Citations de Tom Noti (95)
Qu'il était minable ce petit homme avec ses illusions ridicules. Rien ne changerait plus, tout était figé. Il faudrait s'y faire. Il faudrait accepter. Cet espoir de rien, d'une mère qui lui parle... pff, en volé. La réalité des choses est une enclume au bout d'une corde, un tramway. Elle laisse des marques indélébiles.
J'ai joué. Pour elle, pour moi, pour cet enfant que j'étais et celui que je n'aurai pas. J'ai joué pour ma mère morte de n'avoir pas su ce dont j'étais capable. J'ai joué mes tristesses et ma rage, mon bonheur d'être ici et la plénitude de cet instant.
Les mots, je les aurais encaissés, j'aurais pu les accepter. Le silence est juste inacceptable parce qu'on ne peut rien lui opposer à part le silence aussi.
Et moi, quel battement avais-je donné à MA vie silencieuse ? Qu’est-ce que j’attendais à cet instant et depuis tout ce temps aussi ? Rien ? Cet inutile espoir que le passé change, qu’il se réorganise afin de rassurer mon présent ? Qu’une mère revienne et me dise quelque chose ? Je ne savais même pas les mots que j’espérais, je ne savais même pas ce qu’ils auraient pu guérir.
Ma mère était morte avec ses mots pour moi, retenus. Mon père était mort avec ses silences pour moi, étalés. Et tout ces blancs dans ma tête me laissaient une impression de gouffre. Elles étaient peut-être là, mes cases en moins, dans ce vide obsédant.
... les morts ne répondent que rarement ou alors par notre propre voix, dans notre propre tête, avec nos propres sentiments. Parler à nos morts, c'est se parler à soi-même avec la larme à l'œil.
... l'émotion n'a pas de voix (...). Pas de voix, ni souvent de mots, en tout cas rarement les bons. Alors pourquoi pas le silence en fin de compte ?
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Elle m’a bassiné avec le syndrome de Cendrillon qui rend les filles si tristes et si déçues de leurs existences.
Putain ! Le syndrome de Cendrillon !
Mais si elles savaient, les prétendantes princesses, comme il est facile d’attendre le prince charmant et de pleurer son retard le nez coulant sur sa nouvelle Swatch. Parce que, pendant ce temps, l’apprenti monarque, il se démène comme un diable pour sortir des marécages où il est englué depuis son enfance de petit homme. Sa mère lui a dit de ne pas se salir, de ne pas taper les autres. Elle l’a saupoudré de miel durant des années, a fait son signe de croix la première fois qu’on a ôté les roulettes de son petit vélo. Puis, soudainement, alors qu’il se laissait envahir le visage d’acné, les autres femelles lui ont scandé, martelé d’être fort. On lui a montré les modèles à la télé, dans les magazines et les filles se sont pâmées. S’il veut en avoir une à lui, autre que maman, une pas trop tarte, chaude comme la braise, il le sait, il devra être beau, grand, fort, mince, tendre, protecteur, intelligent. Il devra arrêter le miel, s’asperger de Mennen, jouer au tennis et acheter un 4x4. Par dessus tout, il devra gagner du pognon pour emmener Machine à la Scala de Milan. Il va devoir vaincre inlassablement sa tendance à la grolle et au débraillé, l’appel du canapé et des doigts dans le nez. Se battre aussi contre les autres éphèbes, contre le monde entier, pour se faire une place au soleil. Enfin, lorsqu’il aura planté son parasol, il étalera la serviette pour Machine qui se plaindra de la chaleur, puis s’ennuiera. Alors, pour valider socialement, à l’aube de la trentaine, qu’il est réellement un homme, et aussi pour l’occuper, elle, il lui fera un gosse ou plus. En retour, elle lui fera moins l’amour ou plus du tout.
Il sentira ses angoisses primales ressurgir et son ulcère hésitera : reprendre la bataille ou préférer la bière ? La spirale des questionnements existentiels : la lutte, la couardise, la tromperie, la castration, le suicide ?
