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Citations de Stefan Platteau (76)


[incipit]
Le dit de Fintan Calathyn – 1

Seizième nuit

Lichen, humus et bois mort.
J’en ai plein le ventre, les chausses et les genoux. Collés à ma peau, incrustés dans mes pores. Écrasés dans mes fibres.
La pluie d’hiver a lessivé la terre. Le tapis forestier sous mes coudes exhale sa pourriture d’écorce et d’aiguilles ; la mousse regorge d’une humidité froide qui se faufile sous ma chemise lorsque je me presse contre elle, en amant appliqué.
Nous rampons.
Moi et mes deux compagnons de raid, nous tortillons des reins pour nous fondre dans les racines du Vyanthryr. Nous nous faisons plus plats que couleuvres ; à force nous finirons par devenir limon.
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Et pourtant la clarté du jour s'étiole à toute allure, présage funeste.
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Elle lui adresse un de ses regards évanescents, l'ironie aux commissures des lèvres.
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"Oh grands cieux ! " murmure Cwail.
Des oiseaux. Toutes sortes d'oiseaux collés aux troncs, englués dans la sève, de toutes leurs plumes. Occupés à crever. Qui descendent avec lenteur, entraînés par leur propre poids, vers l'eau noire croupie entre les racines. Les plus gros sont les plus rapides à sombrer : des canards sauvages, des grèbes, dont la lente glissade est perceptible à l’œil nu ; et même une grande bernache dont les ailes se débattent lentement, épuisées par l'effort. Et puis les petits, les légers : grives, bruants, moucherolles et gros-becs, suspendus, presque immobiles, dans leur épaisse goûte d'ambre. Ceux-là mettront des heures pour atteindre les racines. Les mammifères ne sont pas en reste : figés en larmes de résine, des chauve-souris, un lérot, et même deux écureuils roux.
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- Dis-moi, Fintan... au cours de vos longues conversations, t'a-t-il révélé une seule chose qui nous permette de le jauger ? (Capitaine Rana)
Je suis bien forcé de baisser pavillon.
J'ai mille répliques à fleur des dents. Je meurs d'envie de lui clamer quelle chance prodigieuse c'est, de pouvoir converser avec un tel être, de l'entendre parler de la fabuleuse ardeur tapie en lui, de la fantastique silhouette de son géniteur aperçue entre les arbres, et de ce que c'est que de devenir le gibier d'un nendou. Rarement, on a l'opportunité de toucher d'aussi près les rémanences de l'ancien monde, de le savoir aussi vivant.
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C'est un bonhomme plein de surprises, Varagwynn. Tou en l'écoutant, je l'observe du coin de l'oeil. Comme il a l'air tourmenté ce soir ! Tout son corps est tende, contracté, voûté. Or, ce n'est pas un menu corps que celui-là : Varagwynn le long, une arche humaine qui s'élance vers le ciel, se courbe et puis retombe, vaincue par la pesanteur - à vous fendre l'âme, un tel élan brisé !
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Car le bâtard de Marmach, il le ressentait aujourd'hui plus que jamais, ignorait tout de son père naturel. Etait-ce un fauve, un prédateur ? Un être mystique, qui contemple en rêvant la voûte du ciel ? Un survivant, un être farouche, un forestier furtif ? Etait-il un père enfin, fier de sa progéniture ?
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Fourbe est le vieux fleuve, et fol qui prétend lire le cours de ses eaux. Allez savoir quelle surprise il nous couve encore...
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Ainsi débute mon chant : par l'éveil du fleuve à la fissure de l'hiver. Des morceaux de glace se détachent de ses berges, ses flots se gonflent du produit de la fonte, sa panse s'arrondit et devient navigable. Et, tandis qu'il chevauche le Nord, la forêt tout entière reprend vie. Des ombres muettes se préparent à ranimer leurs vieilles chasses, les esprits prisonniers de la terre gelée s'en échappent en sifflant pour sinuer le long des racines.
Puis, un certain jour de printemps, le Vieux fleuve s'avise de nous offrir un présent.
Aux premières brumes matinales, il charrie dans ses doigts glacés un homme aux jambes brisées qui dérive, fiévreux, sur un entrelacs de branches au milieu du courant.
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Je laisse aller mon corps autour de l’instrument. Les boyaux vibrent, éveillent le bois. La coque renflée me creuse le ventre. Les astres immortels s’éveillent dans ma poitrine, les saisons courent sur mon front, et d’invisibles cerfs galopent sur les mèches de mes cheveux.
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Des huit grandes planètes, les astres majeurs, Vâli est sans conteste la plus étrange. Les meilleurs astronomes peinent à prévoir son mouvement céleste. Discrète, elle affectionne le crépuscule et l'aurore, mais décrit dans le ciel des ellipses inconstantes. Insaisissable par nature, toujours mouvante, elle détient les clés du voyage.
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Les Chants primordiaux, c'est l'or mystique des bardes : nous passons la moitié de nos vies à les rechercher, et l'autre moitié à les maîtriser. Ils sont les poèmes originels, les tout premiers qui furent faits par le verbe et la note, quand l'homme n'était encore qu'une bête balbutiante. Ils narrent les primes aurores du monde, l'émergence des forces élémentaires, et ces temps mythiques où les planètes emplissaient le ciel de leurs orbes gigantesques. Le Chant de l'océan. Le Chant du feu. Les Séries de la lune. La Geste des bêtes et celle de la Naissance du fer. Ils n'ont pas changé d'un seul soupir depuis des siècles, sans doute des millénaires.
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Peyr lui a dit un jour: "La lumière des étoiles est une chose vivante, Aube, comme l'air, le feu ou les créatures animées d'un souffle. Lorsqu'elle tombe sur nous, quand pleuvent sur nos demeures ses esprits chatoyants, elle éveille d'anciennes, de très anciennes choses dans l'âme humaine."
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Croque, craque, mords et ronge !
Griffes d'ébène et crocs de fer,
Parfum de tombe et patte en pierre,
A l'heure où les ombres s'allongent.

