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Critiques de Tigrane Yegavian (8)
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Arménie : À l'ombre de la montagne sacrée

Joli titre poétique pour cet ouvrage à la fois civilisationnel, sociologique, culturel et politique. La montagne sacrée auquel il est fait allusion dans le titre est bien sûr le mont Ararat, montagne-point d’ancrage essentiel pour les Arméniens, bien que non situé en Arménie, par la force de l’histoire qu’a connu ce pays. Une histoire imbibée du sang de ses habitants, versé lors du tragique génocide de 1915 (sachant que les massacres d’Arméniens avaient commencé dès 1894) mais également lors des conflits récurrents du Haut-Karabagh.



Tigrane Yegavian, journaliste franco-arménien, nous raconte dans une première partie les facettes de son Arménie dans cet ouvrage (architecture kitsch d’Erevan, poids de l’Église d’Arménie, mythes fondateurs du pays, etc.), mais nous montre surtout la dualité auquel est soumise en permanence l’Arménie : dualité Arménie soviétique/Arménie d’aujourd’hui, diaspora arménienne (centrée, voire obnubilée par le génocide, qui n’a pas ce poids en Arménie)/Arméniens « autochtones ». Et qui se traduit même dans les deux langues arméniennes parlées dans le pays : l’arménien littéraire, et les différentes versions de l’arménien actuel, dont l’arménien occidental, considéré comme vulgaire par les autochtones…

Même si la lecture entre ces chapitres, instantanés de l’Arménie d’hier et d’aujourd’hui, est plutôt fluide, j’ai regretté qu’ils ne soient pas organisés selon un plan précis : on passe ainsi des grands artistes arméniens à la géographie du pays, puis à la religion, puis au génocide… donnant ainsi une impression de patchwork un peu fouillis.



La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à trois entretiens avec trois universitaires dont deux Arméniens. Très intéressants, centrés principalement sur l’histoire politique du pays, ils permettent d’insister sur ce qui était sous-jacent dans la première partie : l’Arménie est encore un pays en pleine construction, qui n’a pas encore pleinement acquis son indépendance, enclavée comme elle l’est entre l’Iran, l’Azerbaïdjan et la Russie, qui fait encore peser sur elle un certain joug.



Ainsi, « Arménie. A l’ombre de la montagne sacrée » se révélera être un agréable complément à un guide de voyage, ou une introduction pour qui souhaite découvrir ce pays. Merci donc à Babélio et aux éditions Nevicata, qui m’ont permis d’un savoir un peu plus sur les origines de ma famille maternelle, et de découvrir une jolie collection originale, « L’âme des peuples », qui présente des récits de voyage dans des villes et pays du monde couplés à des entretiens avec des spécialistes.
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Arménie : À l'ombre de la montagne sacrée

Arménie, à l’ombre de la montagne sacrée est un livre de sociologie qui permet de découvrir un pays. Entre récit de voyage et reportage documentaire, Tigrane Yegaviane nous entraîne au cœur de cette contrée mystique. Une collection à découvrir. Lecture intéressante et instructive.

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Diasporalogue

Diasporalogue : une autopsie contemporaine de l’arménité



Il n’est pas aisé de se lancer dans la critique d’un ouvrage lorsque celui-ci est l’œuvre de deux amis. Il est encore moins aisé de prendre le recul nécessaire lorsque – comme c’est mon cas – on a été personnellement engagé dans les questions dont traite l’essai considéré. Mais il n’aurait pas été non plus honnête de cacher ces deux difficultés.



« Diasporalogue » n’est pas un ouvrage théorique, ce n’est pas un traité au sens habituel du terme. C’est plutôt une pensée à voix haute, l’expression de ces ruminations qui sont sans doute communes à de nombreuses personnes d’origine arménienne et qui trouvent actuellement un écho en fait assez universel au sein de la thématique actuellement en vogue de l’identité.



En quelques deux cents pages, Serge Avédikian et Tigrane Yégavian – les auteurs – balaient un vaste panorama avec une seule et même interrogation en ligne de mire : qu’est-ce qu’être Arménien en diaspora aujourd’hui ? Quelles responsabilités cela implique-t-il éventuellement ? Quel supplément d’âme cela confère-t-il peut-être ? Et est-il encore permis ou possible d’articuler une pensée collective sinon commune, bref de faire sens dans un monde de plus en plus délité ?



