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Citations de Thierry Wolton (691)


Thierry Wolton
Extrait d'un entretien accordé au mensuel L'Incorrect.

L’INCORRECT N°39. Le Parti Communiste français fête ses cent ans. Si la formation est moribonde, l’idéologie n’en finit pas de renaître de ses ruines.Thierry Wolton a dédié son existence à en scruter les ressorts. Il est l’auteur de seize ouvrages sur la question, dont une extraordinaire Histoire mondiale du communisme (3500 p., 3 tomes : Les Bourreaux, Les Victimes, Les Complices). Nous l’interrogeons ici sur son dernier livre "Le négationnisme de gauche" (Grasset) qui montre comment les millions de morts du communisme sont doublement victimes : sacrifiés puis oubliés. Le communisme, c’est la promesse d’un passé radieux.Trou noir pour terreur rouge THIERRY WOLTON EntretienJean-François Paga – Grasset Propos recueillis par Sylvie Perez
63 L’INCORRECT N°39 — FÉVRIER 2021 ENTRETIEN

Quand le préfet de police de Paris Didier Lallement accompagne ses vœux pour 2021 d’une citation de Trotsky, est-ce anecdotique ou édifiant?
C'est indécent! Cette phrase est datée d'avril1918 dans ses Écrits militaires. Quelques mois plus tard, Trotsky ouvre les premiers camps de concentration. À l'époque, il commande l'Armée rouge qui est le maître d'œuvre du «nettoyage de classe» commencé en octobre1917. Qu'un haut représentant de l'État le cite sur une carte de vœux de la préfecture de police de Paris, est au mieux une preuve d'inculture, au pire de la complaisance. C'est comme s!il citait Goebbels. Il est évident que Lallement (sans jeu de mots) ne citerait pas Goebbels. Cela illustre l'hémiplégie qui persiste entre le totalitarisme communiste, encore considéré comme un bel idéal, et le nazisme, bien compris comme un mal absolu.
Êtes-vous un «anticommuniste primaire»? Oui! Et j'en suis fier! Ce n'est pas une position politique, c'est une position morale. Je suis anticommuniste, antinazi et anti-islamiste. Je condamne ces idéologies totalitaires. Mais si vous vous dites anticommuniste, on pense que vous êtes fasciste. C'est une forme de terrorisme intellectuel. Ce manichéisme est un héritage du XXe siècle communiste qui a profondément marqué le débat d'idées. Il y a les bons et les méchants, les communistes et les fascistes, rien entre les deux ; les bons détiennent la vérité, ils déterminent qui sont les méchants.
Le fait que la loi Gayssot (1990), qui pénalise la négation du nazisme, ait été portée par un député communiste n’est pas anodin selon vous...
En bon communiste, Gayssot a pris une initiative qui tombe à pic, à un moment où ça n'allait pas fort à l'Est. Les régimes tombaient. Les communistes français allaient s'en trouver fragilisés, alors ils ont réorienté le projecteur vers le nazisme, pour détourner l!attention.
Comment votre livre sur le négationnisme de gauche a-t-il été accueilli?
Par un certain silence. Plus problématique, le fait que mon Histoire mondiale du communisme ait eu si peu d!écho, compte tenu de l'ampleur du sujet. J'ai reçu des prix, mais ni Le Monde, ni L!Express, ni Le Parisien, ni La Croix, par exemple, n'en ont en fait une recension (et L'Obs en a dit du mal). Soyons optimistes, ce livre vivra longtemps, le sujet est incontournable. Vous ne pouvez pas comprendre le XXe siècle si vous ignorez l'histoire du communisme. Le nazisme lui-même s'intègre dans cette histoire. Sait-on par exemple que dans les années 1930, de jeunes hitlériens vont en URSS étudier le fonctionnement du Goulag?
Quels sont les grands moments du négationnisme de gauche?
