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Critiques de Valérie Igounet (69)
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Ils sont partout

Jusqu'à la lecture d'Ils sont partout, les thèses complotistes, telles que le Grand Remplacement, le négationnisme, le Nouvel Ordre mondial, le platisme (ou théorie de la terre plate), le mouvement QAnon ou encore le survivalisme, m'étaient quelque peu étrangères et me semblaient ne concerner qu'un petit nombre de gens plutôt situés à l'extrême-droite. Or Valérie Igounet et Jacky Schwartzmann, les auteurs de cet album, esquissant les grandes lignes de ces thèses, montrent à quel point Internet et les réseaux sociaux contribuent à leur large diffusion (en 2019, une enquête indiquait que près d'un Français sur deux croyait à une collusion entre l'état et l'industrie pharmaceutique pour cacher la nocivité des vaccins). Aussi fausses que nauséabondes, des idéologies pour la plupart dangereuses, car porteuses de haine, qui en remettant à l'ordre du jour les formes les plus primaires de racisme — contre les juifs, les musulmans, les francs-maçons, les immigrés, les politiques, les journalistes etc. — poussent les esprits les plus faibles à des actes barbares qu'on croyait naïvement appartenir au passé.

Un voyage en terres conspirationnistes assez effrayant dans cet album à distribuer largement, documenté et didactique (à la fin les auteurs ont joint une notice biographique des principaux acteurs de la complosphère, ainsi qu'un récapitulatif des différentes thèses complotistes).
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Le négationnisme en France

Je sais que ce livre risque de me mettre sérieusement en colère, mais j'estime que l'ouvrage de la grande experte en France, Valérie Igounet, du lamentable phénomène du négationnisme est un ouvrage qu'il faut avoir lu. En colère, parce que les gens curieux lisent pour s'instruire, tandis qu'une poignée s'applique à fabriquer consciencieusement de fausses histoires.



Les motifs de ces esprits créateurs peuvent se résumer à essentiellement deux ; l'antisémitisme et la gloire personnelle et très souvent les deux combinés. À moins que la publication de livres sert de justification pour avoir été du mauvais côté lors de la dernière guerre mondiale, comme ce fut notamment le cas de Marc Augier (1908-1990) qui a écrit des romans sous le nom de plume Saint-Loup et qui s'était engagé dans les Waffen-SS et a combattu sur le front de l'Est.



Pendant des années j'ai suivi les péripéties du négationniste notoire britannique, David Irving, né dans l'Essex en 1938, et qui a joui d'un certain succès dans les pays anglo-saxons avec des oeuvres historiques ou soit-disant historiques. Comme il n'est pas historien de formation il a pensé pouvoir se permettre des libertés quant aux sources et réalité historiques. Ainsi, il a accusé Churchill de la mort du général Wladyslaw Sikorski, chef du gouvernement polonais en exil, or qu'il a été victime, avec sa fille Zofia, d'un accident d'avion en 1943 près de Gibraltar.



En 1996 il a porté plainte contre l'historienne américaine, Deborah Lipstadt, qui dans son ouvrage "Denying the Holocaust" (nier la Shoah), l'avait accusé de négationniste. Un procès qu'il a grandiosement perdu et pour les frais duquel il a été obligé de vendre sa maison. Selon Irving Hitler ignorait tout de la Shoah !



Contrairement à Irving, Valérie Igounet a un doctorat en histoire contemporaine et est actuellement directrice adjointe de l'Observatoire du conspirationnisme. Elle a écrit, en 2014, "Le Front National de 1972 à nos jours". En 2000, elle a publié chez Seuil un volumineux ouvrage "Histoire du négationnisme en France" de presque 700 pages.

Le livre que j'ai en main est paru dans l'excellente collection "Que sais-je" en février dernier et ne compte que 127 pages.



Cette histoire du négationnisme en France commence déjà en 1948 avec la publication de "Nuremberg ou la Terre promise" par Maurice Bardèche (1907-1998). D'après lui, les victimes sont les Allemands et les Juifs sont les véritables responsables de la Seconde Guerre mondiale ! En 1952, il est condamné à un an de prison et une grosse amende. Bardèche a été le beau-frère de Robert Brasillach, fusillé en février 1945. Il s'est vanté d'être fasciste et est, avec Paul Rassinier (1906-1967), considéré comme le fondateur du négationnisme français.



Rassinier a parcouru l'échiquier politique de l'extrême gauche (d'abord communiste, puis socialiste) à l'extrême droite.

Pendant la guerre il a été incarcéré au camp nazi de Buchenwald. Sa biographe, Nadine Fresco, a dėvoilé les liens de Rassinier avec des néo-nazis allemands. Il est l'auteur, en 1967, de "Les responsables de la Seconde Guerre" : les Juifs, bien entendu !



La "star" du négationnisme en France pendant très longtemps se nomme Robert Faurisson (1929-2018). Un homme sûrement intelligent, expert en littérature, mais dont le souci majeur consistait à être au centre de l'intérêt. Il aurait dit ou écrit n'importe quoi afin qu'on parle de lui. Comme l'auteure, qui lui a déjà consacré une monographie en 2012, ce personnage m'inspire une profonde horreur et je ne tiens nullement à m'attarder sur ces fines réalisations. Le fait d'avoir lié le dossier des chambres à gaz "bidon" à celui de la diabolisation de l'État d'Israël, lui a valu une réception d'honneur à Téhéran par le président Mahmoud Ahmadinejad. L'homme s'est qualifié lui-même de "pape du révisionnisme". Robert Badinter, devant une cour parisienne, l'a traité de "faussaire de l'histoire". Et c'est exactement ce qu'il a été : un falsificateur et un menteur professionnel !



