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Citations de Valérie Tong Cuong (849)


Nous vous apprendrons à vous regarder telle que vous êtes vraiment, et non au travers des yeux des autres, ni des filtres que vous a imposés votre histoire. C'est ce qui nous tue les filtres. Il faut les cerner et les anéantir.
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Une belle experience sociale.L humain considéré dans sa globalité et avec beaucoup d empathie.Un beau livre.
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A dix-sept heures, monter au deuxième étage et veiller sur le dernier petit-fils, un garçonnet d'à peine cinq ans au ventre rebondi, au front proéminent et au tempérament irascible qui aimait m'assommer de coups de pied, me tirer les cheveux et me jeter des mots orduriers. Je ne le blâmais pas : il se bornait à reproduire une scène mille fois jouée sous ses yeux.
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Lors de notre ultime tête-à-tête, lorsqu’elle m’a reproché d’être devenu un étranger, à vrai dire, je me suis réjoui intérieurement. J’étais heureux d’être étranger à ce que je considérais comme une somme d’esclaves dépourvus d’ambition, des ploucs mal fagotés, incapables de lire autre chose que le programme télé ou les pages sport et faits divers du journal local. Des filles grosses en robes à grosses fleurs, des garçons aux cheveux trop courts ou trop longs, en survêtements trop courts ou trop longs, achetés en magasin d’usine.
Il aura fallu que mon fils se brise pour que volent en éclat les apparences. Je suis le champion des ploucs. Le pire. Un sale con déguisé en type bien avec un costume haut de gamme en guise d’armure. Jugeant à tour de bras et saccageant autour de soi.
Ma mère a-t-elle cessé de m’écrire par désintérêt ou par fierté ?
A-t-elle choisi de disparaître de la vie de Milo pour lui éviter d’être celle dont on a honte ?
Ou, simplement, avait-elle compris la première à quel point j’étais faible ? Combien je me trompais ? On ne possède rien, jamais. Surtout pas l’amour.
Je n’ai pas téléphoné pour prévenir de mon arrivée. Elle pensera sans doute que c’est par suffisance, que je juge inutile de m’inquiéter de son emploi du temps ou de sa disponibilité parce que je suppose qu’elle n’a que faire de ses journées, encore plus à son âge.
La vérité c’est que j’ai peur qu’elle refuse ma visite.
J’aimerais qu’elle me prenne contre sa poitrine, me rassure, me dise, mon garçon, mon petit garçon, les dégâts tu ne les as pas voulus, tu as fait comme tu as pu avec les cartes que la vie t’avait fournies, ne t’en veux pas, ce n’était pas facile à dix ans.
J’aimerais qu’elle me prouve que je ne suis pas un salaud.
Je viens vers toi, maman, parce que toi et moi sommes les seuls témoins du drame originel.
Je viens vers toi, maman, parce que toi seule peux me sauver.
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Il fallait qu’un jour ou l’autre la machine s’enraye et que je m’écrase au sol, c’était inévitable.
Et puis tu es tombé, Milo.
Tu es tombé et avec toi tout s’est précipité, jusqu’à me broyer le cœur et la tête. Il est devenu impossible de fuir. Un cul-de-sac et le revolver sur la tempe.
Le plus dur a été de mentir encore une fois à Céleste, mentir alors qu’on ignorait encore si tu pourrais un jour te relever, c’était si difficile, mais elle n’était pas en état d’entendre la vérité, ni moi de l’assumer.
Et plus tard, mentir à Gustavo pour consolider l’édifice. Le premier homme qui m’ait regardée différemment, avec ce point commun, Milo, cette absence de jugement qui te caractérise. Le premier homme avec qui j’aie eu envie de me réveiller, non pas d’une nuit, mais d’un long cauchemar de vingt-huit ans. Nous aurions pu former un joli trio, tous les trois, dans une autre vie.
Au lieu de cela, j’ai détruit tout ce que j’aimais. J’ai joué à l’équilibriste, sans filet, mais c’est toi, mon petit homme adoré, qui t’es brisé sur le bitume.
