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3.8/5 (sur 57 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1951
Biographie :

Thierry Wolton, journaliste de formation (Liberation, Radio France Internationale, Le Point), est un essayiste, philosophe et écrivain français .

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages d'actualité consacrés aux relations internationales, à l'histoire et à la politique française. Il enseigne l'histoire de la guerre froide à l'École Supérieure de Commerce de Paris. Il est l’auteur, entre autres, de La France sous influence (Grasset, 1997), L’Histoire interdite (Lattès, 1998) et Le Grand Bluff chinois (Laffont, 2007).

Il commente régulièrement l'actualité sur Europe 1 dans le cadre du Grand Débat (émission de Jean-Marc Morandini).

Il a également été, de 1991 à 2005, responsable de la rubrique gastronomique du magazine ELLE sous le pseudonyme de Léo Fourneau.
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Source : Wikipédia
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Thierry Wolton Prix Jan Michalski 2017 nous parle d'«Une histoire mondiale du communisme»


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Thierry Wolton
Extrait d'un entretien accordé au mensuel L'Incorrect.

L’INCORRECT N°39. Le Parti Communiste français fête ses cent ans. Si la formation est moribonde, l’idéologie n’en finit pas de renaître de ses ruines.Thierry Wolton a dédié son existence à en scruter les ressorts. Il est l’auteur de seize ouvrages sur la question, dont une extraordinaire Histoire mondiale du communisme (3500 p., 3 tomes : Les Bourreaux, Les Victimes, Les Complices). Nous l’interrogeons ici sur son dernier livre "Le négationnisme de gauche" (Grasset) qui montre comment les millions de morts du communisme sont doublement victimes : sacrifiés puis oubliés. Le communisme, c’est la promesse d’un passé radieux.Trou noir pour terreur rouge THIERRY WOLTON EntretienJean-François Paga – Grasset Propos recueillis par Sylvie Perez
63 L’INCORRECT N°39 — FÉVRIER 2021 ENTRETIEN