L'apparition d'internet et des groupes sociaux ont favorisé grandement l'expansion inquiétante du négationnisme et de l'antisémitisme. Surtout depuis l'an 2000 les supporteurs de ces "doctrines" forment comme le note Valérie Igounet "une nébuleuse fourre-tout qui regroupe, entre autres, anciens écologistes, ultra-gauchistes, islamistes, communistes, catholiques intégristes, tiers-mondistes ou encore néonazis....



L'auteure passe aussi en revue des auteurs tels Roger Garaudy (1913-2012), Thierry Meyssan et son aberrant "L'effroyable imposture" (2002), María Poumier, Vincent Renouard (qui nie même le massacre d'Oradour-sur-Glane), l'essayiste François Duprat, Alain Soral, Dieudonné M'Bala M'Bala, Béatrice Pignède etc. etc. etc.

Dans ce contexte, père et fille Le Pen ne sauraient manquer au tableau, quoique l'auteure se montre relativement indulgente envers Marine Le Pen, qui essaie de libérer son Parti du négationnisme.



Il y a de quoi se mettre en boule lorsqu'on apprend que messires Pierre Guillaume et Serge Thion ont créé en 1996 le site Aaargh ou "Association des anciens amateurs de récits de guerres et d'holocaustes". Dans le genre "débiles dangereux", il est difficile de faire mieux !

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Ils sont partout

Rose, une jeune journaliste d’un magazine féminin, a un frère, Adrien, qui se fait embrigader par des groupuscules complotistes proches de l’extrême-droite. Elle va tout faire pour le retrouver et l’empêcher de commettre d’éventuels actes criminels. ● Cette BD scénarisée par une universitaire est pétrie de bonnes intentions et on ne peut que souhaiter qu’elle soit lue et comprise par les jeunes lecteurs. ● Cependant, elle présente quelques défauts : un dessin assez déplaisant, peu dynamique, aux traits grossiers, dénués de finesse. ● Le personnage de Rose est une midinette bobo qui s’offusque parce qu’une collection de vêtements de 2022 fait « soooo 2016 » ; était-ce utile ? Veut-on montrer par-là que sa stupidité ne l’empêche pas, contrairement à son frère, d’être politiquement consciente ? Ce serait plutôt maladroit. ● Et peut-être le pire défaut : lutter contre le complotisme ne sous-entend nullement la suppression de tout esprit critique envers les idées « mainstream » ; le raisonnement de l’album m’a semblé quelque peu caricatural, mais, encore une fois, peut-être est-ce ce qu’il faut pour que les jeunes générations prennent conscience des inepties qui se diffusent via les réseaux sociaux et sur le net en général.
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Ils sont partout

« Ils sont partout ». La formule, profondément antisémite, relève de l'euphémisme : le mot « juifs » n'étant pas prononcé, par connivence ou, désormais, pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Et les complotistes les plus connus continuent de regretter le bon vieux temps des chambres à gaz. C'est ce ce que nous rappelle cette BD très documentée, notamment scénarisée par une universitaire : quand on se met à croire que le jus de carottes soigne les cancers en phase terminale, on est en bonne voie pour s'inquiéter d'un ordre mondial dominé par les Illuminati, les Francs-maçons, la finance internationale, bref les Juifs.

Je déteste la façon dont le pronom « ils » est de plus en plus utilisé. « Ils ont décidé que… »: c'est souvent le gouvernement qui est désigné ainsi, mais, au-delà de la paresse intellectuelle (qui peut bien se targuer de connaître les ministres de Macron I?), c'est bien sûr cette façon de créer un cercle magique autour de soi qui est détestable, d'opposer un nous aux autres indéterminés et interchangeables, forcément cyniques et n'ayant d'autre passe-temps que de m'emmerder, moi et mes copains. Or, qui d'autre que le Juif pour donner corps à cet autre radical et vicieux? Il est vrai que l'Arabe copulateur déterminé à nous remplacer n'est pas forcément en odeur de sainteté, mais enfin, l'Arabe est visible et il est compliqué de croire que tous les puissants de ce monde lui ressemblent. Alors que nous avons suffisamment évolué (si si) pour savoir que le Juif n'a pas forcément un grand nez, ce qui permet de le voir partout. Et si ce n'est lui, c'est sa femme ou son employeur. Ou son frère. Une vieille blague raconte que si un pays totalitaire décidait de déporter tous ses Juifs et tous ses coiffeurs, tout le monde se demanderait « Pourquoi les coiffeurs ? », actant que s'attaquer aux Juifs est une évidence.

L'ouvrage qui nous occupe imagine donc comment un groupe de rigolos peut être endoctriné pour commettre des attentats antisémites : si vous croyez que la Terre est plate, vous pensez évidemment qu'un complot immonde veut vous détourner de la vérité. Par conséquent, il y a forcément des coupables qui s'en mettent plein les poches quelque part (je suis d'ailleurs preneuse de toute explication sur les motivations des zaffreux méchants qui veulent me faire croire que la Terre est ronde: le lobby des certifiés de géographie qui entassent dans leurs lessiveuses les millions naïvement offerts par l'Education nationale, peut-être ?)

