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Citations de Théodore de Banville (161)


La Lune

Avec ses caprices, la Lune
Est comme une frivole amante ;
Elle sourit et se lamente,
Et vous fuit et vous importune.

La nuit, suivez-la sur la dune,
Elle vous raille et vous tourmente ;
Avec ses caprices, la Lune
Est comme une frivole amante.

Et souvent elle se met une
Nuée en manière de mante ;
Elle est absurde, elle est charmante ;
Il faut adorer sans rancune,
Avec ses caprices, la Lune.
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Théodore de Banville
L’Été

Il brille, le sauvage Été,
La poitrine pleine de roses.
Il brûle tout, hommes et choses,
Dans sa placide cruauté.

Il met le désir effronté
Sur les jeunes lèvres décloses ;
Il brille, le sauvage Été,
La poitrine pleine de roses.

Roi superbe, il plane irrité
Dans des splendeurs d’apothéoses
Sur les horizons grandioses ;
Fauve dans la blanche clarté,
Il brille, le sauvage Été.
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Théodore de Banville
Chapeaux

Oh! sur le divin boulevard,
Qui de l’univers est la moelle
Et qu’aime le Journal bavard
Que de chapeaux tuyau de poêle!

Devant le soleil, ce doreur,
Sombres comme des Érinnyes,
Ils resplendissent pleins d’horreur,
Ainsi que des bottes vernies.

Fourmillement de noirs tuyaux!
Ils s’en vont jusqu’en Amérique,
On dirait les affreux boyaux
De quelque bête chimérique.

Bien que pour se faire admirer
Ils n’aient aucune fanfreluche,
Un blanc rayon vient se mirer
Dans leurs cylindres en peluche.

En leur pêle-mêle confus,
Ces indécentes colonnades
Par leurs abominables fûts
Déshonorent nos promenades.

Mais quoi! séjour essentiel,
Où sont venus même les Kurdes,
Paris est charmant comme un ciel,
En dépit des chapeaux absurdes.

Là, — produit qui n’est pas trop cher
Quand on connaît le prix des choses, –
Les amantes ont une chair
Liliale, et des bouches roses.

Que de neige en fleur! que de lys!
Et quant aux spectacles féeriques,
Ils sont confiés, chez Salis,
A de bons poëtes lyriques.

Marteler, ciseler, forger
Dans une braise qui s’allume,
Ne jamais se décourager,
Torturer le fer sur l’enclume;

Et dans les clairs métaux sertir
Le diamant et l’améthyste,
Voilà dans la moderne Tyr,
Le sort glorieux de l’artiste.

Puis, comme Ruy Blas, pour garder
En sa mémoire des richesses,
Il se délecte à regarder
Entrer et sortir les duchesses.

Tel est son droit et son devoir!
Et leurs grâces, d’où naît la joie,
Le consolent très bien d’avoir
Contemplé des chapeaux de soie.

Enfin, un jour, vient le printemps,
Paris qui s’attife et respire,
Est plein d’esprits dans l’air flottants,
Comme la forêt de Shakspere.

Les vents mystérieux et doux
Ont éparpillé leurs crinières,
Et nous mettons des chapeaux mous,
Pour aller découvrir Asnières.

Courir comme la nymphe Io
Nous réjouit. Le flot se moire.
Chapeau luisant, chapeau tuyau,
Nous te reléguons dans l’armoire.

Et dans nos arbres pleins de fleurs,
Sous le soleil et les averses,
Les oiseaux chanteurs et siffleurs
Murmurent des choses diverses.

4 février 1890.
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À ma Mère

Mère, si peu qu'il soit, l'audacieux rêveur
Qui poursuit sa chimère,
Toute sa poésie, ô céleste faveur !
Appartient à sa mère.

