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EAN : 9782268102764
228 pages
Les Editions du Rocher (23/10/2019)
3.5/5   1 notes
Résumé :
L'année 2014 a vu les images des Yézidis du Sinjar ou des chrétiens de la plaine de Ninive fuyant l'État dit islamique, faire le tour du monde. Pour beaucoup cette tragédie a été vécue et ressentie comme une répétition de 1915. Mêmes lieux, mêmes victimes, mêmes réactions timorées de la communauté internationale, même indignation face à la barbarie. La différence, on la trouve dans les images colorisées, la tragédie étant diffusée en temps réel.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« Minorités d'Orient » : un regard sans concession sur la situation des Chrétiens au Proche-Orient
C'est un ouvrage aussi salutaire que remarquable que viennent de publier les Editions du Rocher. Sous la plume alerte de Tigran Yégavian, « Minorités d'orient » vient très opportunément nous livrer un panorama sans complaisance de la situation au Proche-Orient de ceux que l'auteur appelle « les baptisés ». S'inscrivant dans un temps long, cette véritable anamnèse se démarque des habituelles analyses conjoncturelles pour montrer combien la situation actuellement critique des Chrétiens d'Orient – auxquels il adjoint les Yézidis – résulte de facteurs très variés dans le temps et dans l'espace, où le jeu politique des puissances régionales et internationales ont tout autant compté que les choix parfois malheureux des intéressés.

L'intérêt de « Minorités d'Orient » tient ainsi pour beaucoup à la récusation opérée par l'auteur de toute explication englobante ou de toute cause univoque aux situations par ailleurs très diverses vécues par ces différentes communautés. Non, le sort d'un Chaldéen d'Irak ne ressemble guère à celui d'un Grec orthodoxe d'Alep ; Non le destin d'un Yézidi du Rojava ne saurait se comparer à celui d'un Copte d'Alexandrie. Si l'on devait d'ailleurs formuler une critique envers l'auteur, c'est bien celle de croire que son lectorat puisse être aussi à l'aise que lui dans les mille et une portes confessionnelles et politiques de cet Orient compliqué. Des tableaux synoptiques des différentes Eglises non chalcédoniennes ou uniates détaillant ce en quoi elles diffèrent en termes christologiques et liturgiques auraient été bienvenus de même que leur pendant en matière de mouvements ou de mouvances politiques. Des cartes locales plus détaillées – autour de la plaine de Ninive, au Rojava ou en Syrie « utile » auraient aussi agréablement complété cet essai.

Quoi qu'il en soit, l'ouvrage s'emploie à démonter quelques lieux communs qui ont la vie dure. L'idée d'une part que l'Occident en général et la France en particulier ait agi et continue d'agir comme « protectrice » des Chrétiens d'Orient. Rappel documenté à l'appui, Tigrane Yégavian montre combien un tel soutien, généralement très intéressé, a le plus souvent relevé de la pétition de principe avant que de se retourner contre les intéressés, dès lors perçus comme supplétif de l'Occident, voire comme étrangers au pays. de même l'auteur tord le cou à l'idée très germanopratine selon laquelle le Kurdistan – Rojava syrien ou KRG irakien – est suffisamment démocratique et laïc et qu'il s'affranchit d'une conception étroitement ethnique de son identité pour constituer un havre de paix et de développement pour les Assyro-Chaldéens et les Yézidis. Enfin, loin de ne jeter la pierre que sur des causes ou des fatalités externes, « Minorités d'Orient » pointe l'invraisemblable jobardise des baptisés et surtout de leurs responsables communautaires – coupables aux yeux de l'auteur d'avoir cru aux promesses illusoires de l'Occident tout autant que de s'être empêtrés dans de fratricides guerres claniques en particulier au Liban.

Au final, si Tigrane Yégavian évoque les deux modalités qui permettraient aux baptisés de se libérer de leur statut de dhimmis en terre d'Islam, ce n'est que pour mieux les récuser : l'option militaire d'une part et l'hypothèse diasporique d'autre part. Concernant la première, le rapport démographique est désormais tel qu'on voit difficilement les Chrétiens orientaux jouer un autre rôle que celui de supplétifs de telle ou telle faction musulmane. C'est d'ailleurs ainsi que les milices assyriennes ou chaldéennes sont employées par les Kurdes, pour le plus grand bénéfice opérationnel et communicationnel de ces derniers. Mais qu'un revers militaire surgisse et ces populations, reliquats de la présence chrétienne millénaire de Mésopotamie, seront les premières à en payer le prix. A cet égard, on peut s'étonner que l'auteur ait exclu du champ de son analyse le cas des Arméniens du Karabagh, qui sont parvenus par les armes à bâtir leur propre Etat en s'affranchissant de toute souveraineté musulmane ou étrangère. Certes, le Caucase est peut-être loin du Levant mais – après tout – guère plus que l'Egypte et les Coptes qui sont bien évoqués par l'auteur. Et surtout l'histoire des Arméniens que celui-ci connaît bien est étroitement mêlée à celle du Mashrek. Tigrane Yégavian ne semble d'ailleurs pas loin de considérer – non sans raison – que le Génocide des Arméniens par les Ottomans constitue la matrice et l'archétype de tous les soubresauts ultérieurs du Proche-Orient et de ses actuels dérèglements.

