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Citations de Thomas Pynchon (145)


Pour régner perpétuellement, continue le Chinois, il importe seulement de créer, parmi le Peuple sur lequel on veut régner, ce que nous appelons... une Histoire Néfaste. Rien ne produira cette Histoire Néfaste aussi directement et aussi brutalement que le tracé d'une Ligne, en particulier une Ligne droite, la Force même du Mépris, au sein même d'un Peuple, — afin d'ainsi créer entre nous une distinction, — c'est le premier coup à porter. — Tout le reste s'ensuivra, comme prédestiné, jusqu'à la Guerre et la Dévastation.
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Ce que sont pour le libertin les cuisses ouvertes, ce qu'est un vol d'oiseaux migrateurs pour l'ornithologue, ce qu'est la tenaille pour l'ajusteur, voilà ce qu'était pour le jeune Stencil la lettre V. Il rêvait, une fois par semaine, peut-être bien, que tout cela n'avait été qu'un rêve, et qu'à présent il se réveillait pour découvrir que la poursuite de V. n'était après tout qu'une recherche purement intellectuelle, une aventure de l'esprit, selon la tradition du Rameau d'or ou de la Déesse blanche.
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Le désert envahit la terre de l'homme subrepticement. Celui-ci n'est pas fellah, mais il possède tout de même un bout de terrain. Il l'avait possédé. Encore tout jeune garçon, il avait réparé le mur, l'avait cimenté, avait transporté des pierres aussi lourdes que lui, les avait soulevées, les mises en place. Mais le désert pénètre malgré tout. Le mur est-il traître, pour laisser passer le désert de la sorte? A moins que le jeune garçon ne soit possédé par djinn qui sabote le travail de ses mains? Ou la puissance du désert est-elle si grande que ni le garçon, ni le mur, ni le père, ni la mère décédés ne peuvent rien contre lui?
Non. Le désert envahit. C'est un fait; rien de plus. Aucun djinn ne possède le garçon, aucune traîtrise n'habite le mur, aucune hostilité le désert. Rien.
Bientôt, il n'y aura rien. Bientôt, le désert seulement.
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"Le tissu de l'histoire contemporaine, songeait Eigenvalue, doit être tout en fronces, si bien que pour les gens qui, comme Stencil, se trouve au creux d'une de ces fronces, il est impossible de discerner la chaîne, la trame ou le motif de l'ensemble. Néanmoins, le seul fait d'exister au creux d'une fronce fait supposer d'autres fronces semblables, chacunes enfermanée dans un cycle sinueux, et l'on en vient à prêter à ces cycles une importance plus grande encore qu'au tissage proprement dit et l'on abolit toute idée d'unité. C'est ainsi que nous sommes charmés par ces automobiles si drôles des années trente, par la mode si curieuse des années vingt, par les étranges pratiques morales de nos grands-parents. Nous sommes producteurs et spectateur de comédies musicales, dont ils sont les héros, et nous nous laissons embringuer dans une fausse représentation et une nostalgie bidon de ce qu'ils ont été. Et, conséquement, nous somme fermés à toute notion de tradition continue. Si nous avions vécu sur la crête de la vague, il en aurais été autrement. Au moins, nous aurions pu voir."
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"Elle ne pouvait détacher son regard du sien. Il avait des yeux noirs, entourés de rides incroyablement serrées. On aurait dit un labyrinthe de laboratoire destiné à l'étude des larmes. Ces yeux semblaient savoir ce qu'elle voulait, alors qu'elle l'ignorait elle-même."



"Les mots, qui s'en soucie ? Ce ne sont que des bruits appris par cœur, pour franchir la barrière des os dans la mémoire des acteurs. C'est dans cette tête qu'est la réalité. Dans ma tête. Je suis le projecteur dans le planétarium, avec tout ce petit univers fermé visible dans le cercle de cette scène qui jaillit de ma bouche, de mes yeux et, parfois, d'autres orifices également."
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- (...) "Vous êtes flic ?"
- "Voyons." Doc examina ses pieds. "Nan... pas les bonnes pompes."
- "Si je demande, c'est que vous seriez flic, vous auriez droit à un aperçu gratuit de notre Pussy-Eater's Special...?"