L'artiste, le héros amoureux des dangers
Et des luttes fécondes,
Et ceux qui, se fiant aux navires légers,
S'en vont chercher des mondes,

L'apôtre qui parfois peut comme un séraphin
Épeler dans la nue,
Le savant qui dévoile Isis, et peut enfin
L'entrevoir demi-nue,

Tous ces hommes sacrés, élus mystérieux
Que l'univers écoute,
Ont eu dans le passé d'héroïques aïeux
Qui leur tracent la route.

Mais nous qui pour donner l'impérissable amour
Aux âmes étouffées,
Devons être ingénus comme à leur premier jour
Les antiques Orphées,

Nous qui, sans nous lasser, dans nos cœurs même ouvrant
Comme une source vive,
Devons désaltérer le faible et l'ignorant
Pleins d'une foi naïve,

Nous qui devons garder sur nos fronts éclatants,
Comme de frais dictames,
Le sourire immortel et fleuri du printemps
Et la douceur des femmes,

N'est-ce pas, n'est-ce pas, dis-le, toi qui me vois
Rire aux peines amères,
Que le souffle attendri qui passe dans nos voix
Est celui de nos mères ?

Petits, leurs mains calmaient nos plus vives douleurs,
Patientes et sûres :
Elles nous ont donné des mains comme les leurs
Pour toucher aux blessures.

Notre mère enchantait notre calme sommeil,
Et comme elle, sans trêve,
Quand la foule s'endort dans un espoir vermeil,
Nous enchantons son rêve.

Notre mère berçait d'un refrain triomphant
Notre âme alors si belle,
Et nous, c'est pour bercer l'homme toujours enfant
Que nous chantons comme elle.

Tout poète, ébloui par le but solennel
Pour lequel il conspire,
Est brûlé d'un amour céleste et maternel
Pour tout ce qui respire.

Et ce martyr, qui porte une blessure au flanc
Et qui n'a pas de haines,
Doit cette extase immense à celle dont le sang
Ruisselle dans ses veines.

Ô toi dont les baisers, sublime et pur lien !
À défaut de génie
M'ont donné le désir ineffable du bien,
Ma mère, sois bénie.

Et, puisque celle enfin qui l'a reçu des cieux
Et qui n'est jamais lasse,
Sait encore se faire un joyau précieux
D'un pauvre enfant sans grâce.

Va, tu peux te parer de l'objet de tes soins
Au gré de ton envie,
Car ce peu que je vaux est bien à toi du moins,
Ô moitié de ma vie !
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Théodore de Banville
L’Aube romantique

Mil huit cent trente! Aurore
Qui m’éblouis encore,
Promesse du destin,
Riant matin!

Aube où le soleil plonge!
Quelquefois un beau songe
Me rend l’éclat vermeil
De ton réveil.

Jetant ta pourpre rose
En notre ciel morose,
Tu parais, et la nuit
Soudain s’enfuit.

La nymphe Poésie
Aux cheveux d’ambroisie
Avec son art subtil
Revient d’exil;

L’Ode chante, le Drame
Ourdit sa riche trame;
L’harmonieux Sonnet
Déjà renaît.

Ici rugit Shakespeare,
Là Pétrarque soupire;
Horace bon garçon
Dit sa chanson,

Et Ronsard son poëme,
Et l’on retrouve même
L’art farouche et naïf
Du vieux Baïf.

Tout joyeux, du Cocyte
Rabelais ressuscite,
Pour donner au roman
Un talisman,

Et l’amoureuse fièvre
Qui rougit notre lèvre
Défend même au journal
D’être banal!

La grande Architecture,
Prière sainte et pure
De l’art matériel,
Regarde au ciel;

La Sculpture modèle
Des saints au coeur fidèle
Pareils aux lys vêtus
De leurs vertus,

Et la Musique emporte
Notre âme par la porte
Des chants délicieux
Au fond des cieux.

O grand combat sublime
Du Luth et de la Rime!
Renouveau triomphal
De l’Idéal!

Hugo, sombre, dédie
Sa morne tragédie
Aux grands coeurs désolés,
Aux exilés,

A la souffrance, au rêve.
Il embrasse, il relève
Et Marion, hélas!
Et toi, Ruy Blas.