La famine de 1932-1933 en Ukraine est le premier grand crime nié. Le film L'Ombre de Staline raconte le négationnisme du journaliste du New York Times Walter Duranty, correspondant à Moscou, prix Pulitzer pour ses reportages dans lesquels il nie la famine en Ukraine (3,9 millions de morts). Ce prix ne lui a jamais été retiré! L'autre grand moment, c'est la Seconde guerre mondiale. La condamnation du nazisme oblitère les crimes de masse en URSS. La terreur rouge a fait plus de victimes que la terreur brune. Avant que n'éclate le conflit, on compte déjà au moins 8 millions de morts en URSS dus à la guerre civile permanente menée par le parti-État contre le peuple. La victoire et le sacrifice incontestable de l'Armée rouge ont gommé tout ça.
A partir du procès Kravchenko à Paris, les «compagnons de route» vont tourner en dérision les témoignages de rescapés du stalinisme ! En 1975, les Khmers Rouges «libèrent» Phnom Penh... Avant cela, vous avez la Révolution culturelle. Simon Leys essaie, en vain, d'éclairer l'Occident sur l'ampleur des massacres. Puis, en 1975, avec Phnom Penh c!est le summum du déni, on est dans la complicité de crime contre l'humanité. Je pense au journal Le Monde. L'aveuglement de ce quotidien a été récurrent. Ceci dit, il a fait son auto-critique en 2014. Les Khmers Rouges sont stalino-maoïstes, ils représentent une épure du communisme, ils exterminent un tiers de la population. Avec le communisme, plus le temps passe, plus le sang coule. Les Khmers rouges sont pires que Mao, qui est pire que Staline, qui est pire que Lénine. Aujourd’hui, qui sont les porte-parole du négationnisme de gauche?
Cela ne se limite-t-il pas à quelques révolutionnaires de salon et obscurs éditeurs?
Delga est un éditeur négationniste. Annie Lacroix-Riz, qui a un honorable cursus universitaire, nie la dimension politique de l'holodomor ukrainien. Alain Badiou, qui considère que le communisme n'a pas été assez répressif, est régulièrement reçu sur France Culture. Slavoj Zizek, le philosophe slovène, écrit dans L'Obs. Je ne suis pas opposé à ce que Zizek s'exprime, mais il faudrait préciser qu'il nie les crimes du maoïsme. Vous imaginez Faurisson s'exprimer dans Le Monde sans qu!'on dise qu'il est un négationniste ? Même la dictature nord-coréenne trouve grâce aux yeux de quelques-uns... Il faut lire l'article de Yann Moix dans Paris Match ! Gérard Depardieu et lui sont invités en septembre 2018 en Corée du Nord pour fêter le 70e anniversaire de ce régime qui a réduit son peuple en esclavage. Ils assistent au défilé militaire, émerveillés ! C'est l'époque où Moix faisait la morale sur la façon dont sont traités les migrants en Europe.



Cette idéologie ne semble pas comptable de ses ravages. L’égalitarisme continue de séduire. Comment expliquer une telle immunité?
C'est une question qui m'obsède. Pourquoi ce crime, unique au monde dans son ampleur et sa cruauté, est-il négligé ? Je crois que trop de gens ont détourné le regard. Tant qu'il y aura des survivants de cette époque, nous n'aurons pas une histoire neutre. Le temps de l'histoire n!est pas le temps des hommes. Mais c'est d'autant plus troublant dans une société qui, à raison, se soucie du devoir de mémoire et condamne le commerce d'esclaves, moins contemporain et moins criminogène que le communisme. Plusieurs organisations perpétuent le souvenir des victimes, je pense à «Victims of Communism», à Washington. Vous avez surtout l'association russe «Memorial», fondée par Andreï Sakharov. Cette ONG moscovite accumule des documents, des bases de données sur les victimes du communisme, établit des listes des personnes exécutées, déportées, comme on l'a fait sur la Shoah. Comme elle est aidée par des fondations allemandes ou américaines, au nom de la loi contre les ONG financées par l'étranger, Poutine les brime. Parce que Poutine est un admirateur de Staline.
Sommes-nous à l’abri du retour du communisme?
