Citations de Walter Tevis (181)
Il le regarda quelques instants puis tendit la main d'un geste colérique et coucha son roi. Ni l'un ni l'autre ne prononça un mot. C'était sa première victoire. Toute la tension avait disparu, et ce que Beth éprouvait maintenant à l'intérieur d'elle-même était plus magnifique que ce qu'elle avait jamais pu éprouver de toute sa vie. (p. 28)
Il se sentait comme un homme entouré d'animaux relativement aimables, un peu gauches et moyennement intelligents, qui découvre peu à peu que leurs concepts et leurs relations sont beaucoup plus complexes que son éducation ne pouvait lui permettre de le supposer. Un tel homme peut finir par découvrir que, selon qu'il emploie telle ou telle des nombreuses formes de jugement et d'évaluation qui sont l'apanage d'une intelligence supérieure, les animaux qui l'entourent, qui souillent leurs propres tanières et mangent leurs propres excréments, pouvaient bien être plus heureux et plus sages que lui. (p. 139)
Toutefois, une idée le hanta pendant quelques minutes, l'idée de posséder un logement avec Sarah, laquelle aurait accompli toutes les tâches ménagères qui sont censées occuper les femmes. Lui, il aurait lu le journal, il aurait acheté une nouvelle automobile chaque année, et ils auraient eu des enfants, ainsi qu'un jardin.
Ses mains transpiraient d'envie de se saisir d'une queue.
Je croyais en moi. Ce que j'ignorais, c'est que quelqu'un d'autre croyait aussi en moi.
- Je n'arrivais pas à dormir la nuit dernière et j'ai fini par me lever pour explorer un peu. (Elle rit.) Simon me disait toujours : "N'oublie jamais d'explorer ton environnement, ma chérie". Je me suis donc promenée dans les couloirs comme Lady Macbeth ouvrant les portes. La plupart des pièces étaient vides.
-Qu'est-ce que c'est Lady Macbeth ? demandai-je pour essayer de faire la conversation.
- Une personne qui se balade en pyjama, répondit-elle.
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Newton commençait à être exaspéré. Le sentiment qu'il avait d'être un humain intelligent assiégé par des singes curieux et prétentieux s'était beaucoup intensifié ces dernières semaines.
Il partageait avec les humains une ascendance lointaine, plus étroite que la banale parenté des familles de mammifères ou des animaux à fourrure en général. Il avait en commun avec eux un langage articulé, une capacité de raisonnement moyenne, des facultés d'intuition, de prédiction, des émotions approximativement nommées amour, pitié, respect. Et, comme il venait de le découvrir, une capacité à se saouler.
Ce sont tous ces livres, même les plus ennuyeux et les plus hermétiques, qui m’ont aidé à comprendre ce que cela signifiait d’être un être humain.
Paris était un peu comme New York, en plus civilisé. Les rues étaient propres, les vitrines lumineuses; il y avait de vrais cafés avec terrasses, remplis de gens qui avaient l'air heureux et qui parlaient français.
Puis, au coup suivant, elle avança encore son pion. Au coup d'après, il se changerait en dame. Il le regarda quelques instants puis tendit la main d'un geste colérique et coucha son roi
Ils en étaient encore à jouer de vieux coups usés, et le seul avantage que les blancs avaient était l’avantage que les blancs ont toujours : celui du premier coup. Quelqu’un avait dit que quand les ordinateurs sauraient vraiment jouer aux échecs et qu’ils joueraient les uns contre les autres, les blancs gagneraient à chaque fois du fait de ce premier coup.
Un après-midi, alors qu’ils avaient passé trois ou quatre heures à étudier les stratégies de fin de partie, elle dit d’un ton las :
- Ça t’arrive, parfois, de t’ennuyer ?
Il la regarda d’un air impassible et répondit :
- Existe-t-il autre chose ?
La plupart des gens sont trop paresseux, dit-il. Ils ne cherchent qu'à s'amuser.
... je me sens libre et fort. Je sais que je ne me sentirais pas ainsi si je n'avais pas lu de livres. Quoi qu'il puisse m'arriver, je remercie le ciel de savoir lire, d'avoir pu entrer en réel contact avec l'esprit d'autres hommes.
Je voudrais être assis à écrire ces mots plutôt que de les dicter dans un magnétophone. Car c'est sans doute l'écriture autant que la lecture qui m'a aidé à prendre si fortement conscience de ce que je suis devenu.
Pour certains, les échecs sont un passe-temps ; pour d'autres, ils sont une compulsion, et parfois même une drogue. Et, de temps à autre, apparaît une personne pour qui ils sont un droit de naissance. De temps à autre, un jeune garçon émerge et nous éblouit par sa précocité dans ce qui est peut-être le jeu le plus complexe du monde. Et si ce garçon était une fille ? Une jeune fille au visage fermé, aux yeux marron, aux cheveux bruns, vêtue d'une robe bleu sombre?
Cela ne sétait jamais produit, mais cela vient de se produire.
"Pourquoi ne nous parlons-nous pas ? Pourquoi ne nous blottissons-nous pas les uns contre les autres pour nous protéger du vent glacial qui balaye les rues désertes ? Autrefois, il y a très longtemps, il existait des téléphones privés à New York. Les gens se parlaient alors, peut-être à distance, de façon étrange, avec des voix rendues ténues et artificielles par l'électronique, mais ils se parlaient. Des prix des produits alimentaires, des élections présidentielles, du comportement sexuel de leurs enfants, de leur peur de la météo et de leur peur de la mort. Et ils lisaient, ils écoutaient les voix des vivants et des morts leur parler dans un silence plein d'éloquence, connectés à cette rumeur du discours humain qui devait s'enfler dans leur esprit pour dire : Je suis humain. Je parle. J'écoute. Je lis."
Eddie enchaînait les cigarettes, et il voyait naître en lui une excitation qu'il avait goûté de nombreuses fois auparavant, mais jamais aussi intensément: une sorte de lucidité électrique, de concentration délicate et alerte. Une forme d'angoisse le rongeait également. Mêlée à de l'impatience. Ils se sentait bien. Nerveux certes, avec l'estomac noué. Mais rayonnant.
Sur la page de garde, il y a une note qui commence ainsi : " C'est avec ce roman, le cinquième de la série, que Random House met fin aux activités de son département d'édition. La suppression des programmes de lecture dans les écoles depuis ces vingt dernières années a largement contribué à cet état de choses. C'est avec beaucoup de regrets que... " Et ainsi de suite.
Ton sexe-minute, je l'emmerde. Je sais comment j'ai vécu.
Puis il se tourna vers l'océan, et, dans un souffle,il répéta :
- Je sais comment j'ai vécu.