Et déjà, comme exemple,
David, qui le contemple,
Met sur son front guerrier
Le noir laurier.

George Sand en son âme
Porte un éclair de flamme;
Musset, beau cygne errant,
Chante en pleurant;

Balzac, superbe, mène
La Comédie Humaine
Et nous fait voir à nu
L’homme ingénu;

Pour le luth Sainte-Beuve
Trouve une corde neuve;
Barbier lance en grondant
L’Iambe ardent;

La plainte de Valmore
Pleure et s’exhale encore
En sanglots plus amers
Que ceux des mers,

Et, sur un mont sauvage,
L’Art jaloux donne au sage
Théophile Gautier
Le monde entier.

En ces beaux jours de jeûne,
Karr a plus d’amour jeune
Qu’un vieux Rothschild pensif
N’a d’or massif;

De sa voix attendrie
Gérard dit la féerie
Et le songe riant
De l’Orient;

Les Deschamps, voix jumelles,
Chantent: l’un a des ailes,
L’autre parle à l’écho
De Roméo.

Frédérick ploie et mène
En tyran Melpomène,
Et la grande Dorval
L’a pour rival;

Berlioz, qui nous étonne,
Avec l’orage tonne,
Et parle dans l’éclair
A Meyerbeer;

Préault, d’un doigt fantasque,
Fait trembler sur un masque
L’immortelle pâleur
De la Douleur,

Tandis qu’à chaque livre
Johannot, d’amour ivre,
Prête un rêve nouveau
De son cerveau.

Pour Boulanger qui l’aime,
Facile, et venant même
Baiser au front Nanteuil
Dans son fauteuil,

La Peinture en extase
Donne la chrysoprase
Et le rubis des rois
A Delacroix.

Daumier trouve l’étrange
Crayon de Michel-Ange,
–Noble vol impuni!–
Et Garvani

Court, sans qu’on le dépasse,
Vers l’amoureuse Grâce
Qu’à l’Esprit maria
Devéria!

Mais, hélas! où m’emporte
Le songe! Elle est bien morte
L’époque où nous voyions
Tant de rayons!

Où sont-ils? les poëtes
Qui nous faisaient des fêtes,
Ces vaillants, ces grands coeurs,
Tous ces vainqueurs,

Ces soldats, ces apôtres?
Les uns sont morts. Les autres,
Du repos envieux,
Sont déjà vieux.

Leur histoire si grande
N’est plus qu’une légende
Qu’autour du foyer noir
On dit le soir,

Et ce collier illustre,
Qu’à présent touche un rustre,
Sème ses grains épars
De toutes parts.

Hamlet qu’on abandonne
Est seul et sans couronne
Même dans Elseneur:
Adieu l’honneur

De l’âge romantique;
Mais de la chaîne antique
Garde-nous chaque anneau,
Asselineau!

Comme le vieil Homère
Savamment énumère
Les princes, les vassaux
Et leurs vaisseaux,

Redis-nous cette guère!
Les livres faits naguère
Selon le rituel
De Renduel,

Fais-les voir à la file!
Jusqu’au Bibliophile
Montrant page et bourrel,
Jusqu’à Borel;

Car tu sais leur histoire
Si bien que ta mémoire
N’a pas même failli
Pour Lassailly.

Donc, toi que je compare
Au Héraut, qui répare
Le beau renom des vers
Par l’univers,

Dis-nous Mil huit cent trente,
Époque fulgurante,
Ses luttes, ses ardeurs
Et les splendeurs

De cette apocalypse,
Que maintenant éclipse
Le puissant coryza
De Thérésa!

Car il est beau de dire
A notre âge en délire
Courbé sur des écus:
Gloire aux vaincus.

Envahi par le lierre,
Le château pierre à pierre
Tombe et s’écroule; mais
Rien n’a jamais

Dompté le fanatisme
Du bon vieux romantisme,
De ce Titan du Rhin
Au coeur d’airain.
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Théodore de Banville
La Voyageuse

« Masques et visages… »
Gavarni.