Sans doute pas, mais je pense que la démocratie représentative telle qu'on l'a connue est en train de disparaître. Mon anti-communisme est avant tout fondé sur mon amour de la liberté. Avec la pandémie et le terrorisme, les libertés individuelles s'amenuisent. Le Conseil d'Etat vient de valider l'élargissement des fichiers de renseignement. Les opinions politiques, convictions philosophiques et religieuses, commentaires postés sur les réseaux sociaux, pourront être fichés par la police. Ça passe comme une lettre à la poste. Une nouvelle servitude se met en place, je le crains. Je viens de lire un livre instructif sur la Chine, Dictature2.0, de l!allemand Kai Strittmatter. La pandémie favorise une sinisation du monde. L!histoire le montre, quand l'État prend quelque chose, il ne le rend jamais.
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(Pages 394 et 395) :
LE PCF, PREMIER PARTI COLLABORATEUR DE FRANCE.

"Si Hitler malgré tout déclenche la guerre, alors qu'il sache qu'il trouvera devant lui le peuple de France, les communistes au premier rang", déclare le PCF dans un communiqué publié le 25 août 1939, deux jours après la signature du pacte [Germano-Soviétique]. Le 2 septembre, les députés communistes votent les crédits de guerre et répondent aux ordres de mobilisation. Un mois plus tard, le revirement est complet ; le PCF devient le parti le plus hitlérien de France. Dans une lettre à Edouard Herriot (président de la Chambre des députés), Jacques Duclos demande le 1er octobre1939 l'ouverture de pourparlers de paix avec l'Allemagne. Peu après, Maurice Thorez, le secrétaire général du PCF, ne répond pas à l'ordre de mobilisation et déserte (le 4 octobre). Au lendemain de l'invasion de la France, en mai-juin 1940, et dans les premières semaines de l'occupation, les dirigeants communistes franchissent le pas de la collaboration, avec un zèle que le Kremlin va devoir tempérer.
Jacques Duclos, responsable du parti depuis que Maurice Thorez s'est réfugié à Moscou, revient dans Paris occupé le 15 juin 1940. Il arrive de Belgique, presque derrière les blindés allemands, à bord d'une voiture diplomatique soviétique. Il s'installe à l'ambassade d'URSS d'où il peut recevoir les ordres de Moscou. Le 18 juin, jour de l'appel du général de Gaulle depuis Londres, les communistes prennent contact, eux, avec l'occupant. Ils veulent obtenir la publication légale de L'Humanité. La PC a été dissous et le journal, interdit par le gouvernement français depuis la signature du pacte germano-soviétique.
(...) Le 19 juin, la Kommandantur donne son accord pour la reparution de L'Humanité, à condition que le journal se soumette à la censure allemande. Le 20 juin, les premiers articles reçoivent l'imprimatur de l'occupant, le quotidien peut légalement paraître.
(...) Dans une analyse de la Gestapo, datée de la fin janvier 1941, on peut lire ce commentaire : "Jusqu'en septembre 1940, le PCF s'est limité à la lutte contre le gouvernement français."
(...) Le même jour [le 4 juillet], L'Humanité clandestine appelle à la fraternisation avec l'occupant : "Il est particulièrement réconfortant, en ces temps de malheur, de voir de nombreux travailleurs parisiens s'entretenir amicalement avec les soldats allemands, soit dans la rue, soit au "bistrot" du coin". Bravo, camarades ! Continuez, même si cela ne plaît pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants." Le 6 juillet, les communistes remettent à Abetz la copie des articles qu'ils veulent voir publier dans Ce soir."
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Les crimes nazis valent les crimes communistes, et vice versa, une concurrence des victimes est non seulement indigne mais superfétatoire, comme d'essayer de distinguer ces dizaines de millions de morts en fonction des causes et des méthodes de leur extermination. L'idéologie totalitaire, ce mal né avec le XXe siècle, est l'unique coupable, au-delà de la couleur qu'elle a pu revêtir. C'est elle qui a armé la main des bourreaux, qui leur a donné bonne conscience et qui explique l'étendue de l'hécatombe. Sorti de là , le reste n'est que négationnisme.
La concurrence des mémoires n'est pas plus digne que celle des victimes.