Le message de cette BD est donc clair: ne nous marrons pas. D'autres les tireront du feu pour nous. Non, les platistes, les thuriféraires de l'urine ou les adorateurs du nombre 11 ne sont pas de doux dingues dont il faudrait seulement rire.

Première explication: les complotistes stars ne sont rien d'autres que des hommes d'affaires que leurs excès bien rodés ont rendus riches (parce qu'ils vendent bien et cher des livres, des spectacles ou des extracteurs de jus de carottes). La deuxième : ils drainent des adeptes suffisamment sincères pour devenir de vrais méchants.

Seule solution pour les contrer: l'éducation. Quelqu'un qui sait pourquoi le drapeau américain semble flotter sur la lune sera toujours mieux armé pour rester (ou redevenir) lucide.

La BD est bien faite et intéressante, aucun doute (si j'ose dire) là-dessus.

Mais ce n'est qu'une BD d'à peine plus de 100 pages. Elle m'a pas mal laissée sur ma faim: d'abord parce qu'elle n'aborde pas le problème essentiel du point de départ: à quel moment va-t-on se mettre à croire que la Terre est plate? Ensuite parce qu'elle balaie toute nuance entre l'inculture scientifique et l'opinion critique: on peut se poser des questions sur la déontologie des grands groupes pharmaceutiques sans mettre en doute la nécessité des vaccins. John le Carré a écrit « La constance du jardinier » et ça ne fait pas de lui un illuminé du bulbe. Enfin, l'héroïne garante de la rationalité éclairée est une journaliste de la presse féminine dont la futilité m'inquiète à peine moins que les théories fumeuses des urinothérapeutes: boire sa pisse ou changer de ceinture parce que l'ancienne est sooo 2021, personnellement, j'ai du mal à voir une différence concernant la sous-utilisation de ce qui est censé se situer entre les deux oreilles.

J'ai aussi des réserves sur le dessin dont le trait semble davantage correspondre à une image unique qu'à une succession de cases sans dynamisme particulier.

Après, hein, qui suis-je pour critiquer un livre sur le complotisme et les fake news alors que je suis toujours aussi fermement convaincue, malgré les preuves les plus indubitables, d'être capable de ressortir d'une librairie les mains vides?
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Ils sont partout

« Ils sont sont là, dans les campagnes, les villes, sur les réseaux sociaux, les envahisseurs ». Bref, ils sont partout. Ces mots là d'une candidate à l'élection présidentielle raisonnent encore.



Les auteurs visent délibérément ce qu'ils appellent la facho-sphère qui se nourrir d'antisémitisme mais également de négationniste. Il y a ceux qui croient que la terre est plate, que les américains ne sont pas allés sur la Lune et que les attentats du 11 septembre 2001 ont été provoqué par les services secrets pour lancer la guerre contre l'Irak et l'Afghanistan.



On va suivre une jeune journaliste (que la complosphère surnomme journalope) dont le frère semble être attiré part ces thèses extrêmes. Elle va alors se faire aider par un spécialiste de l'extrême droite et qui était un ancien grand reporter pour le retrouver avant qu'il ne commette des attentats irréparables.



On va croiser des figures réelles dont les noms ont été modifié afin d'éviter des procès en diffamation (je pense à Jean-Marie le Pen ou encore l'humoriste Dieudonné). Tout sonne assez juste et c'est ce qui est sans doute le plus effrayant.



Evidemment, ce genre de BD qui dénonce un phénomène très actuel est utile et nécessaire. On se dit qu'on ne croira jamais à de telles sornettes quand on est intelligent. J'avoue qu'une collègue m'a fait voir une vidéo qui dénonçait violemment les vaccins ainsi que l'industrie pharmaceutique piloté par Bill Gates durant la crise sanitaire et cela paraissait tellement crédible. Bref, n'importe qui pourrait y succomber si on n'y prend pas garde.



De telles bêtises peuvent même fausser le résultat d'une élection présidentielle. La pauvre Hillary Clinton en sait quelquechose. On remarquera que c'est toujours les mêmes qui utilisent ces moyens pour tout d'abord se présenter en pauvres victimes du système qui les rejettent avec l'aide des médias pour ensuite acquérir le pouvoir et mener une politique conduisant à la haine de l'étranger.



Cette BD démonte les mécanismes en nous les expliquant de manière assez ludique. A noter qu'il ne s'agit pas d'une BD documentaire mais d'une vraie intrigue ce qui renforce encore plus l'aspect pédagogique en nous montrant du concret.



Certes, cette plongée dans les milieux complotistes et d'extrême droite est glaçante. C'est cependant nécessaire pour bien comprendre les enjeux et déjouer les pièges car c'est notre démocratie qui est sans doute en jeu sur le long terme.
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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

Samuel Paty, prof d'histoire-géo a été assassiné à l'arme blanche puis décapité, le 16 octobre 2020, par un islamiste tchétchène dont le famille a trouvé refuge en France.

Il avait 47 ans et était père d'un petit garçon.

Ce livre, magnifique, de 155 pages résume en BD le parcours de ce prof ainsi que son assassinat.

C'est un bel hommage qui lui est rendu.

Non, je n'oublierai pas!