À Caroline Letessier.

I

Au temps des pastels de Latour,
Quand l’enfant-dieu régnait au monde
Par la grâce de Pompadour,
Au temps des beautés sans seconde ;

Au temps féerique où, sans mouchoir,
Sur les lys que Lancret dessine
Le collier de taffetas noir
Lutte avec la mouche assassine ;

Au temps où la Nymphe du vin
Sourit sous la peau de panthère,
Au temps où Wateau le divin
Frète sa barque pour Cythère ;

En ce temps fait pour les jupons,
Les plumes, les rubans, les ganses,
Les falbalas et les pompons ;
En ce beau temps des élégances,

Enfant blanche comme le lait,
Beauté mignarde, fleur exquise,
Vous aviez tout ce qu’il fallait
Pour être danseuse ou marquise.

Ces bras purs et ce petit corps,
Noyés dans un frou-frou d’étoffes,
Eussent damné par leurs accords
Les abbés et les philosophes.

Vous eussiez aimé ces bichons
Noirs et feu, de race irlandaise,
Que l’on porte dans les manchons
Et que l’on peigne et que l’on baise.

La neige au sein, la rose aux doigts,
Boucher vous eût peinte en Diane
Montrant sa cuisse au fond du bois
Et pliant comme une liane,

Et Clodion eût fait de vous
Une provocante faunesse
Laissant mûrir au soleil roux
Les fruits pourprés de sa jeunesse !

Car sur les lèvres vous avez
La malicieuse ambroisie
De tous ces paradis rêvés
Au siècle de la fantaisie,

Et, nonchalante Dalila,
Vous plaisez par la morbidesse
D’une nymphe de ce temps-là,
Moitié nonne et moitié déesse.

Vos cheveux aux bandeaux ondés
Récitent de leur onde noire
Des madrigaux dévergondés
A votre visage d’ivoire,

Et, ravis de ce front si beau,
Comme de vertes demoiselles,
Tous les enfants porte-flambeau
Vous suivent en battant des ailes.

Tous ces petits culs-nus d’Amours,
Groupés sur vos pas, Caroline,
Ont soin d’embellir vos atours
Et d’enfler votre crinoline,

Et l’essaim des Jeux et des Ris,
Doux vol qui folâtre et se joue,
Niche sous la poudre de riz
Dans les roses de votre joue.

Vos sourcils touffus, noirs, épais,
Ont des courbes délicieuses
Qui nous font songer à la paix
Sous les forêts silencieuses,

Et les écharpes de vos cils
Semblent avoir volé leurs franges
A la terre des alguazils,
Des manolas et des oranges.

II

Au fait, vous avez donc été,
Loin de nos boulevards moroses,
Pendant tout ce dernier été,
Sous les buissons de lauriers-roses ?

Le fier soleil du Portugal
Vous tendait sa lèvre obstinée
Et faisait son meilleur régal
Avec votre peau satinée.

Mais vous, tordant sur l’éventail
Vos petits doigts aux blancheurs mates
Vous découpiez Scribe en détail
Pour les rois et les diplomates ;

Et, digne d’un art sans rivaux,
Pour charmer les chancelleries,
Vous avez traduit Marivaux
En mignonnes espiègleries.

C’est au mieux ! L’astre des cieux clairs
Qui fait grandir le sycomore
Vous a donné des jolis airs
De Bohémienne et de More.

Vous avez pris, toujours riant,
Dans cet éternel jeu de barres,
La volupté de l’Orient
Et le goût des bijoux barbares,

Et vous rapportez à Paris,
Ville de toutes les décences,
Les molles grâces des houris
Ivres de parfums et d’essences.

C’est bien encor ! même à Turin
Menez Clairville, puisqu’on daigne
Nous demander un tambourin
Là-bas, chez le roi de Sardaigne.

Mais pourtant ne nous laissez pas
Nous consumer dans les attentes !
Arrêtez une fois vos pas
Chez nous, et plantez-y vos tentes.