De leur relation à la France à celle qu’ils entretiennent avec leurs Arménies rêvées, de la lancinante question de la Turquie et de son négationnisme d’Etat à celle non moins lancinante de la transmission de la langue et de la culture en Diaspora, de la « fraternité des ébranlés » avec une communauté juive à la fois admirée et jalousée à la géopolitique infernale entre Erevan, Ankara et Tel-Aviv, Diasporalogue possède d’indéniables qualités didactiques, voire pédagogiques. Il a aussi – et ce n’est pas négligeable – le mérite de la franchise et de l’honnêteté intellectuelle, si ce n’est toujours celui de la clarté des concepts. Mais on ne saurait vraiment reprocher à un telle entreprise de défrichage de plus « tremper la plume dans la plaie » que d’apporter ces réponses monolithiques et comme prédigérées dans le confort trompeur desquelles les Arméniens de France se sont trop longtemps assoupis, pour se réveiller un jour en réalisant qu’ils n’existaient presque plus.



Il faut dire que, sans doute, Serge Avédikian et Tigrane Yégavian étaient les bons bretteurs pour un tel dialogue à bâtons rompus : L’aîné, homme de théâtre et de cinéma est né en 1955 en Arménie soviétique d’une famille d’Arméniens de France qui avait succombé aux charmes captieux de la propagande stalinienne pour retourner au pays en 1947– un pays qui n’était d’ailleurs pas celui des rescapés de la Turquie ottomane qu’ils étaient. Le cadet, journaliste baroudeur issu d’une famille aleppine est né est France en 1984 mais il a passé toute son enfance au Portugal avant de revenir dans notre pays à l’adolescence pour mieux bourlinguer aux quatre coins de la Diaspora, de Jérusalem à Alep, de Erevan à Istanbul. D’authentiques diasporiques donc mais qui ne sont pas dupes jusqu’à se penser représentatifs : car si les perspectives qu’offre Diasporalogue sont ambitieuses et réellement transnationales – déraisonnables et donc sans doute seules porteuses d’une parcelle de vérité – elles sont bien loin de constituer aujourd’hui l’ordinaire de la pensée des Arméniens de France qui – pour la plupart – ne sont plus guère que des Français d’origine arménienne. Et les auteurs le savent bien.



Reste un angle mort qu’on aurait aimé voir mieux traité : celui de la lame de fond du libéralisme économique et surtout sociétal qui corrode depuis des décennies les traditionnelles valeurs de solidarité et d’entraide. A cette aune, la coupe réglée à laquelle est actuellement soumis le monde arménien – diaspora et Arménie comprise – ne constitue sans doute nullement une exception mais la fragilité des sociétés arméniennes, fragilité en partie liée au génocide jamais réparé, confère à ce monde une sensibilité, une lucidité et peut-être même une résilience d’avant-garde : si l’avenir des nations est trans-étatique, il faut plaider avec les auteurs de Diasporalogue pour que les Arméniens ne renoncent pas à la multipolarité de leur monde au profit d’un seul centre – d’une seule Arménie – à la fois moins riche en termes d’expérience sociale et moins robuste en termes d’avenir politique.



Si l’ouvrage se garde prudemment de donner quelque conclusion définitive, il a donc le mérite de brosser un panorama sincère de la richesse méconnue de l’expérience arménienne et il faut espérer – qu’au-delà de son lectorat convenu – il inspire le public plus large de tous ceux qu’intéressent les questions complexes des identité fragmentées et de la constitution politique des communautés nationales. Peut-être qu’après tout il avait raison, ce rude paysan des confins désolés du lac Sevan, en affirmant que si son peuple était toujours là, c’était peut-être parce que « les Arméniens ont encore quelque chose à dire au monde ».

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Arménie : À l'ombre de la montagne sacrée

Ce livre est en deux parties . La première est le récit de l'auteur, arménien de la diaspora, où est exposée sa vision de l'Arménie et où son amour pour elle transpire à chaque ligne. C'est extrêmement bien documenté, très intéressant culturellement, sans réelle chronologie historique.

On passe d'Erevan et ses building "kitsch", à l'Armenie de la fin du XIX ème, aux données géographiques... Aucun problème de navigation pour le lecteur , c'est agréable à lire , truffé de références aux élites de ce pays.