Samuel Paty a dit a une ancienne élève : Je voudrais que ma vie et ma mort servent à quelque chose.
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Ils sont partout

Rose, jeune journaliste, découvre l’univers de la propagande complotiste suite à la disparition d’Adrien son frère. Épaulée par un romancier de polar également scénariste de bandes dessinées, l’historienne spécialiste de l’extrême droite et du négationnisme en France, Valérie Igounet, directrice adjointe de Conspiracy Watch, propose, sous forme de fiction, une enquête au coeur du conspirationnisme et de la fachosphère, des réseaux les plus farfelus aux plus dangereux.

(...)

Expliquer, démontrer sans juger. C’est exactement ainsi que procède cette bande dessinée dont l’intrigue est par ailleurs plutôt prenante. Pas sûr que dans la cacophonie ambiante, amplifiée par nombre de médias, elle parvienne cependant à lutter contre ce bruit de fond persistant quand on sait que, comme le rappelle l’avant-propos, en France, une personne sur quatre croit au « grand remplacement » et aux « Illuminati ».
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

« Je voudrais que ma vie et ma mort servent à quelque chose… »

La petite phrase est en exergue de « Crayon noir » une BD choc sortie hier 6 octobre en librairie. Prononcée par Samuel Paty auprès d’une ancienne élève plusieurs années avant le drame, elle résonne douloureusement à nos oreilles, trois ans presque jour pour jour après le 16 octobre 2020.



Rappelons que Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie a été agressé par arme blanche et décapité peu après être sorti de son collège de Conflans-Sainte-Honorine.

L'assassin, Abdoullakh Anzorov, est un citoyen russe d'origine tchétchène âgé de 18 ans et qui bénéficiait du statut de réfugié politique accordé à ses parents alors qu'il était mineur. Il est abattu par la

police quelques minutes après l'attentat.



Cette phrase résume aussi, à elle seule, la raison d’être de l’ouvrage, fruit d’une enquête minutieuse de deux années, voulu autant comme livre de mémoire que comme décryptage des mécanismes dévastateurs qui ont conduit à l’assassinat de ce simple enseignant de 47 ans.



Valérie Igounet et Guy Le Besnerais, auteurs de la bande dessinée « Crayon noir » - Samuel Paty, histoire d'un prof.
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Ils sont partout

Tu dois lutter tous les jours contre Twitter en gros, c’est ça ?

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Il s’agit d’un récit complet, indépendant de tout autre, dont la première édition date de 2022. Il a été écrit par Valérie Igounet & Jacky Schwartzmann, dessiné par Lara & Morgan Navarro, avec une mise en couleur réalisée par Christian Lerolle. Il s’agit d’une bande dessinée en couleurs qui compte quatre-vingt-seize planches. Il commence par une définition du mot Complotisme, suivi par un avant-propos rédigé par les auteurs sur des statistiques relatives à l’acceptation de certaines théories du complot par la population française, par exemple sur la collusion entre le gouvernement et l’industrie pharmaceutique pour cacher la nocivité des vaccins, et concluant que le complotisme tue vraiment. Il se termine avec un glossaire comprenant la notice biographique de treize principaux acteurs de la complosphère, et l’énoncé de neuf principales thèses complotistes.



Dans une grande forêt en montagne du Jura, un groupe d’une demi-douzaine d’individus en tenue paramilitaire aves des arbalètes progresse dans la neige. Le meneur fait signe de s’arrêter au groupe. Ils se couchent à plat ventre dans la neige et s’exercent au tir sur un épouvantail affublé d’une chemise rayé, avec une étoile jaune au niveau du cœur. Dans la salle de rédaction du magazine Actuelle à Paris, le rédacteur-en-chef demande à ses journalistes ce qu’ils ont pensé du défilé Saint Laurent. Ce n’est pas l’enthousiasme. Rose finit par exprimer son jugement : franchement, c’était sooo 2016. Tout le monde rigole au bon mot. Rose sort du boulot, prend le métro, rentre chez elle, finit sa valise et se rend à la gare Montparnasse. Elle descend à la gare de Rennes où son frère Adrien l’attend. Elle le charrie sur sa tenue vestimentaire, un peu trop druide à son goût.



Le repas se déroule en famille dans le pavillon des parents de Rose et Adrien. Elle lui fait remarquer qu’il n’a pas l’air bien. Sa mère répond à la place de son frère : Adrien passe ses journées dans sa chambre, sur internet, il a arrêté la fac. Il soupire et explique qu’il est un réveillé, un lucide, et que ce n’est pas en filière sciences et techniques des activités physiques et sportives qu’il a appris ça. Sa mère estime que c’est du complotisme, ce à quoi il répond qu’il y a des groupes d’intérêts à l’œuvre et qu’il les débusque. Après le repas la mère et ses enfants regardent des vidéos sur YouTube. Dans la première, Thierry Saint Gall énonce des méthodes pour se protéger et survivre au coronavirus : le jeûne, les bains froids et le jus de carotte. Rose ironise en demandant s’il a déjà entendu parler des vaccins. Puis il regarde une autre vidéo où le docteur Tal Caliente affirme que l’urine est le premier médicament sur Terre pour soigner les êtres humains. C’est de l’énergie vivante, c’est du sang filtré et le sang vibre sur une longueur d’onde très énergétique. Il préconise de boire de l’urine ou d’en mettre sur sa peau, et il affirme avoir déjà vu des malades du sida, grabataires qui, après avoir bu leur urine pendant quelques jours, faisaient de la course à pied.