Tout franc, pourquoi mettre aux abois
Cet Éden, où le lion dîne
Chaque jour de la biche au bois
Et soupe de la musardine ?

Valets de cœur et de carreau
Et boyards aux fourrures d’ourses,
Loin de vous, sachez-le, Caro,
Tout s’ennuie, au bal comme aux courses.

Vous nous disputez les rayons
Avec des haines enfantines,
Et jamais plus nous ne voyons
Que les talons de vos bottines.

Songez-y ! Vous cherchez pourquoi
Ma muse, qui n’est pas méchante,
M’ordonne de me tenir coi
Et ne veut plus que je vous chante ?

C’est que vos regards inhumains
Ont partout des intelligences,
Et tout le long des grands chemins
Vont arrêter les diligences.
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Les petits Lapins, dans le bois,
Folâtrent sur l’herbe arrosée
Et, comme nous le vin d’Arbois,
Ils boivent la douce rosée.

Gris foncé, gris clair, soupe au lait,
Ces vagabonds, dont se dégage
Comme une odeur de serpolet,
Tiennent à peu près ce langage :

Nous sommes les petits Lapins,
Gens étrangers à l’écriture
Et chaussés des seuls escarpins
Que nous a donnés la Nature.

Près du chêne pyramidal
Nous menons les épithalames,
Et nous ne suivons pas Stendhal
Sur le terrain des vieilles dames.

N’ayant pas lu Dostoïewski,
Nous conservons des airs peu rogues

Et certes, ce n’est pas nous qui

Nous piquons d’être psychologues.
[…]
Nous sommes les petits Lapins,
C’est le poil qui forme nos bottes,
Et, n’ayant pas de calepins,
Nous ne prenons jamais de notes.

Nous ne cultivons guère Kant ;
Son idéale turlutaine
Rarement nous attire. Quant
Au fabuliste La Fontaine,

Il faut qu’on l’adore à genoux ;
Mais nous préférons qu’on se taise,
Lorsque méchamment on veut nous
Raconter une pièce à thèse.
[…]
Préférant les simples chansons
Qui ravissent les violettes,
Sans plus d’affaire, nous laissons
Les raffinements aux belettes.
[…]
En dépit de Schopenhauer,
Ce cruel malade qui tousse,
Vivre et savourer le doux air
Nous semble une chose fort douce,

Et dans la bonne odeur des pins
Qu’on voit ombrageant ces clairières,
Nous sommes les tendres Lapins
Assis sur leurs petits derrières.
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Quand le soir est venu, les Parisiens sont si heureux d'être libérés du travail diurne que, tout en se promenant, ils ruminent comme des bœufs , heureux et stupéfaits, et alors on peut bien démolir Paris sans qu'ils s'en aperçoivent.

"Le Juif"
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Théodore de Banville
Le printemps

Te voilà, rire du Printemps !
Les thyrses des lilas fleurissent.
Les amantes qui te chérissent
Délivrent leurs cheveux flottants.

Sous les rayons d’or éclatants
Les anciens lierres se flétrissent.
Te voilà, rire du Printemps !
Les thyrses de lilas fleurissent.

Couchons-nous au bord des étangs,
Que nos maux amers se guérissent !
Mille espoirs fabuleux nourrissent
Nos coeurs gonflés et palpitants.
Te voilà, rire du Printemps !
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Il ne tiendrait qu'à moi de donner ici ces poèmes sans défaut ; mais je n'aime pas mêler des vers au milieu de la prose, parce que cela me fait l'effet de raccommoder un torchon avec de la toile d'or.