On trouve dans cette partie l'un des thèmes les plus marquants du livre , la différence de vision entre autochtones et exilés arméniens. Les locaux ne font pas du génocide une fixation quotidienne , alors que sa reconnaissance est le combat permanent de l’intelligentsia exilée. Les grandes dates du pays, l'importance de l'église, la position géographique historiquement aux confins de plusieurs géants, l'évolution de la société et notamment l'importance du "rabbiz" ("genre musical créé en URSS dans les années 1920 et qui est à l'Arménie ce que le flamenco est à l'Espagne") sont évoquées.

La deuxième partie est constituée de trois entretiens avec un spécialiste français de l'Arménie puis deux arméniens .

Ces entretiens, rythmés et plaisants à la lecture, reprennent à travers les questions les thèmes évoqués dans la première partie, principalement l'histoire contemporaine du pays. Le conflit avec l’Azerbaïdjan au sujet du Karabagh y prend toute son importance et traduit une vraie résistance du peuple arménien .

J'ai personnellement découvert l'existence de ce conflit grâce au football lors du match Qarabag Agdam/ASSE . Agdam était une ville de 160000 habitants aujourd'hui ville fantôme suite à la guerre Azéri/Arménienne. Toutefois, cette équipe de foot joue ses matchs à ...Bakou. Donc, même si des médias occidentaux placent le Haut Karabagh sous drapeaux arméniens, la réalité n'est peut être pas si évidente.

Enfin, je tenais à préciser que je me suis intéressé à l'Arménie et particulièrement au génocide grâce à une chanson d'un groupe français d'origine arménienne , "No one is Innocent", "Another land" .

System of a down , groupe inclassable américain d'origine arménienne , mené par le chanteur Serj Tankian , a aussi beaucoup fait pour faire connaitre le génocide arménien. C'est grâce à ces gens là que je me suis intéressé à l'Arménie, il me semblait intéressant de les mentionner au moment de clôturer la critique, positive, d'un ouvrage facile à lire, qui pose très bien les problèmes de l'Arménie contemporaine , tout en faisant une belle part à l'histoire et aux traditions. Je l'aurais juste souhaité un plus long, mais c'est une excellente introduction.
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Arménie : À l'ombre de la montagne sacrée

Arménie. A l'ombre de la montagne sacrée est un petit livre très instructif. L'auteur, Tigrane Yegavian, y expose dans un style très fluide et agréable sa vision propre de son pays, l'Arménie. Pour les novices en la matière (comme moi), on y découvre un pays très hétérogène mais uni cependant par sa religion, le christianisme, très ancrée chez les arméniens. Pays sans cesse sécoué par les aléas de l'histoire et ce de par sa situation géographique, car entouré de nombreux voisins (Turquie, Russie, Azerbaïdjan, Géorgie et Iran), le pays n'a cessé d'être l'objet de conflits, le dernier en date étant le conflit du Haut-Karabagh.

Une part importante est faite au génocide de 1915 qui entraîna la mort de millions d'arméniens, l'auteur constate à ce sujet la différence de comportement entre les arméniens de la diaspora qui font de la reconnaissance de ce tragique évènement un véritable combat et les arméniens d'Arménie qui voient aujourd'hui d'autres priorités pour leur bien-être ("le combat contre les inégalités, la résistance à un système oligarchique et à l'arbitraire du pouvoir").

Du point de vue artistique, nous pouvons découvrir l'Arménie sous ses différents aspects, que ce soit l'architecture (dans un style visiblement très "kitsch"), la littérature, au travers des grands auteurs qui ont mis leur pays en lumière, et la musique.

La seconde partie du livre est constituée de trois entretiens avec des Universitaires arméniens, Jean Pierre Mahé, Levon Abrahamian et Liudmila Harutunian. Chacun y expose au travers d'une série de questions son point de vue sur son pays.

