La nouvelle "Vague Mélodie" par Thierry Soulard pour l'anthologie "Tombé les voiles".

Dans un rêve prophétique, Quaithe dit à Daenerys de se méfier de la "jument pâle" (pale mare en version originale).
Plus tard arrive à Meereen un mourant chevauchant une jument pâle, et cet homme apporte la caquesangue, terrible maladie qui va tuer ensuite des centaines de personnes à Meereen, puis dans le camp de l'alliance ghiscarie, et qui sera surnommée par les personnages, par allégorie, la jument pâle. Cette prophétie est donc vérifiée, il fallait se méfier de cette jument et de son cavalier malade.
Mais cette "jument pâle" est aussi une jument blanche et rose, couleurs des Pahl... Donc une "jument Pahl", c'est-à-dire une mère Pahl.
Et nous avons une autre "jument Pahl" très pâle, à Meereen : Zahrina. Pour les Meereeniens, elle est un Lotus Mauve. Tyrion la décrit comme une "prune pourrie". Mais Quentyn Martell, lui, pense qu'elle a la peau "blanche comme du lait de jument".
Par cette métaphore nébuleuse, Quaithe mettait donc en garde Daenerys contre la caquesangue, mais aussi contre la matriarche Pahl qui est en fait la Harpie...
Et, qui sait, contre de futurs obstacles encore inconnus d'elle et du lecteur?
George R.R. Martin donne donc de nombreux sens aux mêmes mots, et invente de nouveaux sens à des mots très courants.
Très souvent, il utilise ensuite ces mots en nous faisant croire qu'ils signifient une chose, alors qu'ils en signifient une autre. Beaucoup de passages du livre ont ainsi un double ou un triple sens : la première interprétation, évidente, en cache une seconde, qui ne peut être comprise que par les personnages et lecteurs ayant accès à des connaissances par ailleurs.
La nouvelle des Noces Pourpres arrive également à Port-Réal dans une version imagée, presque codée pour qui n'était pas au courant du complot contre les Stark : "Roslin a ferré une belle grosse truite, disait le message. Ses frères lui ont offert deux peaux de loup pour son mariage."
Autre outil fréquemment utilisé par George R.R. Martin, et que l'on peut qualifier de codage hautement littéraire : transformer des contes en réalité, et des faits historiques en contes. Ou faire s'exprimer des personnages sans préciser s'ils parlent de façon allégorique ou littérale, et en entretenant soigneusement la confusion.
L'un des thèmes majeurs du Trône de Fer est l'identité. Nombre de personnages se retrouvent, au cours de leurs aventures, à devoir changer d'identité. Grandir, évidemment, évoluer, mais aussi s'inventer de nouvelles personnalités, emprunter celles d'amis ou de personnes censées être mortes, dissocier leur prénom de leur nom de famille, leur nom de leur fonction, leur surnom de leur nom, accepter de voir mourir symboliquement une partie d'eux-mêmes pour que l'autre puisse enfin vivre sereinement...
L’ouroboros aura dévoré mon existence, partant de ma tête, se gavant de mes entrailles… J’aurai au moins tenté de lutter contre ce cercle vicieux, pesant comme le métal lourd à mon doigt, brulant mais nécessaire. J’ai compris aujourd’hui que seule ma mort mènera à une fin acceptable. (Ourobouros, Céline Thomas)
A travers ses yeux embués, il ne put s’empêcher d’admirer une fois de plus l’étrange bijou qui l’ornait. Les yeux du petit serpent d’or le regardaient en biais, il en était certain. Ce bijou s’était vengé de ceux qui avaient profané la tombe de son maître, et continuerait de le faire. Il était plus que temps de se débarrasser de cette chose.Certes, il amenait dans le même temps gloire et fortune, mais le coût était élevé, beaucoup trop élevé. (Secrétaire d’Empire en pire, Thierry Soulard)