Quand le préfet de police de Paris Didier Lallement accompagne ses vœux pour 2021 d’une citation de Trotsky, est-ce anecdotique ou édifiant?
C'est indécent! Cette phrase est datée d'avril1918 dans ses Écrits militaires. Quelques mois plus tard, Trotsky ouvre les premiers camps de concentration. À l'époque, il commande l'Armée rouge qui est le maître d'œuvre du «nettoyage de classe» commencé en octobre1917. Qu'un haut représentant de l'État le cite sur une carte de vœux de la préfecture de police de Paris, est au mieux une preuve d'inculture, au pire de la complaisance. C'est comme s!il citait Goebbels. Il est évident que Lallement (sans jeu de mots) ne citerait pas Goebbels. Cela illustre l'hémiplégie qui persiste entre le totalitarisme communiste, encore considéré comme un bel idéal, et le nazisme, bien compris comme un mal absolu.
Êtes-vous un «anticommuniste primaire»? Oui! Et j'en suis fier! Ce n'est pas une position politique, c'est une position morale. Je suis anticommuniste, antinazi et anti-islamiste. Je condamne ces idéologies totalitaires. Mais si vous vous dites anticommuniste, on pense que vous êtes fasciste. C'est une forme de terrorisme intellectuel. Ce manichéisme est un héritage du XXe siècle communiste qui a profondément marqué le débat d'idées. Il y a les bons et les méchants, les communistes et les fascistes, rien entre les deux ; les bons détiennent la vérité, ils déterminent qui sont les méchants.
Le fait que la loi Gayssot (1990), qui pénalise la négation du nazisme, ait été portée par un député communiste n’est pas anodin selon vous...
En bon communiste, Gayssot a pris une initiative qui tombe à pic, à un moment où ça n'allait pas fort à l'Est. Les régimes tombaient. Les communistes français allaient s'en trouver fragilisés, alors ils ont réorienté le projecteur vers le nazisme, pour détourner l!attention.
Comment votre livre sur le négationnisme de gauche a-t-il été accueilli?
Par un certain silence. Plus problématique, le fait que mon Histoire mondiale du communisme ait eu si peu d!écho, compte tenu de l'ampleur du sujet. J'ai reçu des prix, mais ni Le Monde, ni L!Express, ni Le Parisien, ni La Croix, par exemple, n'en ont en fait une recension (et L'Obs en a dit du mal). Soyons optimistes, ce livre vivra longtemps, le sujet est incontournable. Vous ne pouvez pas comprendre le XXe siècle si vous ignorez l'histoire du communisme. Le nazisme lui-même s'intègre dans cette histoire. Sait-on par exemple que dans les années 1930, de jeunes hitlériens vont en URSS étudier le fonctionnement du Goulag?
Quels sont les grands moments du négationnisme de gauche?
La famine de 1932-1933 en Ukraine est le premier grand crime nié. Le film L'Ombre de Staline raconte le négationnisme du journaliste du New York Times Walter Duranty, correspondant à Moscou, prix Pulitzer pour ses reportages dans lesquels il nie la famine en Ukraine (3,9 millions de morts). Ce prix ne lui a jamais été retiré! L'autre grand moment, c'est la Seconde guerre mondiale. La condamnation du nazisme oblitère les crimes de masse en URSS. La terreur rouge a fait plus de victimes que la terreur brune. Avant que n'éclate le conflit, on compte déjà au moins 8 millions de morts en URSS dus à la guerre civile permanente menée par le parti-État contre le peuple. La victoire et le sacrifice incontestable de l'Armée rouge ont gommé tout ça.
A partir du procès Kravchenko à Paris, les «compagnons de route» vont tourner en dérision les témoignages de rescapés du stalinisme ! En 1975, les Khmers Rouges «libèrent» Phnom Penh... Avant cela, vous avez la Révolution culturelle. Simon Leys essaie, en vain, d'éclairer l'Occident sur l'ampleur des massacres. Puis, en 1975, avec Phnom Penh c!est le summum du déni, on est dans la complicité de crime contre l'humanité. Je pense au journal Le Monde. L'aveuglement de ce quotidien a été récurrent. Ceci dit, il a fait son auto-critique en 2014. Les Khmers Rouges sont stalino-maoïstes, ils représentent une épure du communisme, ils exterminent un tiers de la population. Avec le communisme, plus le temps passe, plus le sang coule. Les Khmers rouges sont pires que Mao, qui est pire que Staline, qui est pire que Lénine. Aujourd’hui, qui sont les porte-parole du négationnisme de gauche?
Cela ne se limite-t-il pas à quelques révolutionnaires de salon et obscurs éditeurs?
Delga est un éditeur négationniste. Annie Lacroix-Riz, qui a un honorable cursus universitaire, nie la dimension politique de l'holodomor ukrainien. Alain Badiou, qui considère que le communisme n'a pas été assez répressif, est régulièrement reçu sur France Culture. Slavoj Zizek, le philosophe slovène, écrit dans L'Obs. Je ne suis pas opposé à ce que Zizek s'exprime, mais il faudrait préciser qu'il nie les crimes du maoïsme. Vous imaginez Faurisson s'exprimer dans Le Monde sans qu!'on dise qu'il est un négationniste ? Même la dictature nord-coréenne trouve grâce aux yeux de quelques-uns... Il faut lire l'article de Yann Moix dans Paris Match ! Gérard Depardieu et lui sont invités en septembre 2018 en Corée du Nord pour fêter le 70e anniversaire de ce régime qui a réduit son peuple en esclavage. Ils assistent au défilé militaire, émerveillés ! C'est l'époque où Moix faisait la morale sur la façon dont sont traités les migrants en Europe.



Cette idéologie ne semble pas comptable de ses ravages. L’égalitarisme continue de séduire. Comment expliquer une telle immunité?
C'est une question qui m'obsède. Pourquoi ce crime, unique au monde dans son ampleur et sa cruauté, est-il négligé ? Je crois que trop de gens ont détourné le regard. Tant qu'il y aura des survivants de cette époque, nous n'aurons pas une histoire neutre. Le temps de l'histoire n!est pas le temps des hommes. Mais c'est d'autant plus troublant dans une société qui, à raison, se soucie du devoir de mémoire et condamne le commerce d'esclaves, moins contemporain et moins criminogène que le communisme. Plusieurs organisations perpétuent le souvenir des victimes, je pense à «Victims of Communism», à Washington. Vous avez surtout l'association russe «Memorial», fondée par Andreï Sakharov. Cette ONG moscovite accumule des documents, des bases de données sur les victimes du communisme, établit des listes des personnes exécutées, déportées, comme on l'a fait sur la Shoah. Comme elle est aidée par des fondations allemandes ou américaines, au nom de la loi contre les ONG financées par l'étranger, Poutine les brime. Parce que Poutine est un admirateur de Staline.
Sommes-nous à l’abri du retour du communisme?
Sans doute pas, mais je pense que la démocratie représentative telle qu'on l'a connue est en train de disparaître. Mon anti-communisme est avant tout fondé sur mon amour de la liberté. Avec la pandémie et le terrorisme, les libertés individuelles s'amenuisent. Le Conseil d'Etat vient de valider l'élargissement des fichiers de renseignement. Les opinions politiques, convictions philosophiques et religieuses, commentaires postés sur les réseaux sociaux, pourront être fichés par la police. Ça passe comme une lettre à la poste. Une nouvelle servitude se met en place, je le crains. Je viens de lire un livre instructif sur la Chine, Dictature2.0, de l!allemand Kai Strittmatter. La pandémie favorise une sinisation du monde. L!histoire le montre, quand l'État prend quelque chose, il ne le rend jamais.
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(Pages 394 et 395) :
LE PCF, PREMIER PARTI COLLABORATEUR DE FRANCE.