Je remercie donc encore Babelio et les Editions Nevicata pour ce livre qui m'a permis de connaître un peu mieux l'histoire de l'Arménie.
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Minorités d'Orient : Les oubliés de l'Histoire

Depuis des siècles, les chrétiens d’Orient représentent des groupes oubliés par tous, perdus dans la masse de musulmans, dont certains imposent la charia et condamnent à tour de bras pour motif de blasphème. Pour beaucoup, le quotidien se mue en tragédie, avec répression, emprisonnement, torture ou exil. Le règne de l’immédiateté nous fait omettre le vécu de ces croyants opprimés. Bien entendu, ils ne constituent pas un groupe homogène, mais appartiennent à diverses confessions ayant le Christ et la Bible comme colonne vertébrale. Présents depuis l’apparition du christianisme au Proche-Orient et au Moyen-Orient, ils ont progressivement vu leur zone d’influence se réduire à peau de chagrin. Par la force des choses, la plupart d’entre eux ont été amenés à émigrer, tant pour sauver leur foi (certains écriront : peau) que pour fuir la misère. Leur marginalisation ne cesse pas de s’accélérer, accentuée par les crises à répétition entre Palestine et Israël et la montée en puissance des djihadistes. Tigrane Yégavian jette un regard critique sur leur vécu et les replace dans un contexte historique débarrassé de toute passion partisane. Sans complaisance et avec lucidité, il évoque les contextes sociaux, culturels et politiques dans lesquels ils évoluent. Assurément, la tâche est ardue puisqu’il s’agit d’une mosaïque en perpétuel mouvement. Au fil des pages, il déconstruit certains mythes qui jettent le trouble ou colportent un message erroné. Débattre du passé revient souvent à préparer le futur.
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Arménie : À l'ombre de la montagne sacrée

Un petit livre intéressant (comme la plupart de cette collection), pour découvrir l'Arménie et ses grands paradoxes géographiques, historiques et sociaux. Je suis cependant un peu restée sur ma faim.
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Minorités d'Orient : Les oubliés de l'Histoire

« Minorités d'Orient » : un regard sans concession sur la situation des Chrétiens au Proche-Orient

C'est un ouvrage aussi salutaire que remarquable que viennent de publier les Editions du Rocher. Sous la plume alerte de Tigran Yégavian, « Minorités d'orient » vient très opportunément nous livrer un panorama sans complaisance de la situation au Proche-Orient de ceux que l'auteur appelle « les baptisés ». S'inscrivant dans un temps long, cette véritable anamnèse se démarque des habituelles analyses conjoncturelles pour montrer combien la situation actuellement critique des Chrétiens d'Orient – auxquels il adjoint les Yézidis – résulte de facteurs très variés dans le temps et dans l'espace, où le jeu politique des puissances régionales et internationales ont tout autant compté que les choix parfois malheureux des intéressés.



L'intérêt de « Minorités d'Orient » tient ainsi pour beaucoup à la récusation opérée par l'auteur de toute explication englobante ou de toute cause univoque aux situations par ailleurs très diverses vécues par ces différentes communautés. Non, le sort d'un Chaldéen d'Irak ne ressemble guère à celui d'un Grec orthodoxe d'Alep ; Non le destin d'un Yézidi du Rojava ne saurait se comparer à celui d'un Copte d'Alexandrie. Si l'on devait d'ailleurs formuler une critique envers l'auteur, c'est bien celle de croire que son lectorat puisse être aussi à l'aise que lui dans les mille et une portes confessionnelles et politiques de cet Orient compliqué. Des tableaux synoptiques des différentes Eglises non chalcédoniennes ou uniates détaillant ce en quoi elles diffèrent en termes christologiques et liturgiques auraient été bienvenus de même que leur pendant en matière de mouvements ou de mouvances politiques. Des cartes locales plus détaillées – autour de la plaine de Ninive, au Rojava ou en Syrie « utile » auraient aussi agréablement complété cet essai.



Quoi qu'il en soit, l'ouvrage s'emploie à démonter quelques lieux communs qui ont la vie dure. L'idée d'une part que l'Occident en général et la France en particulier ait agi et continue d'agir comme « protectrice » des Chrétiens d'Orient. Rappel documenté à l'appui, Tigrane Yégavian montre combien un tel soutien, généralement très intéressé, a le plus souvent relevé de la pétition de principe avant que de se retourner contre les intéressés, dès lors perçus comme supplétif de l'Occident, voire comme étrangers au pays. de même l'auteur tord le cou à l'idée très germanopratine selon laquelle le Kurdistan – Rojava syrien ou KRG irakien – est suffisamment démocratique et laïc et qu'il s'affranchit d'une conception étroitement ethnique de son identité pour constituer un havre de paix et de développement pour les Assyro-Chaldéens et les Yézidis. Enfin, loin de ne jeter la pierre que sur des causes ou des fatalités externes, « Minorités d'Orient » pointe l'invraisemblable jobardise des baptisés et surtout de leurs responsables communautaires – coupables aux yeux de l'auteur d'avoir cru aux promesses illusoires de l'Occident tout autant que de s'être empêtrés dans de fratricides guerres claniques en particulier au Liban.