(Pages 1041 et 1042)
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Il existe de nombreuses façons d'esquiver le bilan du communisme. La plus nette consiste à exonérer l'idéologie du crime, à prétendre que le communisme du XXe siècle n'a rien à voir avec le vrai communisme qui reste à construire au XXIe siècle. Les PC encore en exercice qui, comme leur nom l'indique, continuent le combat ne nient pas la catastrophe puisque d'après eux ce passé n'a rien à voir avec l'avenir qu'ils comptent bâtir. Cette posture est une affaire de survie pour eux, endosser l'héritage serait un suicide politique. Plus pervers sont ceux qui ne rejettent pas l'ampleur du crime, qui trouvent même nécessaires ces catastrophes, présentées comme des expériences ratées qui vont permettre d'éviter des erreurs similaires à l'avenir. Pour ceux-là, le matériel humain se réduit à des cobayes de laboratoire, victimes nécessaires à la recherche de la bonne voie qui va guérit le monde et ses inégalités, de ses injustices, la profession de foi de toujours du communisme. L'indifférence aux souffrances d'autrui, au nom d'un toujours hypothétique avenir radieux, propre à cette démarche intellectuelle, suffit à disqualifier ses partisans. Pour ses antépénultièmes utopistes, la réalité ne doit pas embarrasser le rêve égalitaire. Ils sont favorables à un retour à la case départ, à Marx et à son utopie originelle, ils bataillent pour démontrer que le philosophe n'est pour rien dans ce qui est arrivé, ce qui est en soi une lapalissade puisqu'on ne saurait le rendre coupable de faits postérieurs à ses élucubrations. Lapalissade sans doute, ponce-pilatisme sûrement : que les partis-Etats aient tous pratiqué la lutte des classes et la dictature du prolétariat, concepts marxistes par excellence, pour se livrer au "classicide", permet de penser que cette philosophie est bien l'une des causes de la catastrophe. Si le philosophe Marx n'est pas coupable, l'usage qui a été fait de sa philosophie par ses disciples l'est.
Les communistes qui n'ont pas exercé le pouvoir rejettent toute culpabilité. Ils n'ont jamais tué personne, il est vrai, faute probablement d'en avoir eu la possibilité.
(...) Il est des armes de l'esprit qui peuvent se révéler meurtrières aussi. Ces PC ne sont pas responsables des crimes commis derrière le Rideau de fer, c'est entendu, sauf d'avoir joint leurs voix au choeur de ceux qui réclamaient la mort pour les condamnés.
(...) Sans contrainte, l'appel au meurtre serait-il moins condamnable ?
Se décharger des crimes commis par d'autres est une manière de se défausser.
(Pages 1037 et 1038)
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Les bourreaux n'ont jamais souhaité que l'on sache ce qu'il advenait de leurs victimes non par mauvaise conscience, mais pour punir aussi les proches du "coupable" en les laissant dans l'incertitude du sort réservé. A leur chagrin s'ajoutait alors le doute d'un vain espoir, ennemi du deuil. Dans l'URSS de Staline, par exemple, la condamnation sans droit de correspondance signifiait la mort, sans le dire. Il n'existe pas de sépulture des disparus, quelques croix parfois se dressent dans l'univers glacé et désertique de Sibérie, mais elles restent rares. La fosse commune a été le lot des condamnés. Des centaines d'entre elles ont souvent été découvertes par hasard, après la chute du communisme, à la faveur de travaux de terrassement, d'urbanisation, d'aménagement. Sans possibilité d'identification, ces morts demeurent anonymes pour l'éternité. Le nombre est un autre empêchement de la mémoire. Répétons-le, nulle autre cause ou idéologie dans l'histoire, que le communisme, n'a provoqué autant de morts en un temps si court, sur une si grande surface du globe. La pléthore et la dispersion du crime nuisent à sa reconnaissance, cela dépasse l'entendement et complique le travail de mémoire. L'esprit humain est dans l'incapacité de concevoir ce que peuvent représenter concrètement des dizaines de millions de morts. Le nombre devient une abstraction, les victimes perdent chair, corps et âme, leur caractère d'humains se dissout dans la multitude. Paradoxalement, l'ampleur du crime est le meilleur fourrier de l'amnésie communiste.
La diversité des victimes est un autre obstacle au deuil. Ce n'est ni l'appartenance à une race ou à une ethnie particulière, ni l'identification à une catégorie sociale déterminée, à une classe d'âge précise, à un niveau culturel donné, à une malformation physique ou mentale, ni une affaire d'opinion ou encore une question de moeurs, qui expliquent le crime communiste. C'est tout cela à la fois, plus d'autres critères encore.