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Un sentiment terrible d’amertume m’a étranglée, mêlé de rage et d’impuissance. Je savais bien qu’il faudrait tout reconsidérer, reprendre l’histoire depuis le début pour comprendre. Accepter le partage de certaines responsabilités dans ce chaos : au minimum, notre indifférence (la mienne, en particulier) avait-elle ouvert la voie aux inventions de Marguerite. Malgré cela, je me sentais terriblement trahie. Elle avait abusé de ma confiance. M’avait trompée froidement, les yeux les yeux. J’avais pourtant été correcte depuis le début, j’avais assumé, assuré tout ce qui était sous mon contrôle le temps de son éducation, le temps qu’elle grandisse et devienne autonome, c’est-à-dire tout ce qui ne relevait pas de l’amour puisque cette part-là échappait à ma volonté, et voilà ce que je récoltais pour fruit de mes efforts !
Pire, cette trahison se révélait au moment où, enfin, je m’imaginais libérée. Comme j’avais été naïve de croire, après notre dernière conversation, que tout était soldé, que tout reviendrait dans l’ordre. Que Marguerite ferait sa route d’un côté et nous de l’autre, que chacun y trouverait son compte, séparément et dans une forme d’apaisement.
Au lieu de cela, non seulement son retour s’avérait nécessaire, mais il me faudrait affronter d’effarantes questions. Qui était ma seconde fille ? Où se trouvait-elle, que vivait-elle durant ces dix dernières années ? S’agissait-il de pure mythomanie ou plutôt d’une sorte de couverture pour cacher quelque activité illicite ? De folie ou de manipulation ?
Comment pourrais-je, si je la retrouvais, la conduire auprès de Milo comme si de rien n’était ? Comment pourrais-je annoncer la nouvelle à Céleste ? Comment celle-ci supporterait-elle de n’avoir rien vu de cet écran de fumée ? D’avoir été jouée, elle aussi, malgré le lien qui semblait les unir ?
À quoi devait-on s’attendre désormais, à quelle nouvelle surprise ?
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Quoi qu’il en soit, elle a gagné sur toute la ligne. J’ai cru un instant que je pourrais reprendre la main lorsqu’elle a causé l’accident de Milo, merde, elle avait ruiné nos vies, je m’estimais a minima en droit d’effacer ce geste malheureux, j’avais certes violé son intimité, mais elle avait envoyé mon fils en réanimation !
J’ai pensé qu’enfin je pourrais la mettre à distance, la mettre en orbite, cela se justifiait, je pouvais même compter sur l’appui de Jeanne.
Rien n’a été effacé, bien au contraire. J’ai tout perdu. Milo, mon garçon adoré, adulé, mon petit gars promis au bonheur, ma raison de vivre, végète dans un centre de rééducation. Céleste m’a quitté, elle qui disait, je serai là pour le meilleur et pour le pire, et Dieu sait que nous avions traversé le pire ! Elle qui toujours s’est attachée à équilibrer les points de vue, à apaiser les colères, à écouter les explications, à voir le bon et le beau là où les autres ne voyaient que le mauvais et le laid, Céleste toujours douce, souple, arrangeante, refuse de m’entendre, refuse de me voir, permet tout juste que je prenne soin de Milo quelques heures le soir.
Le plus ironique dans tout ça, je l’ai compris après coup : Marguerite n’avait pas parlé.
J’ai creusé seul ma tombe.

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Elle a eu son soupir favori, ce soupir moitié excédé, moitié fataliste qu’elle maîtrisait à la perfection, et celui-là elle aurait mieux fait de le retenir, parce que tout est remonté d’un coup. J’ai eu envie de lui dire, Maman, quand comprendras-tu que je fais une overdose de ton amour, de ta présence, de ta sollicitude, je n’en peux plus d’être le centre de ta vie (ce qui, au passage, t’a placée au centre de la mienne, étouffant, écartant, biaisant toutes mes autres relations), je n’en peux plus d’être tout pour toi, d’être ton bonheur, ton indispensable, comme tu me l’as si souvent répété, je n’en peux plus de me sentir redevable, coupable, d’être celle que tu veux que je sois, ta consolation, ta revanche, ton défi, je n’en peux plus d’avoir fini par te ressembler malgré moi, de me voir quand je te regarde, parce que sans même en être consciente, je me suis habillée comme toi, coiffée comme toi, maquillée comme toi (à moins que ce ne soit l’inverse, mais ça ne change rien au problème), je n’en peux plus de trouver, à quarante ans passés, des post-its marqués je t’aime ma chérie dans mon sac à main, sur mon agenda, parfois même sur ma porte d’entrée, de te voir négocier avec la femme de ménage pour pénétrer chez moi et remplir le réfrigérateur en douce, d’entendre le téléphone sonner chaque midi et chaque soir en sachant que c’est toi qui m’appelles, de supporter tes jugements sur chacun de mes actes, et par-dessus tout de lire dans tes yeux cette sorte de satisfaction à l’égard de l’éclatement de mon couple, parce que tu ne dis rien mais tu penses : Est-ce que je ne t’avais pas prévenue depuis le départ, hein ? Alors que tu ne sais rien, absolument rien de ce qui nous arrive au fond, tu ne sais rien du trente-huit tonnes qui m’est tombé dessus, et pire encore si on démêle les fils et il faudra bien finir par le faire, tout laisse penser que tu portes une part de responsabilité, et non des moindres, dans la catastrophe finale.
