Entretien avec Yoshitoki Oima à propos de son manga A Silent Voice :
A Silent Voice met en scène Shoko, une fillette malentendante. Pourquoi avoir choisi un personnage principal avec un tel handicap ?
J’ai été sensibilisée à la langue des signes très vite et j’ai toujours eu autour de moi des personnes sourdes ou malentendantes. Ma mère est interprète en langue des signes et c’est à l’époque où je vivais avec elle que j’ai eu l’idée de dessiner ce manga. D’ailleurs, le fait qu’elle pouvait me donner des conseils sur la manière de représenter les échanges muets m’a beaucoup aidé. C’est comme ça qu’est né ce personnage, Shoko.
Le personnage principal de la série est un jeune garçon, Shoya, qui la persécute sans relâche, profitant de son handicap pour la ridiculiser. Quelle a été la genèse du manga ? Aviez-vous un message à faire passer au sujet de l’acceptation de la différence chez les jeunes ?
J’ai voulu décrire le processus de rapprochement entre des personnes qui sont très éloignées à cause d’un manque de communication.
Je n’ai pas de message particulier à dicter aux jeunes mais personnellement, j’aime bien les situations dans lesquelles chacun peut apporter sa part de différence pour créer de la diversité.
Ce qui fait l’originalité de ce manga est qu’il place le lecteur, non pas comme l’on pourrait s’y attendre, dans la peau de la victime, mais dans celle du bourreau. Pourquoi ce choix narratif ?
Je ne devrais pas le dire, mais c’est parce que j’ai pensé que dans ce sens-là, ce serait plus facile pour les lecteurs de rentrer dans la peau du personnage ! Et puis les histoires de victimes de brimades, ce n’est pas ce qui manque en manga, alors que le bourreau harcèleur est lui, au contraire, rarement représenté. Donc, j’ai voulu relever le défi. Et enfin, parce qu’il me semblait intéressant de dessiner l’évolution de sentiments de Shoya ainsi que celle des autres camarades de classe.
Le harcèlement scolaire est-il un mal prégnant au Japon ? Le sujet est-il souvent abordé dans les mangas japonais ?
C’est effectivement, un sujet qu’on aborde souvent surtout dans les histoires qui se déroulent dans un établissement scolaire. Ce problème de harcèlement est donc un thème réel et proche du quotidien des enfants japonais.
L’amitié apparaît comme l’un des sujets centraux de votre saga. Vos personnages tentent tant bien que mal de la définir et réfléchissent sur les frontières de cette dernière : à partir de quand est-on ami ? Doit-on tout pardonner à ses amis ? Quel est votre avis sur la question ?
À partir de quand est-on ami… Ça, c’est une question que j’aimerais beaucoup poser aux lecteurs français !
Et à la question « Doit-on tout pardonner à ses amis ? », je répondrais que non. Mais en même temps, on a tous beaucoup d’occasions de revenir sur une décision prise et de finalement choisir le pardon.
Vous avez vous-même réalisé les illustrations de vos mangas. Comment se déroule le travail d’écriture ? Écrivez-vous le scénario avant de l’illustrer ?
C’est mon cahier de croquis qui sert de boîte à idées. Pour chaque chapitre, dès que j’ai une idée, je la retranscris dans ce cahier sous forme de scènes ou de dialogues. Ensuite, pendant 2 à 3 jours, je travaille le storyboard. Et enfin, je prévois 4 jours afin de finaliser les planches.
Votre ouvrage A Silent Voice est d’abord sorti en one-shot avant d’être décliné en série. Comment s’est passé le travail de découpage ?
Pour le découpage de ma précédente série Mardock Scramble (scénario : Tow Ubukata), j’avais procédé en centrant ma réfléxion autour d’une seule et unique question « pourquoi l’héroïne Balot tient-elle absolument à mourir ? ». Pour A Silent Voice, tome 1, le fait de passer du one-shot à la série a surtout été un exercice qui constituait à incarner un personnage précis à plus long terme. Ce personnage central, c’était bien sûr Shoko.
Yoshitoki Oima et ses lectures :
Quel livre vous a donné envie d`écrire ?
C’est 3x3 Eyes, tome 1 de Yuzo Takada. Le dessin est beau et resplendissant ! J’imitais son dessin quand j’étais enfant, avant même de me rendre compte de mon ambition de devenir mangaka.
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
Paradoxalement, c’est un jeu vidéo : Chrono Trigger.
Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?
« Mauvaise femme! te voilà complète. Je te déteste. », Poil de Carotte, Jules Renard.
Et en ce moment que lisez-vous ?
Ki-Itchi !!, tome 1 (manga) de Hideki Arai et Do Fish Feel Pain? 1st edition by Braithwaite, Victoria (201....
Entretien réalisé par Marie-Delphine
Découvrez
A silent voice de
Yoshitoki Oima aux éditions
Ki-Oon :

C'est quoi d'abord...l'amitié ?
A partir de quel moment les gens considèrent qu'ils sont amis ? Quand ils discutent en tête à tête ? Quand ils prennent des photos ensemble ?
Et eux ? Est-ce qu'ils savent ce que c'est ?
Ne pas pouvoir mourir, quelle malchance... En général, les hommes réfléchissent à ce qu'ils vont faire de leur vie... Mais quel sens lui donner si elle ne se termine jamais ?
(...) chaque jour était une nouvelle bataille dans ma guerre contre la morosité...
Laisse tomber ton carnet...on ne peut pas transmettre ses sentiments par écrit ! Je vais parler lentement...et j'essaierai de te comprendre.
Yuzuru: Tu te sens coupable et ça te pousse à te dépasser?! Tu te crois responsable? Investi d'une mission?! Tu me fais pitié!!
Shoya: Peut-être... mais si je n'avais pas rencontré Shoko, si elle ne m'avait pas aidé à ressentir tout ça, j'aurais renoncé à la vie! ça peut te paraître débile, mais tant que je serai là, je ferai tout pour elle! Tout!
Shoya *C'était mon pupitre... Que Shoko nettoyait ce jour-là... Après ça... Tous les matins... J'ai trouvé mon bureau couvert d'inscriptions à la craie... Des horreurs que Shoko... Avait eu la gentillesse d'effacer avant que je ne les voie...*
Une petite minute... Est-ce que je m'amuse ? Après tout, c'est normal. On est dans un parc d'attractions ! C'est une drôle de sensation... Pour un peu, j'aurais presque l'impression d'avoir, comment dire... des amis !
Tous les gamins de mon âge mettent du sel sur les limaces, courent après les pigeons, coupent la route aux fourmis, et dessinent des sourcils aux chats !
Poursuivre Shoko avec un jet d'eau, la faire trébucher, gribouiller dans son cahier, c'est pareil !
Quelqu'un a dû lui parler... De ce qui s'est passé... De ce que j'ai fait !
- C'est vraiment cruel... C'est horrible de s'en prendre à une personne handicapée... Ou à qui que ce soit d'ailleurs! Quels abrutis...
Je sais!
- C'était qui le meneur?
C'était moi! J'étais un petit imbécile...
- Qu'est-ce qu'il est devenu?
Je suis juste devant toi...
- Si je l'avais en face de moi, je lui démonterais la tête!
Je suis là!
- Pas toi?
Si...
Au commencement...
Il était une sphère...
Mais pas une sphère ordinaire...
Puisqu'il pouvait reproduire n'importe qu'elle forme et se métamorphoser...