(...) L'universalité de la victime est une nouvelle abstraction, et un nouvel embarras pour concevoir la singularité du crime communiste. La multiplicité des méthodes d'extermination nuit encore à la qualification du délit. Entre les déportations, les exécutions, les tortures, les famines, la mort a pris plusieurs visages.
(Pages 1000 et 1001)
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Le plus prestigieux, sinon le plus précoce des hommes politiques occidentaux à avoir joué un rôle d'"idiot utile" pour le compte de l'Union soviétique avant guerre est probablement Edouard Herriot.
(...) Edouard Herriot, témoin choisi par Moscou pour cacher aux yeux du monde la mort de millions de paysans affamés par ordre du pouvoir [stalinien], peut jouer son rôle de complice. Ce n'est pas que le Français n'a rien vu, c'est qu'il n'a pas voulu dire.
(...) "Lorsqu'on prétend que l'Ukraine est dévastée par la famine, permettez-moi de hausser les épaules", déclare Herriot dès son retour en France. Plus tard, dans ses interviews, il parle du "jardin ukrainien" en pleine prospérité, puis dans un livre, publié en 1934, il reprend la terminologie soviétique sur la "prétendue famine". A Moscou, les dirigeants lui sont reconnaissants du rôle joué.
(...) L'ambassadeur de France, Charles Alphand, adresse à Paris un courrier rassurant sur l'Ukraine. Faisant fi de la "fausseté des nouvelles répandues dans la presse", il admet des difficultés dans le secteur agricole pour mieux accuser les koulaks [paysans russes moins pauvres que la moyenne] de sabotage avec la complicité de l'Allemagne "qui mène en Ukraine une campagne séparatiste".
(...) Lorsqu'il s'est créée en 1916 une association France-Russie, Herriot en a pris la présidence. Le pays passé sous l'emprise bolchevique, le Français a été l'un des premiers hommes politiques occidentaux à se rendre sur place, en 1922 - accompagné d'Edouard Daladier, autre membre du parti radical -, avant même que des relations diplomatiques entre Paris et Moscou ne soient établies. Il est revenu enthousiaste, déjà prêt à jouer les idiots utiles. "Les tables sont fort bien garnies. Nous sommes dans une région riche. De fait nous traversons des plaines parfaitement cultivées où les paysans travaillent les champs divisés, tout comme chez nous", témoigne-t-il dans un récit de voyage qui rencontra un franc succès de librairie.
A l'époque, la Russie bolchevique était déjà victime d'une famine meurtrière - 5,5 millions de morts au total -, dont Herriot n'a pas vu de traces, pas plus qu'il n'en remarquera une dizaine d'années plus tard dans un autre contexte. Il a toujours milité pour une reconnaissance diplomatique du régime bolchevique. Devenu président du Conseil, à la tête du Cartel des gauches, Herriot fit ouvrir une ambassade à Moscou, fin 1924.
(Pages 743 à 746)
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En novembre 1947, Maurice Thorez se rend à Moscou pour assister aux festivités du 30e anniversaire de la "Grande Révolution Socialiste d'Octobre". Avant son retour en France, Staline le reçoit à la demande du Français. Le secrétaire général du PCF vient chercher conseil auprès du Guide, Staline souhaite de son côté s'informer sur la situation des communistes en France et en Europe. Le rapport de maître à élève subsiste entre les deux hommes, moins prononcé toutefois que lors de leur précédente rencontre il y a trois ans. Le compte rendu de l'entretien le note à un moment :
"Thorez dit que les communistes français seront fiers du fait que lui, Thorez, ait eu l'honneur de s'entretenir avec le Cam. [Camarade] Staline. Thorez remarque que, bien qu'il soit français, il a l'âme d'un citoyen soviétique. Le Cam. Staline dit que nous sommes tous communistes et que cela veut tout dire."
