autre. Mal m'en a pris de le lire jusqu'au bout, un vain effort ! Etonnement, quand il parle de sexe (et il y'a ici plusieurs passages), sa prose devient tout à fait compréhensible jusqu'à un fantasme final à mourir de rire... ou de tristesse !
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Comme au premier jour

(Traduit du néerlandais (Belgique) par Danielle Losman)



La quatrième de couverture de "Comme au premier jour" indique qu'il s'agit «d'un roman en récits». de fait, chaque "chapitre" représente une histoire qui peut être lue indépendamment, comme une nouvelle. Des détails épars, des indices comme ce mystérieux "fil d'argent", tracent entre eux une destinée unique répartie en trois étapes, celle d'un enfant entre jeux de guerre et idylle, celle d'un adolescent débridé parfois cruel et enfin celle d'une maturité perturbée et inquiétante, filant dans une spirale turpide. Parmi la diversité des récits (tonalités, noms,...), on garde l'impression d'un développement progressif focalisé sur le même personnage.



La presse belge francophone n'est pas très diserte à propos de Stefan Hertmans, particulièrement pour ce roman que le Gantois inclut dans un triptyque à côté de deux titres non traduits en français "Naar Merelbeke" ("Vers Merelbeke") et "Harder dan sneeuw" ("Plus dur que la neige").

[...]

L'auteur explique (dans un entretien pour Rekto:verso) que dans chaque ouvrage de la trilogie, est abordé le même questionnement en indiquant les résidus du sacré dans les comportements délictueux de gens qui vivent ce qu'il appelle une «déchristianisation» (ontkerstening). le roman, écrit à l'époque de l'affaire Dutroux, montre comment certains peuvent s'égarer dans leur désir obsessionnel de toucher la pureté.

[...]

La quête de l'Image sublime dans les passions humaines, initiée dès l'enfance, contribue ici aux catastrophes intimes et aux déviances de psychopathes.



Une oeuvre littéraire ambitieuse et, selon moi, remarquablement aboutie et loin d'être aussi sombre que la gravité du thème peut le laisser penser. Ceci malgré le développement un peu complaisant de la dernière scène pornographique en fin du livre. le premier texte "Paysage aux oiseaux" est un réel chef-d'oeuvre : "L'obscurité hurlait dans la lumière".



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Entre villes

Sous titré «Histoires en chemin», ces récits nous entraînent, avec l’auteur pour guide, dans des villes «qui appartiennent à tous dans la mesure où elles n’appartiennent à personne.»
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Guerre et Térébenthine

Guerre et térébenthine est un livre puissant qui nous attire comme un aimant sur le spectre du Temps.

Le titre du roman est un peu un clin d'œil à Guere et paix auquel on ne peut pas ne pas songer.

Stefan Hertmans par une écriture pleine de réminiscences nous plonge dans la vie de son grand-père, aimé et respecté de ses jeunes années.

A la fin de sa vie, son grand-père lui confie son journal qu'il a commencé à l'âge de 50 ans.

Pendant longtemps, ce journal est enfermé dans un tiroir, Stefan Hertmans n'a pas envie de s'y plonger ou n'est pas prêt à rendre le devoir de mémoire que son grand-père lui propose avec ses feuillets.

Toute la vie de son grand-père se résume dans un paradoxe qui fut une constante dans sa vie.

" Ce ballotement entre le militaire qu'il avait été et l'artiste qu'il aurait voulu être"

Ainsi, le titre du roman assez inédit prend toute sa dimension : la Guerre et la peinture ont été les maîtres mots de sa vie.

Le roman se présente comme un triptyque et cette évocation à la religion n'est pas anodine puisque son grand-père était un homme pieux .

La première partie évoque l'enfance et la jeunesse de son grand-père, à Gand, en pays flamand. Une vie pauvre, laborieuse où un enfant accumule des humiliations, un labeur hors de sa portée comme la fonderie où il y travaille durement.

C'est une dure jeunesse mais c'est un enfant aimé par sa mère et un père , peintre d'église auquel il s'identifie et sera certainement le fil rouge de son goût pour la peinture et l'art de peindre.

Le deuxième volet du roman est déchirant puisqu'il évoque la Grande Guerre, la guerre de 14 avec toutes les horreurs et abominations des tranchées.

Dans le dernier volet, Stefan Hertmans nous révèle le grand amour de son grand-père, comment cet amour l'a fait vivre tout au long d'une si longue vie.

Stefan Hertmans parcourt les lieux de la guerre aujourd'hui inconnus à l'histoire tragique de ce qu'ils ont vu. Il se réfère au concept du paysage coupable ? Où les bois trompeurs de Claude Lanzmann dans son film Shoah.

Les paysages ne retiennent rien de l'histoire, la boucle de l'Yser coule tranquillement et sans quelques plaques commémoratives, rien ne saurait dire ce qui fut.



Un livre fort qui m'a énormément touché.Si vous avez le temps, n'hésitez pas à aller écouter Stefan Hertmans parler de son livre lors d'une invitation à Montpellier.