C’est tout de même autre chose, comme pression, que la vache qui gonfle sa poitrine et qui attend le TGV. C’est plus stressant d’affronter les dragons que de gémir dans la tour, bordel ! Le syndrome de Cendrillon, encore un truc de castratrices romantiques !
L'humilité est l'apanage des meilleurs.
Le réalisme est celui des médiocres.
- Stressé, c'est comme speed avec une excuse existentielle !
Alors, si tu es elle, tu sais à quel point tes larmes et tes cris pour lui m'ont asséché ? Alors tu sais comme il a été difficile de trouver ma place dans cette famille ? et comment je n'ai ma place nulle part, depuis...
Parler aux morts, c’est se parler à soi-même avec la larme à l’œil. Un petit apitoiement différé vers un miroir de pierre, toujours la même complainte ancestrale et qui résonne uniquement dans nos propres cœurs. N’avoir peur que de ses peurs, ne douter que de ses doutes, ne pleurer que ses propres larmes.
En roulant, je me disais qu'il fallait surtout arrêter de converser avec les morts. Parce que les morts ne répondent que rarement ou alors par notre propre voix, dans notre propre tête, avec nos propres sentiments. Parler aux morts, c'est se parler à soi-même avec la larme à l'oeil. Un petit apitoiement différé vers un miroir de pierre, toujours la même complainte ancestrale et qui résonne uniquement dans nos propres coeurs. N'avoir peur que de ses peurs, ne douter que de ses doutes, ne pleurer que de ses propres larmes.
L'inamovibilité de l'église est sans doute rassurante pour certains. Moi, je n'y vois que des ombres, des esprits perdus. Je n'y vois que la fugacité des vies entre un baptême souriant jusqu'à un enterrement dévasté et ça me claustrophobe. Rien, il n'y a rien d'autre que cet infime claquement de doigts entre lesquels se sont glissés des petites joies et des peines immenses, des hontes incrustées et des regrets tenaces.
Mais entre la vanille et le chocolat, quelle était la couleur, le goût de cette enfance envolée ? Avait-elle été heureuse, en fin de compte ? Évidemment, il n'y avait pas eu de gros traumas, pas les torrents de larmes qui peuvent ravager un paysage colorié à la craie. Évidemment, en apparence, tous les éléments requis avaient été présents pour un bonheur d'enfant. Alors pourquoi les pièces de mon puzzle, ne s'imbriquaient-elles pas ? Pourquoi ne laissaient-elles apparaître, en surface, qu'une image lisse, une mer calme qui ne correspondait pas à mon chaos sous-marin ?
Moi, je ne savais pas me disputer. J'étais tombé dans le chaudron des engueulades, à ma naissance, depuis, impossible d'ingurgiter le moindre conflit, impossible de digérer la moindre querelle.
Fuyez la vieillesse ! Fuyez la mollesse ! Fuyez l’apathie confortable et faussement généreuse d’une mer molle aux seins trop plats. Larguez tout, rognez les bouts, dérivez, prenez des embruns et des vagues dans la tronche, de toute façon, vu la vôtre...
Manger une glace en cornet sur un banc,
face à la mer, lorsque le jour décline
reste le summum de la mélancolie
et du bonheur mêlés.
Comme le ciel qui rejoint la mer,
je n’arriverai jamais à déterminer qui,
du bonheur ou de la mélancolie
irise l’autre pour s’y fondre.
J'étais en apnée. Tout ses mots déballés comme on étale ses vêtements sur le lit pour faire sa valise avant de partir. J'avais peur de les entendre. Des aveux comme un adieu. Il allait partir dans cette montagne, loin cette fois, et avant, il me montrait ses failles, il me révélait ses cicatrices et il les faisait saigner.
On avait fermé notre porte aux regards, aux jugements, aux faux-semblants des soirées entre amis, des discussions entre collègues. On avait calfeutré les vents mauvais. On ignorait que parfois, certains courants dévastateurs ne viennent pas du dehors mais sont juste tapis en nous.