"Si Hitler malgré tout déclenche la guerre, alors qu'il sache qu'il trouvera devant lui le peuple de France, les communistes au premier rang", déclare le PCF dans un communiqué publié le 25 août 1939, deux jours après la signature du pacte [Germano-Soviétique]. Le 2 septembre, les députés communistes votent les crédits de guerre et répondent aux ordres de mobilisation. Un mois plus tard, le revirement est complet ; le PCF devient le parti le plus hitlérien de France. Dans une lettre à Edouard Herriot (président de la Chambre des députés), Jacques Duclos demande le 1er octobre1939 l'ouverture de pourparlers de paix avec l'Allemagne. Peu après, Maurice Thorez, le secrétaire général du PCF, ne répond pas à l'ordre de mobilisation et déserte (le 4 octobre). Au lendemain de l'invasion de la France, en mai-juin 1940, et dans les premières semaines de l'occupation, les dirigeants communistes franchissent le pas de la collaboration, avec un zèle que le Kremlin va devoir tempérer.
Jacques Duclos, responsable du parti depuis que Maurice Thorez s'est réfugié à Moscou, revient dans Paris occupé le 15 juin 1940. Il arrive de Belgique, presque derrière les blindés allemands, à bord d'une voiture diplomatique soviétique. Il s'installe à l'ambassade d'URSS d'où il peut recevoir les ordres de Moscou. Le 18 juin, jour de l'appel du général de Gaulle depuis Londres, les communistes prennent contact, eux, avec l'occupant. Ils veulent obtenir la publication légale de L'Humanité. La PC a été dissous et le journal, interdit par le gouvernement français depuis la signature du pacte germano-soviétique.
(...) Le 19 juin, la Kommandantur donne son accord pour la reparution de L'Humanité, à condition que le journal se soumette à la censure allemande. Le 20 juin, les premiers articles reçoivent l'imprimatur de l'occupant, le quotidien peut légalement paraître.
(...) Dans une analyse de la Gestapo, datée de la fin janvier 1941, on peut lire ce commentaire : "Jusqu'en septembre 1940, le PCF s'est limité à la lutte contre le gouvernement français."
(...) Le même jour [le 4 juillet], L'Humanité clandestine appelle à la fraternisation avec l'occupant : "Il est particulièrement réconfortant, en ces temps de malheur, de voir de nombreux travailleurs parisiens s'entretenir amicalement avec les soldats allemands, soit dans la rue, soit au "bistrot" du coin". Bravo, camarades ! Continuez, même si cela ne plaît pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants." Le 6 juillet, les communistes remettent à Abetz la copie des articles qu'ils veulent voir publier dans Ce soir."
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Il existe de nombreuses façons d'esquiver le bilan du communisme. La plus nette consiste à exonérer l'idéologie du crime, à prétendre que le communisme du XXe siècle n'a rien à voir avec le vrai communisme qui reste à construire au XXIe siècle. Les PC encore en exercice qui, comme leur nom l'indique, continuent le combat ne nient pas la catastrophe puisque d'après eux ce passé n'a rien à voir avec l'avenir qu'ils comptent bâtir. Cette posture est une affaire de survie pour eux, endosser l'héritage serait un suicide politique. Plus pervers sont ceux qui ne rejettent pas l'ampleur du crime, qui trouvent même nécessaires ces catastrophes, présentées comme des expériences ratées qui vont permettre d'éviter des erreurs similaires à l'avenir. Pour ceux-là, le matériel humain se réduit à des cobayes de laboratoire, victimes nécessaires à la recherche de la bonne voie qui va guérit le monde et ses inégalités, de ses injustices, la profession de foi de toujours du communisme. L'indifférence aux souffrances d'autrui, au nom d'un toujours hypothétique avenir radieux, propre à cette démarche intellectuelle, suffit à disqualifier ses partisans. Pour ses antépénultièmes utopistes, la réalité ne doit pas embarrasser le rêve égalitaire. Ils sont favorables à un retour à la case départ, à Marx et à son utopie originelle, ils bataillent pour démontrer que le philosophe n'est pour rien dans ce qui est arrivé, ce qui est en soi une lapalissade puisqu'on ne saurait le rendre coupable de faits postérieurs à ses élucubrations. Lapalissade sans doute, ponce-pilatisme sûrement : que les partis-Etats aient tous pratiqué la lutte des classes et la dictature du prolétariat, concepts marxistes par excellence, pour se livrer au "classicide", permet de penser que cette philosophie est bien l'une des causes de la catastrophe. Si le philosophe Marx n'est pas coupable, l'usage qui a été fait de sa philosophie par ses disciples l'est.
Les communistes qui n'ont pas exercé le pouvoir rejettent toute culpabilité. Ils n'ont jamais tué personne, il est vrai, faute probablement d'en avoir eu la possibilité.
(...) Il est des armes de l'esprit qui peuvent se révéler meurtrières aussi. Ces PC ne sont pas responsables des crimes commis derrière le Rideau de fer, c'est entendu, sauf d'avoir joint leurs voix au choeur de ceux qui réclamaient la mort pour les condamnés.
(...) Sans contrainte, l'appel au meurtre serait-il moins condamnable ?
