Quand l'autrice d'un de mes shojo fantastique préféré revient en France avec une revisite de l'univers des contes européens, je suis aux anges. Merci Glénat de rééditer chez nous Tachibana Higuchi !
Autrice de l'excellente Académie Alice, l'autrice m'avait fait vibrer dans son histoire au long cours sur fond de pouvoirs psy, de créatures étranges et surtout d'humains déglingués qui avaient grand besoin de communiquer pour résoudre leur problème. Magie, techno et histoires de coeur et de famille étaient portées au pinacle avec tous les codes des shojos enfantins sous le trait rond, lumineux et plein d'étoiles de le mangaka. Un ravissement pour les yeux et un déchirement pour le coeur.
Elle revient donc chez nous près de 10 ans plus tard, avec une série de 3 tomes toujours en cours au Japon, et quand on connaît l'autrice, on sait que ça peut durer. Les aficionados comme moi, prendrons plaisir à retrouver son style décalé qui joue allègrement des codes des shojos classiques pour mieux s'en moquer, tout en proposant une histoire très centrée sur la psychologie de ses personnages comme souvent dans le genre. Ils retrouveront aussi la beauté de son trait tout en finesse avec les cheveux quasi filandreux de l'héroïne, les yeux de chats des personnages, la beauté androgyne des garçons, la richesse des créatures parfaites pour être fabriquées ensuite en goodies, et l'originalité décalée du décor. Tout y est.
Pour les non-connaisseurs, place à une revisite de l'univers des contes et des sorcières européennes à la sauce manga. On suit avec drôlerie et cocasserie, une sorcière adolescente en apparence mais bien plus vieille en fait, qui vit seule au fond de la forêt avec ses amis animaux et les champignons qu'elle crée partout sur son passage. Elle ne va que de temps en temps en ville vendre discrètement ses remèdes car le pays dans lequel elle vit ostracise voire poursuit les sorcières qui ne soutiennent pas celles au pouvoir. Celles-ci qui se sont décrétées "Sorcières blanches" excluent les autres les qualifiant de "Sorcières noires" et c'est ce qu'est Luna, notre héroïne.
Nous la découvrons dans de courts chapitres très efficaces où l'autrice nous présente tour à tour sa vie isolée, ses passages compliqués en ville, avant de nous dévoiler ses aspirations à trouver elle aussi quelqu'un à aimer et qui l'aimerait malgré la toxicité de son corps et les appréhensions des gens sur les êtres de son genre. C'est vraiment rondement mené et plein d'émotion car on s'attache très vite à cet anti-archétype avec cette jeune fille timide, maladroite, aux pouvoirs en apparence toxique mais qui en fait purifient le monde autour d'elle. Elle est touchante dans sa solitude, sa maladresse et ses relations si pleine de candeur. Elle est drôle aussi car l'autrice utilise tout plein de petits twists pour la rendre encore plus décalée et étrange. C'est excellent.
Mais ce qui fait passer le titre de sympa à vraiment intéressant et profond, c'est la découverte progressive de l'univers dans lequel elle vit et des limites qu'il lui impose. On découvre un royaume ambivalent sur la question des sorcières, avec une scission forte et plus politique que propre à la nature de leur magie. On découvre des sorcières aux pouvoirs inattendus. On assiste à l'ostracisme des minorités, au poids des rumeurs, à la malveillance des jaloux et ignorants... C'est classique mais très touchant car mis en scène joliment avec une puissance émotive certaine grâce à des scènes très douces et poétiques, limite dramatiques et surtout bien romantiques, quand l'héroïne s'éveille à l'amour.
La référence à l'univers des contes de fées est partout. Elle est joliment utilisée en reprenant le décor de la vie d'autrefois dans les villages européens mais aussi en l'agrémentant de tous les codes d'un univers fantastique archi mignon. Ainsi Luna vit-elle en pleine forêt, dans une maison champignon, entourée d'amis animaux comme Aurore et Blanche-Neige. Ses pouvoirs font pousser des champignons de différentes formes assez mignonne partout. L'autrice l'habille de tenues toutes plus adorables les unes que les autres, notamment avec ses multiples coiffures. Et la ville voisine est l'archétype du bourg d'autrefois en Europe. C'est très séduisant. Et l'autrice se plaît à nous détailler cela dans de nombreuses pages bonus entre les chapitres.
Cependant, ce premier tome n'est qu'une longue mise en bouche qui ne présume pas de la suite. On découvre à peine l'héroïne, ses pouvoirs, son entourage et le royaume dans lequel elle vit. Il est à parier qu'on aura bien plus de choses à voir dans les prochains tomes, notamment avec l'arrivée de ce drôle de garçons dans les ultimes pages, garçon dont on nous divulgache la venue dans l'histoire dès l'ouverture du tome avec la page couleur. Il est à espérer que nous ayons une intrigue plus développée, pas seulement une triste mais émouvante romance comme ici, et plutôt une histoire politique et conflictuelle avec les autres sorcières. A suivre.
En tout cas, je ne remercierai jamais assez Glénat pour avoir suivi cette autrice et proposé une nouvelle série de celle-ci dans l'esprit de sa précédente et avec un joli travail éditorial à l'image de cette couverture à effet pailletés sur les champignons. Grâce à eux, nous allons pouvoir suivre une revisite originale, caustique et pleine d'humour de l'univers des sorcières et des contes. J'ai hâte d'y plonger encore plus.
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