Écrire un ouvrage sur le complotisme se heurte à une difficulté intrinsèque assez redoutable : il ne faut pas donner l’impression que le discours devient lui-même un pamphlet contre une forme de complot, contre des gens qui seraient partout et nulle part à la fois à propager des idées délirantes remettant en cause l’ordre mondial, ritournelle s’apparentant elle-même à une théorie du complot. Les auteurs ont choisi la fiction, vécue à hauteur d’individu, avec un dessin semi-réaliste, tout public. L’histoire est très simple : une jeune femme bien installée dans la vie, travaillant comme éditrice ou journaliste dans un magazine féminin, doit retrouver son frère qui a décidé de s’engager dans une groupe survivaliste, préparant un coup d’éclat. Elle bénéficie de l’aide de Michel, maquettiste d’une cinquantaine d’années, ancien grand reporter spécialisé dans l’extrême droite, sans femme ni enfant, ayant dû lever le pied à la suite d’un AVC. L’artiste recourt souvent aux plan taille et aux gros plans pour les discussions et les interviews. Le coloriste reste dans un registre naturaliste. La tonalité de l’intrigue ne s’inscrit pas dans le drame intimiste, ou le mélodrame : le lecteur reste à une certaine distance des personnages. Pas de développement psychologique pénétrant sur le basculement d’Adrien, sur les angoisses de ses parents, ou sur les indignations de sa sœur.



Dans le même temps, sous des dehors simples, la narration visuelle comprend de nombreux éléments d’information de nature diverse. En reparcourant les pages, le lecteur prend conscience qu’il a pas mal voyagé : les montagnes enneigées du Jura, les bureaux parisiens du magazine Actuelle, le pavillon des parents de Rose et d’Adrien, plusieurs déplacements en train, un voyage en car, la grande fête en plein air de l’Insigne Doré avec tous ses stands et son podium, un café bien parisien, le pavillon de Robert Faurisson (1929-2018), les forêts sans neige du Jura, la cage d’escalier de l’immeuble de Rose, etc. À chaque fois, le dessinateur réalise des dessins très faciles à lire, contenant pour autant une bonne densité d’informations visuelles. Les personnages disposent tous d’un physique et d’un visage différents, les rendant immédiatement identifiables. Les accessoires sont rendus avec une approche globale, plutôt que dans le menu détail, ce qui n’empêche pas de reconnaître une arbalète au premier coup d’œil. La mise en couleurs semble évidente, tout en faisant parfaitement son travail : ambiance lumineuse, augmentation de lisibilité et de la différenciation entre les différents éléments détourés de chaque case. Finalement, l’artiste sait également reproduire l’impression globale d’un individu connu même si son nom a été changé pour couper court à toute tentative de procès.



Ainsi en page 78, le lecteur reconnaît tout de suite le modèle de monsieur Brieuc, même si son prénom n’est donné qu’une fois l’entretien terminé, puis celui de sa fille : Jean-Marie et Marine. S’il l’ignore, le lecteur découvre dans la biographie très succincte que l’autrice est historienne de formation, spécialiste de l’extrême droite et du négationnisme. S’il a été sensible à ces sujets dans l’actualité, il identifie sans peine une partie des personnages : Jean-Marie Le Pen, Dieudonné M’Bala M’Bala, Alain Soral. Les références à Thierry Casasnovas, Thierry Meyssan, Pierro San Giorgio et Christian Schaller sont plus pointues, mais elles sont transparentes, et le lecteur les identifie aisément lorsqu’il parcourt les notices biographiques des principaux acteurs de la complosphère en fin d’ouvrage. En outre, Robert Faurisson est nommé explicitement quand Michel relate l’interview qu’il a mené avec lui, à laquelle sont consacrées trois pages. Le lecteur ne doute pas un seul instant de l’exactitude des propos rapporté. Il en va de même lors de l’entretien accordé par Jean-Marie Brieuc / Le Pen.



Bien sûr, le lecteur sourit en écoutant les élucubrations d’un des exposants à la grande fête de l’Insigne Doré : un platiste. Il explique que c’est simple comme bonjour, que la Terre est un disque et qu’autour de ce disque il y a un immense mur de glace. La preuve : l’horizon est plat et tout droit. À un monsieur qui lui fait remarquer que dans ce cas-là, s’il marche toujours droit, il va se taper le nez contre le mur de glace, il répond qu’on n’est pas dans le Truman Show, et que la réponse est simple : c’est l’effet Pac-Man. Comme dans le jeu, quand on arrive au bord de l’écran, on réapparaît de l’autre côté. À lire, cela ressemble à un délire d’enfant, sauf qu’il existe des platistes dans le vrai monde. En fin d’ouvrage, les auteurs citent plusieurs théories du complot : les traînées de condensation des avions (chemtrails), le grand remplacement, le négationnisme, le Nouvel Ordre mondial, le Pizzagate, le platisme, le mouvement QAnon, le survivalisme, la théorie complotiste du 11 septembre. Certaines sont plus délirantes que d’autres : Hilary Clinton impliquée dans un réseau pédocriminel dont la plaque tournante serait une pizzeria de Washington, une élite mondiale pédo-sataniste conspirerait contre le peuple selon le mouvement QAnon. Mais en court de récit, Michel évoque plusieurs cas où la propagation et la diffusion de ces théories ont poussé des individus à passer à l’acte, à tuer des personnes qu’ils tenaient pour responsable.



