Citations de Tom Noti (95)
Mes nuits étaient blanches comme la neige des sommets où l'on ne peut pas vivre, où rien ne pousse, ou rien ne survit à part quelques espèces rares...Un endroit où l'oxygène est si précieux que l'on ne respire qu'au compte-goutte.
Une main posée, c’est parfois plus doux qu’un baiser. On donne de nous. Il n’y a pas l’artifice de la séduction, de la passion, de la frivolité...
Choisis ton urologue à la finesse de ses phalanges
Je n’étais pas grand-chose de bien. Alors plutôt que toutes ces convenances, au moins qu’on me laisse aimer ma fille de tout mon cœur. Est-ce qu’on pouvait me le reprocher, ça aussi ? Tout le reste, oui, d’accord. Mais aimer ma toute petite fille… L’aimer déraisonnablement. Je ne savais rien faire que l’aimer comme ça : aimer grand, aimer fort, aimer mal, aimer exagérément. Un amour qui emporte tout et surtout qui m’emportait, moi. Loin de tout ce que j’avais été mais aussi loin de tout ce que j’aurais voulu être et que je ne serai jamais.
On gêne quand le sourire de celle qui nous donne tout pâlit devant nos ombres. On gêne quand les plus beaux moments de la vie deviennent douloureux. On gêne lorsqu’on n’est pas assez heureux et qu’une petite fille devrait rire aux éclats. On gêne quand on se bat contre soi-même, contre les autres, lorsque se tenir debout est une lutte.
J’étais un orphelin des sentiments, un méfiant de l’attachement, un vagabond des liens humains. Elle seule m’avait attrapé au lasso de son sourire.
Regarde autour de toi, Rosie, il y en a toujours l'un des deux qui aime dans un couple et l'autre qui accepte l'amour. Un qui donne, et l'autre qui reçoit. Il y en a toujours un qui aime plus que l'autre. C'est mathématique, il n'y a pas d'égalité des sentiments.
La sueur pour gagner est moins amère que les larmes de perdre.
Les malades sont une population à part de la vie. Comme les gens qui vont à la montagne et qui pleurent parce qu'il fait froid. Tu as froid, tu te couvres, tu te protèges. Le froid, tu n'y peux rien, tu n'as pas d'influence sur le climat, il me semble... Alors, tu fais avec, tu fais contre plutôt. La maladie, les douleurs, c'est pareil. Une fois que tu es à l'hosto, c'est plus la peine de se plaindre. Tu es sur la piste noire, rouge ou bleu, peu importe, mais faut descendre en tombant le moins possible et en faisant vite. Enfin, je suppose, parce que moi, le ski, je n'en ai jamais fait. Mais ça doit être grosso modo la même chose pour tout ce qu'il t'arrive dans la vie... Tu te tais si tu n'as rien d'intéressant à dire pour changer la donne. Tu te tais si tu n'y peux rien.
Alors, les nuits sont devenues blanches. Pas comme ces feuilles qui attendent les mots d'une histoire, le dessin d'un enfant. Mes nuits étaient blanches comme la neige des sommets où l'on ne peut pas vivre, où rien ne pousse, où rien ne survit à part les quelques espèces rares... Un endroit où l'oxygène est si précieux que l'on ne respire qu'au compte-goutte.
J'étais un orphelin des sentiments, un méfiant de l'attachement, un vagabond des liens humains. Elle seule m'avait attrapé au lasso de son sourire.
L'absence de mes parents, ce désert de leur défaillance. J'y vivais esseulé, dans ce désert, depuis tant de temps. Un petit nomade, un touareg, sans caravane, sans soleil. Juste le froid. J'avais vécu nuits et jours dans ce vide blanc, immaculé et glacé. Plus Inuit que Touareg. Plus nuits que jours. J'avais toujours habité un igloo de sable. Pas un château. Un igloo. Toujours. Et malgré les soleils, mes plus infimes cellules étaient polaires. Jusqu'à ce qu'Elle pose ses yeux sur moi, que mon réchauffement climatique s'amorce. Rien à faire de l'écologie ! Laissez fondre ma banquise sous le charbon ardent de ses yeux trop noirs.
Les rails nous séparent et nous relient, chacun choisit sa destination. Toujours. A travers la vitre défilent les champs traversés, comme autant de secrets foulés, piétinés par cette impulsion salvatrice d’avancer.
Je vais encore grandir. J’avancerai encore.
Je suppose qu’au hasard de mon chemin, aux carrefours de la vie, me reviendront sans cesse les sourires de mes parents plutôt que leurs conseils. J’espère savoir me décider, aux aiguillages, emprunter les voies sinueuses qui m’élèveront plutôt que celles, rectilignes et consternantes des vallées assombries.
Et par-dessus nos mains calleuses, on a posé nos petits cœurs cabossés parce que, crois-moi, après les grands ébats, se tourner vers quelqu’un qui a le coeur sur la main, et quand ce coeur, c’est le tien, ça vaut tous les trésors du monde.
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[...] je regardais la ville bruisser.
Toutes ces vies qui circulaient pour donner corps au monde. Toutes ces vies irréfléchies, misées sur l’éternité et peut-être, par conséquent, heureuses. Légères tout au moins. Ces vies sans mes peurs, sans ce sentiment de fugacité, d’incertitude, de doute.
Certains, dans l’urgence de l’éphémère, développent toute une agitation afin d’oublier.
Moi, ce couperet me glaçait. Dans « tout va bien, pour le moment » je ne retenais que « pour le moment » et j’ajoutais « mais jusqu’à quand ? » Et j’aurais voulu être de ceux qui terminaient par « oui, mais tout va bien ». Les imbéciles heureux.
Moi, tout l’intérieur de moi, de ma tête, de mon être, se refusait à cette mascarade.
Non, tout n’allait pas « bien » et surtout pas « bien du tout ».
Ce sentiment extracteur de me tenir à côté de ces courants de pensées, sur la berge des flots raisonnables de l’humanité. Immobile avec mes voyages engourdis, lourds des fardeaux à porter.
Et malgré les soleils, mes plus infimes cellules étaient polaires. Jusqu’à ce qu’Elle pose ses yeux sur moi, que mon réchauffement climatique s’amorce. Rien à faire de l’écologie ! Laissez fondre ma banquise sous le charbon ardent de ses yeux trop noirs.
Mes caresses n'étaient plus seulement pour Elle. Mes mains le savaient.
Elle est devenue ma femme, Elle a pris mon nom. Le nom de mes parents qui n'étaient pas là et qui ne l'avaient jamais été.Il ne restait d'eux que ce nom que je lui offrais comme on offre ses cicatrices au soleil.
Alors les nuits sont redevenues blanches. Pas comme ces feuilles qui attendent des mots d'une histoire, le dessin d'un enfant. Mes nuits étaient blanches comme la neige des sommets où l'on ne peut vivre, où rien ne pousse, où rien ne survit à part quelques espèces rares… Un endroit où l'oxygène est si précieux que l'on ne respire qu'au compte-goutte.
Je buvais un verre d'eau et là, à la fenêtre sans store de la cuisine, je regardais la ville bruisser. Toutes ces vies irréfléchies, misées sur l'éternité et peut-être, par conséquent, heureuses. Légères tout au moins. Ces vies sans mes peurs, sans ce sentiment de fugacité, d'incertitude, de doute. Certains dans l'urgence de l'éphémère, développent toute une agitation afin d'oublier. Moi, ce couperet me glaçait. Dans "tout va bien, pour le moment" je ne retenais que "pour le moment" et j'ajoutais "mais jusqu'à quand ?"