![]() |
Papillon blanc de Walter Mosley
[...] Que savait-elle de notre façon de parler ? Je l'entendais toujours corriger les enfants : « On ne dit pas : "Ja vu ", déclarait-elle. Il faut dire : "J'ai vu ". » Et elle avait raison, bien sûr. La seule chose, c'est qu'en entendant parler cette Blanche comme il faut les petits Noirs ne pourraient jamais reconnaître leur propre cadence dans ses mots à elle. Et ils en arriveraient à croire que pour faire partie du monde éduqué auquel elle appartenait, il leur faudrait abandonner leur propre façon de parler et leurs histoires. Il leur faudrait renoncer à Fats Waller au profit de Mozart et à l'oncle Remus au profit de Puck le lutin. Il leur faudrait entrer dans un monde où seuls les Blancs avaient la parole. Et peu importe l'éloquence de Dickens et de Voltaire, ces enfants ne pourraient pas avoir accès à leurs propres exemples dans la maison du savoir : la bibliothèque. J'avais déjà discuté de ces questions avec Stella. Elle était loin d'y être insensible, mais quand on lui expliquait qu'un type qui racontait des histoires paillardes à un coin de rue était l'équivalent d'un Chaucer, elle fronçait le nez et secouait la tête. Elle ne manquait jamais de respect, cependant. Ils choisissent souvent les Blancs les plus gentils pour coloniser la communauté noire. Mais en dépit de toute sa gentillesse, Mrs Keaton reflétait un point de vue qui était étranger aux gens de notre communauté. + Lire la suite |