Si la théorie de la Terre plate a du mal à passer, il est moins facile de rejeter la posture d’Adrien qui dit vouloir débusquer des groupes d’intérêt à l’œuvre, car le lobbying n’est pas une idée fumeuse. Certes le vaccin contre le COVID ne sert vraisemblablement pas à injecter des nanoparticules contrôlées à distance par la 5G, mais les grands groupes pharmaceutiques ont profité financièrement de la création et de la vente de vaccins. Parmi les théories du complot évoquées, il est possible que l’une d’elles retienne l’attention du lecteur, comme moins idiote, comme digne d’intérêt, au moins de se poser la question. Il peut être tenté de se lancer dans un questionnement, peut-être jusqu’à une méthode hyper critique, sans pour autant aller jusqu’à la méthode Ajax (du nom du produit ménager) prônée par Faurisson. Il peut s’interroger sur la frontière entre démarche scientifique, et démarche pseudo scientifique, démystification et mystification. Ce doute peut l’amener à s’interroger également sur la nature de la connaissance, sur les théories de la connaissance. D’un côté, les théories du complot peuvent être vues comme un fait de société et de culture, et analysées avec ce point de vue. De l’autre côté, la manipulation de l’information est une réalité et il est sain de remettre en cause les faits assénés, les conclusions trop belles pour être vraies. S’ils ne présentent pas ces questionnements de manière explicites, les auteurs évoquent la recherche de sens, la pulsion humaine d’identifier des schémas, l’appétit pour les révélations et le sensationnel, mais aussi l’illusion de solutions simples à des problématiques complexes, le fantasme de la solution magique.



Les auteurs ont réalisé une fiction facile d’accès et facile à suivre sur une jeune femme découvrant le monde du complotisme, et des individus qui en font le commerce. Le lecteur avance rapidement dans l’ouvrage, souriant aux théories fumeuses, satisfait de sa perspicacité quand il identifie une personnalité connue. En cours de route, il se dit que les auteurs auraient pu se montrer plus ambitieux sur les mécanismes psychologiques et sociaux favorisant ses théories et leur accueil favorable par une partie non négligeable de la population. Puis il se met à douter lui-même, pas forcément pour adhérer au Grand Remplacement, mais sur les mécanismes d’apprentissage de la connaissance, sur la façon dont lui-même tient certaines choses pour évidentes et ne pouvant pas être remises en question. Il ne développe pas sa propre théorie du complot, mais se met à réfléchir sur l’assimilation de la connaissance humaine, et sa liberté de douter.
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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

Je me suis posé la question avant de lire ce roman graphique. Faut-il lire, entendre, écouter encore des témoignages sur cet événement dramatique qui nous a tous tellement choqués.

Est-il nécessaire d'en parler, de l'écrire, de le dessiner ? Et si oui, à qui va-t-il s'adresser ?

La réponse est tout simplement à tous, toi, moi, nous, à chacun d'entre nous.

À l'Histoire, pour ne pas oublier ce que les hommes sont capables de faire, même dans un pays qui n'est pas en guerre, même dans un collège d'une ville relativement protégée, même pas situé en zone ultra-sensible. Savoir que oui, cela peut arriver, et ce ne sera pas forcément à l'autre bout de la planète, que ça peut toucher chacun d'entre nous.



Intolérance, ignorance, délation, mensonge, effet de masse, réseaux sociaux, toutes les planètes ont convergé ce jour là pour arriver au drame.

Conflans sainte-Honorine le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie, est décapité à quelques centaines de mètres de son collège par un islamiste tchétchène.

Quelques jours auparavant, il avait souhaité comme chaque année faire prendre conscience à ses élèves de ce que peut-être la liberté de la presse, la tolérance, et la notion très complexe du dilemme, publier ou non, ici en l’occurrence fallait-il publier les caricatures de Mahomet dans Charlie Hebdo.

Si l'issue dramatique de cet événement est connue de tous, ici les auteurs ont l'intelligence de compiler les différents témoignages auxquels ils ont eu accès pour dérouler jour après jour les fils qui vont mener directement au drame. Collègues, direction de l'éducation nationale, proches de Samuel Paty, familles des élèves, mails, courriers, faits et textes recueillis par les enquêteurs, sont là pour faire entendre, sans possibilité pour ma part de l'accepter, le déroulé des événements.

Parti d'un mensonges, de témoignages non avérés de jeunes absents de la classe, montés en épingle par un père et un entourage malveillant et fanatisé, les auteurs montrent sans aucun pathos ou parti pris le déroulé de la catastrophe annoncée.



https://domiclire.wordpress.com/2023/10/08/crayon-noir-samuel-paty-histoire-dun-prof-valerie-igounet-guy-le-besnerais/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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Ils sont partout

De passage chez ses parents un week-end, Rose, journaliste dans un magazine féminin à Paris, discute avec son frère et se rend compte qu'il adhère à des théories complotistes.

Lorsque peu de temps après, il disparaît sans donner de nouvelles, elle décide de mener l'enquête pour sauver son frère.

Toute ressemblance avec la réalité n'est pas purement fortuite.

La plupart des personnages rencontrés dans cette histoire existent vraiment et ont les discours de haine qu'on peut lire ici. Autant dire que cette plongée en terres conspirationnistes très documentée est glaçante !