(...) L'histoire aurait été autre si l'Armée rouge avait libéré la France, se désole Staline. Thorez abonde dans ce sens :
"Le Cam. Staline dit que su Churchill avait encore retardé d'un an l'ouverture d'un second front dans le nord de la France, l'Armée rouge serait allée jusqu'en France. Le Cam. Staline dit que nous avions l'idée d'arriver jusqu'à Paris", note le compte rendu.
"Thorez dit que les Anglo-Américains ont débarqué en France moins pour détruire l'Allemagne que pour prendre position en Europe occidentale.
Le Cam Staline dit que, bien évidemment, les Anglo-Américains ne pouvaient laisser l'Armée rouge libérer Paris, alors que, pour leur part, ils seraient restés sur les rives de l'Afrique. [Dans leur esprit] cela aurait été un vrai scandale.
Thorez dit qu'il peut certifier au Cam. Staline que le peuple français aurait accueilli l'Armée rouge avec enthousiasme.
Le Cam. Staline dit que de telles conditions le tableau aurait été tout autre. Thorez dit alors que de Gaulle n'existerait pas.
Le Cam. Staline dit que de Gaulle serait parti."
(Pages 276 et 277)
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"Les communistes ont toujours pensé que l'humanité importait plus que les hommes."
Simon Leys
(Page 1051)
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Le 28 novembre 2008, le Parlement ukrainien vote la loi qui attribue le statut de génocide à la famine de 1932-1933, connue sous le nom d'Holodomor, littéralement "extermination par la faim", cause de millions de morts. A la suite de ce vote, l'Etat ukrainien engage une campagne internationale pour faire reconnaître la nature de ce crime de masse. A Kiev, une commémoration annuelle est organisée chaque dernier week-end de novembre. Les Ukrainiens, où qu'ils se trouvent dans le monde, sont invités ces jours-là à allumer des bougies devant leur fenêtre. Les drapeaux ukrainiens sont mis en berne, le pays observe une minute de silence, une procession suivie d'une messe rend hommage aux victimes.
(Page 1016)
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"Nous sommes tous responsables, bien que dans des mesures différentes, du cours de la machinerie totalitaire, aucun de nous n'est seulement victime, tous, nous avons contribué à sa formation."
Vaclav Havel
(Page 997)
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"La misère est l'âme immortelle du communisme."
Leszek Kolakowski
(Page 853)
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La passion égalitaire ayant trouvé en France, avec la Révolution, à s'exprimer plus tôt qu'ailleurs, le communisme ne pouvait qu'y rencontrer un écho favorable.
(...) Lorsque au début de la Révolution l'abbé Sieyès s'en prend à la caste des privilégiés "dont l'existence seule est une hostilité continuelle contre le grand corps du peuple", il donne une cause à la haine de classe que le marxisme-léninisme se chargera par la suite de systématiser. Comme on le sait, la France de 1789 est saisie d'une "Grande Peur" alimentée par la crainte d'un complot aristocratique imaginaire, qui attise la colère du peuple, et plus tard encore lors de l'assaut des armées étrangères. La Terreur de 1793 a pour but de satisfaire la crainte du peuple terrorisé en appelant à venger "les martyrs de la liberté", avec pour point d'orgue la proclamation d'un "jour de la Vengeance", honoré par l'usage intensif de la "vengeresse du peuple", autre nom donné à la sinistre guillotine. Ces précédents ne sont pas sans rappeler le complexe obsidional qu'allaient instrumentaliser tous les régimes de "dictature du prolétariat" afin de justifier leur terreur. Le "jour de la Vengeance", par exemple, se mue chez les communistes vietnamiens en "jour de la Haine".
"Soyons terribles pour dispenser au peuple de l'être", dit Danton quand il faut justifier la mise en place d'un tribunal révolutionnaire. Au XXe siècle, les tribunaux communistes vont se charger d'être "terribles", au nom et pour le bien du peuple. Le Comité de salut public jacobin se donne pour programme, entre autres, de "purger les prisons et déblayer le sol des immondices, de ces rebuts de l'humanité".
Les régimes communistes vont à leur tour pratiquer la dépersonnalisation des "ennemis du peuple" pour les éliminer. La notion même d'"ennemi du peuple", identifiée à Louis Capet, promis à la décapitation parce que "ennemi extérieur" du corps de la Nation, trouve son origine chez Robespierre et Saint-Just.