Mais Milo était allongé là, juste à côté de moi, et Gustavo avait suffisamment insisté, trop de tensions, ce n’était vraiment pas le moment de régler des comptes, il fallait se tenir aux résolutions, aux priorités, respecter les promesses que je m’étais faites, alors j’ai contenu l’explosion, respiré un grand coup, renvoyé ma révolte au creux de mon ventre et j’ai simplement dit :
— Il faut retrouver Marguerite.

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Alors, il faudrait accepter d’être rouée de coups et n’en rendre aucun ? Il faudrait être dépouillée, abolie, niée sans jamais crier vengeance ? Tout cela au prétexte de cet accident ? Qu’est-ce que tu espérais, tirer profit de ce malheur en me supprimant de vos vies sans que je réclame mes indemnités ?
Tu aurais dû réfléchir, Lino, avant de me priver de tout. C’est lorsque l’on n’a plus rien à perdre que l’on est le plus dangereux. Tu m’as abandonnée au vide et à la solitude, tu m’as renvoyée à mes cauchemars. Et tu voudrais que j’obtempère, que je m’éclipse sans mot dire ?
Il faudrait me noyer en silence et te laisser berner ma sœur en lui interprétant la comédie du héros ?
Dis-moi, au nom de quoi dois-je être sacrifiée ? Ton costume de père ? Qu’as-tu fait de celui que tu avais promis d’endosser pour moi ?
Je regrette, Lino, le temps n’est plus à la transaction à l’amiable. J’ai cru longtemps que me taire servait les intérêts de Céleste et Milo. Mais au fond, qu’ont-ils à y gagner ? Une existence de mascarade ?
Ma sœur mérite de savoir quel genre d’homme partage sa vie. Un homme qui a failli trois fois : en la trompant, en lui cachant la vérité, en blessant celle sur qui il avait promis de veiller. Libre à elle ensuite de te conserver son amour.
Il était blême.
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Le scénario puisait dans notre histoire commune.
Toi, coincé entre un père engoncé dans ses exigences et une mère empêtrée dans sa volonté de bien faire. Moi, garrottée par Jeanne, privée d’éclats de rire, de joie ou d’insouciance. J’étais la poudre, tu étais l’étincelle.
Ce que tu m’as offert, Milo, n’a pas de prix.
J’ai eu trois ans quand tu as eu trois ans, nez à nez dans le bac à sable, on construisait des tours pour les détruire ensemble à coups de pelle en poussant des cris de joie.
J’ai eu cinq ans quand tu as eu cinq ans, on a couru en riant, un, deux, trois, soleil, et tu gagnais toujours ! J’ai eu sept ans quand tu as eu sept ans, on ne se parlait plus qu’en morse et par talkies-walkies.
J’ai eu neuf ans quand tu as eu neuf ans, on a inauguré une ferme à fourmis et fait pousser nos premiers cristaux.
Tu m’as offert une enfance. Tu m’as offert la légèreté et la félicité. Par intermittence, certes, mais c’était déjà prodigieux. Et il faudrait que je t’abandonne ?