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Guerre et Térébenthine

Par cette lecture, nous voici détenteurs d’une vie.



Stefan Hertmans, après lecture des carnets écrits par son grand-père maternel Adriaan, reconstitue le vécu, l’époque, les émotions, les douleurs de cet homme né à la fin du XIXème siècle et mort au XXème : deux époques, deux sociétés, deux mentalités.



Trois parties nous le restituent : la genèse, la guerre, l’après et son odeur de peinture.



Une histoire personnelle qui tend vers l’universel.



Au départ, un milieu pauvre, des travailleurs honnêtes, des humiliations de la part de bourgeois nantis et francophones.

L’épisode des pièces de monnaie lancées dans la soupe est d’une abjection totale.

Une lumière dans cette noirceur : une mère courageuse et aimante, un père jongleur de couleurs, restaurateur de fresques dans des lieux empreints de sérénité religieuse.

Cette religion qui soutiendra Adriaan tout au long de sa vie, une foi inébranlable que l’auteur ne pratiquera plus.

Évolution des regards, des enseignements et de la pensée, évolution flagrante entre l’époque dite « belle » à tort, une première et seconde guerre et la génération d’après 68.



La guerre de 14/18 : nous lisons l’horreur, nous découvrons l’enfer décrit dans ses détails par un homme fier, en éveil malgré les souffrances, les corps mutilés qui jonchent le sol, la malbouffe, le sommeil perturbé sur de la paille, les humiliations de la part des officiers francophones, la solidarité des soldats wallons, le refus de leur expliquer la motivation ou la nécessité des actes demandés.



Les exactions, les ruines, le ciel de Flandre brouillé par les tirs, les manipulations de l’ennemi, on n’arrête pas d’en apprendre sur la boucherie commise en cette 1ère guerre…

Mais comme l’écrit Stefan Hertmans, après avoir parcouru les lieux : « un lieu vide de sens » s’étale sous ses yeux, la contemporéanité a tout recouvert. L’oubli s’est installé.

Un tel livre est donc nécessaire pour que survivent en nous ces hommes qui ont perdu leur santé, leurs espoirs, leur vie par la faute de la folie humaine.

Cette guerre qui fit perdre les dernières illusions « chevaleresques » (si tant est que cela s’accepte) du militaire devant la déviance et l’irrespect sans nom de l’ennemi.



Puis il y a l’émouvant amour brisé dans sa pureté et dans son espérance, l’hommage qui perdure (une peinture, un prénom…).

L’affection pour l’épouse dévouée, un couple qui se respecte au-delà de toute sensualité.

Et cette main qui tient le pinceau, copie avec talent, bouscule étonnament les couleurs, s’est abreuvée aux enseignements de son père, aux livres, à la musique, à l’observation des toiles de maître, une main qui dit et retient, comme dans la vie, avec cette pudeur de l’époque.



Le séjour en convalescence en Angleterre pendant la guerre permettra une découverte extraordinaire et combien percutante.

Adulte, le petit-fils comprendra beaucoup de choses, en devinera les non-dits.

Un jouet fabriqué par son grand-père avouera son secret dans les lettres et chiffres gravés et se dévoilera à l’homme adulte. Une admiration pour un aviateur, un lieu où son avion s’abattit, un lieu où Adriann découvrit la beauté féminine, une rencontre, un éveil.



Au-delà de la pauvreté du départ et de la monstruosité de la guerre, il ressort un amour inaltérable entre grand-père et petit-fils.



Stefan Hertmans lui rend un hommage et par là même hommage à tous ces grands-pères ou arrière-grand-pères qui ont connu le même enfer.



Un livre témoignage écrasant et magistral.

Un homme, une guerre, de la térébenthine.

La vie, l’horreur, l’art.

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Guerre et Térébenthine

Avec cet ouvrage l'auteur rend un bien bel hommage à son grand-père qui fut le héros de son enfance. Urbain Martien (prononcer Martine, c'est la version flamande de Martin) a écrit au soir de sa vie ses mémoires et notamment son engagement comme soldat lors de la première guerre mondiale. Il les lègue à son petit-fils qui tarde longtemps à s'y plonger, convaincu qu'il y a là matière à un livre. L'approche du centenaire de 1914-1918 a poussé Stefan Hertmans à agir. De longs passages des carnets du grand-père sur la guerre (ou la totalité ?) forment le coeur de cet ouvrage, complétés par les souvenirs de l'auteur ou de proches.



Nous découvrons une enfance dans une famille pauvre de Gand. Le travail à 14 ans dans une fonderie, pénible et dangereux mais enfance plutôt heureuse néanmoins grâce à l'amour des parents pour leurs enfants et l'un pour l'autre. Le père, trop tôt disparu, est peintre d'églises, il restaure des fresques et Urbain qui l'admire souhaite aussi se mettre à la peinture.