"Promenade galante"
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Vous comprenez, mon ami, que forcé chaque minute de profaner ses Dieux, de marcher avec ses gros sabots sur la poitrine nue de la Poésie, de préférer des inepties aux belles œuvres et d'insulter Shakespeare au profit de Bobèche, pas un directeur de théâtre ne pourrait vivre une heure, s'il avait gardé dans son sein une âme humaine ! C'est pourquoi une mesure de haute raison politique nous force à leur prendre leurs âmes, que d'ailleurs nous leur rendons plus tard fidèlement, comme vous l'avez vu, et que nous leur remplaçons par des âmes de directeurs, impénétrables à la poésie, appropriées pour l'usage auquel elles doivent servir, et dont la fabrication première revient au célèbre Vaucanson ! Autrement, ne voyez-vous pas qu'il arriverait de deux choses l'une : ou, comme je vous l'ai dit, les directeurs mourraient, épouvantés de leurs propres blasphèmes ; ou bien, avec un moyen de propagande aussi puissant que le théâtre, le génie, l'incoercible génie entraverait bien vite le triomphe permanent de la médiocrité, qui est la sauvegarde et l'unique salut des sociétés modernes...

"Les papillons gris"
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Ce que j'ai, ce que je vends, ce que je donne, je ne vous l'ai jamais refusé ; ce n'est pas ma faute si vous n'en voulez pas, et à ce propos vous m'obligerez en reprenant le petit portefeuille de maroquin blanc, effroyablement gonflé, que vous m'avez envoyé sur fond de la corbeille de fleurs. Mais quoi ! vous me demandez de l'amour, et je n'en ai pas, je n'en tiens pas : dans mon cœur il n'y a que du mépris et de la haine ! J'ai été élevée par une mégère qui me piétinait sur le ventre ; en plein hiver j'errais avec une robe de toile, sans chemise, et chaussée de souliers qui n'avaient pas de semelles ! Mes fêtes, c'était quand je pouvais piquer la fourchette dans la poêle des arlequins à un sou ; enfin j'ai été vendue tout enfant, sans cesser d'appartenir à l'ignoble misère. J'ai été arrêtée, brutalisée, jetée dans les prisons ; j'ai connu toutes les horreurs avant d'avoir acquis la force de vivre ; et à présent que me voilà riche, belle, maîtresse de tout, plus indifférente que si j'avais été taillée dans le marbre, vous me dites : Donnez-moi de l'amour ! Et avec quoi voulez-vous que j'en fasse !

"Jamais trop tard"
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Théodore de Banville
Les Tourterelles

Et voy ces deux colombelles,
Qui font naturellement,
Doucement,
L’amour du bec et des ailes.
Ronsard.

Cependant qu’étrangère à la nature en fête,
Elle rêvait sans but sur sa couche défaite,
Le soleil frissonnait sur l’or et les damas ;
Le doux air de l’été, qui chasse les frimas,
Chargé de la couleur et du parfum des roses,
Entrait, et redonnait la vie à mille choses.
Le vin était de pourpre, et les cristaux de feu.
Alors, comme, en jouant, deux cygnes d’un lac bleu,
Comme deux lys jumeaux que leur beauté protège,
D’un vol silencieux, deux colombes de neige
Franchirent l’azur vaste et vinrent se poser
Sur la fenêtre ouverte, et dans un long baiser

Se becqueter sans fin en remuant les ailes.
Or, la douce beauté, voyant ces tourterelles,
(Tandis que de la mousse et des feuillages verts
S’exhalaient alentour mille parfums amers,)
Laissait, l’âme enivrée à la brise fleurie,
Dans le bleu de l’amour errer sa rêverie.
Dis-moi, que faisais-tu loin d’elle, ô bel enfant !
Tandis que sur son col et sur son dos charmant
Couraient à l’abandon ses tresses envolées,
Que faisais-tu, perdu sous les longues saulées,
Et que te disaient donc, ô timide rêveur !
Les brises de l’été si pleines de saveur ?
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Théodore de Banville
À Théophile Gautier

Quand sa chasse est finie,
Le poëte oiseleur
Manie
L’outil du ciseleur.

Car il faut qu’il meurtrisse,
Pour y graver son pur
Caprice,
Un métal au cœur dur.

Pas de travail commode !
Tu prétends, comme moi,
Que l’Ode
Garde sa vieille loi,

Et que, brillant et ferme,
Le beau rhythme d’airain
Enferme
L’idée au front serein.