Le fait diasporique semble trouver un peu plus de grâce aux yeux de l'auteur en ce qu'il permet aux membres émigrés des communautés considérées de bâtir de très efficaces réseaux de lobbying et de communication. Ainsi armées, ces importantes communautés de diaspora sont parfois à même d'influencer la politique des grandes puissances à l'instar de ce que font aux Etats-Unis les Coptes ou les Assyro-Chaldéens (il y a désormais plus de syriaques toutes confessions confondues en Occident qu'au Proche-Orient). Reste que ce fait diasporique pose des problèmes inédits en termes de conflit de légitimité entre les autorités politiques ou religieuses de ces communautés de plus en plus éclatées, ainsi qu'en termes d'occidentalisation des moeurs des jeunes générations vivant hors du pays. En toile de fond, c'est bien le spectre du délitement et de l'assimilation qui guette et – en vérité – on ne voit guère de solution réaliste au drame des Chrétiens d'Orient que de solution territoriale. Pire, à la lecture de « Minorités d'Orient », des esprits pessimistes peuvent se demander avec sincérité si l'auteur décrit le passé et le présent des Chrétiens orientaux ou le futur de leurs coreligionnaires occidentaux.

L'évocation érudite par laquelle Tigrane Yégavian termine son propos, de même que cet optimisme de la volonté qui peut transparaître de l'ouvrage, laisseront dubitatif à cet égard. Certes, la « théologie contextuelle arabe » a sans doute bien des mérites mais on peut s'interroger sur l'applicabilité pratique de très intellectuelles considérations sociopolitiques à fondement religieux. Pour le meilleur comme le pour le pire, ce sont le plus souvent des solutions autrement plus radicales qui triomphent. A la question que pose l'auteur au détour d'un paragraphe « Devrait-on dans ce cas fabriquer des Néo-Babyloniens ou des Assyriens imaginaires ? Plus encore : s'inscrire dans le délire d'une frange radicale de chrétiens maronites qui prônent un retour à l'âge phénicien ? » on serait tenté de faire remarquer que les très modernes projets sionistes ou jeunes-turcs ont précisément procédé avec succès de ce type de délire.
Quelle que soit l'appréciation très personnelle que tout un chacun peut avoir sur ces questions, l'ouvrage de Tigrane Yégavian permettra avec profit de ne plus jamais prétendre vouloir aborder l'Orient compliqué avec des idées simples.
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Depuis des siècles, les chrétiens d'Orient représentent des groupes oubliés par tous, perdus dans la masse de musulmans, dont certains imposent la charia et condamnent à tour de bras pour motif de blasphème. Pour beaucoup, le quotidien se mue en tragédie, avec répression, emprisonnement, torture ou exil. le règne de l'immédiateté nous fait omettre le vécu de ces croyants opprimés. Bien entendu, ils ne constituent pas un groupe homogène, mais appartiennent à diverses confessions ayant le Christ et la Bible comme colonne vertébrale. Présents depuis l'apparition du christianisme au Proche-Orient et au Moyen-Orient, ils ont progressivement vu leur zone d'influence se réduire à peau de chagrin. Par la force des choses, la plupart d'entre eux ont été amenés à émigrer, tant pour sauver leur foi (certains écriront : peau) que pour fuir la misère. Leur marginalisation ne cesse pas de s'accélérer, accentuée par les crises à répétition entre Palestine et Israël et la montée en puissance des djihadistes. Tigrane Yégavian jette un regard critique sur leur vécu et les replace dans un contexte historique débarrassé de toute passion partisane. Sans complaisance et avec lucidité, il évoque les contextes sociaux, culturels et politiques dans lesquels ils évoluent. Assurément, la tâche est ardue puisqu'il s'agit d'une mosaïque en perpétuel mouvement. Au fil des pages, il déconstruit certains mythes qui jettent le trouble ou colportent un message erroné. Débattre du passé revient souvent à préparer le futur.
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Vidéo de Tigrane Yegavian
Alors qu'entre 1915 et 1918 les autorités ottomanes se sont livrées à un crime de masse contre la communauté assyro-chaldéenne, cet épisode historique reste relativement méconnu. 250 000 de ses membres ont été tués en trois ans sous les attaques des autorités ottomanes. En quoi consiste cet épisode historique ? Qui sont les assyro-chaldéens ? Et quels sont les enjeux derrière la qualification en génocide de ce crime de masse ?
Pour en parler, Marguerite Catton reçoit Tigrane Yegavian, chercheur à l'Institut Chrétiens d'Orient (ICO).
#genocide #chaldean #turquie
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