Quelques chiffres pris au hasard dans la BD :

28% des 18-24 ans adhèrent à au moins 5 théories du complot proposées contre 9% des plus de 65 ans

22% de la population française croit à l'existence d'un "complot sioniste mondial"

Une personne interrogée sur quatre approuve la théorie du "Grand Remplacement".
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

Un très beau livre qui constitue un hommage très élégant à Samuel Paty, en même temps qu'un ouvrage d'une très grande rigueur (l'autrice est une historienne très réputée) qui tient à ne pas présenter une version édulcorée des choses, mais au contraire présente Samuel Paty, ses collègues, 'l'institution scolaire avec finesse en laissant place à une vraie complexité. Samuel Paty s'interrogeait sur son métier, sur sa façon d'enseigner. Il avait de vraies discussions avec ses collègues et c'est très bien montré dans le livre.

On découvre un homme sensible et soucieux au plus haut point de ses élèves. Un homme discret qui ne recherchait aucune notoriété mais ambitionnait d'amener ses élèves à réfléchir.

Aucun simplification dans ce livre passionnant, fouillé, résultat de deux ans de travail et fait le portrait glaçant d'une époque dans laquelle l'islamisme radical ou si l'on préfère le djihadisme constitue un ennemi déterminé de nos libertés et dans laquelle le poids des réseaux sociaux peut entrainer à tout moment une catastrophe. On peut penser à la lecture du livre que la cohésion complète face à un ennemi déterminé constitue la seule option possible.

Le graphisme est très simple, et sert au mieux le propos du livre tout en restituant bien le cacaotière d'enquête fouillé qui a présidé à sa réalisation.

Un livre indispensable, hélas...
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Ils sont partout

Le frère de Rose, drogué aux réseaux sociaux, à internet en général, décide de quitter la fac pour suivre des stages de survie à la campagne...C'est alors qu'avec ses parents d'abord puis aidée d'une personne experte en théories de complots en touts genre, elle mène une véritable enquête pour retrouver son frère afin de le ramener à la raison... Une Bd très utile pour comprendre le procédé de manipulation complotiste, j'ai moi-même hélas, perdu deux amis noyés par ce fléau...Un des deux lis la revue (le torchon) Nexus : un tissu de conneries...

Bref un livre UTILE ET NECESSAIRE
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

Le 16 octobre 2020, dans l'après-midi, Samuel Paty, 47 ans, professeur d'histoire-géographie dans un collège des Yvelines est assassiné par un islamiste tchétchène à quelques pas de l'établissement. Que s'est-il vraiment passé 10 jours plus tôt en cours de 4ème lorsque le professeur choisit d'illustrer un cours sur la liberté d'expression en montrant les caricatures parues dans Charlie Hebdo ?



Valérie Igounet remonte le fil et tente de dénouer la machination, la genèse du crime. Juste des faits, à partir de témoignages, elle reconstitue les jours qui précèdent, la journée du 6 octobre et cette fameuse séance en classe... puis l'acharnement, l'emballement sur les réseaux sociaux, la manipulation qui mène à l'indicible.



Guy de Besnerais réalise son premier roman graphique et la tâche n'était pas facile. Il parvient à rendre compréhensible l'horreur sans la montrer, à montrer qui était Samuel Paty aussi.



Un engrenage implacable, pouvait-on l'arrêter ? L'attitude de l'institution, de certains collègues, de quelques élèves... beaucoup de questions restent posées. C'est fort, triste, révoltant, dur... mais cet album nous rappelle qu'il ne faut pas oublier.
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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

Difficile de trouver une critique compte-tenu du contexte actuel. Alors que je lisais cette bande-dessinée-documentaire j'apprenais l'assassinat d'un tourisme allemand, à deux pas de la tour Eiffel, par un assaillant qui avait auparavant communiqué avec celui qui a assassiné Samuel Paty... Bis repetita à Arras....Ce qui m'a quand même frappé, c est la grande lâcheté du système éducatif français dans cette affaire....

La critique négative que je formulerais, c est l emploi de caractères bien trop petits, je me suis cassé les yeux.. Sinon très bon travail d'investigation...
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

"Ne pas tourner la page mais laisser une trace pour un hommage durable, un mémorial de papier et inscrire la mort de Samuel Paty dans un combat pour la liberté. Ne pas oublier que c'est avec un crayon et non des armes qu'une opinion s'exprime." Valérie Igounet

"Raconter c'est empêcher que la mort ait le dernier mot." Yannick Haenel

Le livre commence par l'hommage national puis on remonte en septembre, on fait connaissance avec les profs et le collège du Bois D'aulne, Mr Paty et ses élèves.

Le déroulement des faits s'enchaînent et puisque nous en connaissons l'issue, c'est ubuesque.

Après le drame, amis, profs collègues, élèves, parents, chacun raconte.

C'est émouvant, insupportable.
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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

Je ne reviendrais pas sur le terroriste et encore moins en cette période où un autre professeur à perdu la vie.

C'est par contre la puissance morbide de la fake news et des réseaux sociaux qui m'a le plus heurté. Aujourd'hui n'importe qui peut etre victime d'une cabale avec une finalité aussi grave...



J'ai mis 4/5 mais il est assez difficile de juger cette oeuvre. De plus depuis ce soir j'ai lu une partie des déclarations de sa sœur au sénat, et elle semble plus à charge vis à vis de l'administration que ce qu'on peut lire.



Dans tous les cas ce qui s'est passé il y a 3 ans était presque impensable, mais pour autant l'horreur s'est de nouveau produite.