(...) Le procès de Louis XVI annonce la justice de classe qui fonctionnera sous d'autres cieux plus tard. "Il n'y a point ici de procès à faire, souhaite Robespierre. Louis n'est point un accusé, vous n'êtes point des juges."
(...) La Terreur une fois décrétée, en septembre 1793, la Convention adopte une loi sur les suspects, destinée selon Saint-Just à "punir non seulement les traîtres, mais les indifférents (...), quiconque est passif dans la République et ne fait rien pour elle". Ultérieurement, les communistes traduiront cela par le mot d'ordre : "Qui n'est pas avec nous est contre nous." Lors du massacre vendéen, le représentant du Comité de salut public proclame la liquidation de "tous les individus des deux sexes" afin de purger le "sol de cette engeance". "Je lève mon verre à l'extermination finale de tous les ennemis et de toute leur lignée", dira Staline en pleine Grande Terreur, un soir de réception au Kremlin.
(Pages 630, 631 et 632)
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La haine est indispensable à la pensée totalitaire, et indissociable d'elle, puisqu'elle permet d'excuser l'élimination de ceux qu'elle considère comme un obstacle à sa réalisation. Dans le cas du nazisme il est évident que la haine du national-socialisme pour le juif a justifié sa destruction au nom de la "pureté de la race" recherchée. Le communisme n'agit pas autrement envers les "ennemis du peuple" qui obstruent la marche vers le socialisme. La différence entre les deux totalitarismes tient toutefois à la qualité de l'ennemi à éliminer. Le caractère racial du nazisme fixe les règles alors que la catégorie "ennemi du peuple" du communisme est à géométrie variable, son périmètre est décidé par le parti-Etat. Cette catégorie fourre-tout revient au fond à faire du peuple lui-même l'"ennemi du peuple", c'est-à-dire la négation de ce que le communisme prétend servir. Dialectique marxiste sans doute.
(Page 628)
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"Un régime révolutionnaire doit se débarrasser d'un certain nombre d'individus qui le menacent et je ne vois pas d'autres moyens que la mort. On peut toujours sortir de prison. Les révolutionnaires de 1793 n'ont probablement pas assez tué."
Jean-Paul Sartre
(Page 625)
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Avant de s'engager aux côtés du PCF, Jean-Paul Sartre estimait que sa liberté intellectuelle était incompatible avec l'esprit de parti. Une fois qu'il s'est mis à cheminer en compagnie des communistes il a senti combien il est difficile de quitter leur giron. Le manichéisme de la pensée marxiste-léniniste, le confort qu'offre sa vision binaire du monde - les bons contre les méchants - marquent l'esprit de ceux qui subissent son emprise.
(Page 623)
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Le Rideau de fer, le coup de Prague de février 1948, tout cela fait partie d'un "processus démocratique" normal si l'on en croit la physicienne Irène Joliot-Curie. Les compagnons de route se donnent le mot aux quatre coins du monde pour excuser la mainmise de l'URSS.
(Page 583)
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De prestigieux intellectuels et artistes rejoignent le PCF en fanfare. Le 1er septembre 1944, L'Humanité titre à la une "Bienvenue Joliot-Curie", puis vient le tour de Paul Langevin, de Picasso, de Francis Jourdain dont les adhésions sont à chaque fois annoncées triomphalement par le quotidien communiste.
(Page 582)
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Depuis sa rupture avec les surréalistes, Louis Aragon est devenu ce qu'il aspirait à être, le phare de la culture communiste en France.
Occuper cette place nécessite une stricte discipline idéologique vis-à-vis du parti et l'allégeance à l'URSS.
(Page 571)
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Les intellectuels qui ont flirté avec le fascisme ne sont pas vraiment dépaysés chez les communistes. Ils retrouvent dans le PC le vieux fonds anticapitaliste et antilibéral qui fut aussi celui de Mussolini, un socialiste radical à l'origine, rappelons-le. La coloration brun-rouge du fascisme n'est pas incompatible avec le rouge-brun du communisme, comme on le sait.
(Page 555)
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"Le marxisme, c'est la messe en latin, là où on ne comprend pas, on s'incline."
André Gide
(Page 547)
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