Se décharger des crimes commis par d'autres est une manière de se défausser.
(Pages 1037 et 1038)
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Le plus prestigieux, sinon le plus précoce des hommes politiques occidentaux à avoir joué un rôle d'"idiot utile" pour le compte de l'Union soviétique avant guerre est probablement Edouard Herriot.
(...) Edouard Herriot, témoin choisi par Moscou pour cacher aux yeux du monde la mort de millions de paysans affamés par ordre du pouvoir [stalinien], peut jouer son rôle de complice. Ce n'est pas que le Français n'a rien vu, c'est qu'il n'a pas voulu dire.
(...) "Lorsqu'on prétend que l'Ukraine est dévastée par la famine, permettez-moi de hausser les épaules", déclare Herriot dès son retour en France. Plus tard, dans ses interviews, il parle du "jardin ukrainien" en pleine prospérité, puis dans un livre, publié en 1934, il reprend la terminologie soviétique sur la "prétendue famine". A Moscou, les dirigeants lui sont reconnaissants du rôle joué.
(...) L'ambassadeur de France, Charles Alphand, adresse à Paris un courrier rassurant sur l'Ukraine. Faisant fi de la "fausseté des nouvelles répandues dans la presse", il admet des difficultés dans le secteur agricole pour mieux accuser les koulaks [paysans russes moins pauvres que la moyenne] de sabotage avec la complicité de l'Allemagne "qui mène en Ukraine une campagne séparatiste".
(...) Lorsqu'il s'est créée en 1916 une association France-Russie, Herriot en a pris la présidence. Le pays passé sous l'emprise bolchevique, le Français a été l'un des premiers hommes politiques occidentaux à se rendre sur place, en 1922 - accompagné d'Edouard Daladier, autre membre du parti radical -, avant même que des relations diplomatiques entre Paris et Moscou ne soient établies. Il est revenu enthousiaste, déjà prêt à jouer les idiots utiles. "Les tables sont fort bien garnies. Nous sommes dans une région riche. De fait nous traversons des plaines parfaitement cultivées où les paysans travaillent les champs divisés, tout comme chez nous", témoigne-t-il dans un récit de voyage qui rencontra un franc succès de librairie.
A l'époque, la Russie bolchevique était déjà victime d'une famine meurtrière - 5,5 millions de morts au total -, dont Herriot n'a pas vu de traces, pas plus qu'il n'en remarquera une dizaine d'années plus tard dans un autre contexte. Il a toujours milité pour une reconnaissance diplomatique du régime bolchevique. Devenu président du Conseil, à la tête du Cartel des gauches, Herriot fit ouvrir une ambassade à Moscou, fin 1924.
(Pages 743 à 746)
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Les bourreaux n'ont jamais souhaité que l'on sache ce qu'il advenait de leurs victimes non par mauvaise conscience, mais pour punir aussi les proches du "coupable" en les laissant dans l'incertitude du sort réservé. A leur chagrin s'ajoutait alors le doute d'un vain espoir, ennemi du deuil. Dans l'URSS de Staline, par exemple, la condamnation sans droit de correspondance signifiait la mort, sans le dire. Il n'existe pas de sépulture des disparus, quelques croix parfois se dressent dans l'univers glacé et désertique de Sibérie, mais elles restent rares. La fosse commune a été le lot des condamnés. Des centaines d'entre elles ont souvent été découvertes par hasard, après la chute du communisme, à la faveur de travaux de terrassement, d'urbanisation, d'aménagement. Sans possibilité d'identification, ces morts demeurent anonymes pour l'éternité. Le nombre est un autre empêchement de la mémoire. Répétons-le, nulle autre cause ou idéologie dans l'histoire, que le communisme, n'a provoqué autant de morts en un temps si court, sur une si grande surface du globe. La pléthore et la dispersion du crime nuisent à sa reconnaissance, cela dépasse l'entendement et complique le travail de mémoire. L'esprit humain est dans l'incapacité de concevoir ce que peuvent représenter concrètement des dizaines de millions de morts. Le nombre devient une abstraction, les victimes perdent chair, corps et âme, leur caractère d'humains se dissout dans la multitude. Paradoxalement, l'ampleur du crime est le meilleur fourrier de l'amnésie communiste.
La diversité des victimes est un autre obstacle au deuil. Ce n'est ni l'appartenance à une race ou à une ethnie particulière, ni l'identification à une catégorie sociale déterminée, à une classe d'âge précise, à un niveau culturel donné, à une malformation physique ou mentale, ni une affaire d'opinion ou encore une question de moeurs, qui expliquent le crime communiste. C'est tout cela à la fois, plus d'autres critères encore.
(...) L'universalité de la victime est une nouvelle abstraction, et un nouvel embarras pour concevoir la singularité du crime communiste. La multiplicité des méthodes d'extermination nuit encore à la qualification du délit. Entre les déportations, les exécutions, les tortures, les famines, la mort a pris plusieurs visages.
(Pages 1000 et 1001)
