Susin Nielsen

Tout [...] est très flou. Mais c'est la vie, je suppose. On ne peut pas la réécrire. On ne peut pas défaire ce qui est fait, ni contrôler ce qui viendra ensuite.
Tout ce qu'on peut faire, c'est espérer que ça se passera bien.

Chez nous , on a pas d'argent mais on a de l'amour .

Je comprends pourquoi Winnie croit en Dieu. Je pige pourquoi Dylan croit en Bernard. Je vois bien pourquoi je voulais croire en Mel. Cela peut donner du réconfort, de sentir qu'un être mystérieux veille sur nous.
Mais désormais, j'apprends à croire en quelque chose de nouveau. Quelque chose en quoi ma mère a cessé de croire il y a longtemps.
Les autres. (p.226-227)

Cela faisait longtemps - mais alors vraiment très longtemps - que je n'étais pas allé chez un copain, vu que dans mes deux dernières écoles il m'avait manqué l'ingrédient principal pour cela (à savoir : des copains). (p.52)

En bref, le Combi Westfalia est un pur chef-d'oeuvre. (p.25)

- Cinquante pour cent suédois, vingt-cinq pour cent haïtien, vingt-cinq pour cent français, ai-je répondu. Tu additionnes le tout, et ça donne cent pour cent canadien. (p.16)

Mais c'est la vie, je suppose. On ne peut pas la récrire. On ne peut pas défaire ce qui est fait, ni contrôler ce qui viendra ensuite. Tout ce qu'on peut faire, c'est espérer que ça se passera bien.

Chaque fois qu'elle se penchait (elle a recommencé trois fois avant de finir par s'asseoir), elle exhibait un tatouage au sommet de son derrière clamant "À l'onbre de l'enge".
Elle fait bien de garder son ange à l'ombre, en effet.

Pour ce qui est de mon objectif numéro sept, sans
surprise, ça a été un Échec Monumental. Je n’aurai ja-
mais de Relation Amoureuse Mutuellement Respectueuse
(Moums©) avant la fin du secondaire. Kertz prend tous
les moyens pour s’en assurer. Les filles de mon école me
regardent avec méfiance, prudence ou, dans le meilleur
des cas, sympathie. Parfois avec un mélange des trois.

Mamou aime répéter :
— Le temps guérit tout. Et la toux guérit tout le temps.
J’aime Mamou de tout mon cœur, mais certaines de
ses blagues sont vraiment nulles.
Après la suspension de Tyler Kertz, nous avons eu un
de nos Conseils de Famille. Mamou a dit :
— On pense que tu devrais essayer de tenir le coup
un certain temps. Tu ne peux pas fuir tes problèmes, ils te
rattraperont toujours.
Mom a voulu dire quelque chose, mais Mamou lui a
serré la main très fort. J’avais la nette impression qu’elles
divergeaient d’opinion, mais qu’elles avaient convenu de
faire front commun.
— Un mois seulement, pinotte, a dit Mom. Si la situa-
tion ne s’améliore pas d’ici là, on va te sortir de cette école.
À l’entendre, on aurait cru qu’elle parlait d’une éva-
sion de prison.

LETTRE POUR LA CAPSULE TEMPORELLE DE LA PROMOTION 2025
NOM : Wilbur Torres-Bitzer
ÂGE : 11 ans et ¾
DÉCRIS-TOI TEL QUE TU ES AUJOURD’HUI
Je mesure 1,62 mètre. Farah, une copine de Vancouver, qui
faisait elle aussi l’école à la maison, m’a dit que je pourrais
jouer le rôle de Marty Feldman adolescent si jamais quelqu’un
tournait un film sur sa vie. J’ai cru que c’était un compliment
jusqu’à ce que je voie cet acteur anglais aux yeux exorbités
dans le film Frankenstein Junior. Farah m’a aussi surnommé
« Lardon » parce que a) je suis grassouillet et b) je pleure
souvent. Les Moums me répètent sans cesse a) que c’est du
gras de bébé et que j’aurai une poussée de croissance bientôt
et b) qu’il ne faut pas avoir honte de pleurer parce que le
monde a besoin de plus d’hommes sensibles. Elles me disent
aussi tout le temps que je vais finir par m’épanouir. J’espère de
tout cœur qu’elles ont raison.
J’espère aussi que, si je grandis, Camille va grandir avec
moi, parce que, pour le moment, elle n’est pas plus grosse
qu’un têtard. Et j’espère apprendre à mieux la contrôler, car,
récemment, elle s’est mise à se redresser sans aucune raison
à des moments gênants. Comme en cet instant même. Je suis
obligé de la cacher en posant un manuel sur mes cuisses.
Qu’est-ce que je pourrais bien dire de plus sur moi ? Je
veux être écrivain, plus tard. J’écris énormément !! Surtout des
nouvelles sur les dinosaures et l’espace. Je peux vraiment me
perdre dans mes mondes imaginaires, ce qui est une bonne
chose parce qu’on vient de s’installer à Toronto, il y a à peine
un mois, et j’ai un total de zéro ami ! Je meurs d’envie d’avoir
un animal de compagnie, mais les Moums me demandent
d’attendre. J’avais un chat appelé Snickerdoodle à Vancouver.
Un jour, il n’est pas rentré à la maison et les Moums m’ont dit
qu’il avait peut-être trouvé une autre famille.
Farah, elle, prétend qu’il a été bouffé par un coyote.