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Tu n’as pas l’air d’y voir clair, ma chérie, alors pardonne-moi si cela doit te blesser mais je vais faire le ménage pour toi, je vais secouer les tapis et nettoyer les vitres, puisqu’enfin, enfin je m’y autorise. Ta sœur est un parasite. Elle nous suce le sang depuis des années. Je l’ai accepté au départ : voilà ma part de responsabilité. Ma part de culpabilité aussi, mais c’est une autre histoire. Ouvre les yeux ! Elle a profité de ta générosité. Abusé, devrais-je dire. Elle connaît ta faiblesse à son égard et la mienne à ton endroit. J’ai laissé faire. J’ai laissé braire. Longtemps. Mais il y a des limites à l’abnégation, Céleste. Ou plutôt, à la folie. Ne me demande plus d’héberger la femme qui a envoyé Milo sur un lit d’hôpital. Ne me demande plus de l’entretenir, ni même de l’aider en aucune manière : cela m’est physiquement, intellectuellement, moralement impossible. D’ailleurs, tu sais quoi ? Lorsque je rentrerai ce soir, je veux qu’elle ait vidé les lieux. Dégagée, l’éternelle sangsue. Je récupère mon bien, je récupère mon espace, je ne veux plus l’entendre ni la voir, et s’il te plaît, Céleste, stop ! Réfléchis bien avant de répondre ! Si toutefois tu t’apprêtes à prendre sa défense, si tu t’apprêtes à négocier un délai de grâce, sache par avance que je serai incapable de l’entendre. Si tu as une hésitation, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, pense à notre fils, pense à ce que tu as vu hier encore dans ses yeux. Il est terrifié. Tout est devenu si compliqué. Tout est devenu si douloureux. Presque inaccessible. Incompréhensible. Ton fils, merde. Ton fils de douze ans, handicapé ! Par sa faute à elle !
Céleste pleurait en silence en serrant le volant. Sur quoi, sur qui ? Sur notre vie disloquée ? Sur nos rêves effondrés ?
— Calme-toi, Lino, s’est interposée Jeanne. Est-ce que tu te rends compte au moins que tu hurles ? Je ne dis pas que tu as tort, mais tu peux t’exprimer autrement, on est civilisés.
Ah, ça vous surprend, l’une comme l’autre, hein ? Je ne vous ai pas habituées à étaler mes états d’âme. Jusqu’ici, j’ai gardé pour moi mes douleurs et mes frustrations, il faut dire que ça arrangeait tout le monde, peut-être même moi, un temps. Lino le mutique. Celui qui avale les crapauds sans ciller, supporte les effets secondaires de son mariage et encaisse l’enfant mort sans jamais présenter la facture.
Mais la digue vient de céder. Mon gosse, mon petit gars se débat dans un long tunnel noir dont on ignore encore sur quoi il débouche : je ne peux plus me calmer. Je ne suis pas un type bien, je ne suis pas un saint et je tiens désormais à ce qu’on le sache. La vérité, c’est que tout en moi réclame justice. La vérité, c’est que j’aimerais voir Marguerite souffrir autant que Milo. Peut-être même que j’aimerais la voir morte. Qu’elle ait un accident stupide, tiens, voilà ce qui me calmerait.
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C’était peine perdue, ma fille : mon cœur s’est rétracté depuis bien trop longtemps. Il n’y a plus de place que pour toi et pour Milo. Les hommes m’ont piétinée, ils m’ont pissé dessus.
Je sais, ça ne se voit pas. Pour tous ceux que je croise, pour ma propre famille, je suis forte, cuirassée, invincible.
Mais la vérité : je ne suis rien de tout cela, Céleste. Je ne suis qu’une mise en scène, chaque jour retravaillée. Je déguise mes plaies comme un artiste masque ses cicatrices. Je maquille ma réalité et mon chagrin et parfois, je l’avoue, je me prends à mon propre jeu. L’espace de quelques heures, de quelques mois, j’oublie qui je suis : une femme à moitié morte. Ne me regarde pas avec ces yeux effarés, mon ange, depuis tes douze ans tu t’es employée à recoudre les déchirures, à rassembler les morceaux épars. Ne sais-tu pas, au fond, que je suis brisée ? Ne sais-tu pas depuis toujours que ta sœur n’est pas tout à fait ta sœur ?
Un homme marié, sur un chantier : la belle histoire.
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Ainsi ce soir où nous étions tous réunis et où j’ai annoncé que le doyen de l’université m’avait choisie pour l’assister sur un projet confidentiel, une découverte qui allait révolutionner l’étude des civilisations gréco-romaines. Tu étais épatée. Lino n’a pas relevé, quant à Jeanne, ce fut pire :
— Un projet secret sur une découverte dont tu ne peux rien dire, eh bien, quelle information, cela mérite au moins les titres du 20 heures !
Quel record devrais-je battre pour qu’elle soit fière de moi ?
Toi, au contraire, tu observes ma vie au travers d’un prisme invariablement bienveillant. Tu me trouves des qualités que je n’ai pas, tu m’attribues des victoires usurpées sans te poser la moindre question, tu ne vois ni les ombres ni les illusions, et moi qui t’aime tant, j’échoue à être honnête, je cultive le mirage, je te sacrifie à ma quête insensée : obtenir le même regard de notre mère.
