Citations de Viktor E. Frankl (201)
... la conscience morale ne fait pas que renvoyer à la transcendance, elle y a sa source : c'est pourquoi elle est ontologiquement irréductible. Aux problèmes que pose la conscience morale quant à son origine première, aucune psychologie, aucune psychogenèse n'apporte de solution, seule le peut une ontologie.
La conscience morale n'est que le côté immanent d'un tout transcendant, qui en tant que tel domine le plan de l'immanence psychologique et précisément le transcende. C'est pourquoi aussi on ne peut jamais, sans qu'il lui soit fait violence, en faire une projection du domaine spirituel sur le plan inférieur du psychique, comme le tentent vainement toutes les "explications" entachées de psychologisme.
La conscience morale, dont, on se le rappelle, nous avions fait d'emblée l'illustration de l'inconscient spirituel, devient une sorte de position clé, d'où se révèle l'essentielle transcendance de l'inconscient spirituel.
... à travers la conscience morale de la personne humaine, c'est une instance extra-humaine qui se fait entendre (per-sonat). [...] ... cette instance extra-humaine doit, de son côté, être nécessairement de nature personnelle.
Toute liberté est liberté à l'égard de quelque chose et en vue de quelque chose. A l'égard de quoi l'homme peut-il être libre, sinon de ses pulsions ? Son moi est libre à l'égard du ça. En vue de quoi est-il libre, sinon de l'existence responsable ? La liberté de la volonté humaine est donc liberté "envers" les pulsions "pour" une existence personnelle, "pour" la conscience morale.
... nous savons à présent pour quelle raison profonde, essentiellement nécessaire, il y a non seulement une libido inconsciente ou refoulée, mais aussi une religion inconsciente ou refoulée. Cependant qu'il faille ranger la première dans l'inconscient instinctif, tandis que la seconde appartient par essence à l'inconscient spirituel, cela ne fait aucun doute après notre discussion du début, et c'est un important jalon dans la poursuite de nos recherches.
Mis en présence des réalités, empiriquement constatées, de l'inconscient spirituel, nous sommes bien plutôt résolus à nous laisser guider, après comme avant, par la grande vertu de la psychanalyse : l'objectivité. Mais nous demandons une telle objectivité non seulement au patient à analyser : nous la demandons aussi à l'analyste ; nous exigeons non seulement de l'objet à étudier une honnêteté sans réserve (par exemple pour tout ce qui peut lui venir à l'esprit) : nous exigeons aussi de celui qui fait cette étude un esprit absolument non prévenu, grâce auquel, mis en présence du fait de la spiritualité inconsciente, il ne refuse pas de le voir.
L'accomplissement d'un acte dépend si peu de sa connaissance réfléchie, de sa compréhension intellectuelle !
Quelles difficultés le chercheur rencontre (ne serait-ce qu'après coup) quand il veut poursuivre jusqu'à ce fond inconscient le processus essentiellement puisque nécessairement impénétrable d'actes spirituels ! Un fait, insignifiant en apparence, en témoigne. Toujours et partout l'on a fait et l'on fait des mots d'esprit, toujours et partout on en a ri et on en rit ; pourtant, on n'a pas encore trouvé jusqu'à présent, une explication scientifique absolument satisfaisante du phénomène "mot d'esprit" ou du phénomène "rire", et pourtant l'acte s'accomplit. L'accomplissement d'un acte dépend si peu de sa connaissance réfléchie, de sa compréhension intellectuelle !
Aujourd'hui nous n'en sommes plus du tout à nous cramponner à ce point de vue ; que ce qui importe à tout prix en psychothérapie c'est de ramener quelque chose à la conscience ; car ce n'est que passagèrement que le psychothérapeute doit rendre quelque chose conscient. S'il doit rendre conscient l'inconscient (sans oublier l'inconscient spirituel), c'est pour le laisser retomber finalement dans l'inconscient ; son rôle est d'actualiser une possibilité inconsciente mais dans le seul but de créer une nouvelle manière d'être, à nouveau inconsciente. Il doit finalement restituer aux possibilités de s'accomplir qui restent inconscientes en chacun leur caractère de spontanéité.
Le même schéma de réaction instinctive qui conserve, ou sauve par exemple, la vie de la majorité des fourmis, de toute la cité des fourmis, peut à l'occasion faire périr la fourmi prise isolément. Du point de vue de la pulsion, c'est la rançon qu'il faut payer ; la pulsion vitale néglige l'individuel.
... si la conscience morale est irrationnelle, c'est que, au moins dans sa réalité immédiate d'accomplissement, elle n'est jamais intégralement rationalisable, elle ne s'ouvre jamais qu'après coup à une rationalisation qui reste toujours secondaire ; toute prétendue étude de la conscience morale n'est également concevable qu'après coup - c'est que les décrets de la conscience morale sont au bout du compte insondables.
En fait, sans aucun doute ce que l'on nomme "conscience morale" descend à une profondeur inconsciente, a ses racines dans un fond inconscient : précisément les grandes, les vraies décisions, dans la vie humaine, celles qui sont existentiellement authentiques - se produisent toujours d'une façon absolument non réflexive, et, dans cette mesure, inconsciente aussi. A son origine la conscience morale plonge dans l'inconscient.
... le spirituel non seulement peut être inconscient, mais même, au pont ultime comme à l'origine, doit être inconscient.
En conséquence de tout cela nous devons dire : que la personne, ce centre de notre être, a une "profondeur" inconsciente, l'esprit en sa source première est esprit inconscient.
L'existence authentique, c'est donc l'existence non réfléchie puisque non réflexible ; et donc c'est pourquoi elle est aussi en fin de compte impossible à analyser; De fait, nous servant de l'expression "analyse existentielle", nous ne voulons jamais dire - est-il besoin de l'ajouter ? - analyse de l'existence, mais, la définition en a déjà été donnée, "analyse orientée vers l'existence". L'existence elle-même demeure inanalysable, irréductible, un "phénomène premier".
Aussi longtemps que l'on parle seulement de corps et d'âme, on ne peut encore parler de totalité.
Ne s'agit-il pas constamment dans la psychothérapie de faire toujours à nouveau appel à l'existence spirituelle, précisément au sens d'une libre responsabilité qu'elle représente à nos yeux, et de la jouer comme un atout contre la dépendance, qui n'est si fatale qu'en apparence, où elle se trouverait en vis-à-vis de la facticité psychophysique ?
... la véritable authenticité humaine est spirituelle, et il est à présent évident que la distinction entre conscient et inconscient représente un critère non seulement relatif mais totalement inauthentique pour parler de l'être humain
[L'analyse existentielle] oppose une autre conception à celle de la psychanalyse : à la place de l'automatisme d'un appareil mental, elle voit l'autonomie de l'existence spirituelle.