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Que restait-il à hériter? Cette Amérique qui se trouvait codée dans le testament d'Inverarity, à qui appartenait-elle? Elle pensa à des wagons de marchandises immobilisés, où les gosses assis par terre, heureux comme Baptiste, chantaient en coeur le refrain des chansons que leur mère écoutait sur son transistor; à d'autres squatters, dressant des tentes derrière les vastes réclames le long des autoroutes, ou bien endormis dans les cimetières de voitures, à l'abri dans des carcasses de vieilles Plymouth, ou même qui n'hésitaient pas à passer la nuit en haut d'un poteau télégraphique dans les tentes qu'y installent les poseurs de ligne, comme des chenilles dans leurs cocons, à se balancer dans une toile d'araignée de fils téléphoniques, au sein d'un écheveau de fils de cuivre, celui du miracle séculaire des communications, sans se soucier du voltage qui filait tout au long de ces kilomètres de métal, transportant des milliers de messages à travers la nuit. Elle se souvint de ces errants qu'elle avait écoutés, des Américains qui parlaient la langue avec beaucoup de soin, en érudits, comme des exilés venus d'un autre monde invisible mais qui aurait été le double fantomatique du pays béni où elle vivait. Et ces ombres qui sillonnent les routes, la nuit, et qui surgissent tout à coup dans la lumière des phares, mais ils ne lèvent pas les yeux, et ils sont trop loin d'une ville quelconque pour aller vraiment quelque part.

Un après-midi d'été, Mrs Oedipa Maas rentra d'une réunion Tupperware où l'hôtesse avait peut-être mis trop de kirsch dans sa fondue pour découvrir qu'elle, Oedipa, venait d'être nommée exécuteur testamentaire, ou plutôt exécutrice, se dit-elle, d'un certain Pierce Inverarity, magnat californien de l'immobilier.
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D’une façon ou d’une autre, tout cela était lié à une histoire qu’il avait entendue autrefois, une histoire où il était question d’un homme qui se balade avec une vis d’or à la place du nombril. Pendant vingt ans il consulte donc, à travers le monde, des médecins, des spécialistes, afin qu’ils le débarrassent de cette vis, et toujours sans succès. Un jour enfin, à Haïti, il rencontre un docteur vaudou qui lui donne une potion malodorante. Il la boit, il s’endort et il rêve. Il rêve qu’il est dans une rue éclairée de lampes vertes. Alors, suivant les instructions du médecin-sorcier, il tourne deux fois à droite et une fois à gauche, depuis son point de départ, découvre un arbre près du septième réverbère, tout couvert de ballons multicolores. Sur la quatrième branche à partir du sommet, il y a un ballon rouge ; il le casse et trouve à l’intérieur un tournevis au manche de plastique jaune. Au moyen de ce tournevis, il retire la vis de son ventre et, aussitôt, il se réveille. C’est le matin. Il porte son regard sur son nombril: la vis a disparu. Enfin la malédiction de vingt ans est levée ! Délirant de joie, il bondit hors du lit. Son cul se détache et tombe.
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-Je suis le vingtième siècle, lut-elle.
Profane s'écarta en roulant sur lui-même et se mit à étudier les dessins du tapis.
-Je suis le ragtime et le tango; le sansérif, géométrie pure. Je suis le fouet en cheveux de vierge et les entraves astucieusement fignolées d'une passion décadente. Je suis toutes les gares solitaires de chemin de fer, dans toutes les capitales d'Europe. Je suis la rue, les bâtiments publics sans fantaisie:le café dansant, le mannequin automate, le saxophone de jazz; la coiffure de la dame touriste, les seins de caoutchouc pédé, la pendulette de voyage qui toujours donne la mauvaise heure et carillonne sur des tons différents. Je suis le palmier mort; les vernis du danseur nègre; la fontaine tarie après la saison touriste. Je suis tous les attributs de la nuit.
-ça vient assez bien.
-je ne sais pas.
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Thomas Pynchon
Les acteurs parlaient une langue que l'on pourrait désigner sous le nom de Transplanted Middle Western Stage British, un anglais de scène modifié à l'intention des spectateurs américains du Middle West.
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Petit, on lui avait dit que la mer était une femme. Cela lui avait valu de passer officier de transmission sur un destroyer.