Souffle, racle, grogne et gronde !
Gueule saisit, mâchoire enserre,
S'offre la chair au croque-cerf
La mort qui rôde dessous l'onde.

Je plie bliaux sur mes genoux
J'incline front, et ploie le cou
Pour saluer comme il se doit
L'ourse seigneur de ce bois.
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Les premiers temps de l'absence sont plus faciles à supporter qu'elle l'aurait cru. On s'habitue, sans doute, à l'intermittence du bonheur, comme on s'habitue à la succession des saisons.
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Il me reste à chanter les Rois. Les géants de la troisième génération, qui s'élevèrent si haut que les vents se déroutèrent, que des empires d'oiseaux se bâtirent, et que l'on crut toucher les Astres. A ces mots, la forêt se rengorge ; elle s'enivre de sa propre majesté. Je sais alors que j'ai gagné son cœur. Mon conte a flatté l'auditoire ; le barde peut exiger sa récompense. Point de banquet ni de vins fins ; ni de riches présents ni de soie douce. Ce que désire le conteur, en ce moment, c'est la force des branches et la vigueur des racines, c'est le piquant des épines et le bouclier de l'écorce.
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Espèce de vicieux petit conteur de vents, tu nous as bien couillonnés ! ... voilà depuis la brune que tu nous enberlues dans tes méandres de récit, en téarrangeant pour laisser croire que tu nous mèneras à bon port... comment t'as réussi ce tour-là, je m'en étonne encore ! ... on aurait dû protester au moins quinze fois ! T'envoyer nos écuelles à la face, te houspiller de mie molle et de vin ! L'aube arrive, et nous n'avons toujours pas parlé des vraies questions ! Nous t'avons laissé divaguer tout ton saoul, au point que maintenant te voilà Moine ! Alors que c'est tout crevant sur le fleuve que nous te voulons narré !
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Eh quoi, graine de feu, quand donc t'arrêteras-tu ? Veux-tu couvrir le monde de tes châteaux de planchettes ? A mon avis, mieux vaut contruire une seule chose et la retravailler encore et toujours, jusqu'à la rendre parfaite : c'est cela qui enivre l'âme, et non les grandes conquêtes.
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La lumière des étoiles est une chose vivante, comme l'air, le feu ou les créatures animées d'un souffle. Lorsqu'elle tombe sur nous, quand pleuvent sur nos demeures ses esprits chatoyants, elle éveille d'anciennes, de très anciennes choses dans l'âme humaine.
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Il suffit qu'un seul ogre s'en vienne pour que tous les pères cessent aussitôt d'être des valeurs sûres. L'ombre qui protège devient celle qui menace, la terre se délite sous les pieds de quelques pauvres gosses, et leurs racines les tirent au-dedans pour les étouffer. Alors tous les autres mômes lèvent vers l'auteur de leur jour des regards soupçonneux, hantés par une seule et même angoisse : Et le mien ? Est-ce qu'il choisira un jour de me croquer ?
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