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En novembre 1947, Maurice Thorez se rend à Moscou pour assister aux festivités du 30e anniversaire de la "Grande Révolution Socialiste d'Octobre". Avant son retour en France, Staline le reçoit à la demande du Français. Le secrétaire général du PCF vient chercher conseil auprès du Guide, Staline souhaite de son côté s'informer sur la situation des communistes en France et en Europe. Le rapport de maître à élève subsiste entre les deux hommes, moins prononcé toutefois que lors de leur précédente rencontre il y a trois ans. Le compte rendu de l'entretien le note à un moment :
"Thorez dit que les communistes français seront fiers du fait que lui, Thorez, ait eu l'honneur de s'entretenir avec le Cam. [Camarade] Staline. Thorez remarque que, bien qu'il soit français, il a l'âme d'un citoyen soviétique. Le Cam. Staline dit que nous sommes tous communistes et que cela veut tout dire."
(...) L'histoire aurait été autre si l'Armée rouge avait libéré la France, se désole Staline. Thorez abonde dans ce sens :
"Le Cam. Staline dit que su Churchill avait encore retardé d'un an l'ouverture d'un second front dans le nord de la France, l'Armée rouge serait allée jusqu'en France. Le Cam. Staline dit que nous avions l'idée d'arriver jusqu'à Paris", note le compte rendu.
"Thorez dit que les Anglo-Américains ont débarqué en France moins pour détruire l'Allemagne que pour prendre position en Europe occidentale.
Le Cam Staline dit que, bien évidemment, les Anglo-Américains ne pouvaient laisser l'Armée rouge libérer Paris, alors que, pour leur part, ils seraient restés sur les rives de l'Afrique. [Dans leur esprit] cela aurait été un vrai scandale.
Thorez dit qu'il peut certifier au Cam. Staline que le peuple français aurait accueilli l'Armée rouge avec enthousiasme.
Le Cam. Staline dit que de telles conditions le tableau aurait été tout autre. Thorez dit alors que de Gaulle n'existerait pas.
Le Cam. Staline dit que de Gaulle serait parti."
(Pages 276 et 277)
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La passion égalitaire ayant trouvé en France, avec la Révolution, à s'exprimer plus tôt qu'ailleurs, le communisme ne pouvait qu'y rencontrer un écho favorable.
(...) Lorsque au début de la Révolution l'abbé Sieyès s'en prend à la caste des privilégiés "dont l'existence seule est une hostilité continuelle contre le grand corps du peuple", il donne une cause à la haine de classe que le marxisme-léninisme se chargera par la suite de systématiser. Comme on le sait, la France de 1789 est saisie d'une "Grande Peur" alimentée par la crainte d'un complot aristocratique imaginaire, qui attise la colère du peuple, et plus tard encore lors de l'assaut des armées étrangères. La Terreur de 1793 a pour but de satisfaire la crainte du peuple terrorisé en appelant à venger "les martyrs de la liberté", avec pour point d'orgue la proclamation d'un "jour de la Vengeance", honoré par l'usage intensif de la "vengeresse du peuple", autre nom donné à la sinistre guillotine. Ces précédents ne sont pas sans rappeler le complexe obsidional qu'allaient instrumentaliser tous les régimes de "dictature du prolétariat" afin de justifier leur terreur. Le "jour de la Vengeance", par exemple, se mue chez les communistes vietnamiens en "jour de la Haine".
"Soyons terribles pour dispenser au peuple de l'être", dit Danton quand il faut justifier la mise en place d'un tribunal révolutionnaire. Au XXe siècle, les tribunaux communistes vont se charger d'être "terribles", au nom et pour le bien du peuple. Le Comité de salut public jacobin se donne pour programme, entre autres, de "purger les prisons et déblayer le sol des immondices, de ces rebuts de l'humanité".
Les régimes communistes vont à leur tour pratiquer la dépersonnalisation des "ennemis du peuple" pour les éliminer. La notion même d'"ennemi du peuple", identifiée à Louis Capet, promis à la décapitation parce que "ennemi extérieur" du corps de la Nation, trouve son origine chez Robespierre et Saint-Just.
(...) Le procès de Louis XVI annonce la justice de classe qui fonctionnera sous d'autres cieux plus tard. "Il n'y a point ici de procès à faire, souhaite Robespierre. Louis n'est point un accusé, vous n'êtes point des juges."
(...) La Terreur une fois décrétée, en septembre 1793, la Convention adopte une loi sur les suspects, destinée selon Saint-Just à "punir non seulement les traîtres, mais les indifférents (...), quiconque est passif dans la République et ne fait rien pour elle". Ultérieurement, les communistes traduiront cela par le mot d'ordre : "Qui n'est pas avec nous est contre nous." Lors du massacre vendéen, le représentant du Comité de salut public proclame la liquidation de "tous les individus des deux sexes" afin de purger le "sol de cette engeance". "Je lève mon verre à l'extermination finale de tous les ennemis et de toute leur lignée", dira Staline en pleine Grande Terreur, un soir de réception au Kremlin.
(Pages 630, 631 et 632)
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MIEUX VAUT EN RIRE
Le marxisme, le communisme
* Un communiste, c'est celui qui a lu Marx. Un anticommuniste, c'est celui qui l'a compris.

* Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme, le communisme c'est l'inverse.

* Le communisme c'est comme l'horizon, plus on s'en approche, plus il s'éloigne.

* Un petit garçon rend visite à son cousin, le fils d'un important responsable du Comité central.
- Tu sais, dis le premier, notre chienne, Laïka, vient d'avoir six petits chiots.
- Ce sont des chiens communistes ?
- Bien sûr.
Deux semaines plus tard, les cousins se retrouvent.
- Dis, tu m'en donneras un, de tes petits chiots communistes ?
- Maintenant, ils ne sont plus communistes, ils ont ouvert les yeux.

Le parti
* Un vieux Polonais est sur son lit de mort. Il fait appeler ses fils à son chevet pour leur dire ses dernières volontés. Il leur annonce qu'il veut entrer au parti communiste.
- Papa, tu n'y penses pas ! s'exclament ses fils.
- J'y pense au contraire, dit le vieux. Quand je mourrai, cela fera toujours un membre du parti de moins.

* Aux Jeux olympiques, un athlète hongrois bat de plusieurs mètres son propre record du monde au lancement du marteau. Les journalistes se précipitent pour l'interviewer. L'un deux demande à l'entraîneur :
- Quelles sont vos méthodes d'entraînement ?
- C'est simple, nous lui avons promis que s'il gagnait, la prochaine fois nous lui laisserions balancer la faucille aussi.

* A quoi servent les syndicats dans les démocraties populaires ? A protéger les militants du parti contre la colère des ouvriers.

Les dirigeants
* - J'ai bien peur d'avoir de gros ennuis.
- A cause de quoi ?
- Ce matin, le secrétaire de cellule m'a convoqué, il m'a fait entrer dans une grande salle et là, il m'a montré les portraits de Marx, Lénine, Khrouchtchev et Brejnev accrochés au mur et puis il m'a dit : "Décroche ce salaud-là."
- Eh bien, qu'est-ce que tu as fait ?
- Sans réfléchir, je lui ai demandé : "Lequel ?"

* Castro demande à son fidèle conseiller, Pepito :
- Est-ce vrai, ce qu'on raconte, que beaucoup de gens viendront cracher sur ma tombe quand je serai mort ?
- Euh... On le dit...
- Et toi, tu iras aussi cracher sur ma tombe ?
- Ah non, Fidel ! Pas de danger ! J'en ai par-dessus la tête de faire la queue tout le temps.