Au final, si Tigrane Yégavian évoque les deux modalités qui permettraient aux baptisés de se libérer de leur statut de dhimmis en terre d'Islam, ce n'est que pour mieux les récuser : l'option militaire d'une part et l'hypothèse diasporique d'autre part. Concernant la première, le rapport démographique est désormais tel qu'on voit difficilement les Chrétiens orientaux jouer un autre rôle que celui de supplétifs de telle ou telle faction musulmane. C'est d'ailleurs ainsi que les milices assyriennes ou chaldéennes sont employées par les Kurdes, pour le plus grand bénéfice opérationnel et communicationnel de ces derniers. Mais qu'un revers militaire surgisse et ces populations, reliquats de la présence chrétienne millénaire de Mésopotamie, seront les premières à en payer le prix. A cet égard, on peut s'étonner que l'auteur ait exclu du champ de son analyse le cas des Arméniens du Karabagh, qui sont parvenus par les armes à bâtir leur propre Etat en s'affranchissant de toute souveraineté musulmane ou étrangère. Certes, le Caucase est peut-être loin du Levant mais – après tout – guère plus que l'Egypte et les Coptes qui sont bien évoqués par l'auteur. Et surtout l'histoire des Arméniens que celui-ci connaît bien est étroitement mêlée à celle du Mashrek. Tigrane Yégavian ne semble d'ailleurs pas loin de considérer – non sans raison – que le Génocide des Arméniens par les Ottomans constitue la matrice et l'archétype de tous les soubresauts ultérieurs du Proche-Orient et de ses actuels dérèglements.



Le fait diasporique semble trouver un peu plus de grâce aux yeux de l'auteur en ce qu'il permet aux membres émigrés des communautés considérées de bâtir de très efficaces réseaux de lobbying et de communication. Ainsi armées, ces importantes communautés de diaspora sont parfois à même d'influencer la politique des grandes puissances à l'instar de ce que font aux Etats-Unis les Coptes ou les Assyro-Chaldéens (il y a désormais plus de syriaques toutes confessions confondues en Occident qu'au Proche-Orient). Reste que ce fait diasporique pose des problèmes inédits en termes de conflit de légitimité entre les autorités politiques ou religieuses de ces communautés de plus en plus éclatées, ainsi qu'en termes d'occidentalisation des moeurs des jeunes générations vivant hors du pays. En toile de fond, c'est bien le spectre du délitement et de l'assimilation qui guette et – en vérité – on ne voit guère de solution réaliste au drame des Chrétiens d'Orient que de solution territoriale. Pire, à la lecture de « Minorités d'Orient », des esprits pessimistes peuvent se demander avec sincérité si l'auteur décrit le passé et le présent des Chrétiens orientaux ou le futur de leurs coreligionnaires occidentaux.



L'évocation érudite par laquelle Tigrane Yégavian termine son propos, de même que cet optimisme de la volonté qui peut transparaître de l'ouvrage, laisseront dubitatif à cet égard. Certes, la « théologie contextuelle arabe » a sans doute bien des mérites mais on peut s'interroger sur l'applicabilité pratique de très intellectuelles considérations sociopolitiques à fondement religieux. Pour le meilleur comme le pour le pire, ce sont le plus souvent des solutions autrement plus radicales qui triomphent. A la question que pose l'auteur au détour d'un paragraphe « Devrait-on dans ce cas fabriquer des Néo-Babyloniens ou des Assyriens imaginaires ? Plus encore : s'inscrire dans le délire d'une frange radicale de chrétiens maronites qui prônent un retour à l'âge phénicien ? » on serait tenté de faire remarquer que les très modernes projets sionistes ou jeunes-turcs ont précisément procédé avec succès de ce type de délire.

Quelle que soit l'appréciation très personnelle que tout un chacun peut avoir sur ces questions, l'ouvrage de Tigrane Yégavian permettra avec profit de ne plus jamais prétendre vouloir aborder l'Orient compliqué avec des idées simples.

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