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Vénus était debout, dans ce qui semblait être la moitié d'une coquille scongille, grasse, blonde et, le Gaucho, tedesco de tempérament, la trouvait à son goût. Mais il ne comprenait pas ce qui se passait dans le reste du tableau. Il semblai y avoir un conflit quelconque autour de la question: fallait-il ou non voiler sa nudité? Sur la droite, une dame piriforme, à l'oeil vitreux, cherchait à l'envelopper d'une couverture mais, sur la gauche, un coléreux jeune homme, avec des ailes dans le dos, souflait à pleins poumons, afin que le vent de son haleine emportât ladite couverture, cependant qu'une jeune personne à peine vêtue s'enroulait littéralement autour de lui, dans l'espoir, sans doute, de le calmer et de le ramener au lit. Pendant que cette étrange engeance se chamaillait, Vénus restait là, les yeux fixés au loin sur on ne sait trop quoi, tout en drapant autour d'elle ses longs cheveux torsadés. Aucun de ces personnages ne semblait regarder aucun autre. Un tableau déconcertant. Le Gaucho ne pouvait imaginer pourquoi signor Mantissa y tenait, mais cela n'était pas l'affaire du Gaucho.
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Raoul écrivait des scénarios pour la télévision, respectant et vitupérant tout à la fois les tabous des bailleurs de fonds, comme il sied dans cette industrie.
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Ils sont en train de détruire la planète [...] La bonne nouvelle c'est que, comme toute créature vivante, la terre possède également un système immunitaire, et que tôt ou tard elle se mettra à rejeter les agents porteurs de maladie, telle l'industrie pétrolière. Et avant, espérons-le, qu'on finisse comme l'Atlantide et la Lémurie. 
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Dans le bureau de Doc, il y avait deux banquettes à haut dossier recouvertes de plastique capitonné fuschia, disposées face à face, de part et d'autre d'une table en Formica d'un agréable vert tropical.
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Qu'était-ce que « marcher sur l'eau » sinon le terme biblique pour désigner le surf ?
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Revenu à nouveau chez lui, Doc s'en roula un gros, mit un film de deuxième partie de soirée, trouva un vieux tee-shirt, s'assit, et le déchira en courtes bandes d'un peu plus d'un centimètre de large jusqu'à en avoir entassé une centaine, puis alla sous la douche un moment et, les cheveux encore mouillés, prit de petites mèches qu'il enroula chacune individuellement autour d'une bande de tee-shirt, les faisant tenir grâce à un noeud d'arrêt, réitéra l'opération façon plantation du Sud sur toute sa tête, puis, après peut-être une demi-heure au sèche-cheveux, durant laquelle il s'endormit peut-être, ou peut-être pas, il défit les noeuds et, la tête en bas, brossa de la racine aux extrémités pour obtenir ce qui lui parut une coupe afro de Blanc relativement présentable, d'une cinquantaine de centimètres de diamètre.
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Rachel, qui voyait la glace sous un angle de 45°, pouvait observer les deux cadrans, celui tourné vers la salle et l'autre, reflété dans le miroir; elle avait sous les yeux le temps et le temps à rebours, coexistant, et s'annulant parfaitement. Trouvait-on, de par le monde, beaucoup de ces points de référence, ou seulement en des endroits-noeuds tels que celui-ci, qui abrite une population en transit d'imparfaits et d'insatisfaits? Est-ce que le temps réel plus le temps virtuel (ou temps-miroir) équivalaient à zero, confirmant ainsi quelque principe moral à moitié compris?
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— Alors pourquoi tu restes dans ce métier ? Pourquoi ne pas te dégoter une péniche dans le delta de Sacramento – fumer, picoler, pêcher, baiser, tu vois, ce que font les viocs.
— N'oublie pas ronchonner et bougonner.
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Notre cauchemar actuel, la Bombe, s'y trouve déjà en germe. En 1959, ce n'était déjà pas drôle, cela l'est encore moins maintenant car le risque n'a fait que croître. Cela n'a jamais rien eu de subliminal. A part cette succession de fous criminels qui sont au pouvoir depuis 1945, et qui auraient pu y faire quelque chose, nous autres, pauvres moutons, nous avons vécu en proie à une peur élémentaire et universelle. Sans doute avons-nous tous essayé, à un degré quelconque, de vivre dans la lente escalade de l'impuissance et de la terreur, soit en essayant de penser à autre chose, soit en perdant carrément la tête. Parmi ces différentes manifestations d'impuissance, une solution se présentait : en faire de la fiction, le cas échéant, comme ici sur le fond d'un lieu et d'une époque plus pittoresques.

(Introduction de Pynchon à cette réédition de nouvelles de "débutant")
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