L'arbitraire, la répression
* La population soviétique se partage en trois, ceux qui ont été en prison, ceux qui y sont, ceux qui attendent d'y aller.

* Question d'un formulaire : "Est-ce que vous avez été réprimé ? Si non, pourquoi ?"

* Moscou, à l'époque de la Grande Terreur.
Un homme et son épouse dorment tranquillement dans leur appartement quand ils sont réveillés par des martèlements de pas dans l'escalier. La sonnette de l'appartement retentit, accompagnée de forts coups sur la porte. Le mari, plus mort que vif, se lève pour ouvrir. Il revient une minute après.
- Ne t'inquiète pas, chérie, ce n'est que la maison qui brûle.

L'occupant soviétique
* Quel est le pays le plus grand du monde ? La Hongrie. Cela fait plus de vingt ans que les troupes soviétiques y sont et elles n'ont toujours pas trouvé la sortie.
Non, c'est Cuba. L'île a son gouvernement à Moscou, son armée en Afrique et sa population active en Floride.

La pénurie
* - La radio annonce que l'abondance règne dans le pays et notre réfrigérateur est vide.
- Branchez-le donc sur l'antenne de votre radio.

* A Prague, le camarade Polacek entre dans une charcuterie.
- Je voudrais 200 grammes de jambon, dit-il.
- Plus de jambon, camarade.
- Alors, une moitié de jambonneau.
- Plus de jambonneau, camarde.
- Eh bien, des saucisses.
- Plus de saucisses, camarde.
Polacek s'énerve :
- Vous avez du fromage de tête ?
- Non.
- Alors, du saucisson ou du pâté de foie ?
La vendeuse secoue la tête et dit au gérant du magasin :
- Il a une bonne mémoire, le camarade...

* Adrian va commander sa Dacia chez le concessionnaire de Bucarest. Le vendeur lui indique la date de livraison : 16 avril 1992, soit... quinze ans plus tard. Pris d'un doute, Adrian sort son agenda :
- D'accord, mais il faudrait que ce soit le matin, parce que l'après-midi j'attends le plombier qui doit réparer les toilettes.

* Une réunion du parti dans un kolkhoze. Deux questions sont à l'ordre du jour : la construction d'une grange et la construction du communisme. Faute de planches, on est passé tout de suite à la seconde question.

Le communisme, ses tares et ses échecs
* Les 7 merveilles du système communiste :
1) il n'y a pas de chômage, mais personne ne travaille ;
2) personne ne travaille, mais le plan est rempli ;
3) le plan est rempli, mais il n'y a rien à acheter ;
4) il n'y a rien à acheter, mais il y a des queues partout ;
5) il y a des queues partout, mais nous sommes au seuil de l'abondance ;
6) nous sommes au seuil de l'abondance, mais tout le monde est mécontent ;
7) tout le monde est mécontent, mais tous votent "pour".

* Quel enfer est préférable, le communiste ou le capitaliste ?
Le communiste, bien sûr. Soit il n'y a pas d'allumettes, soit on manque de carburant, soit le chaudron est en réparation, soit les diables sont à une réunion du parti.

* Quelles sont les deux étapes du communisme ? La crise de croissance et la croissance de la crise.

* Quelles sont les quatre calamités dont souffre l'agriculture dans les pays communistes ? Le printemps, l'été, l'automne et l'hiver.

* Giscard d'Estaing téléphone à Gierek, le premier secrétaire du PC polonais.
- Edward, je me suis rendu compte que tu as raison. Jai décidé que la France sera socialiste !
- Bien, bien, Valéry. Je t'approuve. Mais livrez d'abord les machines.

L'arroseur arrosé : les blagues
* Un juge sort en riant aux éclats de la salle d'audience. L'un de ses collègues lui demande la cause de son hilarité :
- J'ai entendu une histoire drôle, très très drôle, répond le juge.
- Raconte !
- Je ne peux pas, je viens de donner dix ans pour ça.

* Radio-Erevan institue un concours de blagues, doté de trois prix :
Premier prix : 20 ans.
Deuxième prix : 10 ans.
Troisième prix : 5 ans.

