Citations de Stéphane Jougla (30)
Mais il ne parvint pas à jeter le bouquet de l'année dernière qui avait séché dans le vase d'opaline céladon, où Gabrielle l'installait toujours - "avec très peu d'eau," précisait-elle. Il y enfonça les nouvelles tiges. Le vieux bouquet se transforma alors en un animal échevelé, fantastique, un peu fou : une Chimère que Gabrielle eût aimée.
( un bouquet fait de fleurs d'hortensia cueillies à l'automne)
Très vite, en quelques pages à peine, il atteignit cet au-delà de la lecture où la distance entre un livre et son lecteur n’existe plus : la frontière entre réel et fiction disparaît, imaginaire et réalité se confondent.
L'appartement devint alors une véritable machine à ressentir : un lieu de sensualité permanente, où les mouvements inconscients de Martin s'accomplissaient à loisir, sans rencontrer aucun obstacle. matin et soir, il lui suffisait de passer de pièce en pièce pour constater que les jeux de la mémoire et de l'amour s'y poursuivaient librement." (p 37)
Le monde de maman est un monde où la contradiction n’existe pas. La contradiction n’est pas tolérée en tant que telle, mais employée d’abondance pour ses qualités propres.
Les morts pensent, parlent et agissent; mais il faut les entendre. Tout cela est en nous, tout cela est bien vivant en nous. Aussi cela est plein de sens de se demander ce que morts veulent. Et regardez bien, écoutez bien; les morts veulent vivre; ils veulent vivre: en nous.
Il vivait - ou plutôt survivait - entre hier et aujourd'hui, le temps de l'amour et le temps de la mort, sans parvenir à couper leurs derniers ponts...
Dans la vie de Gabrielle, il y avait Martin, ses parents, ses élèves, sa bibliothèque, son jardin et ses amis des deux genres.
Dans la vie de Martin, il y avait Gabrielle.
Les plantes sont des mots et les livres de petits jardins, prétendait Gabrielle.
Après l'incinération, tous se retrouvèrent dans le jardin, où un buffet fut dressé. Yves avait apporté une caisse de saint-estephe, le vin préféré de sa fille, et Blanche préparé son dessert favori :une tarte au citron meringuée.
Pour Martin, l'absurdité de toutes ces attentions le disputait à leur perversité- Gabrielle étant bien la seule ce jour là, à ne pas pouvoir en profiter.
Les anémones n'ont aucun parfum mon amour, ou alors si léger que seul un vrai jardinier pourrait le percevoir. Mais tu n'es pas un vrai jardinier. Observe plutôt la pureté de ces fleurs : on croirait des étoiles descendues trop bas, trop près de la terre, et qui flottent, indécises, juste au-dessus du sol comme si elles ne se résignaient ni à tomber, ni à remonter au firmament...
Les morts ne sont pas des marionnettes que l'on peut agiter pour tromper son chagrin.
Les miroirs devraient réfléchir avant de nous renvoyer notre image.
Gabrielle distinguait ses amis en deux catégories : ceux des livres, qu’elle voyait à la bibliothèque ou au lycée, et ceux des plantes, qu’elle rencontrait chez les pépiniéristes ou dans les foires aux plantes de la région. Martin les confondait tous – vieilles dames amoureuses de Marcel Proust ou des fougères arborescentes, créateurs de jardins feng shui ou poètes du dimanche, fleuristes aux mains calleuses, botanistes pensifs…
Elle semblait toujours un peu ailleurs.
_ A quoi tu penses ?
_ Je me concentre
_ Tu as plutôt l'air distraite
_ Précisément : je me concentre sur ma distraction, s'amusait-elle.
que je le mérite ou pas, c'était fatal, papa allait me tuer.
L'appartement était ainsi balisé d'empreintes et de signaux minuscules, déclencheurs de souvenirs au moindre effleurement, qu'il fût visuel, tactile, olfactif, voire auditif. Un geste aussi anodin que refermer un livre laissé ouvert par Gabrielle risquait d'engloutir à jamais une fragile image d'elle. Martin voulait tout laisser en l'état.
Les plantes sont des mots et les livres de petits jardins, prétendait Gabrielle. Martin préférait observer le vrai jardin de ses fenêtres.
Ainsi, Martin était en panne. En tant qu'être humain, non en tant qu'être social - de côté-là, pour le moment, tout allait bien [...]
Il vivait - ou plutôt il survivait - entre hier et aujourd'hui, le temps de l'amour et le temps de la mort, sans parvenir à couper leurs derniers ponts....
Très vite, en quelques pages à peine, il atteignit cet au-delà de la lecture où la distance entre un livre et son lecteur n'existe plus : la frontière entre réel et fiction disparaît, imaginaire et réalité se confondent.