Jess se demanda qui était l’heureuse élue. Elle avait le pressentiment que Ben invitait peut-être quelqu’un qui n’allait pas au même lycée qu’eux. Il y avait tant de filles à Ashcroft qui soupiraient après lui que c’en était presque devenu une option au bac. Jess avait réussi l’épreuve en beauté : elle l’avait idolâtré pendant au moins six mois, avant de se rendre compte que c’était plutôt Fred son genre de garçon, même s’il se montrait souvent horripilant.
L’espace d’un instant, elle se demanda si le chèque en question était bien en sécurité avec les autres dans la boîte en plastique au fond de son armoire (ou peut-être était-ce une épaisse enveloppe sous son lit ?). Il fallait que Fred et elle fassent l’effort d’ouvrir un vrai compte en banque pour l’événement. Le double billet était à soixante-quinze livres, ça faisait des gros sous (de l’avis de Jess).
Jess sentit poindre la panique : tous les bénéfices récoltés seraient versés à l’organisation caritative, donc il était encore plus indispensable de mettre au clair ces histoires de sous. Elle se souvint soudain avoir mis de l’argent dans sa commode, aussi. Dans une chaussette peut-être.
Jess avait fait l’erreur de débouler dans la chambre de sa mère sans frapper. Elle était assise sur son lit avec son ordinateur sur les genoux, et en voyant Jess, elle le referma brusquement d’un air paniqué, comme si elle avait été prise la main dans le sac.
Jess se jeta sur cette information. Elle pouvait gâcher le secret ! Que pouvait-elle gâcher ? À vrai dire, presque tout. La croisière autour du monde venait en tête de liste. Qu’avait-elle récemment gâché ? Oh misère, cette poêle antiadhésive ! En la raclant avec une cuillère en métal.
Sa mère avait du passif, en matière d’hommes-objets. Il y avait eu son élève japonais aux chaussures brillantes, M. Nishizawa. Jess frémit en repensant à cette regrettable idylle, et plus particulièrement à la fois où il était sorti à l’arrière du jardin pile au moment où Jess, prise d’une envie pressante, avait été contrainte de faire pipi derrière un buisson.
Ils courent autours de moi en criant les pires gros mots qui leur viennent à l'esprit. Et dans un coin secret de mon cerveau, je leur renvoie mes pires gros mots, moi aussi. Jamais je ne ferai d'enfants. Ca sert à rien, ces machins-là.