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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

Difficile de trouver les mots, difficile de faire une critique ou de me prêter à cette pratique dérisoire de "mettre une étoile" pour évaluer ma lecture.

Moi dont le métier est de parler et de transmettre, j'ai du mal à trouver les mots. Moi qui évalue des élèves au quotidien, j'ai ici du mal à "attribuer une note".

Je suis ressortie en larmes, bouleversée, choquée, heurtée par le rôle de la rumeur et de l'instrumentalisation des réseaux sociaux, en colère par certaines décisions hiérarchiques. Même si je ne connaissais pas tout en détails, j'ai appris les engrenages de l'attentat - tout en n'étant pas surprise.

J'ai découvert le portrait d'un homme passionné, droit, rigoureux, mais aussi un père aimant, un passionné de tennis, un amoureux de sa matière... A quelques années près, quelqu'un qui me ressemble beaucoup, que j'aurai pu croiser dans mes différents postes. Samuel, je te tutoie, c'est ce qu'on fait entre collègues, tu me ressemblais beaucoup, tu nous ressemblais beaucoup, à nous, tous ceux qui ne font que leur métier, du mieux qu'ils peuvent, comme toi.

Mais peut-être avec une note d'espoir : certains élèves, certains collègues, certains parents, ont des réactions admirables. C'est ma collègue professeure-documentaliste qui m'a conseillé cet ouvrage, nous avons réfléchi à des séances à mener ensemble auprès de nos lycéens pour traiter de certaines thématiques... J'ai vu récemment mes élèves s'engager de façon remarquable pour un projet mémoriel : j'ai encore un espoir envers la jeunesse.



Pour finir, quelques lignes d'un poème que j'avais écrit d'un seul jet après l'assassinat de Dominique Bernard, le jour de la commémoration en hommage à Samuel Paty :

"Aujourd'hui, j'ai recommencé.

Préparé mes affaires, la gorge nouée

Pour moi, pour ces élèves qui ont aussi à m'apporter.

Pour ne pas les laisser gagner,

L'école doit continuer.

Aujourd'hui, j'ai recommencé".
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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

Ce roman graphique est paru trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, presque au moment où tous les complices, jeunes et adultes, de cet acte traumatisant allaient être jugés et presque au moment où un autre assassinat terroriste était commis à Arras sur la personne de Dominique Bernard, un autre prof.



L’écriture de cet album est due à Valérie Igounet, historienne, journaliste et directrice adjointe de Conspiracy Watch (L’observatoire du conspirationnisme). Cela commence par l’hommage à Samuel Paty dans la cour de la Sorbonne, des pages griffées en rouge de paroles de chansons et cela se termine par la remise du premier Prix Samuel Paty qui récompense des travaux de collégiens sur la liberté d’expression. Entre les deux, c’est le compte-rendu précis des faits de la rentrée de septembre 2020 au 16 octobre 2020, jour de départ en vacances d’octobre où le professeur est décapité en pleine rue, non loin du collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine. Avant de dérouler avec une précision clinique l’engrenage qui a mené à l’assassinat, le roman graphique nous fait vivre de l’intérieur une vie de prof, un prof qui aimait la vie, qui avait un humour bien à lui, qui s’investissait à fond dans son métier, qui voulait faire réfléchir ses élèves, leur enseigner l’esprit critique. Cela rend les circonstances de sa mort encore plus abjectes. La cabale orchestrée contre lui à partir du mensonge d’une élève qui n’était même pas en classe, relayée par le père de cette élève, un homme bien vu dans son milieu parce qu’il oeuvrait pour les personnes handicapées, et par un prétendu imam extrémiste fiché S va rencontrer la quête de djihad d’un jeune Français d’origine tchétchène, Abdoullakh Anzarov. On voit évidemment les ravages du mensonge amplifié par les réseaux sociaux, magnifiquement traités dans une double page inspirée de La grande Vague de Hokusai. Je me souviens des attentats de Charlie Hebdo, il y a huit ans : ça se passait la semaine de la rentrée de janvier et on avait organisé un temps de convivialité avec les élèves dans ma section ; on a parlé des attentats et le prof qui faisait le « discours » a signalé qu’un de nos anciens élèves récents avait fait l’apologie des frères Kouachi sur les réseaux sociaux. Je suis sans surprise assez pessimiste sur l’évolution des choses en ce domaine…



Le traitement graphique de Guy Le Besnerais sert vraiment bien le propos : des cases classiques pour le récit, des doubles pages fouillées qui traduisent bien le bouillonnement de l’affaire, les ramifications obscures et l’emballement des réseaux. Les couleurs dominantes de ces doubles pages sont le gris, le noir et le rouge.



Une BD glaçante mais indispensable.
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Crayon noir : Samuel Paty, histoire d'un prof

En lisant cette BD "Crayon noir" (un beau titre), une angoisse terrible m'a étreinte, la disproportion entre les faits et les conséquences est incroyable.

Je ne porterai pas de jugement sur le contenu car le récit est trés clair et factuel, je n'en rajouterai pas, il se suffit à lui même.

Je n'ai pas beaucoup aimé les dessins, ni la mise en page, ni la police de caractère mais on s'en fout car le travail didactique est formidable et compense tout le reste.

Bravo aux auteurs!

Bouleversée et trés triste, gorge serrée je ferme le livre sur un toute petite lueur d'espoir de prise de conscience...
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