Valérie Zenatti

Il me semblait que je lui avais pris toutes ses forces en venant au monde. Elle a un visage fatigué, ma mère. Beau et fatigué. Mais c'est peut-être parce que la vie est dure ici. Parce qu'on ne sait rien, même si on est un adulte. On ne sait pas si on va pouvoir aller travailler, manger à l'heure où on a l'habitude de manger, dormir sans entendre une explosion ou un hélicoptère mugir au-dessus de la tête. On ne sait pas si l'électricité va être coupée, si les routes vont être fermées, si on pourra aller au mariage de la cousine Loubna, à Rafah. (Ce n'est pas loin, Rafah. Quinze, vingt kilomètres, ils y arrivent très bien: ils sont les maîtres du Temps.) On ne sait même pas si on sera vivants, demain.

Ouri a dit que j'étais une vraie gamine. Que les films qui finissent bien, c'est bon pour les petits en primaire, les vieilles mamies gâteuses et les naïfs incurables. Je lui ai répondu que les histoires, dans la vie, finissaient souvent mal, surtout dans notre région, et qu'il fallait que le cinéma nous donne la possibilité d'espérer un peu, et même plus, de croire que les jolies fins sont possibles.

On te montre un ciel noir et toi tu dis : "Oh, qu'il est joli, ce ciel rose !" On te montre un champ de ronces, toi tu fouilles pour chercher une fleur. "Oh ! Regardez, une petite fleur ! C'est un signe d'espoir, ça !" Je suis sûr que, même dans un film japonais sous-titré en coréen, tu serais capable de reconnaître le mot "espoir".

Mon grand frère Eytan, qui est infirmier militaire, est aussitôt sorti avec sa trousse de secours. Papa a hésité un instant, puis il l'a suivi. Maman m'a serrée dans ses bras en pleurant et a fait comme d'habitude quatre choses à la fois : elle a allumé la télé, la radio, Internet, et s'est jetée sur son téléphone portable. C'est ce que j'appelle une réaction hautement technologique.

Ce récit raconte l'histoire de Tal,17ans et Naim20ans pendant la guerre israélo palestinienne en 2003.Tal donne a son frère un message dans une bouteille et lui demande de la jeter dans la mer de gaza en espérant que quelqu'un lui réponde. J'ai aimé le suspense quand l'un des deux correspondants ne recevait plus de nouvelles de l'autre et qu'il y a plusieurs narrateurs. C'est un livre que je conseille a tout le monde.

Le temps est notre préoccupation principale,de la naissance à la mort.Mais la plupart des gens n'en ont pas conscience.Sauf dans un taxi.Là le temps s'incarne en chiffres rouges,en somme d'argent qu'il faudra payer,et plus le temps passe,plus il devient précieux.Vous avancer en age,vous tenez aux années de plus en plus , et elles ne font que rétrécir

Emmanuel déchiffre le litre.Le Prisonnier.Elle se demande de quoi est prisonnier le héros du livre , ou de qui,et s'il parvient à se libérer en fin de compte , ou s'il est condamané à perpétuité ,ou à mort

Voilà,je passe mon temps à regarder autour de moi ,à laisser entrer et sortir des images,des histoires,elles me traversent,me touchent un instant et disparaissent.C'est comme si je n'avais plus de consistance,incapable de fixer quoi que ce soit.

Il y'a beaucoup de silence entre nos phrases et ça ne nous dérange pas,on regarde le monde devant nos yeux,dans une communion fraternelle.

C'était donc ça la vie:un regard écrasé par l'obscurité et traversé par la lumière;le sentiment d'etre relié à ce qu'on ne peut pas toucher mais que l'on voit,que l'on ressent.

L'appareil photo est une protection extraordinaire.Tout votre etre se condense en lui avant de se dilater dans la lumière,d'épouser les contours de ce que saisit l'objectif.C'est un détachement , un bond à l'extérieur de soi.On s'oublie tout en existant intensément.

Tout me semblait nimbé d'une lumière chaude et dorée,constituée de son odeur.C'est étrange de meler la lumière et l'odeur , mais c'est ainsi.Pour moi,les deux sont associés

Ces"cinq minutes"n'avaient aucun rapport avec leur durée réelle,avec une tache à terminer avant d'en commencer une autre.Ces cinq minutes disaient surtout:Nin,je n'ai pas envie de faire ce que tu me demandes,d'etre auprès de toi,avec toi.Laisse moi ma solitude,ma liberté.
Juste cinq minute

C'est comme ça.Le courrier administratif m'épuise,tout ce qui ne m'intéresse pas me semble au dessus de mes forces.Pour le reste,j'ai énormément d'énergie.

un jour tu m'as dis qu'il fallait tout répéter avec moi. C'était vraie.
Alors toi et moi on va répéter le miracle de la bouteille. je l'emporte avec moi. Et je te donne rendez-vous dans trois ans, le 13 septembre 2007, a midi devant la fontaine de trevise.

J'aimerai bien avoir le caractère d'une molécule de codéine, pense-t-elle. La vie serait tellement plus facile. Abêttre les tache l'une après l'autre. Dire oui lorsqu'elle le peut, lorsqu'elle le veut. Dire non dans les autres cas. Et s'y tenir.

Elle se sent menacée, comme si l'auteur du texto pouvait la retrouver et lui reprocher de ne pas avoir répondu. On l'a privée de sa tranquille liberté. Elle regarde sa montre. 11 heures. Il lui reste un peu plus de cinq heures avant de récupérer Tim et Sarah et de rejoindre Gary pour la cérémonie. Voilà, elle avait pensé : je m'offre une journée libre, mais il s'agissait en réalité de quelques heures, la récréation est bientôt finie.

Emmanuelle vient de mentir à son entreprise en leur téléphonant qu'elle doit rester chez elle garder son enfant malade.
"Elle se tient au bord de la journée dont elle va prendre possesion comme à la lisière d'un pays où tout lui serait accessible. Par où commencer ?
La terre s'est ouverte sous elle, dévoilant les chemins qui lui manquent cruellement, depuis qu'elle a cru qu'il était sage de renoncer aux rêves.
Elle voudrait saisir les pans du mot qui s'étale autour d'elle, invisible et immense : liberté ! "