Tu sais quoi, Céleste ? Tout ce que j’ai à perdre, c’est Milo et toi. Je n’ai rien d’autre. Ma vie est à l’image de cette chambre que m’a réservée maman dans cette maison, dès mon premier été : étroite, sombre, avec une minuscule lucarne placée si haut que la lumière semble appartenir à un autre monde. Et surtout, située à l’opposé des vôtres.
Maman avait justifié sa décision : pour un bébé, c’était mieux d’être au calme. Vingt-huit ans plus tard, elle ne m’a toujours pas proposé de changer. Lorsque Milo est né, elle aurait pu suggérer qu’on l’y installe. Au contraire, elle a fait aménager le grenier en suite parentale, vous l’a offerte, et a donné ta chambre à son petit-fils.
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— Je n’ai pas pensé que cela pourrait être un poids, Céleste, à vrai dire je n’ai pas réfléchi, j’ai seulement eu peur de la réaction de maman si je t’avouais la vérité, tu sais combien elle peut être dure avec moi, n’est-ce pas ? C’est allé si vite, elle m’a interrogée, c’est sorti comme ça, sur l’instant… Ensuite… je n’ai plus su comment te le dire.

Si seulement tu savais, ma chère Céleste, à quel point cette phrase résume mon existence. Je n’ai jamais su dire les choses au bon moment. Que ce soit avec toi, avec Jeanne, avec Lino. Je vis en perpétuel décalage. Je parle trop tôt ou trop tard, et surtout trop vite. J’agis par instinct de conservation, je pare au plus pressé, j’échafaude une justification dès que je me sens en difficulté, je pique dès qu’on me touche pour constater ensuite les blessures que j’inflige : je suis un misérable scorpion.
Elle a secoué la tête en soupirant, ce n’était pas de la commisération, plutôt un mélange d’abattement et de déception.

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Je fais avec. J’encaisse. Je suis poli. Je joue le jeu. J’ai l’intérieur rongé à force d’avaler les couleuvres, mais qui le sait ? Depuis bientôt vingt ans je me suis appliqué à remplir mon rôle de compagnon, puis d’époux protecteur et compréhensif. Puisque ma femme est incapable de se dissocier de sa mère, j’ai pris le tout – et c’est sans compter Marguerite. Combien de temps au cours de son existence un homme peut-il cumuler les compromis et supporter les offenses, aussi adroitement déguisées soient-elles ? Combien de temps avant que la digue ne rompe ?
Colère froide, glacée contre l’homme soumis. La voilà, la vérité, je n’ai pas été foutu de tirer les leçons du passé. J’ai pensé que l’amour méritait que l’on s’accommode de tout. Céleste m’a désarmé avec mon consentement, c’était facile, je l’aime tant – et puis elle était elle-même si candide, incapable d’évaluer la capacité de nuisance de sa mère, incapable de discerner ses stratégies, fusionnelle et fusionnée.
J’aurais dû me souvenir qu’on ne gagne rien à baisser la tête, jamais. Fuir ou affronter, mais ne pas se coucher à terre. J’ai laissé Jeanne prendre la main, elle l’a gardée jusqu’au bout, jusqu’à ce jour, maudite maison, maudite donation, maudite chute.
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Mais moi, aurais-je dû t'aimer simplement parce que tu sortais de mon ventre ? Aurais-je dû t'aimer envers et contre tout, contre la trahison, l'abandon, le mensonge ? Contre le désespoir ? Est-ce que je ne méritais pas moi aussi qu'on me protège, qu'on me défende, qu'on me soutienne ? Qui peut fabriquer des sentiments à partir du néant ?
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Ce n'est pas la manière dont les choses arrivent qui compte, c'est la raison pour laquelle elles se produisent.
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Les cœurs tendres lâchent-ils plus facilement que les autres ?
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« Je suis un monstre, un bourreau.
Jacques m’a pardonné, mais Céleste et Marguerite ?
Où se trouve Marguerite ?
Je suis l’infanticide. «
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« Ne crois pas cela. Les choses changent, ils changent. Tous. Attention, Marguerite : tu as voulu sortit du mensonge, mais nous sommes en train d’y replonger, et cette fois c’est à trois, tu nous entraine avec toi.
-Laisse-moi du temps, je t’en prie. »
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