Car toi qui, fou d’extase,
Mènes par les grands cieux
Pégase,
Le cheval aux beaux yeux ;

Toi qui sur une grève
Sais prendre en ton réseau
Le Rêve,
Comme un farouche oiseau ;

Maître, qui nous enseignes
L’amour du vert laurier,
Tu daignes
Être un bon ouvrier.
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Théodore de Banville
Arsène

Où sait-on mieux s’égarer deux, parmi
Les myrtes verts, qu’aux rives de la Seine ?
Séduit un jour par l’Enfant ennemi,
Arsène, hélas ! pour lui quitta la saine
Littérature, et l’art en a gémi.

Trop attiré par les jeux de la scène,
Il soupira pour les yeux de Climène,
Comme un Tircis en veste de Lami-
Housset.

Oh ! que de fois, œil morne et front blêmi,
Il cherche, auprès de la claire fontaine,
Sous quels buissons Amour s’est endormi !
Houlette en main, souriante à demi,
Plus d’une encor fait voir au blond Arsène
Où c’est.
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Théodore de Banville
Note rose

Hier j’ai vu Mélite au bois
Avec une tignasse rose.
Près de l’Hippocrène où je bois,
Hier j’ai vu Mélite au bois.
Ses beaux airs de biche aux abois
Ont fort indigné Monsieur Chose.
Hier j’ai vu Mélite au bois
Avec une tignasse rose.
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Théodore de Banville
Ballade pour une aux cheveux dorés

Cypris comme toi, fleur d’amour,
Eut cet adorable enjouement,
Cette lèvre dont le contour
M’attire comme un doux aimant,
Et tout ce resplendissement
D’un incomparable trésor,
Prunelles de clair diamant,
Sourcils d’ébène et frisons d’or.

Tes cheveux, en chaque détour,
Ont comme le bruissement
Du flot bleu qui baigne la tour.
En toi, pour des regards d’amant
Tout est le miracle charmant
Que ton âme embellit encor,
Roses, neiges, enchantement,
Sourcils d’ébène et frisons d’or.

Et tout nous ravit tour à tour,
Roses faites d’embrasement,
Cheveux plus vermeils que le jour,
Sein plus blanc que le pur froment,
Yeux profonds, qu’emplit fièrement
De lumière, un profond décor
D’étoiles et de firmament,
Sourcils d’ébène et frisons d’or.

Envoi.

O chère joie! ô cher tourment!
Ma strophe au gracieux essor
Mêle, en son éblouissement,
Sourcils d’ébène et frisons d’or!
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Théodore de Banville
Soleil

Lorsque Juin fait même sourire
Le noir cachot,
Je n’aime pas entendre dire
Qu’il fait trop chaud.

Non. Pas assez chaud. Que notre âme
Au jour vermeil
Renaisse, prenne un bain de flamme
Et de soleil!

O Zéphyr, tandis que tu bouges
Dans le ciel bleu,
Que toutes les lèvres soient rouges
Comme du feu!

Que hors du corsage, sans honte
Les jeunes seins
Tressaillent, sans rendre nul compte
De leurs desseins!

Je veux dans les apothéoses
Entendre, autour
Du jardin, les bouches des roses
Crier d’amour!

Oublions les matins livides,
Flore aux abois,
La malignité des avides
Marchands de bois,

Et voulant que l’azur nous voie
Contents, ayons
Les prunelles pleines de joie
Et de rayons!
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Théodore de Banville
Désarmer? Oui, ce bruit-là court,
Je sais qu’on a conté ce conte.
Églé, qui doit l’arrêter court?
Vous, dont il faut bien tenir compte.

On parle de désarmement!
Sans nulles paroles railleuses,
On rangerait, pour le moment,
Les canons et les mitrailleuses.

Ainsi, tout sera bien réglé
Pour tranquilliser les empires.
C’est bon. Mais cependant, Églé,
Que ferez-vous de vos sourires?