Pour sortir de sa condition, cependant, il s'inscrit à une formation militaire ce qui lui vaut d'être sous-officier quand la guerre éclate. Son récit le montre en combattant courageux et soucieux de la vie de ses hommes. Mais les officiers, eux, sont wallons et francophones et n'ont, bien souvent, que mépris pour la piétaille flamande. Les combats sont d'une grande violence. La description des tranchées de Flandre me fait penser à ce que j'ai lu dans Le soleil de Breda. On est revenu trois siècles en arrière. C'est intéressant d'avoir cette vision extra-française du conflit. Je vois quand même que ces souvenirs sont retravaillés. Urbain écrit plus de 50 ans après les faits et les événements sont souvent présentés de façon très romanesque. Pour moi cela contribue aussi au charme de la lecture.



L'histoire d'Urbain Martien c'est aussi un terrible chagrin d'amour que nous découvrons petit à petit dans la troisième partie qui raconte sa vie après la guerre. La foi catholique, qui imprègne toute son existence, la peinture, vont lui permettre de survivre.



J'ai beaucoup apprécié cet ouvrage. Je l'ai débuté dans une période de forte charge de travail et j'ai eu un peu de mal à entrer dans le livre du fait d'une lecture trop hachée. Mais une fois que j'ai pu dégager du temps pour m'y consacrer, j'ai été convaincue. C'est bien écrit et émouvant.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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Guerre et Térébenthine

A partir des mémoires que celui-ci lui a léguées, Stefan Hertmans raconte la vie de son grand-père, un homme pieux au point d'en être puritain, d'une grande sensibilité artistique, mélomane, et qui a appris à peindre en autodidacte alors qu'il travaillait tout jeune dans une fonderie. Après la mort de son père, la guerre de 14, où il défendait consciencieusement l'honneur de la patrie, tout en en voyant l'absurdité, où il fut blessé 3 fois, fut la deuxième grande épreuve de sa vie, vite suivie par le décès de son amour de toute une vie par la grippe espagnole.



Cet homme, quoique fondamentalement conformiste, reste néanmoins très attachant. Ou bien est-ce l'amour de son petit-fils qui le rend attachant ? Toujours est-il que l'essentiel du livre a beaucoup de charme, même si les années de guerre, où l'auteur fait raconter son grand-père à la première personne, sont, curieusement, plutôt ennuyeuses.



Lecture qui n'a pas déclenché mon enthousiasme mais cependant plutôt agréable.
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Guerre et Térébenthine

Après une première partie où l'auteur raconte surtout sa relation à son grand-père, sa culpabilité de l'avoir déçu, plusieurs fois, involontairement, par méconnaissance, quand il était enfant, j'ai commencé seulement à vraiment apprécier ce livre de Stefan Hertmans dans la deuxième partie. La guerre de 14-18 va alors commencer.

À partir de là, c'est le grand-père qui s'exprime. Et très vite le lecteur est plongé dans toute l'absurdité et la monstruosité de la guerre. Son témoignage est bouleversant. Son récit captivant.

Je suis content d'avoir poursuivi ma lecture au-delà de la première partie, qui m'a beaucoup appris sur l'enfance de ce grand-père peintre, mais où les réflexions de l'auteur prenaient, à mon goût, trop de place. Par contre, le témoignage du grand-père sur sa vie durant la première guerre mondiale m'a passionné, aussi bien quand il est sur le front qu'à l'arrière, en convalescence.
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Guerre et Térébenthine

L'auteur nous emmène à la découverte de son grand-père Martien. On découvre sa ville, Gand à la fin du XIXe siècle, vieille ville flamande, avec sa bourgeoisie francophone, ses ouvriers car l'industrie se développe. Martien naît dans un milieu petit-bourgeois, son père est peintre d'église, un homme asthmatique et rêveur. Le jeune Martien travaille à la forge mais il veut peindre et apprend en autodidacte. Vient août 1914 et la guerre (deuxième partie du triptyque romanesque), et là le récit de guerre est à la première personne, les combats de la petite armée belge contre l'adversaire allemand sans pitié, l'héroïsme chevaleresque balayé par les mitrailleuses, Martien est blessé plusieurs fois sur le front de l'Yser où l'armée belge décimée en août 1914 s'est retranchée. La troisième partie évoque le retour, l'amour trouvé puis fauché par la grippe espagnole, encore une épreuve à laquelle Martien survit grâce à la peinture, même s'il connaît des périodes sombres. Ma belgitude a été sensible à ce roman où le terreau du mouvement flamand est évoqué : une domination culturelle francophone mal vécue, le mépris des officiers francophones pour les soldats flamands sur le front, le pacifisme flamand né de cette boucherie qui aboutit au pèlerinage de l'Yser dans l'entre-deux-guerres auquel Martien participe...Même si on oublie ici que le soldat francophone qui s'exprimait dans son patois wallon devait connaître le même sentiment d'humiliation linguistique de la part de l'officier issu de la bourgeoisie, même si la langue flamande a gagné ses lettres de noblesse, et ce roman en est une nouvelle preuve, et même si la Flandre est aujourd'hui une des régions les plus prospères d'Europe, le ressentiment est profond et le compromis difficile entre francophones et néerlandophones reste au cœur de la politique belge...Bel hommage en tout cas rendu à Martien qui se prononce "Martine", artiste sensible et soldat courageux.

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