Citations de Stéphanie Kalfon (118)
Les enfants sont des frontières, dit-on, ils nous apprennent où sont nos limites, ils sont nos ombres portées mais porte aussi nos ombres.
Sa détermination me bouleverse, je suis impressionnée, fière. Des fois, je regretterais presque de ne pas être sa mère. J'aurais bien aimé avoir une fille comme elle.
J'ai cru que c'était le noir qui avait englouti ma fille, mais cette nuit avait eu lieu en moi. Mon cœur était juste, mais mon cerveau avait faux.
La folie n'est pas du côté de l'extravagance, elle est du côté de la normalité.
On n’envie jamais les gens tristes. On les remarque. On s’assied loin, ravis de mesurer les kilomètres d’immunité qui nous tiennent à l’abri les uns des autres. Les gens tristes sourient souvent, possible oui, possible. Ils portent en eux une musique inutile. Et leur silence vous frôle comme un rire qui s’éloigne. Les gens tristes passent. Pudiques. S’en vont, reviennent. Ils se forcent à sortir, discrets faiseurs d’été… Partout c’est l’hiver. Ils ne s’apitoient pas : ils s’absentent. (…) Ils savent quoi dire sans déranger. C’est tout un art de marquer les mémoires d’une encre effaçable…
Il est un continent sans passeport valide. Il est sans barrière, sans limite. Il invente donc un style vertigineux, en supprimant les barres de mesure. C’est cela, le style Satie.
Mes soupirs lui disent qu'elle n'est pas à la hauteur, qu'elle n'est jamais suffisante pour garder sa place. Ainsi, elle se retrouve ex æquo avec l'echec: incapable de me consoler et responsable de mon chagrin. Alors elle trimballe son impuissance, ce fardeau ne la quitte plus et lui voûte le dos.
Quand quelqu'un meurt brutalement, c'est sans dire au revoir. Nous les vivants, courons alors vers un adieu imprononcé et bégayons, bredouilles devant la parole. Nous échouons abandonnés au milieu d'une phrase sans suite, derrière un verbe interrompu, un "à bientôt" qui s'éloigne lentement du domaine des mots. Il n'est plus possible de se tenir amoureusement la main encore une fois, ni d'aller se balader dans ce jardin qu'on s'était promis de visiter en automne. Le monde, sans la présence du défunt, est un peu plus froid. Glacial même. Le réel devient une immobilité dangereuse. Inhabitable. Et l'ordinaire recouvre les choses comme une poussière épaisse les meubles d'une vieille baraque taboue.
Je n'aime pas marcher dans le vent. Il kidnappe les sons et les rythmes. Il écrase tout. Quand il souffle il nous rend sourd. il faut alors se débrouiller seul avec ce que l'on voit d'immense et de trop lourd. Le monde est une partition sans tenue. La vie aussi. Elle peut tomber des mains.
Dès qu’il a un sou en poche, c’est pour acheter un parapluie :
un de Secours ( de couleur noire)
un « Just in case » (de couleur noire)
un Malheureux (de couleur noire)
un plus Solide ( de couleur noire)
un qui s’Envole (de couleur noire)
un Jetable (de couleur noire)
un très Digne (de couleur noire)
un imperméable (de couleur noire)
un que l’on peut Casser (de couleur noire)
un qui nous Attend (de couleur noire)
un très Intimidant (de couleur noire)
Un Alambiqué (de couleur noire)
un très Sportif qui défend bien ( de couleur noire)
et le dernier, gentil juste pour les Dimanches (de couleur noire).
Tous peuvent se porter été comme hiver. Ils sont pratiqués, indémodables, discrets et très patients. Absolument noir. Ils sont au nombre de quatorze, mais ils n’empêchent pas de se sentir seul. Ils permettent de se sentir abrités . Surtout quand il ne pleut pas.
La folie n'est pas du côté de l'extravagance, elle est du côté de la normalité. C'est bien la normalité qui est pure folie, la validation de la comédie sociale par ceux qui la jouent.
Si bien que pour l’enfant à présent je ne suis plus seulement sa mère, je suis devenue l’aînée de ses soucis.
Un homme libre et musical, né pour créer et non pour vivre.
On n’envie jamais les gens tristes. On les remarque. On s’assied loin, ravi de mesurer les kilomètres d’immunité qui nous tiennent à l’abri les uns des autres. Les gens tristes sourient souvent, possible oui, possible. Ils portent en eux une musique inutile. Et leur silence. Vous frôle comme un rire qui s’éloigne. Les gens tristes passent. Pudiques. S’en vont, reviennent. Ils se forcent à sortir, discrets faiseurs d’été… Partout, c’est l’hiver. Ils ne s’apitoient pas : ils s’absentent. Ils disparaissent poliment de la vue.
Je la connais sans faute et les yeux fermés. Je discerne ses rythmes et ses ombres, ses silences, ses absences, ses omissions, je peux l'authentifier, mais pas ce matin. Telle qu'elle est revenue, ça me saute aux yeux, je ne vois que cela, les erreurs du copiste.
Depuis l'anniversaire de ma fille, je vis dans un cauchemar sans fenêtre et j'aimerais que quelqu'un m'aide à en sortir.
L'exercice de l'art nous convie à vivre dans un renoncement absolu, dit-il, c'est ainsi que je pris goût pour la misanthropie, que je cultivai l'hypocondrie, et que je fus le plus mélancolique des humains.
Il y a une couleur Satie. Le gris. Et un mystère Satie : sa chambre finale a Arcueil. Un lieu apocalyptique, comme l’envers de sa vie. Un lieu pour soi, a soi, qui nous dit l'état de son âme. Et qui a fait sa légende. Lorsque ses amis ont ouvert la porte de cette chambre le jour de sa mort, ils ne s’en sont pas remis. Ils ont manqué d’air. Là-dedans c'était Le vrac a l'état pur. Le chaos. Les coulisses d’un homme libre et musical. Né pour créer et non pour vivre.
Le photographe avait repéré qu'Erik n'écoutait pas la musique, il la peignait, il la photographiait, il l'observait.
Son embarcation à lui, c'est le bout de ses mains. Tout ce qu'elles peuvent dire sans un mot, à leur façon. D'une manière si inimitable qu'elle retient l'oreille de l'Assemblée, elle étonne. Voici sa note : l'élève Satie " a de la grâce et quelle beauté du son !". Mais malheureusement, il reste hors sujet.