* Conversation au Goulag :
- Tu es ici pour quoi, toi ?
- Paresse.
- Comment ça, paresse ?
- Ben oui, on était trios à boire un soir, on s'est raconté des histoires drôles politiques. Je suis rentré chez moi, et avant de me coucher, je me suis dit qu'il faudrait peut-être aller rapporter tout ça à qui de droit. Mais j'ai eu la flemme, je me suis dit que j'irais le lendemain. Eh bien les autres y sont allés le soir même.
(Pages 787 à 798)
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(Pages 165 et 166) :
Au printemps 1919 apparaissent les samedis communistes, soubotniki, un jour de travail supplémentaire, "volontaire", non rémunéré. Ces samedis obligatoires sont d'abord réservés aux communistes, pour qu'ils donnent l'exemple, avant d'être appliqués à tous. En juin 1919, le livret de travail est institué. Il devient impossible pour tout citoyen de plus de 16 ans de changer d'entreprise sans ce document. Un parfait instrument de contrôle social, qui rappelle les méthodes capitalistes du XIXe siècle avec le livret ouvrier.
Au début de 1920, un tour de vis supplémentaire est proposé par Trotski. La Russie soviétique lui doit déjà les camps de concentration et la prise d'otages comme moyen de rétorsion, elle s'engage grâce à lui sur la voie de la militarisation du travail. La notion de "travail libre" est bourgeoise, proclame-t-il, il faut inspirer "à chaque ouvrier le sentiment d'être un soldat du travail, qui n'a pas le droit de disposer librement de lui-même".
(...) Selon lui, le travailleur doit obéir comme un simple soldat. "S'il reçoit un ordre, il doit l'exécuter, précise-t-il. En cas de non-exécution, il sera condamné pour désertion et devra subir le châtiment."
Travailler ou mourir, voilà la nouvelle alternative. A en croire Trotski, la capacité du socialisme d'enrôler une main-d'oeuvre de force est un avantage décisif sur le capitalisme. Le retard de la Russie en matière de développement économique devait être compensé grâce au pouvoir de contrainte étatique.
(...) Trotski précise sa pensée au congrès des syndicats, en avril : "On dit que le travail coercitif est improductif. Si cela était vrai, toute l'économie socialiste serait condamnée, car il n'est pas d'autre voie vers le socialisme que la répartition autoritaire de la main-d'oeuvre par l'autorité économique supérieure de l'Etat. Si cette main-d'oeuvre organisée et répartie autoritairement doit être improductive, alors mettez une croix sur le socialisme."
Jamais l'aveu n'a été aussi clair.
(...) Il [Trotski] plaide pour la suppression des droits syndicaux et la subordination des syndicats à l'appareil du parti-Etat. L'idée fera son chemin, les syndicats allaient bientôt devenir de simples courroies de transmission du pouvoir.
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"Kaderakte" est le nom donné au dossier confidentiel tenu à jour conjointement par le parti, la police politique et l'employeur de chaque Allemand de l'Est. Ce dossier contient des informations sur son éducation, sa carrière, ses convictions, ses liens familiaux, ses amis, son engagement idéologique, ses contacts étrangers, ses habitudes personnelles et tout autre renseignement utile pour tracer un portrait complet de l'individu. La Kaderakte accompagne le citoyen depuis son premier jour de travail jusqu'à sa retraite.
(...) Le nombre de dossiers générés en quarante ans d'existence par la Stasi "équivaut à peu près à toutes les archives de l'histoire allemande depuis le Moyen Age", déclare en 1996, l'historien Klaus-Dietmar Henke, en charge à l'époque du département de la recherche sur l'ex-police politique, devant les juristes de l'Association internationale du barre au, réunis en Congrès à Berlin. Mis bout à bout, l'ensemble de ces dossiers représenteraient 120 kilomètres de long. Une partie de ces archives, déchirées manuellement par les fonctionnaires est-allemands au moment de la chute du Mur, est en voie de reconstitution par des équipes spécialisées. Compte tenu du nombre de dossiers à restaurer, il faudra environ quatre siècles pour venir à bout de ce puzzle.
Les Berlinois ont longtemps surnommé le quartier général de la Stasi "la maison aux milliers d'yeux", une image qui fait écho à ce slogan khmer rouge sur l'Angkar, baptisé "les yeux de l'ananas", une organisation capable de tout voir. Durant le IIIe Reich, un Allemand sur 2 000 était un agent de la Gestapo, estime-t-on ; l'URSS de Staline aurait compté, elle, un mouchard du NKVD pour 5 830 habitants en moyenne ; en RDA, une personne sur 63 est devenue un indicateur de la Stasi. Si l'on compte les informateurs "occasionnels", la proportion atteint une personne sur 6,5. A la veille de la chute du régime, les 80 000 fonctionnaires de la Sécurité d'Etat, chargés de surveiller une population de 17 millions d'habitants, pouvaient compter sur 170 000 "collaborateurs non officels", "Inoffizielle Mitarbeiter" en Allemand, les IM.
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