LES OBJECTIFS QUE TU AIMERAIS
AVOIR ATTEINTS À LA FIN DU SECONDAIRE
1) Je voudrais grandir.
2) Je voudrais que Camille grandisse.
3) J’aimerais apprendre à contrôler Camille.
4) J’aimerais pleurer moins souvent ! C’est peut-être une bonne
chose que les hommes expriment leurs émotions, mais si je
pleure encore une fois en regardant l’annonce de la SPCA contre
la cruauté envers les animaux, je vais me donner une bonne
claque en pleine face. J’ai la larme à l’œil juste à y penser.
5) J’aimerais me faire des amis ! Je n’en avais pas beaucoup
à Vancouver, à part Stewart Inkster, Farah et quelques autres
enfants qui faisaient l’école à la maison. Les Moums me disent
sans cesse qu’elles sont mes amies, mais je ne suis pas sûr
que ça compte, puisqu’elles sont aussi mes mères.
6) J’aimerais que mes textes soient publiés ! Je sais que c’est
peu probable avant la fin du secondaire, et je sais que tous
les artistes essuient des refus, mais comme Mamou me dit :
« Tous les rêves commencent avec un rêveur. »
7) J’aimerais avoir une Relation Amoureuse Mutuellement
Respectueuse (une invention des Moums©) avec une fille
spéciale. Tomber amoureux, quoi ! Et peut-être, je dis bien peut-
être, quand nous serons profondément amoureux, je pourrais
tâter une de ses boules. Ou même les deux. Mais seulement
avec son Consentement Enthousiaste (une autre invention des
Moums©).
8) Mon dernier objectif, mais non le moindre : devenir le meilleur
de moi-même. Ne pas être tout le temps aussi timide et
nerveux. Essayer de nouvelles choses. Me mettre de l’avant.
Avoir confiance et être courageux.
Comme le dit Mamou : « Qui ne risque rien n’a rien ! »

Wilbur Torres-Bitzer

- Chhht ! " J'ai besoin de tout entendre. Je tiens à savoir, au juste, comment ils veulent qu'on fasse pour bondir par une sortie de secours et dévaler un toboggan gonflable tout en gonflant nos gilets.

Je me suis occupée de la salade en prenant soin de retirer les feuilles extérieures, de les jeter, et de laver le reste avec un tout petit peu de savon à vaisselle. Maman a juré qu'elle en sentait le goût, mais je lui ai rappelé qu'un soupçon de Paic valait mieux qu'une infection aux E. coli.

Dans le vestiaire, j’étais dans tous mes états. ‘’Je ne me sens pas bien, ai-je dit à Sal qui retirait ses surchaussures en caoutchouc. Je crois que je vais rester habillé et me mettre au bord.’’

Il m’a regardé avec sévérité. ‘’Je suis peut-être âgé, Wilbur, mais je ne suis pas idiot. Ne sois pas idiot. Ne sois pas comme ça.
- Comment, comme ça ?
- Ne laisse pas la peur dicter tes choix.
- Euh, Sal ? Au cas où tu n’aurais pas remarqué, j’ai toujours laissé la peur me dicter mes choix.
- Eh bien, pas aujourd’hui.‘’ Il m’a poussé avec sa canne. ‘’Allez, zou, en maillot! Et que ça saute !
- Aïe, Mais je…
- Il n’y a pas de mais. Allez!’’

Dès le lundi matin, les Mapas avaient laissé derrière elles le stade de la Compassion pour passer directement à l’Amour vache. ‘’Tu ne vas pas encore rester à la maison, m’a dit Map au petit déjeuner. Tu sais ce qu’on dit : quand on tombe de cheval, il faut se remettre en selle tout de suite.
- Je ne comprends rien aux dictions de chevaux. Déjà, je ne suis jamais monté sur un canasson. Ils sont énormes. Ils sont terrifiants…’’

Map a tapé du poing sur la table. Nos bols de céréales ont sauté en l’air. ‘’Si moi je peux conduire des gens stressés toute la journée dans les embouteillages et que Mam peut faire de la figuration dans une pub pour les couches pour adultes, tu peux te ressaisir et traîner tes fesses jusqu’au lycée !’’

J’ai dû reconnaître que cette analogie, contrairement à celle du cheval, se tenait.

Jacob a regagné sa place à grands pas, raide de colère. Et moi, j'ai laissé mon impulsivité prendre le dessus, car soudain j'ai crié: "Quand on est capable, on agit! Quand on est incapable, on enseigne!"
La classe entière a explosé de rires.
Et j'ai été envoyée chez le proviseur.

Ses SMS étaient toujours aussi bizarres, à cause du correcteur automatique.
Je ne t’ai pas vu à l’aquarium
Pourquoi tu n’es pas venu à la pissottière ?
Tu viens déjeuner ? J’ai fait des croque-morts.
Désolé que tu aies le cœur brioche.
Ne t’en fasse pas, la vie réserve bien des surpopulations.

- Ils sont exactement comme nous ! ai-je constaté.
- Tu t’attendais à quoi ? m’a demandé Fab. À ce qu’ils aient tous un béret sur la tête et une baguette sous le bras ? »
Mes joues ont chauffé malgré le froid. « Non. » Mais au fond, je pensais : Bah peut-être les bérets quand même.

Je dois interrompre un instant mon récit pour expliquer que oui, de temps en temps, ma mère dit des mensonges. Mais il est important de noter qu'elle a des degrés de mensonges, soumis à des règles. Un peu comme l'Eglise de Scientologie avec ses "dynamiques d'impulsion", ses raisonnements ne sont pas toujours d'une logique à toute épreuve. Mais c'est ainsi que je les classe dans ma tête. (p.31)

Nous avons tous les deux tourné les yeux vers le bout de la rue, où la silhouette de mon père rapetissait au loin. Et j'ai de nouveau eu envie de pleurer, parce qu'une vérité assez énorme et bouleversante était en train de me frapper pour la première fois : Astrid et Daniel étaient des gens formidables... mais pas des parents formidables. (p.151)