Les disparus de Mapleton est le roman qui a donné lieu à une série TV récente, The leftovers.
Les deux œuvres sont assez différentes, surtout parce que la série prolonge le roman dans ses seconde et troisième saisons. Mais la manière d'aborder les choses diffère également, avec une force dramatique beaucoup plus prononcée dans la série.
Pour ma part, j'ai beaucoup aimé la lecture de ce roman plus psychologique et peut-être plus fataliste, aussi, mais aussi apprécié la série (en tout cas sa saison 1, moins convaincue par les pistes qu'elle emprunte ensuite).
Le roman alterne les focus sur différents personnages principaux concentrés dans une famille (Kévin, son épouse Laurie, leurs enfants Jill et Tom puis Nora, qui se greffe ensuite). Il montre comment ces individus survivent au Ravissement, plusieurs années plus tard. Les points de vue s’enchaînent sans forcément de lien, comme les relations entre les personnages qui sont complètement distendues. Pour traduire cette perte de sens, le roman est un peu déconstruit, lui aussi. En effet, il n’a pas vraiment d’intrigue, et il ne s’y passe pas forcément grand-chose. On n’y retrouve pas non plus de manière évidente les 5 étapes du schéma narratif. Enfin, il se termine comme il commence : en plein milieu de moments insignifiants comme tant d’autres dans le roman.
Si la série TV insiste pas mal sur l’aspect post-apo, le roman est davantage dans un quotidien assez banal. Le sujet du roman est un peu la peinture de Mapleton. Petite bourgade des Etats-Unis profonds, où vivent une poignée d’individus dans un entre-soi étouffant. C’est une peinture d’une Amérique paumée qui se lit dans le roman. Un mariage qui fout le camp. Une mère débordée par ses gamins, qui a sacrifié sa vie pour eux et s’est perdue en cours de route. Le père qui batifole derrière le dos de son épouse pourtant parfaite. Des ados complètement perdus dans les high-schools américaines. Un personnage principal rentier qui n’a plus aucun but, et des administrés qui se plaignent au Maire pour des broutilles. Un Pasteur sans croyants. Des sectes toutes puissantes, avec des grands Gourous que l’on écoute. Une chronique d’un monde en bout de course.
Finalement, Les disparus de Mapleton est un roman très psychologique, centré sur l’évolution des personnages. Chacun, à sa manière, va faire son deuil. Peut-être faut-il lire ce roman comme un condensé des cinq étapes du deuil, vers la reconstruction des uns et des autres. Certains personnages ne sont pas forcément plus avancés à la fin, peut-être même un peu plus perdus. Ils errent dans ce roman comme des fantômes, sans vie, sans verve, incapables même de se barrer. Mais d’autres parviennent à s’en sortir, et tentent de recommencer, autrement. Ce sont là des parcours de vie bien différents.
A la longue, je dois bien avouer que le roman manque de passion, d’action et d’émotions. Il s’y lit une sorte de fatalisme un peu fatigué; pas pesant mais assez plat, à l’image de la vie de tous ces habitants, que rien ne peut plus embellir. C’est une sorte de tranche de vie qui se présente. Une période choisie au hasard, dans la vie d’après. Sans commencement défini, sans fin bien marquée non plus. Une manière de dire qu’après le Ravissement, tout est gris, que chaque jour qui passe comme le précédent, inodore et sans saveur et que cela perdurera après la dernière page tournée. Il y a vraiment, oui, ce fatalisme, dans ces pages, qui colle.
Pourtant, malgré ce sentiment de pesanteur, Les disparus de Mapleton est un roman qui m’a plu. Parce qu’il est incroyablement vraisemblable et réaliste. Je ne crois pas au crac-boum apocalyptique qui amènerait des populations à se bouger pour survivre et à réinventer le monde. Je ne crois pas non plus à la révolte ni au sursaut de dernière minute. J’ai plutôt tendance à penser que l’humanité se vautrera dans cette lente dégénérescence qui ramollit jusqu’à effacer le sens de la vie et la chaleur des relations. Le roman donne ainsi un aperçu d’un futur que je crois tout à fait probable, compte tenu de ce qu’on est en train de faire de notre présent.
Certes, ce roman ne fait pas rêver, il ne nous incite pas à nous bouger, il ne propose pas de solutions. Mais le Ravissement n'a pas de solution, de cause, de réponse, de sens; alors vers quoi se tourner ? Se bouger, oui, mais où, pour faire quoi ? Assez terrifiant, cette idée d'absence de sens, d'objectif, et même d'ennemi.
Peut-être qu’il m’a plu parce qu’il a su parler à mon propre fatalisme, quelque part… On ne s’est pas adorés, mais on s’est compris, lui et moi.
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