Car, Déesse, vos fiers appas
Et vos beautés et tous vos charmes,
Ainsi qu’on ne l’ignore pas,
Sont les plus redoutables armes.

Jeune guerrière aux sombres yeux,
Que ferez-vous de l’arc farouche
De vos sourcils mystérieux
Et des braises de votre bouche?

O vous dont on craint l’oeil subtil
Et qui triomphez dans les villes,
Dites-le-nous, en sera-t-il
De vous comme des vaudevilles,

Et verra-t-on les fiers accords
Que la grâce des attitudes
Fait saillir sur votre beau corps,
Remplacés par des platitudes?

Celle qui vit à ses genoux
Le jeune Adonis comme Anchise,
Avait bien moins d’armes que vous;
Et, je le dis avec franchise,

Charmeresse, Eve ou Dalila,
Dût l’Europe en être alarmée,
Tant que vous aurez ces yeux-là,
Je ne vous vois pas désarmée.
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Théodore de Banville
Les Voyageurs

Couvertes de haillons, deux vierges magnifiques,
A la démarche svelte, au regard ingénu,
Vont par les carrefours et les places publiques,
Les cheveux dénoués et le sein demi-nu.

Toutes les deux font voir à la foule profonde
Le fier sourire fait pour les éternités.
La prunelle céleste et la crinière blonde
Et le port qui convient à des divinités.

Près d’elles, et parfois leur prêtant son épaule,
Les nommant tour à tour l’une et l’autre : ma sœur,
Passe, le front plus pur que les neiges du pôle,
Un grave adolescent en habit de chasseur.

Il les console ainsi : Courage, ô mes compagnes !
Bientôt dans les parfums nos pieds seront lavés.
Après tant de forêts, de champs et de campagnes,
Voici Paris sans doute, et nous sommes sauvés.

Ils s’arrêtent d’abord au festin plein de flammes
Où l’or, que rend vivant l’esprit des ciseleurs,
Reflète follement, pour enchanter nos âmes,
Le sang des noirs raisins et les lèvres des fleurs.

Là, la coupe est en feu sous les tresses fleuries,
Tout s’étale à souhait pour ravir les amants :
Le vin du Rhin y lutte avec les pierreries,
Et la blancheur du lys avec les diamants.

Les voyageurs divins sous la splendide voûte
S’avancent d’un air doux et cependant hautain
En faisant voir leurs pieds tout meurtris de la route,
Et disent : Donnez-nous une place au festin.

Puis ils vont au théâtre, au cher pays du rêve,
Où de deux bras de lys pour une heure enlacé,
Le sublime histrion, appuyé sur son glaive,
S’écrie : O Juliette ! avec un ton glacé.

Ils lui disent : Oh ! viens, toi qui connais les charmes
De la Douleur, pareille à l’orage des flots,
Que nous te racontions la cause de nos larmes,
Et pourquoi notre cœur est gonflé de sanglots !

Puis ils vont au dernier sanctuaire, où l’artiste,
Pareil à la Pythie interrogeant l’autel,
Se demande quelle est la tête noble et triste
Qui mérite le marbre et le bronze immortel.

Et tous les trois, calmés alors, parce qu’ils lisent
Sur les socles épars des noms mélodieux,
Parlent au statuaire indécis et lui disent :
Reconnais trois enfants sortis du sang des Dieux !

Mais tous ceux qu’ils avaient implorés leur répondent :
Enfants, évitez-moi des efforts superflus.
Nos villes cette année en orphelins abondent,
Redites-moi vos noms, car je ne les sais plus.

Déjà, pour assouvir leur appétit vorace,
On posait devant eux le vin et le doux miel,
Mais dès qu’ils ont montré les signes de leur race
En ajoutant ces mots : Nous arrivons du ciel,

Nous sommes la Beauté, l’Amour, la Poésie,
On s’écrie aussitôt : Portez ailleurs vos pas.
Enfants déguenillés, ô buveurs d’ambroisie,
Passez votre chemin, je ne vous connais pas !
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